mardi 30 juin 2015

Ronde comme la lune - Mireille Disdero

Saskia n’a pas un problème de taille mais un problème de poids. Trop gourmande, incapable d’ouvrir un paquet de chips sans l’engloutir en entier. Ses excès de nourriture se reflètent sur son apparence. Un corps de lycéenne qu’elle déteste mais pour lequel elle n’est pas vraiment prête à faire d’efforts, tant pis pour les moqueries, les surnoms idiots, les blagues humiliantes ou les phrases griffonnées au tableau. Jusqu’au jour ou ses bourreaux franchissent la ligne rouge en créant un faux site internet pour la ridiculiser…

Beaucoup de choses m’ont plu dans ce texte. Et pourtant j’ai craint le pire au départ, persuadé d’avoir affaire à une énième variation autour d’une ado en souffrance, à un récit plein de geignardise et de portes ouvertes que l’on enfonce à grands coups de pathos. Mais je me suis vite rendu compte que Mireille Disdero ne cèderait pas à la facilité et qu’elle jouerait une partition tout en finesse et surtout extrêmement réaliste.

Le rejet de son apparence (« Mon corps ? Un boulet que je devais porter comme si je l’acceptais ; un boulet qui avait le droit d’exister et de m’écraser. »), la relation compliquée aux parents, la vie sociale qui continue malgré tout, l’attirance pour un garçon et l’incompréhension devant l’intérêt que lui-même manifeste alors qu’en théorie il devrait se sauver en courant, tout cela est relaté le plus naturellement du monde et rend Saskia incroyablement attachante.

J’ai aussi aimé le fait qu’elle rejette avec force l’empathie de ses proches et affirme son besoin d’être mise en difficulté pour pouvoir enfin avancer, une posture originale et qui sort des sentiers battis (« Le problème, avec ceux qui nous aiment, c’est la guimauve. Ils nous trouvent des circonstances atténuantes, refusent de nous faire du mal, nous protègent de la vie mais celle-ci est bien là, entière et cruelle, avec ses coups. Résultat ? Leur affection ne nous aide pas. »). Cerise sur le gâteau, je trouve la fin parfaite : non, elle ne devient pas une jolie jeune fille mince à force de régimes et d’une volonté sans faille ; non elle ne sombre pas dans une dépression profonde et ne se jette pas du haut d’un pont… Là encore, la finesse l’emporte, rien n’est tout blanc ou tout noir, et c’est d’autant plus crédible.

Un texte magnifique et particulièrement intelligent que je recommande chaudement (c’est de saison !), et ce n’est pas ma complice préférée qui vous dira le contraire.

Ronde comme la lune de Mireille Disdero. Seuil jeunesse, 2015. 176 pages. 12,50 euros. Dès 11 ans.

L'avis de Noukette avec qui je partage une fois de plus cette lecture jeunesse.




lundi 29 juin 2015

Les lectures de Charlotte (7) : Le gâteau perché tout là-haut

Qu’il a l’air appétissant ce gâteau perché tout là-haut ! L’ours aimerait bien le goûter mais il est trop petit pour l’atteindre. Heureusement, le cochon arrive et lui saute sur la tête. Pas suffisant cependant pour arriver jusqu’au gâteau. Avec l’aide du chien, du lapin, de la poule et de la grenouille, la fenêtre est enfin accessible. Sauf qu’elle se ferme d’un seul coup et…

Un album très drôle qui joue sur l’effet d’accumulation. Chaque double page offre le même décor fixe auquel vient s’ajouter un nouvel animal. Beaucoup d’efforts mis en commun pour, à première vue, une terrible frustration. Sauf que l’entraide finit toujours par payer, c’est bien connu. L’histoire est facile à suivre et le minimalisme du  graphisme se révèle au final très parlant. J’aime beaucoup aussi les détails hilarants comme la position des animaux qui change dans la « pyramide » dès que l’on tourne une page. Sans oublier ce petit oiseau sur le fil électrique qui ne cesse de se rapprocher du gâteau et en obtient un morceau à sa façon.



Lu, relu et rerelu des dizaines de fois depuis son arrivée à la maison, cet album fait un tabac auprès de ma petite lectrice préférée, qui a pourtant des goûts déjà très tranchés dès qu’il s’agit de choisir un livre. Et j’aime autant vous dire que quand elle en tient un qui lui plait autant, elle ne le lâche plus !

Le gâteau perché tout là-haut de Suzanne Straber. Tourbillon, 2015. 20 pages. 13,00 euros. A partir de 2 ans.


L'avis de Faelys


samedi 27 juin 2015

L’ampleur du saccage - Kaoutar Harchi

Ils sont quatre et leurs liens semblent ténus. Un fil, pourtant, relie l’histoire de Riddah, Ryeb, Si Larbi et Arezki. C’est de l’autre coté de la méditerranée, là-bas, en Algérie, où trois d’entre eux sont nés, que leurs destins vont se rejoindre et basculer une dernière fois. A l’origine, un acte collectif abominable perpétré trente ans plus tôt. Un acte sur les lieux duquel ils vont revenir depuis la France pour faire face à la vérité. Une vérité douloureuse et tragique, point de départ de tous leurs maux.

Difficile de rentrer dans ce texte choral tant il n’est pas simple à première vue de trouver des connexions entre chaque personnage. Mais peu à peu le puzzle se met en place, les interactions prennent sens et la tragédie à venir apparaît inéluctable. Kaoutar Harchi possède un sens aigu de la mise en scène. Elle avance ses pions avec une maîtrise narrative éblouissante, tissant un canevas dont la forme définitive surgit comme une évidence dans les toutes dernières pages. J’aime son écriture au lyrisme contenu, ses phrases brèves qui disent la douleur et le chagrin.

L’ampleur du saccage est une réflexion sur la quête des origines, la relation à la mère, l’exil, la violence des hommes. Des hommes perdus, souffrant de carences affectives et sexuelles, tellement en manque de repères qu’ils marchent en permanence au bord du précipice. Des hommes sans espoirs, torturés par le remords, certains de ne jamais trouver le repos, de ne jamais pouvoir expier leurs fautes. C’est beau, intense et triste comme la vie.

L’ampleur du saccage de Kaoutar Harchi. Babel, 2015 (première édition en 2011). 120 pages. 6,80 euros.

Un livre offert par une blogueuse chère à mon cœur pour des tas de raisons qui ne regardent qu’elle et moi. Merci encore, comme d’habitude, ton choix était parfait.

Extraits :

« Je ‘n’appartiens à aucune terre, je ne descends d’aucune lignée, je suis là, simplement. Cause abandonnée au bon vouloir des mystères mutiques, je dérive le long des impostures, épuisé, car tous les ports d’accueil ont disparu : j’ignore d’où je viens. »

« Nous étions des êtres nus, nos corps ne voulaient plus continuer. La décomposition et le pourrissement guettaient, seules nos âmes croyaient qu’il était encore possible de surmonter la boue, les puces et les rats. Criminels en fuite, nous portions en nous des cadavres, nos cadavres, car nous étions en avance sur la mort, nous lui avions mâché le travail. […] Comment ne pas tomber, ne pas creuser et s’enfouir soi-même, sans l’aide de personne, d’aucun Dieu, sous cette terre aux abois ? »





vendredi 26 juin 2015

Un été 42 - Herman Raucher

« Hermie fut pris d'une violente nausée. Il eut des vertiges et dut s'asseoir. Il avait la tête embrumée, folle, malade. C'était soit l'amour, soit le choléra - il avait une préférence pour ce dernier parce qu'au moins, on pouvait en guérir. »

Hermie, Oscy et Benjie. Des gamins de 15 ans qui voudraient devenir des hommes, pendant cet été 42 passé sur une île en face de la Nouvelle Angleterre, alors que leur pays vient d’entrer en guerre. Des ados se baladant au bord de la plage avec leur bistouquette greffée sur le front, ne pensant qu’à « ça ».  « Ça », qui les travaille beaucoup, mais dont ils ne connaissent strictement rien. Heureusement, Benjie a son manuel d’anatomie. Tout l’acte sexuel y est expliqué en douze étapes. Hermie est persuadé qu’il ne dépassera pas la seconde de ces étapes, que s’il arrive à la cinquième ce sera un miracle. En attendant, il fantasme comme ses copains sur la belle Dorothy. Une femme, une vraie, à la plastique parfaite et au charme torride.

Ce texte sent le vécu à plein nez et c’est ce qui le rend si attachant. Bien sûr, aujourd’hui, une éducation sexuelle (ou plutôt pornographique, ce qui n’a strictement rien à voir) peut se faire en deux clics mais il n’empêche, les questionnements de l’adolescence gardent une portée universelle. Par exemple Hermie qui pelote le bras de sa voisine au cinéma pensant que c’est un sein et s’étonne à peine de ne pas trouver le téton, ça aurait pu être moi. Ce même Hermie qui joue avec une capote, l’enfile et la trouve tellement grande qu’il a l’impression de voir pendre un « accordéon détendu », ça aurait pu être moi aussi. J’ai bien dit « aurait pu », n’allez pas vous imaginer des trucs sur mon adolescence (et mon anatomie).

Quoi qu’il en soit, j’ai adoré cet humour pas spécialement léger mais qui ne cherche pas non plus à en faire des caisses. L’enchaînement des épisodes peu glorieux donne tout le sel au récit. On suit nos pieds nickelés de la drague le sourire aux lèvres, on se délecte de leurs échanges savoureux, de leurs réflexions hautement intellectuelles sur les choses de la vie, de leurs angoisses, de leurs échecs et de leurs pseudo certitudes : « Il quitta sa chambre avec la conviction que lorsqu’il reviendrait, il serait un homme. Des pieds à la tête, il n’était qu’une érection ambulante qui respirait le sexe, la confiance en soi et la maturité. » On rit beaucoup donc, et à la fin on pleure, parce c’est beau et qu’il y a de quoi (enfin pas moi parce que je ne pleure jamais en lisant un livre, faut pas pousser non plus, mais j’en connais qui écraseraient facilement une petite larme).

Un roman d’initiation qui m’a fait passer un excellent moment de lecture. Quel plaisir de découvrir ces garçons « douloureusement à cheval sur le fil de fer barbelé qui sépare l’enfance de l’âge adulte », ces garçons « en train de se départir de l’atroce chrysalide de la jeunesse ». Réjouissant et plein de vie !

Un été 42 d’Herman Raucher. La belle colère, 2015 (1ère édition française en 1971). 345 pages. 20,00 euros.

Une lecture comme que j’ai le plaisir de partager avec La Fée Lit. Une grande première dont je me réjouis au plus haut point (et on remettra ça très vite j’espère !)




jeudi 25 juin 2015

L’arabe du futur T2 : une jeunesse au Moyen-Orient (1984-1985) - Riad Sattouf

Dans ce tome 2, le petit Riad a maintenant six ans, et il est toujours installé en famille dans la Syrie natale de son père. Un papa prof de fac et plein de projets ambitieux, une maman d’origine bretonne qui s’ennuie ferme dans ce pays si éloigné du sien, et un Riad aux « cheveux blonds d’actrice californienne qui volent dans le vent », à « l’air un peu trop sûr de son charme », à « la voix de petite fille », qui a des « lacets faits par sa maman chérie » et qui « doit se retenir très fort de pleurer quand il tombe par terre ».

Riad vit comme un petit syrien, va à l’école, s’intègre comme il peut et gravite parmi des connaissances de son père faisant partie de « l’élite » du pays. Avec lui on découvre une institutrice voilée et coquette qui ne badine pas avec la discipline, faisant régner l’ordre à coups de bâton, un général mégalo et son garde du corps aux bacchantes impressionnantes, un hôtel de luxe pour riches autochtones ou encore une station balnéaire aux allures très occidentales.

Par rapport au premier tome, j’ai trouvé que la mère s’affirmait davantage et que, sans doute par ricochet, le père semblait plus à l’écoute, et de fait plus sympathique. Ce que j’adore dans cette autobiographie, c’est le mélange de candeur et d’acuité. Riad observe. Il n’a rien d’autre à faire car ses origines et son physique de « sale juif » l’excluent le plus souvent des jeux et des conversations de ses camarades. Comme toujours, Sattouf propose différents niveaux de lecture. Derrière la légèreté du propos affleure une réalité politique et sociale décrite sans complaisance : président réélu avec 100% des voix, bourrage de crâne pour entretenir un antisémitisme d’état, place de la femme, crimes d’honneur, etc.

Au final, il reste en bouche une tendresse lucide portée par ce petit garçon découvrant le monde à hauteur d’enfant. L’arabe du futur, c’est de l’ethnographie mâtinée d’humanisme, un regard à la fois naïf et sans concession, mais aussi sans jugement. Très, très fort monsieur Sattouf !

L’arabe du futur T2 : une jeunesse au Moyen-Orient (1984-1985) de Riad Sattouf. Allary, 2015. 158 pages. 20,90 euros.

Mon avis sur le tome 1

Une lecture commune que j'ai l'énormissime plaisir de partager avec Framboise. Sa toute première lecture commune, et c'est avec moi, autant vous dire que je n'en suis pas peu fier. Et on a beau dire, une première fois, c'est toujours spécial !




mercredi 24 juin 2015

Histoires de famille : huit nouvelles dessinées - Pelle Forshed

Huit nouvelles qui mettent en scène des auxiliaires de vie suédois intervenant auprès de personnes âgées maintenues à domicile. Toilettes, courses, repas, médicaments, etc. Surtout, une présence pour briser la solitude de ces hommes et femmes en fin de vie dont la décrépitude physique et/ou morale fait peine à voir. Une décrépitude dont le reflet nous éclabousse de plein fouet tant il est difficile de ne pas imaginer ce qui nous attend à plus ou moins long terme. C’est du moins l’impression que j’ai eue et inutile de vous dire que c’est sacrément plombant.

Comment ne pas être admiratif devant ces infirmiers et travailleurs sociaux qui, loin d’être présentés en héros, sont d’une humanité touchante ? Le planning tellement serré qu’il est impossible de consacrer le temps nécessaire à chacun, les relations parfois tendues avec les enfants, qui n’hésitent pas à vous accuser de maltraitance pour un oui ou pour un non et vous menacent d’un procès, ces grabataires qui ne supportent pas de voir des nouvelles têtes et souhaitent accueillir toujours le même auxiliaire. Parfois l’indifférence l’emporte sur l’empathie, parfois on bâcle le travail, rêvant d’être ailleurs, parfois on souhaite se voir retirer la responsabilité de certains cas devenus trop pesants.

Il y a aussi tout au long du recueil une véritable réflexion sur la mort, la façon dont elle perçue par les proches et les accompagnants, ces derniers devant prendre le recul nécessaire pour ne pas être trop ébranlés émotionnellement. Pelle Forshed sait de quoi il parle puisqu’il a lui-même exercé ce métier. Son trait naïf et minimaliste permet de mettre une distance bienvenue entre la dureté du propos et la représentation qui en est faite.

Soyons clair, toutes les nouvelles ne se valent pas. Il n’empêche, le désarroi et les questionnements de ces auxiliaires de vie, de ces familles face à la vieillesse de leurs proches et à la maladie ont un coté universel, ils nous renvoient à notre propre manque d’implication vis-à-vis de nos aînés. En tout cas c’est comme cela que je l’ai perçu. C’est particulièrement dérangeant mais en ce qui me concerne cette lecture a permis de remettre bien des choses en perspective. Comme quoi…

Histoires de famille : huit nouvelles dessinées de Pelle Forshed. L’agrume, 2015. 140 pages. 20,00 euros.







mardi 23 juin 2015

Cher cousin caché - Dominique Brisson

En trouvant le forfait de ski d’une certaine Mathilde portant le même nom que lui dans sa doudoune, Émile découvre qu’il a une cousine de son âge et qu’il n’en a jamais entendu parler. Fâchés de longue date, ses parents et son oncle se partagent le chalet familial à chaque période de vacances sans jamais se croiser. Bien décidé à communiquer avec cette cousine dont on lui a caché l’existence, Émile lui laisse un message dans la doudoune. Commence alors entre les deux enfants une correspondance secrète où chaque lettre aura la valeur d’un trésor…

Noukette et moi changeons de registre cette semaine pour notre rendez-vous hebdomadaire autour de la littérature jeunesse : pas de texte coup de poing, de thématique qui gratte et laisse des traces mais un petit roman épistolaire avec des gamins espiègles et attentionnés particulièrement attachants. Du léger, du vivifiant, du positif. Entre Émile et Mathilde, c’est une amitié simple et sincère qui se développe. J’ai aimé voir leur complicité se renforcer au fil du temps, comme une évidence. J’ai aimé l’originalité dont ils ont dû faire preuve pour cacher leurs missives, les trouvailles qu’ils ont mis en œuvre pour faire pester les adultes, la façon dont chacun s'est confié à l’autre en toute confiance, sans aucune arrière-pensée. Et puis cet échange ne s’inscrivant dans aucune immédiateté, cet échange fait d’attente, d’impatience (des semaines voire des mois séparant deux lettres) possède un petit coté anachronique plein de charme.

Une très belle surprise donc que ce court roman dont la lecture fait le plus grand bien. Au moins, ça change de ce que l’on a l’habitude de dénicher pour cette tranche d’âge.

Cher cousin caché de Dominique Brisson. Syros, 2013 (1ère édition en 2006). 70 pages. 6,20 euros. A partir de 9 ans.


lundi 22 juin 2015

Anuki T5 : Grand-Pied de Sénégas et Maupomé

Quand le shaman raconte à Anuki et ses amis la légende du terrible Bigfoot un soir d’orage, il leur fait une peur bleue ! Une peur qui grandit encore lorsqu’ils se voient chargés par ce même shaman d’aller déposer dans la forêt les offrandes destinées à maintenir des rapports cordiaux entre la tribu et ce géant poilu. Le lendemain, les papooses se mettent en route, pas rassurés. Ils se séparent et Anuki, son panier à la main, va faire une rencontre qu’il n’est pas près d’oublier…

En cinq albums Anuki est devenu la coqueluche de la maison. Le seul héros de BD (avec Chi) dont chaque membre de la famille attend avec impatience le retour en librairie. Ce cinquième volume est de loin mon préféré. Plus dense, plus complexe, plus drôle, plus trépidant et avec un dessin encore plus abouti (si, si, c’est possible). La réapparition des poules est un clin d’œil génial au premier tome. La course poursuite avec le Bigfoot est menée de main de maître et la conclusion apporte une petite touche d’émotion bienvenue.

Un modèle de BD muette, d’une fluidité et d’une lisibilité à nulle autre pareille. Il suffit de voir un enfant s’y plonger les yeux pétillants et le sourire aux lèvres pour se convaincre qu’Anuki est une réussite totale. Chapeau bas messieurs  Sénégas et Maupomé et rendez-vous l’an prochain pour le tome 6, j'en connais qui l'attendent déjà de pied ferme.


Anuki T5 : Grand-Pied de Sénégas et Maupomé. Éditions de la Gouttière, 2015. 40 pages. 9,70 euros. A partir de 4-5 ans.


Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Mo’





dimanche 21 juin 2015

Histoire d’Irène - Erri De Luca

Si vous passez régulièrement par ici vous savez à quel point j’apprécie Erri de Luca (je vous l’ai dit , , et ), mais par moments il m’agace prodigieusement. Notamment quand ce fervent lecteur des écritures sacrées joue au « mystique sans religion » (c’est ainsi qu’il se qualifie) comme c’est le cas dans ce recueil.

La première des trois histoires, la plus longue (85 pages sur 120) et celle qui donne son titre à l’ouvrage, est incontestablement le truc le plus gnangan que j’ai lu depuis longtemps. Irène a été trouvée bébé sur la plage d’une île grecque après une tempête. Irène est mutique, vit en sauvageonne et passe son temps à nager avec les dauphins : « Toutes les nuits, Irène rejoint la famille des dauphins, onze avec elle, guidés par une femelle adulte. Elle vide pour eux les filets sans les couper, elle descend sur le fond et détache des hameçons les anchois et les morceaux de calamars, elle ouvre les nasses. Avec son couteau italien, elle libère et sauve les siens empêtrés dans les filets. Elle reste avec eux jusqu'à la fin de la nuit. Elle a le même âge que deux des dauphins, une femelle et un mâle. Ils ont grandi ensemble, ils ont exploré les jeux jusqu'à la venue de la maturité. » Sérieux ? Plus cucul tu meurs ! Irène est enceinte, l’opération du saint esprit sans doute, c’est du moins ce que je me suis dit au départ. Mais, non, c’est autre chose : lorsqu’elle accouche, au large, c’est d’un dauphin ! Sérieux ?

Je le savais déjà à cause de lectures précédentes dont je n’ai pas parlées sur le blog mais cela se confirme ici, je n’aime décidément pas quand de Luca donne dans le mystique, quand il fait sans cesse référence à des personnages bibliques (Jacob, Jonas, etc), quand il se demande : « Amour et Dieu sont-ils la même chose » ? Je n’ai pas envie de le suivre dans ces réflexions-là et j’ai trouvé sa fable de la femme-dauphin en tout point ridicule.

Le second texte, autobiographique, revient sur la fuite de son père, alors soldat, en 1943 au moment où Capri est libérée par les américains. Un texte important pour lui, cela va de soi, mais qui m’a laissé de marbre. Il n’y a que dans le troisième où j’ai retrouvé l’écrivain que j’aime. Il m’a touché en plein cœur ce vieux napolitain, une amande dans la bouche, trouvant refuge contre une pierre après avoir lutté contre le froid et la tramontane de février pour offrir au soleil de la méditerranée son corps fatigué et son front ridé. Superbe mais trop court. Trop peu, trop tard, oserais-je dire. Mais je ne suis pas rancunier mon cher Erri, et je serai fidèle au poste quand sortira votre prochain livre.

Histoire d’Irène d’Erri de Luca. Gallimard, 2015. 122 pages. 12,50 euros.




vendredi 19 juin 2015

Les enfants de Dimmuvik - Jon Atli Jonasson

« Le passé ne me cause plus de chagrin. Plus comme avant. Il s’en faut de beaucoup. Je pense que le cœur se revêt de callosité. Et puis elle le gagne entièrement. La corne. Jusqu’à ce que la pompe ne soit plus qu’un bloc coriace. Alors le cœur cesse de battre et on meurt. »

Au moment où elle enterre son frère, une vieille femme se souvient de sa jeunesse. Son Islande natale, une crique entre mer et lande, en 1930, dans un paysage désolé et sauvage. Elle avait douze ans à l’époque et son père venait de mettre en terre le petit dernier, emporté à la naissance. Un décès dont sa mère ne se remettra jamais, passant par la suite le plus clair de son temps clouée au lit, fixant le mur sans rien dire.

En tant qu’ainée, la narratrice veille sur son frère somnambule et sa sœur d’une maigreur de brindille. La cahute qui leur sert de maison, isolée du reste du monde, est un univers clôt, mutique. Ici les mots sont de trop. Seules parlent la misère et la faim, le cycle des saisons et l’interminable hiver qui recouvre de son linceul cœurs et âmes. Ici la solitude extrême, la souffrance, la rudesse de l’existence amènent chacun au bord de la folie. Ici pour survivre alors qu’il y a trop de bouches à nourrir, il faut parfois aller au-delà de l’acceptable, au-delà de l’humain.

Clairement, je suis fan de la littérature islandaise quand elle ne se drape pas dans les plis du polar. Je pense bien sûr à cette chère « Lettre à Helga » et au fabuleux (je pèse mes mots !) roman de Jon Kallman Stefansson, « La tristesse des anges ». Je retrouve dans cette « novella » l’âpreté des êtres, du climat et des paysages, les réflexions métaphysiques sur le sens de la vie. A quoi bon ? Semblent-ils tous se dire, poussés à rester debout par un instinct animal qui dicte leur conduite.

C’est triste et déchirant, c’est évidemment à lire d’une traite et c’est d’une beauté crépusculaire. Bref… j’ai plus qu’aimé.

Les enfants de Dimmuvik de Jon Atli Jonasson. Noir sur Blanc, 2015. 90 pages. 11,00 euros.






jeudi 18 juin 2015

Mortes saisons - Marcus Malte

« Selon la formule consacrée : si tu lis ces quelques lignes, c'est que je ne suis plus de ce monde. Mais au fond, et même si cela ne t'est pas une consolation, sache qu'il y a déjà longtemps que je l'ai quitté. Ce monde. Celui que toi et moi connaissions. Dès l'instant où j'ai posé le pied sur ce continent, j'ai cessé de lui appartenir. »

Ce texte est une conversation posthume entre Alice et Fanfan, son frère disparu il y a 50 ans pendant la guerre d’Algérie. De lui elle a récupéré une lettre et trois carnets, un jour d’août 1964. Une sorte de journal intime, sans dates. Décousu. Un journal dans lequel Fanfan couchait l’indicible, ses états de service de bourreau pour l’armée française. Sûr de lui, de sa force, de son bon droit, de la justesse de sa cause. Torturer pour obtenir des informations, lutter contre les terroristes, sauver des vies. Alice répond à son fantôme. On devine la relation fusionnelle avec ce frère qui était tout pour elle. Elle le prend à partie, cherche à lui ouvrir les yeux, reste persuadée qu’elle aurait pu le remettre dans le droit chemin s’il était revenu vivant : « Ils t’ont dressé, Fanfan. Obéir, aboyer, mordre. Tu te croyais maître de ta destinée, tu n’étais que chien. […] Même dans cet état, je t’aurais repris tu sais. Recueilli. Réadopté. Réadapté. »

A travers les reproches, une tendresse infinie affleure de la part de cette sœur marchant sans cesse au bord du vide. Une famille à jamais déchirée par cette disparition, une vie de solitude et de tristesse, un mariage raté… Alice a traversé des décennies sans parvenir à tirer un trait, à oublier celui qui est resté à jamais son seul et véritable amour.

Marcus Malte cogne comme il en a l’habitude, il appuie là où ça fait mal. Il dit le chagrin, la mélancolie, l’incompréhension, mais aussi le souvenir des moments passés ensemble. Il montre un homme face à la barbarie, faisant partie de cette barbarie, la légitimant même. Il raconte une histoire de deuil impossible, portée par une écriture d’une puissante sobriété. J’avais eu l’occasion de découvrir cette collection croisant littérature et photographie grâce au très beau texte de Thierry Magnier, « Ma mère ne m’a jamais donné la main ».  Ce « Mortes saisons » confirme que la recette fonctionne à merveille et que le dialogue s’instaurant au fil des pages entre texte et images n’a rien d’artificiel, bien au contraire.

Mortes saisons de Marcus Malte (photographies Cyrille Derouineau). Le bec en l’air, 2012. 94 pages. 15,50 euros.





mercredi 17 juin 2015

Les enfants de la résistance T1 : Premières actions - Ers et Dugomier

Juin 40. Après la débâcle, l’armistice signé par le gouvernement de Pétain fait de la France un pays occupé. François et Eusèbe voient défiler les soldats allemands dans leur village. Impossible pour ces enfants de ne pas réagir face un envahisseur se croyant tout permis. Pour lui pourrir la vie, les deux copains vont faire avec les moyens du bord et mener à bien quelques opérations, certes modestes, mais qui vont peu à peu inciter tout le village à les suivre dans leurs actions…

La démarche d’Ers et Dugomier est intéressante dans la mesure où ils ne mettent pas en scène les résistants tels que l’on a l’habitude de les voir, mitraillette en main, organisés en réseau très structurés et lançant des projets de sabotage de grande envergure. En 40, la population cherche juste à reprendre le cours d’une vie normale, s’accommodant d’un armistice qui de prime abord, et pour certains, ne semble pas changer grand-chose. Avec cet album, ils montrent le début d’un mouvement balbutiant et la montée progressive de l’exaspération face à l’attitude des allemands.

Du haut de leurs 13 ans, François et Eusèbe savent que leurs moyens d’agir sont limités. Ils font preuve d’ingéniosité et utilisent leur bonne connaissance de l’environnement local pour perturber au maximum l’occupant. Une sorte d’éveil au sentiment de révolte, un refus de se résigner qui les fera gagner en maturité et les exposera à des dangers dont ils ne saisissent pas l’ampleur.

Je connaissais ce duo d’auteurs pour leur série « Les démons d’Alexia ». On retrouve ici le trait rond et doux du dessinateur, son attention permanente à l’expressivité des visages et le dynamisme de son cadrage dans les scènes d’action. Classique et efficace.

Impossible de ne pas comparer le premier tome de cette série avec mes chers Lulus. Pour le coup, les orphelins picards gardent ma préférence. Ils ont un petit quelque chose de plus spontané, plus attachant aussi (sans compter que je ne suis jamais très objectif quand il s'agit des lulus). Et puis ici la voix off omniprésente, sous couvert d’explications et de remise en contexte historique censées éclairer le jeune lecteur, offre à la longue un discours un peu trop scolaire. Le dossier documentaire en fin d’album achève d’ailleurs de convaincre que cette série possède une dimension didactique certaine et assumée. Je préfère donc la fraîcheur des lulus mais pour autant, ces enfants de la résistance gagnent incontestablement à être connus et je suivrai avec attention leurs futurs coups d’éclat.

Les enfants de la résistance T1 : Premières actions d’Ers et Dugomier. Le Lombard, 2015. 56 pages. 10.60 euros.


La BD de la semaine est
aujourd'hui chez Noukette













mardi 16 juin 2015

Comment je me suis débarrassé de ma mère - Gilles Abier

Cinq nouvelles faisant voler en éclat l’image d’Épinal de la maman aimante et pleine de tendresse. Cinq nouvelles à chute dont l’amertume vous reste longtemps en bouche. Oui, il est possible de faire interner une maman trop possessive. Oui, une maman d’athlète de haut niveau, prête à tout pour la carrière de sa progéniture, n’est jamais loin de dérailler. Oui, un enfant peut avoir honte de sa mère trop moche, trop bête et trop pauvre, au point de vouloir se faire adopter. Et non, il ne faut jamais accepter sa mère comme amie sur Facebook. Surtout quand elle est prête à déballer votre intimité sans retenue.

Les narrateurs sont ici les enfants. Des enfants sans pitié, plein de rancœur, prêts à tout pour se débarrasser d’une génitrice qui, selon eux, les empêche de grandir et de se construire. Je dis bien selon eux car Gilles Abier ne jettent pas en pâture au lecteur des mères  au comportement « indéfendable ». Point ici de manichéisme, au-delà des apparences, les victimes ne sont pas forcément celles que l’on croit. Du moins pas toujours. Les ados qui s’expriment ici sont à un point de rupture dans la relation avec leur mère. Problème de communication, d’aspirations devenues tellement différentes que le fossé s’étant creusé semble ne jamais pouvoir être comblé.

Un texte en particulier m’a mis mal à l’aise. Pas celui où une fille traite sa mère de salope, ni celui où une autre la considère comme « vicieuse et perverse », mais celui qui a pour titre « Trois raisons ». Sans doute parce qu’il est trop plein de mépris, de dédain, de moqueries gratuites. Parce qu’avoir aussi peu de considération pour celle qui vous a donné la vie est difficile à accepter, même si cette nouvelle, comme toutes les autres, sonne affreusement juste.

C’est incisif, sans fioriture. Abier maîtrise l’art de la nouvelle, il va à l’essentiel et ne s’embarrasse pas de précautions inutiles. Il cogne et ça fait mal, mais c’est ça qui est bon ! Dérangeant et réaliste, ce recueil vous marque au fer rouge, profondément.

Comment je me suis débarrassé de ma mère de Gilles Abier. Actes sud junior, 2015. 125 pages. 12,00 euros. A partir de 13 ans.

Une pépite jeunesse que je partage cette semaine encore avec Noukette.















lundi 15 juin 2015

A l’école de Louisette - Bruno Heitz

Je vous ai déjà dit à quel point j’aimais Bruno Heitz (ici, ici et ici), son trait naïf, ses personnages attachants et ses polars ruraux sentant bon la France de Pompidou. Mais cet auteur touche à tout est aussi et surtout connu pour ses ouvrages jeunesse comme « L’histoire de France en BD » ou encore « Louisette la Taupe ».

Louisette est une vielle taupe vivant tranquillement dans son terrier où elle reçoit la visite de nombre d’animaux de la forêt. Calée dans son fauteuil, elle aime notamment lire des histoires à trois jeunes lapins. Car Louisette a eu la chance de passer son enfance sous une salle de classe, ce qui lui a permis d’apprendre à lire, à écrire et à découvrir des classiques de la littérature. Ces classiques sont justement le point de départ de chacun des trois albums réunis dans ce recueil. L’inventaire de Prévert, Ulysse et les frères Grimm vont déclencher des aventures au cours desquelles Louisette va retourner à l’école, devenir artiste de cirque et déjouer les plans d’une belette sournoise.

Cette série est un concentré de bonne humeur et de bon sens. Les enfants adorent l’ambiance sylvestre, la galerie de personnages animaliers attachants et souvent farfelus et l’humour tout en légèreté d’un auteur qui, à l’évidence, s’amuse énormément à mettre en scène tout ce petit monde (A la maison, pépette n°2 possède tous les albums, dont certains dédicacés, une vraie fan !). Au final, c’est beaucoup moins gnangnan, beaucoup moins répétitif et bien plus drôle que « Sylvain et Sylvette » par exemple. D’ailleurs ce n’est pas pour rien que Louisette fait partie de la liste officielle de référence des œuvres de littérature conseillées par l’éducation nationale aux enseignants de CE1.

Une excellente idée que cette compilation permettant de lire trois titres à la suite. Avec son format plus grand que celui d’origine,  son joli vernis sélectif en couverture, son papier brillant et son épais cartonnage, cet album constitue une occasion parfaite pour ceux qui ne le connaissent pas encore de découvrir l’univers de Louisette et de ses amis.

A l’école de Louisette de Bruno Heitz. Casterman, 2015. 100 pages. 18,50 euros. A partir de 6 ans.


L'avis de Canel




samedi 13 juin 2015

La mer couleur de vin de Leonardo Sciascia

Des nouvelles écrites entre 1959 et 1972. Des nouvelles ancrées par Leonardo Sciascia dans la terre de Sicile qui l’a vu naître. Toutes sont très différentes, certaines ont des allures de conte comme la première, d’autres sont proches du vaudeville (« Un cas de conscience »), du faits divers (« Procès criminel ») où d’une réalité sociale douloureuse (« Le long voyage », « Western en Sicile »). Ma préférée est « Affaire de Saints », récit truculent de l’affrontement entre une femme bigote et son mari communiste à propos d’une statue de sainte retirée d’une église.

Sciscia le sicilien, amoureux fou de son île, n’hésite pas pour autant à en dénoncer les travers : mafia, pauvreté, envies d’exil, poids écrasant de la religion, avidité des nantis, oisiveté d’une population pas franchement prête à se tuer à la tâche (« Nous sommes ainsi faits, nous attendons que le fruit mûr nous tombe de l’arbre dans la bouche »), son regard est sans concession. Il n’empêche, on sent poindre en permanence une infinie tendresse pour ses personnages écrasés à la fois par une chaleur infernale et le poids  étouffant  des traditions.

L’écriture est légère, virevoltante, souvent drôle, et les dialogues savoureux. Je découvre avec ce recueil la voix d’un grand nom de la littérature italienne et j’avoue être tombé sous le charme d’une plume aussi élégante.

La mer couleur de vin de Leonardo Sciascia (trad. J. de Pressac). Denoël, 2015. 190 pages. 15,50 euros.





vendredi 12 juin 2015

L’agenda de la petite souris - Céline Lamour-Crochet et Anne Mahler

On perd une dent, on la glisse sous l’oreiller, le lendemain elle n’y est plus car la petite souris est passée. La routine, quoi. Sauf que pour la petite souris, c’est un boulot de dingue ! Un boulot bien plus fatiguant que celui du Père Noël. Car elle, c’est toutes les nuits qu’elle est sur le pont, pas une seule fois par an. Et dans la journée, vous vous êtes déjà demandé comment elle s’occupe, la petite souris ? Et bien elle s’entraîne, et son programme est  un programme d’athlète de haut niveau. Le lundi, tour de la terre en essayant de battre son record de vitesse. Le mardi, escalade. Le mercredi, exercices d’acclimatation aux différences de température (ben oui, elle peut passer en un rien de temps d’une hutte africaine à un igloo, et pas question de tomber malade !). Son planning pour le reste de la semaine est tout aussi chargé, je vous laisse le découvrir par vous-même…

J’aime quand un album répond avec humour à des questions que l’on ne se pose pas. Celui-ci se conclut sur une interrogation importante. Que fait la petite souris de toutes les dents qu’elle récupère ? « Sa maison serait pleine à craquer, du sous-sol jusqu’au grenier, si elle les avait toutes gardées. » Alors que deviennent-elles, ces dents ? Et bien ne comptez pas sur moi pour vous le dire…

Le texte est drôle, les situations bien trouvées, le dessin doux et très expressif. A chaque jour une double page, c’est simple et efficace. Une bien belle surprise, chez un éditeur dont je n’avais jamais entendu parler. Un album que je vais garder au chaud et que je ressortirai avec plaisir quand ma pépette n°3 perdra ses premières dents.

L’agenda de la petite souris de Céline Lamour-Crochet et Anne Mahler. Les Minots, 2015. 36 pages. 13,50 euros. A partir de 3-4 ans.






jeudi 11 juin 2015

Un été 63 - Tracy Guzeman

Natalie et Alice Kessler sont tombées amoureuses du même artiste peintre aux cours de l’été 63, près d’un lac du Connecticut. Elles n’étaient que des ados à l’époque et lui avait une vingtaine d’années. Quarante ans plus tard, le peintre est devenu une célébrité mondiale, vivant reclus et n’ayant pas réalisé le moindre tableau depuis des décennies. Quand il révèle à un expert l’existence d’un triptyque inédit et qu’il charge ce même expert de retrouver les « morceaux » de ce triptyque, une minutieuse enquête commence, une enquête où les sœurs Kessler vont tenir le rôle principal et révéler un passé douloureux que chacun pensait profondément enfoui.

Un premier roman américain qui ne casse pas trois pattes à un canard. Les secrets de famille, ce n’est pas ma tasse de thé. Et puis tout est trop romancé, il y a trop de rebondissements « hasardeux » qui font bien les choses, et les personnages sont trop stéréotypés. Tout ça manque d’aspérité, c’est tellement, tellement lisse sous des faux airs de tragédie brûlante. De toute façon, quand j’ai du mal à rester attentif, que je saute quelques lignes et que je me fiche de l’intrigue comme de ma première chemise, ce n’est pas bon signe du tout.

Je reconnais néanmoins le louable effort de construction du récit. Cette narration entrelacée, ce va-et-vient entre les époques et les protagonistes, ce n’est pas follement original mais ça dénote une certaine ambition littéraire. Dommage que tout sonne faux et que je n’y ai pas cru une seconde. Je n’ai pas détesté, je suis resté totalement indifférent face à l’enchaînement des événements. A la limite, c’est pire que si j’avais détesté…

Un été 63 de Tracy Guzeman. Flammarion, 2015. 385 pages. 22,00 euros.

Les avis de Canel et Nahe





mercredi 10 juin 2015

Nouvelles graphiques d'Afrique - Laurent Bonneau

Tout est dans le titre. Laurent Bonneau a parcouru l’Afrique pour réaliser des courts-métrages. C’est suite à ces voyages qu’il eu envie de coucher sur le papier son ressenti sous forme de bande dessinée. Le résultat est loin du documentaire, loin du reportage. A travers ces histoires relevant davantage du témoignage, il dresse un portrait tout en suggestion de ce continent protéiforme et fascinant.

L’exil, la corruption, l’élection d’Obama, les enfants soldats, les richesses naturelles sources de conflit, la présence chinoise de plus en plus importante, le foot… autant de sujets plus effleurés que traités en profondeur, autant de portes ouvertes pour pousser le lecteur à la réflexion, sans jugement définitif.

Il se dégage de l’ensemble beaucoup de sérénité, de silences. Il y a même trois histoires totalement muettes. La plupart des pages se décomposent en deux cases dans un format proche de la carte postale. Graphiquement, Laurent Bonneau navigue du croquis au portrait détaillé, il change de technique à chaque nouvelle, passant par exemple des pastels aux crayons en noir et blanc. La palette de couleurs va quant à elle du vert intense de la forêt tropicale au jaune poussiéreux de l’Afrique subsaharienne. Le résultat est d'une variété bluffante et montre le talent multicarte d'un dessinateur passant avec une facilité déconcertante d'un style à l'autre.

Un album magistral, contemplatif, laissant le plus souvent l'image prendre le pas sur le texte. L'Afrique n'est ici ni sublimée ni fantasmée. Elle apparaît dans toute sa diversité, sa richesse, sa complexité. Une invitation au voyage des plus dépaysantes.

Nouvelles graphiques d'Afrique de Laurent Bonneau. Des ronds dans l'O, 2015. 164 pages. 25,00 euros.

L'avis de Noukette, qui m'a donné envie de le découvrir.


La BD de la semaine,
c'est aujourd'hui chez Stephie 





mardi 9 juin 2015

Nouveau look pour Petite Poche

Nous avons déjà parlé à plusieurs reprises avec Noukette de l'excellente collection "Petite Poche" (ici, ici et ici). Des textes courts, s'adressant à un public varié (de l'école élémentaire au lycée professionnel), faits pour être lus d'une traite, présentés dans une pagination aérée, abordant des thématiques variées, actuelles, et signés par de grands noms de la littérature jeunesse.

Alors que la collection fait peau neuve en cette fin de printemps (nouvelle charte graphique et "relooking" complet des couvertures, mise en ligne d'un site dédié, réédition de certains titres depuis longtemps indisponibles et baisse de prix !), petite présentation de deux des cinq inédits sortis récemment :


Victor ne peut pas, comme ses camarades, donner son avis sur la prise d'otages en cours dans une école d'Orléans. Chez lui il n'y a pas de télé, pas de portable et interdiction d'utiliser l'ordinateur tout seul. Alors forcément, difficile voire impossible de se tenir au courant de l'actualité. Tout ça parce sa mère "estime qu'il faut protéger les enfants de la folie du monde". Victor prend difficilement son mal en patience et il trépigne en attendant le retour de son père. Car il le sait, ce dernier pourra lui raconter bien des choses à propos de cette prise d'otages...

Un joli texte sur l'angoisse vécue par les enfants en quête d'explication et de compréhension des faits divers les plus sordides, surtout quand ces faits divers les touchent de près. Bon, j'avais deviné la chute, mais elle est quand même bien trouvée et bien mise en scène.

Trop fort, Victor ! de Mikaël Ollivier. Thierry Magnier, 2015. 44 pages. 3,90 euros. A partir de 8 ans.



"Les problèmes n'empêchent pas de de vivre, au contraire ! Tant qu'on a des problèmes, on est bien vivants. A un moment, ça finit toujours par s'arranger."
Théodora a beaucoup de problèmes dans la vie, mais sa mère lui a certifié que tous les problèmes ont une solution. Elle décide donc d'en dresser la liste et de s'y attaquer un par un : le frigo toujours vide ? pas un problème ; la belle-mère acariâtre ? pas un problème ; cette grosse brute de Kevin ? pas un problème ; les leçons de piano qu'elle déteste ? pas un problème...

Une belle façon de relativiser. Pas forcément évident de trouver une solution, mais en y mettant du sien, en affrontant les situations qui nous causent des soucis, on parvient à faire face. Le message est simple sans être simpliste, optimiste sans être moralisateur. Du Susie Morgenstern dans le texte !

Pas de problème ! de Susie Morgenstern. Thierry Magnier, 2015. 44 pages. 3,90 euros. A partir de 8 ans.

Une lecture commune que je partage évidemment avec Noukette !











dimanche 7 juin 2015

Myrmidon T4 : Myrmidon sur l'île des pirates - Dauvillier et Martin

Dans ce nouvel album, Myrmidon trouve son déguisement au fond de l'eau. Un costume de pirate avec sabre, veste et chapeau. Mais en le remontant avec sa canne à pêche, le petit garçon va aussi faire surgir d'affreux squelettes. Pour leur échapper, il décide prendre la mer. Pas forcément une bonne idée...

Après les cow-boys, les extraterrestres et les dragons, voilà donc Myrmidon aux prises avec des pirates. Aucune lassitude malgré le schéma narratif se répétant à chaque fois : entrer dans un costume, se projeter dans un univers imaginaire et vivre de nombreuses péripéties, l'impression de déjà-vu possède au contraire un aspect rassurant. Parce que l'on sait d'avance que malgré les événements et des éléments perturbateurs parfois anxiogènes (surtout ici des squelettes!), tout va bien se terminer. D'ailleurs Myrmidon affronte les épreuves que lui offre son imaginaire avec le sourire. Lui aussi sait que l'aventure n'est qu'une parenthèse avant le retour à la situation initiale et au réel.

Ce coté « structurant » offre un cadre dans lequel le petit lecteur va se sentir à l'aise. Il va apprécier retrouver un personnage « mascotte » auquel il est facile de s'identifier, retrouver les décors minimalistes lui permettant de se focaliser sur l'action et retrouver les codes graphiques utilisés depuis le début de la série pour différencier les éléments du rêve et ceux de la réalité. Bref, dans cet univers muet et pourtant très parlant, il va être chez lui, prêt à passer un bon moment avec un bon copain. Aussi efficace qu'imparable !

Myrmidon T4 : Myrmidon sur l'île des pirates de Dauvillier et Martin. Éd de la Gouttière, 2015. 32 pages. 9,70 euros. A partir de 3-4 ans.

L'avis de Mo'



vendredi 5 juin 2015

Le principe - Jérôme Ferrari

Un roman retraçant le parcours de l’allemand Werner Heisenberg, prix Nobel de Physique 1932 et fondateur de la mécanique quantique, il aurait normalement fallu se lever tôt pour que je m’y colle. Moi pour qui les sciences en général et les maths en particulier sont un mystère totalement incompréhensible (oui, j’ai eu 2/20 au bac, même pas honte !), je n’allais pas me laisser embarquer dans une lecture pareille. Sauf que l’auteur se nomme Jérôme Ferrari. Et parce que je considère ce monsieur comme l’un des plus grands écrivains français actuels, je suis prêt à le suivre sur tous les terrains, même les plus improbables. Si son prochain roman aborde la reproduction de l’escargot d’aquarium, je foncerais les yeux fermés, comme j’ai foncé ici pour découvrir ce qui se cachait derrière « Le principe ».

Et le pire c’est que j’ai presque tout compris (enfin, en gros, il ne faut pas pousser non plus). En gros, donc, Heisenberg découvrit en 1927 le principe d’incertitude selon lequel on ne peut connaître en même temps la vitesse et la position d’une particule élémentaire. Une découverte qui changea la face du monde, conduisant quelques années plus tard à la fission nucléaire et à Hiroshima. Je vous la fait courte mais je ne suis pas, intellectuellement parlant, dans la capacité de développer davantage (il ne faut pas pousser non plus – bis). Sachez juste qu’à travers Heisenberg, Ferrari dresse le portrait de ces scientifiques auxquels il « fut donné pour la première fois de regarder par-dessus l’épaule de Dieu ».

Quand l'auteur d'Où j'ai laissé mon âme s’empare d’un tel sujet, il ne donne pas dans le documentaire pédagogique. Il bouscule la chronologie et offre à son récit la prose majestueuse et exigeante qui le caractérise. Des phrases à la beauté foudroyante, s’étalant sur une demi-page ou ramassées sur elles-mêmes, sèches comme un coup de trique. J’ai adoré le vouvoiement du narrateur à l’adresse d’Heisenberg, cette proximité s’installant, presque intime, entre un petit personnage d’aujourd’hui interpellant un grand personnage d’hier pour mieux comprendre un monde où « rien ne peut sauver de la solitude l’homme qui ne rencontre que lui-même. C’est ainsi. Ce monde qui nous prolonge et nous reflète est plus terrifiant, plus étranger, plus hostile que ne le fut jamais la nature sauvage ».

Oui, Heisenberg a mis sa science au service des nazis. Mais conscient du danger potentiel que pourraient engendrer ses travaux, il a fait traîner les choses, incapable de répondre à une question fondamentale, bien plus philosophique que scientifique : un savant doit-il renoncer au progrès à partir du moment où il prend conscience que sa découverte peut détruire le monde ? De toute façon, il n’y a aucun jugement, aucune condamnation dans cet ouvrage. Comme si le principe d’incertitude s’appliquait aussi à celui qui l’a découvert.

Je n’ai pas envie de rentrer dans les détails. Ce texte, il faut s'en délecter, se laisser porter par son rythme harmonieux, par son ampleur, sa mélodie d’une grâce sidérante. Le ton est altier, ne s’embarrassant ni de dialogues ni de descriptions, dans une forme d’épure qui va à l’essentiel. Le dernier chapitre offre un ultime et sublime trait d’union entre deux époques (l’actuelle et celle de la bombe) où la folie des hommes, même si les temps ont changé, reste toujours aussi incontrôlable. Vertigineux !

Le principe de Jérôme Ferrari. Actes Sud, 2015. 160 pages. 16,50 euros.

Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Hélène, Philisine et Une Comète.















jeudi 4 juin 2015

Le premier Dieu - Emanuel Carnevali

Une mère morphinomane, un père et un frère violents, les pensions sordides où il fut très tôt placé… Emanuel Carnevali, né à Florence en 1897, eut une triste enfance avant son départ pour l’Amérique à l’âge de 16 ans. Il débarqua seul à New-York et vécut dans un dénuement extrême, enchaînant des petits boulots de serveurs qu’il était incapable de conserver et naviguant de meublés crasseux en logis insalubres, sans jamais rien posséder d’autre que ses quelques vêtements. C’est à Chicago qu’il trouva un certain équilibre, se maria et commença à être reconnu en tant que poète. Mais frappé d’encéphalite en 1920, il retourna en Italie pour enchainer les séjours en maisons de santé jusqu’à sa mort, le 11 janvier 1942.

Comme presque toujours lorsque j’attends beaucoup d’un ouvrage, c’est la déception qui prédomine au final. Il avait pourtant tout pour me plaire Carnevali avec sa vie chaotique comme c’est pas permis : la misère, l’exil, la rage au ventre, la poésie chevillée au corps, la mort à 45 ans des suites d’une longue maladie dans la solitude d’un sanatorium, que d’arguments pour me faire grimper aux rideaux ! Sauf que j’ai d’autres références en la matière. L’italien qui bouffe de la vache enragée aux États-Unis dans la première moitié du 20ème siècle, c’est pour moi John Fante qui l’incarne le mieux. D’ailleurs entre les deux, il n’y a pas photo tant Fante est intouchable. Et l’éditeur qui annonce que « Carnevali allie la puissance évocatrice de la poésie de Bukowski avec le sens du familier que l'on trouve par exemple chez Philip Larkin ». Euh… je ne connais pas Larkin mais pour le reste, on est à des années lumière de Bukowski. Où sont l’humour, l’autodérision, l’écriture qui marche droit au but, sans la moindre fioriture, comme si elle suivait une voie ferrée traversant l’enfer ? Pas chez Carnevali en tout cas. Il est bien trop geignard, il se prend trop au sérieux, il disserte trop sur des petits rien sans intérêt.

J’ai dû lutter pour voir le bout de ce recueil regroupant l’ensemble des ses écrits en prose, la plupart totalement autobiographiques. Tellement de longueurs et de précisions inutiles. C’est dommage car certains passages sont d’une grande beauté et portés par un souffle littéraire remarquable (par exemple lorsqu’il décrit les charmes de Venise), mais noyés dans la masse, ils ne parviennent pas à sortir véritablement du lot. Une déception donc. Je suis néanmoins ravi d’avoir découvert une figure importante de la poésie italienne que je ne connaissais pas du tout.

Le premier Dieu d’Emanuel Carnevali. La Baconnière, 2015. 320 pages. 18,00 euros.

Les avis de Nahe et Syl










mardi 2 juin 2015

Le premier mardi c'est permis (37) : Mademoiselle S. : Lettres d’amour, 1928-1930

« Il n’y a pas de phrases, si éloquentes soient-elles, qui puissent exprimer toute la passion, toute la fougue, toute la folie que contiennent ces deux mots, « notre amour ». […] Oui, je t’aime d’un amour absolu, je t’aime avec mon cœur, mais aussi et surtout avec mes sens, avec ma chair, et je te veux tout entier, entends-tu, cher amour. Je veux qu’aucun repli de ta chair n’échappe à mes caresses, à mes baisers. »

En vidant l'appartement d'une amie, le diplomate Jean-Yves Berthaud a découvert dans la cave une lourde sacoche en cuir contenant 185 lettres, toutes signées d’une certaine Simone. Des lettres oubliés depuis des décennies, écrites entre 1928 et 1930, adressées à un homme prénommé Charles et racontant une relation torride dont la montée en puissance permanente atteignit des sommets de luxure difficilement imaginables. La grande majorité de ces lettres n’étant pas datées, Mr Berthaud  passa près d’un an à en reconstituer la chronologie. Pour écarter tout canular, il les fit authentifier par un cabinet parisien spécialisé dans les autographes et documents historiques (le certificat de l’expert est reproduit au début du recueil). Un tiers environ des lettres sont présentes dans l’ouvrage et soulignent le caractère incroyablement moderne d’une femme de l’entre-deux-guerres libérée et qui s’assume pleinement.

Mais qui était Simone ? A l’évidence une jeune femme de bonne famille, lettrée, dont la prose élégante se pare sans crier gare d’une folle obscénité, faisant voler en éclat toute forme de bienséance. Charles, son amant, semble moins âgé qu’elle. Adepte de la brutalité et des jeux pervers, il n’est apparemment pas célibataire, n’habite pas Paris et leurs rencontres, aussi incandescentes que clandestines, sont tout sauf régulières. Pour le reste, difficile d’être plus précis faute d'informations supplémentaires.

Quoi qu’il en soit, au-delà des passages sauvagement pornographiques et d’une totale transgression, ces lettres de l’aimée à « son adoré » soulignent les doutes, les craintes et la douleur ressentis par Simone. Peur de la lassitude, de ne plus être à la hauteur, de voir le désir de Charles « s’éteindre comme une flamme sous le souffle brusque du vent ». C’est ici que la confession prend une autre dimension. Car au fil du temps, on sent poindre la tragédie à venir, on voit affleurer quelques fêlures, on passe de l’extase au désespoir et l'on découvre une dernière lettre absolument bouleversante (« j’attends ta décision et je l’accepterai sans faiblir si ton cœur a cessé de battre à l’unisson du mien »). Fabuleux portrait d’une amante à la fragilité touchante et à l’audace sans équivalent. Témoignage inédit d’une femme prête aux sacrifices et aux abandons les plus extrêmes par amour, et pas seulement l’amour de la chair. Impossible d’oublier les lettres de mademoiselle S., elles m’ont marqué au fer rouge. Un recueil unique, à mettre entre les mains de tout amateur de littérature érotique. Franchement, c'est du très, très grand art !

Extrait très, très soft…

« J’ai joui de toutes mes forces, sous tes coups, sous ta brutalité. J’ai joui surtout par ta possession savante. Je veux revivre cette jouissance que jamais je n’avais connue dans l’étreinte ordinaire qui me laisse froide et insensible. Jamais, entends-tu, je ne veux la connaître avec toi. Parce que je sais que nous serions déçus l’un et l’autre. Et puis nous descendrions au niveau des amants ordinaires alors que nous planons dans les sphères défendues, que nous sommes des « hors-la-loi », des vicieux, des passionnés, tout ce qui fait notre amour. »

Mademoiselle S. : Lettres d’amour, 1928-1930. Gallimard, 2015. 250 pages. 19 euros.

PS : pour être tout à fait honnête, j’ai quand même de gros doutes sur l’authenticité de certains passages. Je me demande s’il n’y pas eu par moments quelques rajouts, ou des scènes réécrites pour être davantage dans l’air du temps. Mais le sérieux de l’auguste maison Gallimard me laisse aussi à penser que je me goure totalement et que tout est absolument véridique dans ces lettres. J’en serais encore plus baba…



Tous chez Stephie pour fêter aujourd'hui le
4ème anniversaire de son incontournable rendez-vous !








lundi 1 juin 2015

La grammairienne et la petite sorcière - Alain Bonnand

« Je tiens à être léger jusque dans le sac à main de mes lectrices ! » (p.62)

Toute l’ambition littéraire d'Alain Bonnand tient dans cette phrase il me semble, et n’y voyez aucune moquerie de ma part, bien au contraire. Il m’avait enchanté avec le délicieux « Il faut jouir Edith » et c’est un vrai plaisir de le retrouver ici dans le même registre épistolaire, certes moins explicitement érotique mais tout aussi agréable à lire.

Une universitaire contacte un écrivain auquel elle voudrait consacrer une étude. Ne souhaitant pas répondre favorablement à sa demande, il n’engage pas moins avec elle une correspondance espiègle, tout en suggestion et qui, à l’évidence, ne laisse pas la jeune femme indifférente…

J’ai adoré retrouver l’esprit d’approche tout en nuance de ce narrateur/charmeur un brin cabot et un brin canaille. Alain Bonnand lance ses filets sans lourdeur, sans gros sabots. Il ramène sa prise (et non pas sa proie, ce n’est pas chasseur) en douceur, en dragueur à l’ancienne, certain de parvenir à ses fins sans jamais avoir l’air d’y toucher.

Une belle écriture, une belle déclaration d’amour aux femmes empreinte d’un soupçon de nostalgie, et une belle leçon de séduction. Comment aurais-je pu ne pas succomber ?

La grammairienne et la petite sorcière d’Alain Bonnand. Serge Safran, 2015. 134 pages. 15.90 euros.

Une lecture commune que j’ai une fois de plus le plaisir de partager avec Noukette.