Lorsque l’enfant paraît, il se retrouve dans la Kinderzimmer, la pouponnière. De pouponnière, l’endroit n’a que le nom. C’est un bloc comme les autres où les nourrissons s’entassent et finissent par mourir, de faim ou d’autre chose. Pas de biberon, pas de lait, pas de change, d’habit ni de chauffage. Les bébés ressemblent à des vieillards, ridés et maigres, le corps glacé. La cause semble désespérée mais Mila survit pour son enfant, elle s’accroche à cette vie nouvelle, symbole d’ultime espoir dans un environnement qui a tout de l’enfer.
Le texte est au présent et plonge le lecteur au cœur du camp. Valentine Goby décrit l’indicible avec une étonnante justesse. Elle raconte la transformation des corps et des âmes dans le huis clos des barbelés et des miradors, elle trouve les mots justes pour dire la maladie, la promiscuité, la fatigue, la faim, la peur permanente. Sensations, images, odeurs et douleurs sont restituées dans toute leur horreur sans jamais franchir la barrière du déballage purement gratuit.
Pour Mila, la maternité est un indéfinissable bouleversement intérieur. Comment porter la vie lorsque l’on est soi-même un cadavre ambulant ? Mais l’évidence est là, le bébé s’accroche et lorsqu’il naît rien ne lui manque : « une tête, deux oreilles, deux bras, deux mains […] deux yeux, deux narines, une bouche. » Par la suite elle découvrira la solidarité et le courage de ses sœurs de souffrance. Le gant en caoutchouc que l’on vole au péril de sa vie pour faire une tétine, les morceaux de tissu ramenés incognito au bloc et cousus le soir pour confectionner des habits, le sein donné à un enfant que l’on ne connait pas parce que le nôtre vient de mourir…
Un roman âpre, douloureux. Longtemps que je n’avais pas vécu une lecture aussi éprouvante. Mais la langue est magnifique, crue et limpide, elle résonne avec force, c’est très impressionnant. Et puis ce livre m’est précieux parce qu’il m’a été offert, et pas par n’importe qui, alors pour toutes ces raisons, Kinderzimmer restera comme l’une de mes plus belles découvertes de l’année.
Kinderzimmer de Valentine Goby. Actes Sud, 2013. 220 pages. 20 euros.
Une lecture commune que j'ai une fois de plus le plaisir de partager avec des blogueuses que j'apprécie particulièrement, à savoir et par ordre alphabétique Noukette, Sandrine, Saxaoul, Sophie/Hérisson et Valérie.
Les avis de Clara, Jostein, Natiora, Philisine, Stephie
Une lecture éprouvante oui, que j'ai pourtant trouvée lumineuse... Je découvre la plume de Valentine Goby avec ce titre et c'est une claque ! Merci pour cette lecture, encore une très belle découverte que nous partageons là !
RépondreSupprimerJe connaissais Valentine Goby pour ses albums jeunesse. Tu as raison, c'est une magnifique découverte que l'on fait ensemble.
Supprimerje suis sûr et certaine que ce livre est magnifique et poignant, justement trop poignant pour moi. Il y a des lectures comme ça que je ne peux lire... encore...
RépondreSupprimerJe note néanmoins pour ne pas l'oublier mais à lire dans quelques années :)
Je comprends que tu aies des réticences, on ne sort pas indemne d'une telle lecture.
SupprimerRavie de participer à cette LC, et quel coup de coeur !
RépondreSupprimerN'est-ce pas ? On a fait une bonne pioche avec cette LC.
SupprimerLe seul roman que j'ai lu de Valentine Goby ne m'avait pas emballée (banquises) mais là, je pense que ce sera très différent ; je vais attendre le bon moment pour le lire, je ne me sens pas encore d'attaque.
RépondreSupprimerC'est le premier roman "adulte" d'elle que je découvre, je ne connaissais jusqu'alors que ses albums jeunesse.
SupprimerPour moi aussi, il est d'autant plus précieux qu'il m'a été offert par ma soeur. Un très grand roman, injustement oublié des prix littéraires.
RépondreSupprimerIl y a longtemps que je ne me pose plus de questions à propos des prix littéraires mais ce roman aurait eu sa place dans plus d'une liste.
SupprimerUn roman dont je redoute un peu la lecture.
RépondreSupprimerC'est éprouvant...
SupprimerJe suis ravie de lire ton ressenti, si proche du mien. Je t'embrasse.
RépondreSupprimerPas si étonnant que ça de constater que nos ressentis soient si proches, tu ne trouves pas ?
SupprimerJe ne connais pas du tout cette auteure, mais ta chronique me pousse à la découvrir... avec déjà un pincement au ventre pourtant. Je préssens cette lecture belle et éprouvante.
RépondreSupprimerBeau et éprouvant c'est exactement ça.
SupprimerComme beaucoup, j'appréhende ce genre de lectures pour lesquelles je pense être trop sensible. Mais d'un autre côté, j'ai très envie de le lire et ton billet me donne envie d'essayer. Je prévoirai une boîte de mouchoirs ;-)
RépondreSupprimerIl est logique d'avoir une certaine appréhension, le thème est tellement dur. Les mouchoirs, il vaut mieux en prévoir quelques uns...
SupprimerUn roman dur mais essentiel ! J'ai découvert une auteure, une écriture !
RépondreSupprimerL'écriture est magnifique.
SupprimerJe suis contente de lire que tu as fini par te laisser tenter. Bien t'en a pris, même si cela a été une expérience éprouvante.
RépondreSupprimerIl a un peu fallu que l'on prenne par la main pour je me laisse embarquer vers cette lecture mais au final je ne le regrette pas un instant.
SupprimerJ'ai lu plusieurs fois Valentine Goby; des lectures au fer rouge le plus souvent. Celui-ci ne fera pas exception.
RépondreSupprimerUne lecture au fer rouge, c'est bien trouvé !
Supprimertoi qui aimes la BD tu pourrais compléter par la lecture (si ce n'est déjà fait) de Pellejero/Lapière Le tour de valse
RépondreSupprimerAh non tiens, je ne connais pas du tout cette BD, je m'empresse de la noter, merci^^
SupprimerJe souffre juste en te lisant Jérôme...je pensais échapper à ce roman, mais ça va être difficile. Ton billet est très beau
RépondreSupprimerC'est je pense une lecture importante. Il faut juste être prêt à recevoir autant de souffrance et d'émotion...
SupprimerTrès beau billet, très touchant. Mais j'ai peur de lire ce livre...
RépondreSupprimerMerci, je comprends que tu hésites, c'est un roman qui peut faire peur.
SupprimerPar ordre alphabétique, tu parles ! On sait bien que Noukette est ta chouchoute :) ! Plus sérieusement, je suis d'accord, l'écriture de ce roman est d'une force incroyable. Je me suis pris une vraie claque en le lisant.
RépondreSupprimerRhoooo, c'est pas vrai, regarde le billet d'hier, c'était aussi une LC et Noukette était après Marion, Mo' et Moka^^
SupprimerEt sinon je suis d'accord ce roman est une belle claque.
Il me tente vraiment, je le note.
RépondreSupprimerJ'aimerais beaucoup savoir ce que tu en penses.
SupprimerC'est un roman que j'aimerai lire mais pas tout de suite !
RépondreSupprimerJe comprends, tu peux attendre sa sortie en poche.
SupprimerIl est au CDI, je vais le lire bientôt et j'ai hâte.
RépondreSupprimerJ'espère que tu seras aussi charmée que moi par cette lecture.
SupprimerJe ne suis pas du tout dans le mood "lecture éprouvante" en ce moment mais j'ai bien noté que ça valait le détour, donc noté pour plus tard.
RépondreSupprimerIl vaut mieux être dans mood comme tu dis sinon le coup est rude à encaisser.
SupprimerJ'avais vu Valentine Goby lors d'une table ronde sur la rentrée littéraire et je l'avais trouvée très intéressante. Le thème est absolument incroyable et effroyable à la fois.
RépondreSupprimerJe ne connaissais rien de l'existence de ces Kinderzimmer et j'avoue que c'est comme tu le dis aussi incroyable qu'effroyable.
SupprimerJ'appréhende cette lecture mais en même temps je suis très curieuse de le lire, la réservation de la bibliothèque ne devrait plus tarder...
RépondreSupprimerC'est normal d'avoir un peu d'appréhension mais en même temps c'est une lecture tellement enrichissante.
SupprimerNoté et surnoté. J'avais tant aimé son précédent roman que je ne compte pas passer à côté de celui-là !
RépondreSupprimerHâte de lire ton avis.
SupprimerEnfin sur ma PAL !!!
RépondreSupprimerChouette, j'espère qu'on pourra bientôt découvrir ton avis.
SupprimerC'est drôle, enfin, pas vraiment, mais je n'ai pas sorti de mouchoirs, je trouve que l'écriture ( je te rejoins complétement) evite les larmoyances, les choses sont dites, les horreurs aussi, mais le personnage nous permet de les mettre à distance, et l'on en est que plus percuté, surtout à la fin, le retour chez le père et le bruit des assiettes, c'est peut-être le seul moment où oui, j'ai eu envie de pleurer toutes les larmes de mon corps ...
RépondreSupprimerCertains regrettent cette mise à distance mais je crois qu'elle était nécessaire. En tout cas en ce qui me concerne je ne serais pas allé au bout si on était tombé dans le purement larmoyant.
SupprimerCelui-ci me tente beaucoup depuis quelques temps. Sur le même sujet, ou presque, j'ai récemment lu "Max" de Sarah Cohen-Scali, je te le conseille si tu en as l'occasion, c'est une lecture vraiment très enrichissante, très prenante et très dérangeante ! En tous cas, ça a été un coup de cœur pour moi.
RépondreSupprimerPas lu "Max" mais je vois très bien le visuel de sa couverture.
SupprimerUn livre que je découvre seulement aujourd'hui, même s'il est dans ma PAL depuis 2 ans déjà, et qui m'a beaucoup touchée. J'ai découvert un pan surréaliste de cette déjà terrifiante histoire. J'ai aussi découvert un auteur qu'il me tarde de retrouver. Un très beau texte qui donne un très bel hommage au courage de ses femmes.
RépondreSupprimerJ'espère que tu ne tarderas pas à relier Valentine Goby, c'est une auteure incroyable !
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