mardi 31 août 2021

Dans la gueule du Diable - Anne Loyer

Photographe attitré de la Gazette du Bahut, Tom se voit associer à la mystérieuse Amina pour rédiger un article sur la fête foraine venant de s’installer en ville. Arrivée depuis peu au collège, cette fille ne lui inspire rien qui vaille avec ses fringues et ses attitudes de garçon manqué. Devant faire équipe avec elle malgré lui, Tom oublie vite ce désagrément une fois sur place, prêt à utiliser pour la première fois le magnifique appareil photo que ses parents viennent de lui offrir.

En cette fin d’après-midi la fête est encore déserte et la bouche grande ouverte du train fantôme attire les jeunes reporters comme un aimant. A l’intérieur de l’attraction, une macabre découverte les attend. Aussi inconscients que courageux, ils vont se lancer sur la piste de dangereux criminels, sans penser aux conséquences dramatiques que leur témérité pourrait engendrer.

Un petit roman à lire d’une traite pour suivre les aventures de Tom et Amina, des entrailles d’un manège flippant à une usine désaffectée encore plus flippante. Le rythme est enlevé, les courts chapitres participent à la montée de la tension et du suspens. Anne Loyer joue sur les codes classiques du thriller palpitant et sans temps mort tout en abordant l’air de rien des thématiques comme l’émancipation féminine et les premiers émois amoureux.

C’est simple, rondement mené, le suspens accrochera à coup sûr les jeunes lecteurs désireux de savoir comment tout cela va se terminer. Terriblement efficace quoi !

Dans la gueule du Diable d’Anne Loyer. Mijade, 2021. 180 pages. 7,00 euros. A partir de 9-10 ans.



Un billet qui signe la reprise des pépites jeunesse
 partagées avec Noukette !












dimanche 29 août 2021

Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes - Lionel Shriver

 

Serenata, sexagénaire fringante et active, se désespère de ne plus pouvoir faire les activités physiques intenses qu’elles s’imposaient depuis l’adolescence à cause de ses genoux en piteux état. Son mari Remington vient lui porter un coup au moral supplémentaire le jour où il lui annonce qu’il a l’intention de participer à un marathon. Lui, le néo-retraité qui n’a jamais couru de sa vie !  La nouvelle est difficile à digérée pour Seranata, qui y voit d’abord une volonté de lui nuire, de la mettre face à sa propre décrépitude. Elle finit par se convaincre que ce n’est qu’une passade, qu’une fois le marathon achevé tout rentrera dans l’ordre. Malheureusement pour elle, elle se trompe dans les grandes largeurs et la nouvelle obsession de son homme pour le sport ne va cesser de croitre, creusant entre eux une distance toujours plus grande et plus profonde.  

Cette Serenata, quel personnage ! Misanthrope, cynique, atrabilaire et plutôt imbue d’elle-même, elle ne va cesser d’enchaîner les désillusions et de constater le déclin d’un mariage aux fondations jusqu’alors solides. La faute à son mari bien sûr, puisqu’elle-même a bien du mal à se remettre en cause. Entendons-nous, Remington n’est pas tout blanc non plus. Manipulable, en attente permanente du soutien de sa femme, devenu un monomaniaque de l’effort n’ayant plus d’autres centres d’intérêts que les kilomètres avalés chaque jour, il est insupportable ! 

Lionel Shriver n’épargne personne. Elle appuie là où ça fait mal. Tout le monde en prend pour son grade et les nombreux personnages secondaires sont savoureux. C’est acide, débordant d’une ironie mordante et, au-delà de la dénonciation du délire narcissique d’une société américaine obsédée par le culte de l’effort et de la compétition, elle se permet d’égratigner au passage la culture woke et le politiquement correct poussé jusqu’à l’absurde. Son roman interroge aussi sur la difficulté à se projeter dans la vieillesse et surtout, pour un couple, la difficulté de vieillir ensemble.

L’épilogue est un peu idyllique et caricatural. Trop consensuel aussi, en tout cas en décalage trop flagrant avec tout ce qui a précédé. Dommage mais ça n’a aucunement gâché le plaisir que j’ai eu à découvrir une plume terriblement incisive. 

Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes de Lionel Shriver (traduit de l’anglais par Catherine Gibert). Belfond, 2021. 385 pages. 22,00 euros.  







lundi 23 août 2021

La saga des Cazalet T3 : Confusion - Elizabeth Jane Howard

Le titre de ce volume est parfait. Tout se complique, pour tout le monde. Et rien ne se décante, pour personne. La guerre se poursuit, le quotidien est difficile pour la population et celui des Cazalet ne fait pas exception à la règle. Dans la grande tribu les enfants ont bien grandi. Les cousines Polly et Clary s’installent ensemble à Londres et débutent une vie active chaotique. A 19 ans, Louise est loin de s’épanouir depuis son mariage et ce n’est pas une grossesse inattendue qui va arranger les choses. Chez les adultes, Hugh ne parvient pas à se remettre du décès de sa femme, Edward mène toujours une double vie, Zoë, n’espérant plus le retour de Rupert, tombe dans les bras d’un photographe américain et Rachel joue toujours la bonne samaritaine auprès de ses parents vieillissants, au grand dam de son amour Sid. Beaucoup de non-dits, beaucoup de tromperies, beaucoup de souffrances intimes que l’on garde pour soi car s’épancher n’est pas une habitude dans la famille Cazalet. Le roman se termine au moment de la victoire alliée, peut-être l’occasion pour chacun d’y voir une porte ouverte vers un avenir meilleur…

Quel bonheur de retrouver cette saga dont je me délecte depuis la première page du premier tome, quel plaisir de suivre les destins de cette floppée de personnages tous parfaitement campés. C’est facile à lire, l’écriture est simple et ne cherche pas de complications inutiles et on se surprend à trouver la narration addictive malgré la multiplication des intrigues.

Les thématiques abordées depuis le début ne changent pas, l’émancipation féminine face à la mainmise du patriarcat reste au cœur du récit, comme le manque de considération des adultes pour les enfants (se traduisant notamment par une volonté permanente de leur cacher les dures réalités de la vie). 

Un tome charnière, où l’on sent la grande famille bourgeoise atteindre le crépuscule de son âge d’or. Et si la chute risque d’être rude, elle pourrait aussi permettre à chacun de se projeter enfin vers de nouveaux horizons.

La saga des Cazalet T3 : Confusion d’Elizabeth Jane Howard (traduit de l’anglais par Anouk Neuhoff). La Table Ronde, 2021. 480 pages. 23,00 euros.