Affichage des articles dont le libellé est Rentrée littéraire 2022. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Rentrée littéraire 2022. Afficher tous les articles

lundi 22 avril 2024

Vivre vite - Brigitte Giraud

 

Avec des « si » on mettrait Paris en bouteille. Avec des « si » on refait le monde. Avec des « si » on s’invente des vies. Avec des « si » on réécrit l’histoire. C’est ce que fait Brigitte Giraud dans ce court texte auréolé du prix Goncourt 2022. Avec des « si » elle imagine que les choses se seraient passées différemment, que son mari n’aurait pas perdu la vie au guidon d’une moto le 22 juin 1999. Au-delà de réécrire le drame, elle tente de le comprendre. Comment en est-on arrivé là ? Comment les événements se sont enchaînés ? Pourquoi cette issue fatale ? Chaque chapitre commence par un « si ». Le récit repose sur ce mélange entre les hypothèses et la réalité des faits, entre le constat dressé avec du recul, loin d’une émotion à chaud, et le nombre incalculable de questions restées sans réponse.

Brigitte Giraud ne s’érige pas en porte-parole des familles victimes de la perte d’un proche dans un accident de la route. Sa perspective est individuelle, elle ne se veut pas universelle, elle touche à l’intime. Avec pudeur, sans pathos, sans chercher à se victimiser ou à tirer les larmes du lecteur. L’exercice était périlleux, voire casse-gueule, mais j’ai trouvé le ton juste, il m’a permis d’être impliqué tout en restant à une certaine distance « de sécurité », sauf peut-être au moment où elle se met dans la tête de son mari juste avant le drame. C’est le seul passage où je me suis senti « voyeur » et mal à l’aise avec ce que je lisais. 

La rédaction d’un tel texte était à l’évidence nécessaire. Cathartique ? Ce n’est pas à moi de le dire. Je constate juste que ce retour sur la chronologie de la journée et des semaines qui l’ont précédée a permis à Brigitte Giraud de mieux cerner les choses, notamment d’écarter une forme de culpabilité aussi inévitable que pesante. Surtout, elle finit par se persuader qu’« il n’y a que des mauvaises questions » et que, (et c’est à l’évidence le plus important pour pouvoir avancer), « il n’y a pas de si ».

Vivre vite de Brigitte Giraud. J’ai lu, 2024. 190 pages. 7,40 euros.