dimanche 17 novembre 2013

Les faibles et les forts - Judith Perrignon

« Negro are pushing too far !! […] Un travail ! Une place dans le bus ! Ou au restaurant ! C’est déjà leur faire grand honneur ! Mais dans l’eau ! Dans nos vestiaires ! A poil ! Leur peau ! Leurs microbes ! Veulent pas coucher avec nos femmes pendant qu’on y est ? »

St Louis, juin 1949. Un adjoint au maire déclare : « Légalement, rien n’empêche un noir qui veut nager d’entrer dans une piscine. » Le lendemain des noirs ont accès pour la première fois aux bassins municipaux. Un « événement » qui va déclencher la colère d’une partie de la population blanche et engendrer des émeutes urbaines. Le maire de St Louis déclarera quelques temps plus tard que cette décision d’accepter les noirs dans les piscines était légalement juste mais inapplicable.

Louisiane, août 2010.  Six adolescents se noient dans une rivière. Six adolescents noirs. Aux États-Unis, 60% des enfants afro-américains ne savent pas nager. L’héritage de l’esclavage, de la ségrégation et de la pauvreté a inconsciemment poussé les noirs à intérioriser l’idée que l’eau n’était pas faite pour eux. Ce constat sonne pour Mary Lee comme une douloureuse évidence. Elle a assisté aux émeutes de 1949 et elle est la grand-mère de trois des noyés. Présente le jour du drame au bord de la rivière, elle n’oubliera jamais : « Je suis entrée dans l’eau. Vos cris, les enfants. Vos lèvres cherchant l’air, vos mains tendues vers le ciel. J’ai avancé. J’ai marché dans l’eau, avec vous. Je ne pouvais rien, je le savais, j’allais avec vous. Il y a toujours un fleuve qui sépare les vivants des morts, c’était celui-là, la rivière rouge, le moment était venu pour moi de le traverser. »

Un texte puissant, habilement construit. La voix de chacun des protagonistes résonne avec force, et vous serre les tripes. Les temps ont changé, parait-il, mais dans l’Amérique d’Obama, certaines barrières ne sont pas prêtes de tomber. La démonstration faite par Judith Perrignon en est la preuve limpide.


Les faibles et les forts de Judith Perrignon. Stock, 2013. 156 pages. 16 euros.

Un grand merci à Sylire dont le billet m’a donné en vie de découvrir ce texte. Son avis. Ceux d'In Cold Blog de Luocine et de Clara.





36 commentaires:

  1. J'avais lu un billet moins enthousiaste sur ce livre terrible...est-ce qu'il y reste un peu d'espoir quand même? C'est ce qui me retient de le lire en réalité. Un constat oui, mais pas que!

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    1. Je ne crois pas qu'il soit ici question d'espoir, c'est juste la mise en lumière d'une situation inacceptable.

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  2. C'est dingue comme un passé peu être lourd de conséquences des décennies après ... c'est une triste réalité... Un livre qui me tente...

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    1. Oui le poids du passé pèse encore tellement fort dans certains états américains, c'est une effrayante réalité.

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  3. Je l'ai trouvé en bouquinerie, tu n'es pas le premier billet élogieux que je lis sur ce livre ! J'ai un trou de mémoire... mais j'ai apprécié le dernier roman de Judith Perrignon.

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    1. Sylire et In Cold Blog en ont dit le plus grand bien. Hâte de découvrir ton avis !

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  4. Je le prendrai à la bibliothèque, j'aime la plume de Judith Perrignon, et c'est un sujet hélas tellement d'actualité.

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    1. Je n'avais jamais lu Judith Perrignon avant, c'est une belle découverte pour moi.

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  5. Les blogueurs que tu cites en tentateurs m'ont déjà fait noter ce livre. Tu enfonces le clou. Les lois changent bien plus vite que les esprits...

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    1. Oui, je me demande même si certaines mentalités pourront un jour changer.

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  6. Je le note car j'ai très envie de le lire

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  7. Un sujet qui m'intéresse beaucoup !

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  8. Noté dans ma LAL. J'espère qu'il me plaira.

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    1. Pas de raison que tu n'aimes pas. Enfin j'espère...

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  9. C'est pour l'instant le meilleur livre de la rentrée que j'aie lu. Je suis vraiment ravie que tu aies aimé.

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    1. J'étais certain que le thème me parlerait. Maintenant si tu n'avais pas cet ouvrage sous le feu des projecteurs je serais passé totalement à coté.

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  10. Très vrai ce que dit Gwenaelle. Noté ! Un sujet qui ne peut laisser indifférent.

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    1. Et oui, elle a malheureusement raison. Je pense que toi aussi tu aimerais beaucoup ce texte.

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  11. ce livre m'a beaucoup, beaucoup remuée !

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    1. Je me rappelle de ton billet, toi aussi tu étais enthousiaste.

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  12. Un très beau texte percutant, ni misérabiliste, ni pleurnichard.

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    1. Ah non, rien de misérabiliste là-dedans, c'est beaucoup plus fin que ça.

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  13. L'actualité nous prouve que dans notre France à nous, ce n'est pas mieux.

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    1. Hélas non, c'est même de pire en pire par chez nous.

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  14. Le sujet m'interpelle, je note aussi !

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  15. Tu en parles très bien, j'ai envie de me le procurer !

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    1. C'est un texte vraiment très puissant, j'ai beaucoup aimé.

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  16. J'avais loupé ce titre dis donc... c'est un tort j'ai l'impression...!

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    1. Oui je crois que c'est un tort et je suis presque certain qu'il te plairait.

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