mardi 26 novembre 2013

Un tag de Syl



Un award décerné par Syl ça ne se refuse pas. Onze questions, onze réponses, rien de plus. Allez zou, c’est parti :

1. Ta plus grande réussite ?
J’espère qu’elle est à venir mais j’en doute de plus en plus. Sinon bien sûr je ne suis pas peu fier des mes trois pépètes.

2. Ton livre préféré :
Définitivement « Les contes de la folie ordinaire » de Bukowski. Le livre fondateur de ma vie de lecteur.

3. Le pays qui t’a marqué ?
J’ai adoré découvrir Chypre. Les mosaïques antiques, le rocher d’Aphrodite à Paphos, la mont Troodos, les églises byzantines, etc. Et puis la gentillesse des chypriotes m’a beaucoup marqué.  

4. Ton rêve le plus fou ?
Alors là, c’est une question que je ne me suis jamais posé. Disons qu’à titre purement personnel, si je vieillis sans être embêté par des problèmes de santé  (ce qui est totalement illusoire) je serais le plus heureux des hommes. C’est léger comme rêve mais ça me va bien.

5. Raconte-nous la naissance de ton blog.
Le blog est né d’un constat : à force de lire et de ne trouver personne à qui parler de ces lectures dans mon entourage je me suis dit qu’il fallait élargir mon horizon. Et quoi de mieux qu'un blog ?

6. La personnalité que tu aimerais être :
Personne, absolument personne ne me fait rêver. Bon en fait si, il y a une femme pour laquelle j’ai toujours eu une admiration sans bornes : Louise Michel. Son parcours, sa vie, son engagement, ses convictions, tout me parle chez cette femme.

7. Le don que tu aimerais posséder :
Aucune idée. Il faudrait que ce soit quelque chose de totalement inutile parce que je n’ai pas envie d’un don qui me ferait jouer les héros (je suis bien trop timide pour ça^^). 

8. Quel est le plus gros défaut de la personne qui partage ta vie ?
Ouh là, elle en a une tripotée, comme tout le monde. Bon c’est une femme et son plus gros défaut, assez féminin je trouve, est l’impatience. Pour moi qui suis plutôt « no stress, prenons tout à la légère », c’est parfois difficile à supporter (mais elle pourrait dire la même chose, mon coté dilettante l’exaspère grandement).

9. Light ou pas light ? Bio ou pas bio ?
Je ne me pose pas là question, il faut juste que ce que je mange ait du goût. Et puis le light et le bio le sont-il toujours réellement ?

10. La it-pièce de ton armoire ?
Euh, comment dire… je ne fais absolument pas attention à ce qui se trouve dans mon armoire. Du moment que j’ai un jean, une chemise ou un pull à enfiler, c’est le principal. Il y a juste un bonnet noir qui me donnait bien chaud aux oreilles et que j’aimais beaucoup mais il me faisait ressembler à un schtroumpf. Ma femme l’a mis à la poubelle sans me demander mon avis et depuis je n’ai plus de bonnet. Bon j’ai vu à la sortie du collège de ma fille que le bonnet à pompon était la grande mode du moment, je sens que je ne vais pas tarder à investir.  

11. Combien de temps passes-tu devant ton écran ?
C’est variable mais en gros une petite heure le matin si je me lève avant tout le monde, une grosse heure le midi pendant ma pause et puis une autre heure le soir. Pour le boulot c’est presque toute la journée.





lundi 25 novembre 2013

Méduses - Valentine Goby

« L'appareil photo autour du cou, je les regarde errer derrière la cataracte qui voile leurs cerveaux. Douze ans, parfois moins, ils ont l'œil vitreux des vieux, ils ont vécu, c'est-à-dire assez souffert, ne veulent plus voir ni être vus. Autour de leurs bouches les sacs plastiques gonflent, rond, laiteux dans la lumière des phares, les halos des lampadaires, puis se rétractent, vides, réduits à une peau qu'un coup d'ongle suffirait à percer comme les mauvais préservatifs qu'on leur glisse dans la main, une fois la pochette déchirée d'un coup de dents et recrachée par terre, pour qu'ils la déroulent sur le sexe en érection d'un homme dont ils ont déjà oublié le visage, passant, chauffeur de taxi, client d'un hôtel, d'ici ou d'ailleurs un sexe en latex couleur blanc d'œuf, et eux ce plastique blanc d'œuf collé au visage. »

Manille. Les enfants des rues. La colle comme seule échappatoire. Les sacs dans lesquels ils respirent les vapeurs de benzène et d’acétone ressemblent à une méduse collée à leurs lèvres. « Et quand l’effet s’estompe, leur cerveau se disloque et leur corps se déchire, à l’intérieur, poumons, estomac, bronches, muscles, réseaux de nerfs à vif lentement sciés par le poison. » Ils ne leur reste que peu de temps mais en attendant « ils vivent, et n’imaginez pas que le mot sonne faux, monstrueux, car ils vivent, dans cette petite mort leur cœur bat fort, ils ne se jettent pas sous les roues des voitures, ne se laissent pas couler dans l’eau noire du port, ne sautent pas des remparts de la vieille ville pour s’écraser quinze mètres plus bas [...] Ils effacent le monde, ils sont plus forts que lui ; le sac de colle bouffe le réel, le réel c’est quand ils veulent. Ils décident. Ils sont vivants. »

En à peine 40 pages Valentine Goby déroule quelques instantanés saisissants. Autant de photographies qui vous sautent à la gorge. Toujours sans misérabilisme, sans pathos malvenu. Les enfants de Manille prennent forme et vous serrent les tripes. L’image de la fillette de huit ans jouant avec une poupée le nez collé à son sac va me poursuivre longtemps. Peut-être parce que j’ai moi-même une fille de huit ans à la maison mais ça va au-delà de mes petites considérations personnelles. Parce l’auteure de Kinderzimmer a su mettre en mots l’innommable et que c’est une fois encore un petit miracle d’écriture.



Méduses de Valentine Goby (dessins de FX Goby). Éditions Jérôme Million, 2010. 40 pages. 7,10 euros.


samedi 23 novembre 2013

Vanilla Ride - Joe R. Lansdale

Envie de faire une pause dans la rentrée littéraire et de replonger dans la littérature américaine bien grasse que j’aime tant. Celle qui ne prend pas de gant, qui met en scène quelques rednecks incontrôlables et bien barrés jurant comme des charretiers. Toujours drôle, vulgaire, sans fioriture et dans une forme d’outrance qui, si on l’accepte, est jubilatoire.

Je vous le concède, cette couverture est digne d’un SAS. Mais Joe R. Lansdale ne boxe pas du tout dans la même catégorie que feu Gérard de Villiers et c’est tant mieux. Et puis cette édition grand format est aujourd’hui épuisée et le roman a été réédité en Folio avec une couverture un poil moins « aguichante » (quoique).

Bon je suis un fan absolu de Leonard et Hap, l’irrésistible duo de Joe R. Lansdale mais je ne vais pas vous la faire à l’envers et je vais reconnaître que ce roman est le moins convaincant de la série. Le scénario tient sur un post-it et les deux loustics ne m’ont pas semblé aussi pétaradants que d’habitude. Alors si vous voulez découvrir la verve de Lansdale, je vous conseille de commencer avec "L’arbre à bouteilles" et "Le mambo des deux ours". Vous y découvrirez deux drôles de zigotos vivant au fin fond de l’East Texas. Hap le blanc hétéro qui joue à chaque fois le rôle du narrateur et Léonard, son meilleur pote, noir et homosexuel dans une région du sud profond où les mentalités n’ont guère évolué depuis la guerre de sécession. Ces deux-là ont le chic pour s’embarquer dans des galères pas possible dont ils se sortent à chaque fois miraculeusement. Ce sont  aussi de sacrés bagarreurs qui n’hésitent pas à utiliser des armes à feu quand le besoin s’en fait sentir.

Ici, ils vont faire face à la Dixie Mafia, une organisation criminelle raciste qui gère d’une main de fer un juteux trafic de drogue. Grosses bastons, crânes explosés à coup de fusil et blagues potaches rythment le récit. Une mécanique bien huilée où les dialogues sont toujours aussi savoureux. Pourtant, il manque un petit quelque chose, j’ai ressenti une légère impression de déjà-vu, de ronronnement dont aucune véritable surprise n’émerge. Je me suis bien marré, je ne vais pas le nier et la langue imagée de Joe R. Lansdale déménage toujours autant mais il y a une évidente baisse de régime sur ce titre. Pas grave, je retenterai ma chance avec " Diable rouge ", le dernier opus de la série sorti cette année et qui vient tout juste de rejoindre ma pal.

Vanilla Ride de Joe R. Lansdale. Outside, 2010. 280 pages. 19,90 euros.

Extraits

« Cette piste est aussi froide que la chatte d’un cadavre de bonne sœur. »

« Ce shérif du dimanche se la jouait gros dur et donnait l’impression de pouvoir se servir du trou du cul d’un éléphant comme placard à chaussures tout en s’arrangeant pour que l’éléphant aime ça. »

« Le connard s’évanouit encore plus vite qu’un octogénaire asthmatique en train de baiser un mouton dans une grange poussiéreuse en plein cagnard. »

« Je me retrouvai dans une cellule mal éclairée en compagnie d’un type trapu aux cheveux gras et aux muscles couverts de tatouages. Sa façon de me regarder me donnait l’impression d’être une côtelette de porc avec un anus. »



vendredi 22 novembre 2013

Le journal d’Edward, hamster nihiliste (1990-1990) - Miriam et Ezra Ilia

« Roue – Graines – Eau. N’y a-t-il donc rien d’autre ? »

Edward le hamster est un philosophe. Il écrit son journal et ne cesse de s’interroger : « A quoi bon écrire ? La vie est une cage de mots vides. » Edward est un rebelle, il refuse de tenir le rôle de jouet auquel ses propriétaires le confine : « Leur but est de venir à bout de ma volonté, de me réduire à néant. Ils peuvent bien me priver de ma liberté, ils n’auront jamais mon âme. » C’est beau, non ? On dirait du Florent Pagny. Edward va donc entrer en résistance. Dans un premier temps, il décide de ne plus faire de roue : « Réflexions sur une roue : Ça tourne. Ça ne sert à rien. Ça grince. Je n’en ferai plus. » Puis il se lance dans une grève de la faim mais ne tient que cinq minutes avant de remettre le nez dans ses graines.

Un jour on lui amène un congénère, Lou. Edward pense enfin avoir trouvé un interlocuteur avec lequel il va pouvoir disserter mais il doit se rendre à l’évidence, Lou est totalement abruti : « J’ai tenté de l’entraîner dans un débat sur la nature de notre captivité, la vacuité de l’existence et notre irrationnelle envie de vivre. Il a émis un rot, ri et déféqué dans le bac à foin. Il est soit fêlé, soit profondément stupide. Je suis anéanti. » Lou passe son temps à faire de la roue et à s’empiffrer. Heureusement, une indigestion va le rayer de la carte. On le remplace par la jolie Camilla. Une femelle un brin intello qui va lui faire tourner la tête et lui redonner le moral. Le 25 octobre, Edward note dans son journal : « Ai fait l’amour. » On pense alors qu’un gentil happy end se profile. Las, le destin va frapper et laisser notre hamster désemparé et désespéré...

Attention, malgré les apparences, cet ouvrage ne relève pas de la littérature jeunesse. A l’origine Le journal d’Edward était une série radiophonique réalisée pour la BBC. Un truc bien barré comme les anglais savent faire. Miriam Elia a tiré de la série cet étrange livre illustré par son frère. Tous deux se sont inspirés d’un hamster mélancolique acheté par leurs parents quand ils étaient enfants. Miriam s’est glissée dans la peau de l’animal (enfin dans sa tête surtout) pour rédiger son journal intime. Edward est aussi lucide que neurasthénique mais comment ne pas l’être quand votre quotidien n’est fait que de banalité et d’ennui, quand votre environnement se résume à une cage, une roue et une mangeoire. Il y a là une évidente et effrayante parabole sur la condition humaine.

Un petit livre ovni, drôle mais pas que, qui laisse en bouche une impression douce-amère et, l’air de rien, pousse à la réflexion. En tout cas plus jamais je ne regarderai les hamsters de la même façon.

Le journal d’Edward, hamster nihiliste (1990-1990) de Miriam et Ezra Ilia. Flammarion, 2013. 92 pages. 8,90 euros.




jeudi 21 novembre 2013

Zita, la fille de l’espace T1 - Ben Hatke

Propulsée un peu par hasard de l’autre coté de la galaxie, Zita veut à tout prix retrouver son copain Joseph, enlevé par une immonde bestiole aux redoutables tentacules. Débarquant sur une planète inconnue menacée de collision avec un astéroïde, la jeune fille va faire d’étranges rencontres et se lancer dans un périple qui l’amènera au cœur des inquiétantes « Terres de Rouille ».

Avec le premier tome de cette série, Ben Hatke fait découvrir aux enfants la SF et le space-opera. Il crée un univers foisonnant dont l’étonnant bestiaire se révèle plus amusant qu’effrayant. Zita est une gamine intrépide qui va devoir faire face à nombre d’épreuves. Heureusement, elle pourra compter sur l’amitié et la solidarité du petit groupe de personnages qui l’accompagnera au fil de son voyage. Gros costaud, n°1, Pipeau, Mulot et Randy le robot feront tout pour lui venir en aide, même si certains cachent bien leur jeu…

Niveau dessin le trait, simple et nerveux, est au service d’un découpage laissant une place prépondérante aux scènes d’action. Les événements s’enchaînent sans temps mort et le texte peu abondant fait que l’on engloutit les 180 pages en un clin d’œil. Seul bémol, les couleurs sont ternes et rendent les décors un peu tristounets.

Je ne crierai pas au génie mais cet album propose une vraie lecture détente et permettra d’initier nombre de jeunes lecteurs à un genre qu’ils n’ont pas souvent l’occasion de fréquenter. Et puis voir une petite fille qui n’a pas froid aux yeux jouer les aventurières et venir au secours de son copain, l’air de rien, ce n’est pas une situation si courante dans la BD jeunesse actuelle. Personnellement, c’est une  inversion des rôles qui me plait beaucoup.

Une nouvelle lecture commune que je partage avec Noukette (oui, je sais, comme hier, et alors ?).


Zita, la fille de l’espace T1 de Ben Hatke. Rue de Sèvres, 2013. 186 pages. 11,50 euros. A partir de 8 ans.



Les avis de Leiloona, Nadael et Stephie







mercredi 20 novembre 2013

Come Prima - Alfred

1958, quelque part en France. Giovanni a retrouvé son grand frère Fabio. Dix ans qu’ils ne s’étaient pas vus. Il n’est pas venu seul, leur père est avec lui. Dans une urne. Son décès a convaincu Giovanni qu’il était temps de renouer les liens. Il propose à Fabio de repartir dans leur village natal en Italie pour les funérailles. Un voyage de quelques jours sur les routes franco-italiennes, en Fiat 500. En chemin le dialogue s’instaure peu à peu. Beaucoup de silences au départ, pas mal de frustration aussi. Un soupçon d’agressivité fait rapidement surface et précède l’inévitable moment où il faudra crever l’abcès. Malgré bien des écueils, des déboires et des engueulades, ce road trip mouvementé amènera les frangins vers l’apaisement.

L’incompréhension, les malentendus, les non-dits, l’amertume laissée par des événements que l’on pense enfouis profondément mais qui ne cessent de nous accompagner tout au long de notre existence… le cadre de départ est classique (secrets de famille, rancœur et Cie) mais la façon dont Alfred déroule son histoire donne à l’ensemble une force et une émotion remarquables.

La narration est parfaitement maîtrisée. On suit au présent le périple des deux frères vers l’Italie tandis que viennent s’insérer ici et là des flashbacks surgissant comme autant de morceaux d’un puzzle que le lecteur va peu à peu reconstruire. Graphiquement, les deux temps de la narration sont traités différemment. Le présent d’une manière classique et le passé avec des traits plus simples et plus épais dominés par des tons bleus et rouges.

Une histoire d’hommes, avec toutes leurs faiblesses, leurs fêlures. Contrairement aux précédents albums d’Alfred et malgré les apparences, celui-ci est empreint d’optimisme. Comme si le chemin tortueux ayant mené Giovanni et Fabio vers la réconciliation ne pouvait que se terminer sur une note positive. Un one shot somptueux.

Come Prima d’Alfred. Delcourt, 2013. 224 pages. 25,50 euros.

Une lecture commune que j'ai une fois de plus le plaisir de partager avec Noukette.

L'avis de Mo'.




mardi 19 novembre 2013

Coucou : le grand cache-cache des animaux d’Édouard Manceau

Édouard Manceau est un de mes illustrateurs préférés. Il y a dix ans sa souris Capucine faisait partie des premières découvertes livresques de pépette n°1. J’aime la poésie, la sobriété, l’humour de ses textes et j’adore la simplicité de son dessin.

Ici, avec un minimum de manipulations, les enfants transforment un objet en animal. Quelques éléments à bouger sur la page et le tour est joué. C’est franchement très bien fait et surtout très varié. Difficile d’imaginer transformer une montgolfière en lapin, une bouilloire en éléphant, une fusée en pingouin, ou une fleur en lion. Et bien c’est possible en quelques tours de main. En face de chaque illustration se trouve un texte drôle et enlevé qui évite de cantonner cet ouvrage au simple livre-jeu.

Un superbe album grand format au cartonnage épais qui ravira d’ici quelques temps pépette n°3. En attendant, ses grandes sœurs, qui ont pourtant passé l’âge, s’amusent comme des petites folles. Bon, j’avoue, leur papa aussi. Mais je ne vous avouerais pas que j’ai eu beaucoup de mal à recréer la bouilloire après en avoir fait un lapin. Heureusement qu’à la dernière page on retrouve tous les modèles et leur transformation…

Coucou : le grand cache-cache des animaux d’Édouard Manceau. Tourbillon, 2013. 18 pages. 13,95 euros. A partir de 3 ans.




dimanche 17 novembre 2013

Les faibles et les forts - Judith Perrignon

« Negro are pushing too far !! […] Un travail ! Une place dans le bus ! Ou au restaurant ! C’est déjà leur faire grand honneur ! Mais dans l’eau ! Dans nos vestiaires ! A poil ! Leur peau ! Leurs microbes ! Veulent pas coucher avec nos femmes pendant qu’on y est ? »

St Louis, juin 1949. Un adjoint au maire déclare : « Légalement, rien n’empêche un noir qui veut nager d’entrer dans une piscine. » Le lendemain des noirs ont accès pour la première fois aux bassins municipaux. Un « événement » qui va déclencher la colère d’une partie de la population blanche et engendrer des émeutes urbaines. Le maire de St Louis déclarera quelques temps plus tard que cette décision d’accepter les noirs dans les piscines était légalement juste mais inapplicable.

Louisiane, août 2010.  Six adolescents se noient dans une rivière. Six adolescents noirs. Aux États-Unis, 60% des enfants afro-américains ne savent pas nager. L’héritage de l’esclavage, de la ségrégation et de la pauvreté a inconsciemment poussé les noirs à intérioriser l’idée que l’eau n’était pas faite pour eux. Ce constat sonne pour Mary Lee comme une douloureuse évidence. Elle a assisté aux émeutes de 1949 et elle est la grand-mère de trois des noyés. Présente le jour du drame au bord de la rivière, elle n’oubliera jamais : « Je suis entrée dans l’eau. Vos cris, les enfants. Vos lèvres cherchant l’air, vos mains tendues vers le ciel. J’ai avancé. J’ai marché dans l’eau, avec vous. Je ne pouvais rien, je le savais, j’allais avec vous. Il y a toujours un fleuve qui sépare les vivants des morts, c’était celui-là, la rivière rouge, le moment était venu pour moi de le traverser. »

Un texte puissant, habilement construit. La voix de chacun des protagonistes résonne avec force, et vous serre les tripes. Les temps ont changé, parait-il, mais dans l’Amérique d’Obama, certaines barrières ne sont pas prêtes de tomber. La démonstration faite par Judith Perrignon en est la preuve limpide.


Les faibles et les forts de Judith Perrignon. Stock, 2013. 156 pages. 16 euros.

Un grand merci à Sylire dont le billet m’a donné en vie de découvrir ce texte. Son avis. Ceux d'In Cold Blog de Luocine et de Clara.





samedi 16 novembre 2013

Quatre ans, quatre gagnant(e)s

C’est peu de dire que j’ai été surpris par les nombreux témoignages laissés suite à mon billet anniversaire. Je vous adresse donc un énorme merci, vous n’imaginez pas à quel point vos petits mots gentils m’ont touché. L’an dernier j’avais glissé 26 noms dans le chapeau. Cette année j’en ai mis 72 !  Allez, point de suspens, roulement de tambour et en route pour le tirage au sort.


La première à sortir du chapeau fut :

Leiloona

En second :

Yueyin

La troisième gagnante :

Mirontaine

Et enfin la dernière :

Laurie

Quatre femmes, donc. En même temps vous étiez très majoritaires mesdames. Comme convenu, vous choisissez parmi les livres présentés ici cette année celui que vous souhaitez recevoir. Prenez tout votre temps, rien ne presse. En cas de rupture chez l'éditeur ou de difficulté à récupérer un exemplaire, je vous préviendrais afin que vous sélectionniez un autre titre. Pour me signifier votre choix et me donner votre adresse, il suffit de passer par le formulaire de contact.

Encore merci à tous d'avoir participé, j’en profite pour vous annoncer qu’il devrait y avoir quelques livres à gagner par ici avant Noël...   






vendredi 15 novembre 2013

Fun Home - Alison Bechdel

Un abandon. Le genre de truc qui ne m’arrive jamais avec la BD mais là, pas moyen. J’avais emprunté cet album à la médiathèque pour accompagner Mo’ dans une lecture commune.  En même temps c’est encore de l’autobiographie dessinée, comme Quatre yeux qui m’était tombé des mains il y a peu. J’aurais dû me douter.

Premier chapitre, je suis surpris par la gravité du ton. On n’est pas là pour rigoler, Alison Bechdel donne dans l’autobio sérieuse (qui a dit chiante ?), sa vie est loin d’être une comédie. Elle décrit avec force détails sa relation complexe au père, un homme qui soumet les siens à une effroyable dictature esthétique et transforme le manoir familial en reproduction à l’identique d’une maison gothique du 19ème siècle. Un papa à la fois distant et très proche, qui mourra à 44 ans, écrasé par un camion et dont on ne saura jamais si la disparition relève de l’accident ou du suicide. Puis elle revient sur son entrée à la fac, la découverte de son homosexualité, qu’elle qualifie d’abord de « purement théorique ». Suivront quelques pages sur son passage aux travaux pratiques avec Joan, une poétesse féministe « pro-matriarcat ». La suite, je ne sais pas parce que j’en suis resté là.

Pas moyen d’accrocher à cette écriture boursouflée, faussement littéraire, et à cette narration confuse. Alison Bechdel cite Fitzgerald, Camus, ou Joyce, elle en fait des caisses autour de son « éducation livresque » et accouche au final d’un texte aussi intello qu’imbuvable, froid et prétentieux. Quand je lis une phrase telle que « Sans doute ma froide distance esthétique traduit-elle, mieux que n’importe quelle comparaison littéraire, le climat arctique de notre famille » j’ai envie de me sauver en courant. C’est ce que j’ai fait d’ailleurs.

Graphiquement, le dessin est passe-partout, sans aucun charme. Les cases sont petites, assez surchargées et presque toujours surmontées de récitatifs donnant l’impression de peser de tout leur poids sur l’image, comme s’il était nécessaire d’alourdir encore le propos.

Un album qui relève pour moi de la branlette intellectuelle. Et je ne suis vraiment pas adepte du genre. Pour Time Magazine c’est une « brillantissime autobiographie en bande dessinée. » La presse américaine dans son ensemble a crié au génie et a comparé Fun Home au Maus de Spiegelman (ne me dites pas que c’est vrai sinon jamais je n’ouvrirai Maus !). Pour nombre de critiques professionnels, c’est un chef d’œuvre. Pour moi simple lecteur lambda, c’est une BD somnifère et pompeuse. Je veux bien être traité d’indécrottable ignare incapable de reconnaître une éblouissante œuvre d’art mais je n'en démordrais pas, je trouve ça très mauvais.

Fun Home d’Alison Bechdel. Denoël  Graphic, 2013. 236 pages. 24 euros. La première édition en français date de 2006 (c’est celle que j’ai eu entre les mains). 

Bon je ne suis pas mécontent de constater qu’In Cold Blog (une référence pour moi) n’a pas lui non plus été convaincu. Évidemment il le dit bien mieux que je ne le fais. (Son avis)
De son coté Mango a adoré (je ne lui veux pas pour autant^^). Et Mo’, elle en a pensé quoi ?

L'avis de Marguerite



jeudi 14 novembre 2013

Niak - Carl Hiaasen

Pour ses fans, Derek Blair n'est pas que l’animateur vedette de l’émission Expédition Survie, c'est un héros. Son credo : être lâché en milieu hostile avec un couteau suisse et une paille, le tout sous l’œil des caméras. Le bonhomme parvient toujours à s’en sortir, n’hésitant pas à bouffer tout cru la première bestiole qui lui tombe sous la main. En réalité, l’émission est une arnaque totale, le pseudo-aventurier n’affronte que des animaux dressés et inoffensifs et il termine chaque jour de tournage dans un hôtel luxueux. Pour le prochain numéro devant être tourné dans les marais de Floride au milieu des crocodiles, la production fait appel à Mickey Cray et à son fils Wahoo dont la ménagerie regorge de sauriens et de reptiles que Derek va pouvoir affronter en toute sécurité. Seulement le bonhomme possède un ego surdimensionné et il décide que cette fois-ci il va se frotter à des bêtes sauvages au cœur des Everglades. Wahoo et son père sont alors engagés pour assurer la sécurité de Derek et le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils vont ne pas être au bout de leur peine…

On est dans un roman jeunesse alors forcément Hiaasen ne lâche pas les chevaux comme il peut le faire quand il s’adresse aux adultes. Il n’empêche que l’air de rien, il balance pas mal. Sur la téléralité bien sûr, sur ces émissions où l’aventure semble régner en maître mais qui sont en fait bidonnées à 100%. Il taille un costard XXL à la star du programme mais aussi à son assistante, au producteur et même au public qui gobe tout ça sans jamais se poser la moindre question. Entre deux il vous parle d’enfance maltraitée, de pauvreté, de parents alcooliques et violents, de ces Américains sans toit qui vivent dans des camping car et squattent les parkings des supermarchés. Et puis il y a la Floride qui lui est si chère et dont il défend farouchement les espaces naturelles et sauvages de plus en plus menacés. Au final on apprend pas mal de choses intéressantes sur la faune et la flore des Everglades. Bref, ça a beau être de la littérature jeunesse, ça reste engagé et sans concession.

Et pour ce qui est de l’humour, l’auteur de Pêche en trouble est toujours au sommet. Il a l’art de croquer des personnages aussi ridicules que crédibles. Ici son Derek Blair est un abruti de première dont il se moque (et nous avec) sans fioriture. Mais « Mr Blaireau » n’est pas le seul à en prendre pour son grade et chacun, à un moment ou un autre, a droit à quelques lignes dont il ne ressort pas grandi.

Un roman jeunesse intelligent, pêchu et drôle, ça ne court pas les rues. A dévorer dès 11-12 ans.

Niak de Carl Hiaasen. Gallimerd jeunesse, 2013. 295 pages. 13,50 euros.


Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Hélène

mercredi 13 novembre 2013

Ma révérence - Lupano et Rodguen

Quand la lecture de « Crime et Châtiments » déclenche une idée de braquage, ça pourrait donner quelque chose de flamboyant. Malheureusement, si le braqueur est aussi rompu à la grande délinquance qu’un footballeur professionnel aux arts lyriques, le résultat ne peut qu’être catastrophique. Pourtant Vincent est persuadé que son plan est imparable. Il veut faire un braquage social, non violent et altruiste. De l’atypique, du jamais vu. Un coup d’éclat avant de tirer sa révérence et de partir pour l’Afrique où l’attend la belle Rana et son fils. Problème, il a dégoté en Gaby un acolyte alcoolique et pas fiable pour deux ronds, encore plus bras cassé que lui. Un gars jamais sorti des années cinquante, gominé à la Dick Rivers, raciste, homophobe et qui a le « Gabriel » de Johnny comme sonnerie de portable. Forcément ça ne va pas le faire, forcément, le fiasco est proche, forcément, leur révérence, ils vont la tirer la queue entre les jambes…

Une lecture que je dois à Noukette. Son billet enthousiaste m’avait convaincu que cet album était fait pour moi. Parce que j’ai un gros faible pour les losers et que Vincent et Gabriel sont des spécimens rares dans leur genre. Des losers mais pas que. Ce sont des gars finalement très humains, cabossés et sacrément paumés. Vincent surtout m’a beaucoup touché. Un peu fragile, un peu lâche, un peu rêveur, très amoureux, très poissard, pas du tout sûr de lui mais parfaitement lucide. Je me suis retrouvé dans ce personnage sur bien des points (je vous laisse rayer les mentions inutiles, par certain qu’il y en ait beaucoup d’ailleurs).

La narration de Lupano est nerveuse à souhait et son écriture très orale, pleine de gouaille, ne pouvait que me plaire. Niveau dessin, ça tient aussi la route. Rodguen bosse depuis 18 ans pour les studios Dreamworks en Californie et il signe ici sa première BD. Son trait est souple, tout en mouvement. Il est surtout très fort pour exprimer un maximum de sentiments à travers les visages. Ça n’a l’air de rien mais les mimiques qu’il parvient à croquer en disent bien plus que de longs discours.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser « Ma révérence » n’est pas un polar. C’est plutôt un récit d’initiation mâtiné de tragi-comédie qui tire par moments vers la satire sociale. Mais c’est avant tout un excellent album, pêchu et jubilatoire, drôle, pétri de finesse et d’intelligence. Décidément, après le formidable Singe de Hartlepool Lupano s’affirme comme un des plus brillants scénaristes actuels.

Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Moka.

Ma révérence de Wilfried Lupano et Rodguen. Delcourt, 2013. 126 pages. 17,95 euros.

L'avis d'Yvan



mardi 12 novembre 2013

Exauce-nous - Pierre Makyo et Frédéric Bihel

Dans cette petite ville de province il y a Karim, le régisseur du théâtre, Frank, le scénariste en mal d’inspiration, Ernest le luthier, Phil, le vendeur de cailloux, Macha, René, Victorine et bien d’autres encore. Mais il y aussi et surtout Léonard. Léonard le simple d’esprit. Léonard qui demande à ceux qu’il croise s’ils n’ont pas vus celle qu’il cherche en vain depuis des lustres. Léonard que tout le monde apprécie mais dont personne ne semble connaître l’histoire. Frank le scénariste va se pencher sur son passé. Il va comprendre qu’un drame épouvantable est la source de ses maux. Mais il va aussi découvrir que Léonard possède un don, qu’il peut accomplir des miracles...

Cet album m'est précieux car il m’a été offert par Moka. C’est, avec l’incontournable Abélard, l’une de ses BD préférées. Le fait qu’elle ait souhaité partager avec moi un coup de cœur comme celui-là me touche évidemment beaucoup. En plus il contient deux dédicaces, l’une rédigée par ses soins et l’autre de Frédéric Bihel. Et je suis désolé de vous dire Mr Bihel que si votre dédicace est magnifique, c’est la première que je préfère.

Un ouvrage tombé à point nommé après les lectures particulièrement éprouvantes des romans de Valentine Goby et Julien Blanc. J’avais besoin d’une petite douceur, d’un bonbon doux et sucré avec une petite pointe acidulée. Quelque chose de délicat et de croquant mais garanti sans guimauve. Et bien Exauce-nous, c’est exactement cela. C’est une histoire qui fait du bien, qui met du baume au cœur. Des petites vies, des petites gens de province pour qui la fraternité n’est pas un vain mot. On passe avec plaisir du temps ensemble, au troquet ou ailleurs, on se soutient, on s’intéresse les uns aux autres en toute sincérité. Au cœur de cette chronique attachante, il y a bien sûr Léonard. Avec lui, « ça se passe ». Son innocence, sa simplicité désarmante, sa bonté permanente irradie à chaque page. C'est un personnage lumineux, il fait partie de ceux (rares) qu’un lecteur ne pourra jamais oublier.

Pour couronner le tout, l’alchimie entre le dessin et le récit est parfaite. Le trait réaliste de Frédéric Bihel est d’une grande élégance et les couleurs sont somptueuses.

Un album remarquable, apaisant et, je me répète, qui fait du bien. Vraiment.
Merci Moka, ton choix était parfait.

Exauce-nous de Pierre Makyo et Frédéric Bihel. Futuropolis, 2008. 102 pages. 19,50 euros.


Les avis de CristieLuocine ; Mo' ;  MokaOliv

lundi 11 novembre 2013

Confusion des peines - Julien Blanc

La vie de Julien Blanc est un roman d’une infinie tristesse. Né en 1908 de père inconnu, sa mère décède alors qu’il n’a que sept ans. Orphelinats, institutions religieuses, maisons de correction, familles d’accueil… il passe sa jeunesse ballotté d’un lieu à l’autre, renvoyé systématiquement des établissements qu’il fréquente pour mauvaise conduite. Fugueur, voleur, un temps SDF, multipliant les petits boulots qu’il ne parvient pas à garder par manque de motivation, il s’engage dans l’armée en désespoir de cause, persuadé que la grande muette sera la seule capable de donner un sens à son existence. Mais incapable de supporter la moindre autorité, il déserte. Arrêté, condamné, emprisonné, le premier volume de cette trilogie autobiographique le laisse en 1931, alors qu’un tribunal militaire vient de décider de l’envoyer purger sa peine dans les bataillons disciplinaires d’Afrique à Biribi.

Qu’est-ce que j’aurais voulu aimer ce livre ! A la base, il avait tout pour me plaire. Un écrivain autodidacte, digne représentant de la littérature prolétarienne que je chéris tant depuis mes études de lettres et ma découverte d’Henry Poulaille. Un écorché vif, gamin maltraité par les salauds d’adultes entre les mains desquels il aura passé toute son enfance. Un révolté, un réfractaire, un esprit aussi libre qu’incontrôlable, bref le genre de personnage qui me fait particulièrement kiffer comme disent les jeunes. Las, je n’ai pas été séduit le moins du monde par cette autobiographie.

L’ensemble est tellement misérabiliste. A coté de Confusion des peines, Sans famille est une gentille comédie. Le problème c’est que les malheurs de Julien Blanc s’enchaînent dans une suite ininterrompue et finissent par perdre toute force d’évocation. A la longue on frôle l’overdose. Et puis le jeune homme ne m’a pas touché. Il n’a certes pas eu une vie facile (c’est le moins que l’on puisse dire) mais on se rend compte qu’il n’a pas non plus fait grand-chose pour s’en sortir, notamment en rechignant à la tâche à chaque fois qu’on lui proposait un emploi. Surtout, l’écriture est d’une grande platitude. La révolte devrait selon moi  aller de pair avec une certaine forme d’éructation verbale. Le hurlement d’un homme face à l’injustice d'une jeunesse ruinée par sa condition sociale et le comportement inadmissible des adultes, Louis Calaferte en a fait un chef d'oeuvre avec « Le requiem des innocents ». Là, pour le coup, on en est loin, très loin même.

Dommage, j’attendais beaucoup de cette lecture, j’en sors d’autant plus déçu. Le second volume de la trilogie de Julien Blanc attend sagement dans ma pal depuis un certain temps. Il risque d’y rester encore longtemps.

Confusion des peines de Julien Blanc. Libretto, 2013. 280 pages. 9,70 €  

samedi 9 novembre 2013

Pan’Pan Panda, une vie en douceur - Sato Horokura

Panettone, que tout le monde appelle Pan’Pan, est un panda. C’est aussi le gardien de la résidence Kanda, où il vit avec une petite fille prénommée Praline. Chaque histoire de ce manga est une chronique de la vie quotidienne. Du choix d’un foulard à l’arrivée d’une nouvelle locataire, d’une amitié naissante à la préparation du repas de Noël, on découvre la tendre relation qui unit Pan’Pan à Praline mais aussi quelques traditions et habitudes typiquement japonaises.

Bon, si je me laissais aller je tomberais dans la vanne pourrie en écrivant que Pan’Pan est cucul (désolé j’aime bien les vannes pourries, on ne se refait  pas). Ça a vraiment été mon premier sentiment en refermant ce manga, je l’ai trouvé assez niais. Et puis pépette n°2 l’a lu et elle a adoré. Du coup j’ai dû revoir ma position. Parce qu’après tout ce livre ne s’adresse pas à moi, adulte aigri et un poil cynique, mais bien à nos chères têtes blondes. Je l’ai donc à nouveau parcouru avec mes yeux d’enfant et je dois dire que je comprends pourquoi ça a fonctionné avec pépette.

C’est frais et léger, mignon comme tout, plein de douceur. Et puis habiter avec un panda tenant plus de la peluche géante que de l’animal sauvage, avouez que ça fait rêver. En plus ce manga est entièrement en couleurs et publié dans le sens de lecture occidental, ce qui facilite grandement les choses pour les petits bouts qui découvrent le genre pour la première fois. De mon coté j’ai beaucoup aimé le bonus final proposant un lexique intéressant, une postface, un jeu et une fort jolie galerie de croquis.

Une série prévue en 8 tomes, pétrie en bons sentiments et qui constitue une entrée idéale dans l’univers du manga pour les plus jeunes. Personnellement, je ne suis pas certain de lire la suite mais j’en connais une qui va me la réclamer à corps et à cris. Et comme je ne refuse jamais le moindre livre aux pépettes…


Pan’Pan Panda, une vie en douceur T1 de Sato Horokura. Nobi nobi, 2013. 110 pages. 9,45 euros.  

Les avis de Leiloona et Mya Rosa


vendredi 8 novembre 2013

Quatre ans... et c'est tout !

Le titre de ce billet pourra paraître obscur à certains d’entre vous mais il fait écho à celui publié l’an dernier à la même date et intitulé « Trois ans, trois enfants ». J’y parlais, entre autres, de la future arrivée de la pépette n°3 et comme cette année je n’ai rien de tel à annoncer (faut pas pousser non plus !) je me contente de ce petit clin d’œil.

Quatre ans donc que ce blogounet existe. Quatre ans qu’il grandit grâce à vous qui passez ici régulièrement (ou pas). Quatre ans que je m’amuse à parler de mes lectures en toute simplicité, sans me prendre au sérieux, à me balader d’une berge à l’autre en ne m’interdisant presque aucun genre (non, la chick lit, la bit lit et les thrillers ne passeront pas par moi) et surtout quatre ans que je partage, que je découvre, que j’échange et que je prend énormément de plaisir à fréquenter la blogo. Parce que si j’aime beaucoup publier mes avis, j’adore aussi découvrir les vôtres, j’avoue même que je ne pourrais plus me passer de mon petit tour quotidien chez les uns et les autres.

Il y a eu quelques événements importants au cours de cette 4ème année de blog. D’abord bien sûr le bébé annoncé et tant attendu est arrivé le 5 février. Charlotte a aujourd’hui 9 mois et elle fait le bonheur de ses parents et de ses grandes sœurs (si je vous dis que je l’adore je pense que vous n’aurez aucun mal à me croire). Autre évolution majeure, je suis passé du virtuel au réel avec certaines d’entre vous. L’air de rien, connaissant mon coté « ours des cavernes », ce n’est pas anodin. Chacun de ces rares moments a été absolument délicieux (du moins pour moi) et j’en suis venu à la conclusion que toutes les blogueuses sont d’adorables personnes  (ou alors c’est juste que je suis bien tombé…). En tout cas maintenant que j’y ai goûté, je compte bien renouveler ces rencontres "en vrai" dès que possible.

Allez trêve de bavasseries, fêtons comme il se doit cet anniversaire avec un petit concours. On va faire simple alors si vous souhaitez participer il suffit de laisser un commentaire ci-dessous. Vous avez jusqu'au jeudi 14 novembre à minuit. Passé cette date, je mets tous les participants dans mon chapeau magique, je le secoue bien fort et les quatre qui en sortent choisissent le livre qu'ils veulent parmi ceux que j'ai présentés ici depuis le début de l'année. Ça vous va ? Les belges, les suisses, les Dom-Tom et les québécois sont les bienvenus.

Je vous laisse, je vous remercie pour tout et je vous fais un gros bisou qui pique :










jeudi 7 novembre 2013

Kinderzimmer - Valentine Goby

Mila a rendu quelques services à la résistance. Mais Mila a été dénoncée puis arrêtée. Direction Ravensbrück. 40 000 femmes dans le camp. Mila est une déportée parmi tant d’autres. Sauf que Mila est enceinte. Mila porte en elle la vie, dans ce lieu où la mort mène la danse. Mila veut que sa grossesse reste invisible. A ses compagnes d’infortunes, à ses geôliers, à elle-même.

Lorsque l’enfant paraît, il se retrouve dans la Kinderzimmer, la pouponnière. De pouponnière, l’endroit n’a que le nom. C’est un bloc comme les autres où les nourrissons s’entassent et finissent par mourir, de faim ou d’autre chose. Pas de biberon, pas de lait, pas de change, d’habit ni de chauffage. Les bébés ressemblent à des vieillards, ridés et maigres, le corps glacé. La cause semble désespérée mais Mila survit pour son enfant, elle s’accroche à cette vie nouvelle, symbole d’ultime espoir dans un environnement qui a tout de l’enfer.

Le texte est au présent et plonge le lecteur au cœur du camp. Valentine Goby décrit l’indicible avec une étonnante justesse. Elle raconte la transformation des corps et des âmes dans le huis clos des barbelés et des miradors, elle trouve les mots justes pour dire la maladie, la promiscuité, la fatigue, la faim, la peur permanente. Sensations, images, odeurs et douleurs sont restituées dans toute leur horreur sans jamais franchir la barrière du déballage purement gratuit.

Pour Mila, la maternité est un indéfinissable bouleversement intérieur. Comment porter la vie lorsque l’on est soi-même un cadavre ambulant ? Mais l’évidence est là, le bébé s’accroche et lorsqu’il naît rien ne lui manque : « une tête, deux oreilles, deux bras, deux mains […] deux yeux, deux narines, une bouche. » Par la suite elle découvrira la solidarité et le courage de ses sœurs de souffrance. Le gant en caoutchouc que l’on vole au péril de sa vie pour faire une tétine, les morceaux de tissu ramenés incognito au bloc et cousus le soir pour confectionner des habits, le sein donné à un enfant que l’on ne connait pas parce que le nôtre vient de mourir…

Un roman âpre, douloureux. Longtemps que je n’avais pas vécu une lecture aussi éprouvante. Mais la langue est magnifique, crue et limpide, elle résonne avec force, c’est très impressionnant. Et puis ce livre m’est précieux parce qu’il m’a été offert, et pas par n’importe qui, alors pour toutes ces raisons, Kinderzimmer restera comme l’une de mes plus belles découvertes de l’année.


Kinderzimmer de Valentine Goby. Actes Sud, 2013. 220 pages. 20 euros.

Une lecture commune que j'ai une fois de plus le plaisir de partager avec des blogueuses que j'apprécie particulièrement, à savoir et par ordre alphabétique Noukette, Sandrine, Saxaoul, Sophie/Hérisson et Valérie.

Les avis de Clara, JosteinNatiora, PhilisineStephie









mercredi 6 novembre 2013

Mauvais genre - Chloé Cruchaudet

Paul Grappe et Louise Landy viennent à peine de se marier que la première guerre mondiale éclate. Envoyé sur le front, Paul ne supporte pas l’horreur des combats. Il s’automutile, passe quelques temps à l’hôpital puis, refusant l’idée de retourner dans les tranchées après sa convalescence, il déserte. Caché dans une chambre de bonne avec Louise, il vit difficilement le confinement imposé par sa condition de déserteur et finit par trouver une solution radicale devant lui permettre de sortir incognito : se déguiser en femme. Pendant plus de dix ans, Paul va devenir Suzanne et mener une vie où le travestissement va peu à peu devenir sa seule raison d’être.

Incroyable destin que celui de Paul, incroyable histoire d’amour également, magnifique, brûlante et tragique. La relation entre Louise et son mari bascule de la tendresse vers la violence mais reste avant tout guidée par la passion. Louise joue d’abord le rôle de mentor. C’est elle qui le pousse à se transformer, lui montre les techniques d’épilation et l’initie au monde des femmes en le faisant embaucher dans son atelier de couturière. Mais c’est elle aussi qui le jalouse lorsqu’il devient la coqueluche de l’atelier puis du bois. Paul, tellement « habité » par son rôle, enivré par son succès grandissant auprès des femmes, sombre dans la folie. C’est un personnage complexe, fragile, fascinant. Lorsque la supercherie est révélée après l’amnistie des déserteurs, il assume avec plaisir le statut de bête de foire que lui donne la presse. Il aime être dans la lumière et quand les journalistes se lassent de son histoire, le retour à l’anonymat signe le début de sa déchéance.

Chloé Cruchaudet met en scène cette histoire aussi surprenante que véridique avec une maîtrise impressionnante. La narration est solide, parfaitement construite. Elle donne à Paul des traits imprécis et garde volontairement, notamment avec son énorme nez, des détails qui trahissent sa masculinité. Elle utilise aussi la couleur avec parcimonie, pour donner du sens. Ainsi le rouge est le plus souvent symbole de passage vers la féminité. Un mot également sur les scènes de cauchemar renvoyant Paul dans les tranchées qui sont magnifiquement réalisées.

Un album mené de main de maître. Du travail d’orfèvre et un vrai régal pour le lecteur. Tout simplement somptueux.

Mauvais genre de Chloé Cruchaudet. Delcourt, 2013. 160 pages. 18,95 euros.

Une lecture commune que j'ai le plaisir de partager aujourd'hui avec Lunch, Marion, Moka, Noukette et Mo'. Rien que ça !






Astérix T35 : Chez les Pictes - Jean-Yves Ferri et Conrad

Un hiver rigoureux, un drôle de guerrier tatoué qui échoue sur la plage dans un glaçon et voilà Astérix et Obélix en route pour l’Écosse. Monstre du Loch Andloll, eau de malt (whisky) et guerre des clans sont au programme de ce 35ème album, le premier dont Uderzo ne signe pas les dessins.

On nous avait annoncé un retour aux sources, je me rends compte qu’en fait le but était de rester dans la continuité de l’œuvre c'est-à-dire de ne toucher à rien. Personnages, humour, jeux de mots, références un peu datées, le cahier des charges hyper restrictif devait inclure de ne surtout pas moderniser l’univers. Du coup on est dans l’hommage plus que dans l’œuvre originale. Dans la continuité comme on dit. Et du coup il ne faut pas chercher la moindre nouveauté.

On sent que les auteurs ont été cornaqués par Uderzo, l’éditeur et la fille de Goscinny. Pas moyen de lâcher les chevaux ! Alors on déroule du grand classique : un pays pas encore visité, des pirates, des romains, un bon repas, un méchant vraiment méchant mais un peu niais, etc. Graphiquement, Conrad s’en sort très bien et mérite un sacré coup de chapeau tant l’héritage d’Uderzo semblait quasi impossible à assumer. Si les fondamentaux sont respectés, le scénario est pourtant léger, bancal et manque un peu de profondeur. Mac Oloch notamment est loin d’être un personnage secondaire inoubliable. Et puis que vient faire le recenseur romain dans l’histoire, si ce n’est du remplissage ? Et pourquoi donc Obélix refuse-t-il d’embarquer Idéfix dans l’aventure ? Peut-être le petit chien est-il trop difficile à dessiner mais son absence est pour le lecteur assez incompréhensible.

Au final, je n’ai pas du tout été emballé par cet album. Certes il est plusieurs crans au-dessus des précédents, ce qui n’était franchement  pas difficile. Mais on est encore bien loin des albums de l’âge d’or d’Astérix. Pour vous en convaincre, il suffit de relire Astérix en Corse avant d’attaquer ce nouvel opus. L’évidence saute aux yeux, il n’y a pas photo entre les deux !


Astérix T35 : Chez les Pictes de Jean-Yves Ferri et Conrad. Ed. Albert René, 2013. 48 pages. 9,90 euros.

Une lecture commune que je partage avec Hélène.






mardi 5 novembre 2013

Le premier mardi c'est permis (21) : Les doigts de pied en bouquet de violettes

Aujourd’hui point de rigolade, je vais tenter d’enrichir votre vocabulaire. J’ai en effet honteusement profité du rendez-vous mensuel de Stephie pour me pencher sur un petit dictionnaire coquin de l’amour et du sexe. Au menu 369 expressions pour dire « la chose ».  Mes lectures érotico-porno récentes (et le plus souvent navrantes) m’ont conforté dans l’idée que si les mots du sexe sont partout, ils sont toujours les mêmes. Une poignée de mots précis, concrets et sans fioritures dont je vous épargnerai la liste mais que vous connaissez sans doute par cœur. Le champ lexical érotique est de nos jours archi-limité alors que depuis la nuit des temps les métaphores s’inscrivent aux sources du vocabulaire sexuel. La volonté clairement affichée de tenir à distance la métaphore pour que le « parler cru » soit directement accessible à tous est une forme d’appauvrissement  de la langue. Il y a pourtant tellement de possibilités pour qualifier l’acte sexuel. Vous voulez sans doute des exemples pour juger sur pièce ? Allez, c’est parti. Mais attention, je préviens les oreilles chastes que parmi les phrases et expressions qui vont suivre, certaines sont susceptibles d’heurter leur sensibilité. Je dis ça, je dis rien.

On commence avec une expression qui, en ce qui me concerne, a tout de l’autoportrait (ma modestie légendaire va encore en prendre un coup mais j’assume) : « Être ferme des rognons » qui signifie être solide au combat amoureux, faire durer le plaisir.

A l’inverse, une jolie métaphore pour les éjaculateurs précoces : « Allez trop vite à l’offrande et faire choir le curé. » Une  phrase qui date de la fin du 17ème siècle.

Dans le domaine animalier, difficile de ne pas tomber dans le grassement vulgaire. En cherchant bien, on peut trouver quelques images plus raffinées (quoique…) :
- « Faire miauler ou ronronner le chat » fait évidemment référence à la jouissance féminine.
- « Laisser le chat aller au fromage » est plus recherchée et plus complexe puisqu’elle s’emploie pour signifier qu’une fille a perdu son pucelage, le « fromage »  incarnant ici le sperme qui, en argot, est souvent et sans surprise assimilé à un laitage (lait, yaourt, etc.).

Lorsque l’on emploie un vocabulaire artisanal et professionnel pour qualifier la chose, je trouve que c’est toujours sans finesse. Avouer que « rectifier le joint de culasse », « se vider les burettes » ou « bétonner la caverne », ça manque de classe. Je préfère de loin quand on donne dans le bucolique. « Allez aux fraises » par exemple, que je ne connaissais pas et qui me plait beaucoup (la fraise imageant tantôt le clitoris tantôt les pointes des seins) ou encore « éternuer dans les broussailles » (lorsque l’homme éjacule sur la toison pubienne).

Chez les gourmands, on oscille entre le délicat (« vider son carafon d’orgeat ») et le cru de chez cru que je trouve bien trop rentre-dedans (si je puis de dire) comme « casser une croûte de cul » ou « mettre l’andouille au pot » (expression que l’on doit à Rabelais). Dans le genre, le célèbre « dégorger le poireau » ne brille pas non plus par sa finesse, c’est le moins que l’on puisse dire.

Après, il y a certaines expressions totalement incompréhensibles sans explication de texte. Prenez par exemple « faire voir la feuille à l’envers ». Dans son Dictionnaire érotique moderne (1864), Alfred Delvau donne la définition suivante : « faire l’amour à une femme dans les bois, parce qu’étant sur le dos et levant les yeux au ciel, elle ne peut apercevoir que le dessous des feuilles d’arbres. » Une expression vraiment pas commune que l’on retrouve pourtant chez Rétif de la Bretonne (Les contemporaines, 18ème siècle) et Zola (La terre, 1887). Autre expression obscure à première vue, « aller au gratin » qui signifie, toujours dixit Delveau, « faire l’amour avec une prostituée sans payer, par délicate allusion au gratin que laisse un mets au fond de la casserole et qui trouve toujours un amateur quand tout le monde est servi. » (amis de la poésie bonsoir….).

Allez, je ne peux pas en rester là sans vous donner mon expression préférée, une expression que je ne connaissais absolument pas mais qui m’a parlé et fait rire dès que je l’ai découverte : « Faire éternuer le cyclope ». Une métaphore « éjaculatoire » dont on trouve l’explication dans le très sérieux « Dictionnaire du français non conventionnel » de Cellard et Rey : « la métaphore part de l’analogie du méat urinaire avec un petit œil. Le gland est lui-même une tête chauve dont le méat est l’œil unique. » Voila des éclaircissements limpides !

Pour finir un mot sur « Avoir les doigts de pied en bouquet de violettes » que l’on retrouve dans le titre de l’ouvrage et qui représente une bien jolie façon de définir l’orgasme. C’est quand même plus poétique et  recherché que le banal « prendre son pied », non ?


Les doigts de pied en bouquet de violettes : Dictionnaire coquin de l’amour et du sexe en 369 expressions de Sylvie Brunet. Éditions de l’opportun, 2013. 386 pages. 13 euros.

Si Marilyne l'accepte malgré son sujet "tendancieux", ce billet signera ma participation de novembre au projet non-fiction.






lundi 4 novembre 2013

Les années douces - Jiro Taniguchi

Tsukiko est une trentenaire qui rencontre par hasard dans un café l’un de ses anciens professeurs de lycée deux fois plus âgé qu’elle. Par la suite, elle le retrouve régulièrement au même endroit et se rend compte qu’elle apprécie la compagnie de ce vieil homme taciturne. Celui qu’elle appelle le maître va peu à peu prendre une place importante dans sa vie et les liens qui les unissent ne vont cesser de se resserrer au fil du temps.

Les années douces est l’adaptation d’un roman d’Hiromi Kawakami. J’y ai retrouvé le Taniguchi que j’aime, contemplatif, prenant son temps, faisant de l’inaction et des petits riens le cœur de son propos. On assiste ici à la naissance d’un sentiment amoureux entre deux êtres que tout oppose à priori. On les suit dans des moments de prime abord insignifiants (au marché, cueillant des champignons en forêt, etc.) mais au final porteurs de sens car ils ne cessent de renforcer leur complicité et de souligner l’évidence de leur attirance réciproque. Tsukiko est un personnage plus complexe qu’il n’y paraît. Elle n’accorde pas une grande importance à son apparence, elle n’est pas carriériste, elle aime la bonne nourriture et le saké. C’est elle qui tombe amoureuse et fait les premiers pas. C’est une jeune femme touchante et d’une grande
sensibilité.

Tsukiko et le maître sont des gens ordinaires auxquels on s’attache sans en avoir l’air. Ils ont un petit coté hédoniste et gourmet que j’adore. Ils sont tout en simplicité, en retenu, solitaires et fragiles. Ils peuvent cesser de se voir pendant des semaines et se retrouver un jour dans leur restaurant favori comme s’ils s’étaient quittés la veille. A aucun moment ils ne cherchent à forcer les choses et leur rapprochement se fait naturellement. Un couple solaire et émouvant dont la relation atypique est je trouve d’une grande beauté. Bref ce diptyque est un régal et je remercie Cuné d’en avoir parlé il y a peu car sans elle je serais passé à coté d’un excellent Taniguchi.

Les années douces T1 de Jiro Taniguchi. Caterman, 2010. 200 pages. 15 euros.
Les années douces T2 de Jiro Taniguchi. Caterman, 2011. 238 pages. 16 euros.

L'avis de Cuné sur le tome 1 ; le tome 2



vendredi 1 novembre 2013

Le chien qui louche - Etienne Davodeau

Fabien est dans l’embarras. Cet agent de surveillance au musée du Louvre vient de faire la connaissance de sa belle famille, des marchands de meubles d’Angers un poil franchouillards. Après un repas quelque peu écourté, les frères de sa petite amie Mathilde lui exhibent une croûte peinte par leur arrière grand-père et lui demandent si cette toile mérite d’être accrochée au Louvre. N’osant pas dire non, Fabien botte vaguement en touche et ne se doute pas que son semblant d’hésitation va le mener dans une drôle d’aventure...

Le chien qui louche est une BD qui fait du bien, une BD réjouissante. Comme il le dit lui-même, Davodeau met en scène une sorte de cambriolage à l’envers : non pas comment faire sortir du Louvre un tableau mais plutôt comment y faire entrer l’œuvre d’un peintre du dimanche. L’histoire est légère mais elle interroge aussi, posant notamment la question de « qu’est-ce qu’une œuvre d’art ? ».

Les personnages sont tous hauts en couleur : Fabien et la pétillante Mathilde bien sûr mais aussi Mr Balouchi, pilier d’une société secrète et saugrenue dont les membres entretiennent un rapport très particulier avec le Louvre. Il ne faut évidemment pas oublier les Benion, notables de province sûr d’eux et sans complexes, un peu beaufs, un peu caricaturaux mais tellement drôles et excessifs.

Graphiquement, on est plus dans l’évocation que dans la reproduction la plus réaliste possible du musée. Le travail au lavis est une fois de plus superbe et restitue lumières, volumes et profondeurs, ce qui est bien l’essentiel.

Cet album est la première véritable comédie de Davodeau. Son coté loufoque pourra surprendre ses lecteurs habituels mais le résultat est tellement réussi que l’on ne peut qu’applaudir. Et puis comme toujours, il cherche à extraire de leur anonymat les gens ordinaires, c’est une caractéristique de son œuvre que j’apprécie particulièrement. Bref le chien qui louche est une totale réussite, je me suis régalé.

Une nouvelle lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec Mo’ et Noukette.

Le chien qui louche d’Etienne Davodeau. Futuropolis, 2013. 136 pages. 20 euros.

L'avis de Cristie
L'avis de Stephie

jeudi 31 octobre 2013

L’accomplissement de l’amour - Eva Almassy

Béa va rejoindre un inconnu. Un homme marié, père de trois enfants, qu’elle a croisé le temps d’un après-midi. Un homme avec lequel elle échange depuis des semaines par mail. Un homme dont le train va arriver en gare. La nuit d’hôtel est réservée. Le reste… difficile à imaginer. Mais Béa veut se sentir vivante. Elle ne supporte plus sa vie de couple. Comment peut-on d’ailleurs appeler cela un couple. Angel ne l’a pas touchée depuis des années, même pas embrassée. « Elle avait réussi une séparation, mais l’homme était revenu, un poids mort, toujours à la maison. » 

« Avec Angel, pas d’amour, pas d’enfants, pas d’accouchement, pas de lait, ni sein, ni biberon, et finalement plus de femme dans le couple (le sexe de Béatrice neutralisé). On avait piégé son être, son avenir, sa descendance, son bonheur, elle aurait dû se scier le poignet, le bras, se ronger cette patte qui était prise, partir comme les renardes, en saignant dans la neige, courir jusqu’à ce que le danger - que le passé - s’éloigne. » Mais l’inconnu est-il la solution à  tous ses maux ? Ne serait-il pas simplement une parenthèse ? Ou une chimère ?

Un petit bouquin trouvé sur la table des nouveautés de la médiathèque. Emprunté sans même lire la 4ème de couv. C’est un jeu auquel je me livre parfois. En général ce sont toujours de mauvaises pioches. Rentré à la maison je découvre que j’ai mis la main sur une histoire de femme en souffrance, de femme qui se cherche. Après avoir été refroidi par le dernier Kasichke et « Trembler te va si bien », qui donnaient dans le même créneau, je me dis que je vais le ramener sans même le lire. Je me lance quand même dans la première page, puis la seconde et j’en avale la moitié d’une traite. L’histoire de cette femme me parle. Elle me touche.

« Un acte d’infidélité peut-il renforcer l’amour exclusif qui lie un couple ? ». L’accomplissement de l’amour reprend le titre et le thème d’une longue nouvelle de Robert Musil écrite en 1910. Une réécriture 100 ans après, avec une femme du 21ème siècle, à une époque où les façons d’aimer ont bien changé.

Béa se cherche, donc. Béa est perdue. J’ai été bouleversé par sa faiblesse, sa résignation, son manque de confiance en elle. Autant de choses qui d’habitude m’agacent au plus haut point. Étrange. Mon petit cœur de pierre a fondu. Je n’arrive pas à me l’expliquer. Peut-être est-ce l'écriture d’Eva Almassy, sensible et pleine de charme. En tout cas je constate avec plaisir que je suis capable de « recevoir » des textes féminins aussi intimes. Je pensais que c’était totalement impossible. Comme quoi…



L’accomplissement de l’amour d’Eva Almassy. L’olivier, 2013. 110 pages. 13 euros.