mardi 29 décembre 2009

Le festin d'Ohmelle T1 : bière et champignons


Ohmelle est une naine qui vit en Haute-Flandrie, une région du nord de la Fatrace. Mariée et mère de trois enfants, elle tient un restaurant dans son village. Si les nains de Haute-Flandrie sont d’ordinaire casaniers, Ohmelle a pour sa part des envies de voyages depuis sa jeunesse. Mais en Fatrace, chaque contrée est séparée des autres par les confins, d’épais brouillards infranchissables. Pour aller d’une contrée à l’autre, il faut emprunter les Traverses, des chemins ténébreux où vivent d’étranges créatures. Ohmelle décide de parcourir la Fatrace afin de trouver de nouvelles recettes de cuisine. Pour l’aider dans sa quête, elle fait appel à un vieil ami à elle qui est devenu un rôdeur. Les rôdeurs sont les seuls à pouvoir guider les étrangers sur les Traverses. C’est ainsi qu’Ohmelle, accompagnée par le rôdeur Maresme et les gnomes Segby et Nanny Tie, part à l’aventure sur les chemins de Fatrace. Dans ce premier volume, la compagnie va visiter la Somoyse, région qui se trouve au sud de la Haute-Flandrie et dont la capitale se nomme Manise, une ville possédant une magnifique cathédrale (j’espère que les picards auront reconnu leur région et la bonne ville d’Amiens).


L’idée de départ est vraiment intéressante. Faire visiter une France imaginaire pour mieux présenter les légendes et traditions de ses régions est un parti pris très original. La psychologie des personnages est également très poussée. Chaque membre de la compagnie possède quelques secrets plus ou moins troubles et on se doute que la quête collective cache des aspirations individuelles propres à chacun. On sent que la mise en place de cet univers de fantasy a dû germer pendant de nombreuses années dans l’esprit de l’auteur avant d’être couché sur le papier.

Pourtant, si cette présentation peut sembler à bien des égards alléchante, je dois avouer que ce roman m’a déçu. La randonnée de la compagnie m’a paru très très lente. Je me suis pas mal ennuyé en lisant les longs (très longs) états d’âmes des différents membres de la petite troupe menée par Maresme. Les changements incessants de narrateur alourdissent la fluidité du récit. En 300 pages, on n’a droit qu’à quelques rencontres avec des créatures fantastiques somme toute assez peu intéressantes et Ohmelle, dont le but est de trouver de nouvelles recettes, n’a en fin de volume qu’une seule recette de notée dans son carnet. L’intrigue avance tellement peu ! Je me suis surpris plusieurs fois au cours de la lecture à regarder combien de pages il me restait avant la fin et c’est souvent un très mauvais signe par rapport à l’intérêt que je porte au texte que je suis en train de lire. A raison de deux régions visitées par volume et sachant que la Fatrace compte dix-neuf contrées en tout, j’espère qu’il ne faudra pas dix tomes pour boucler la quête de la Compagnie !

Deux derniers points négatifs à signaler (après j’arrête, c’est promis !) : 1) la couverture est vraiment moche et fait plus penser à un roman de fantasy pour la jeunesse que pour adultes ; 2) les habitants de Manise (Amiens pour ceux qui n’auraient pas suivi) sont présentés comme des soiffards bourrés du matin au soir, certes très gentils et accueillants mais aussi franchement lourdauds. Et ça, pour le picard de naissance que je suis, c’est forcément difficile à avaler.

Que dire en conclusion ? Une évidence : le Festin d’Ohmelle m’a laissé sur ma faim. Mais j’ai néanmoins acheté le second tome (dont la couverture réalisée par le même illustrateur est beaucoup plus jolie !) et je compte bien le lire car je veux donner une seconde chance aux personnages d’Audrey Françaix. Qu’on se le dise !

Le festin d’Ohmelle T1 : Bière et champignons, d’Audrey Françaix, Éditions Octobre, 2007. 320 pages. 18,50 euros.

L’info en plus : les éditions Octobre sont une petite maison d’édition crée et dirigée par Audrey Françaix et son mari Pierre Grimbert. Un titre de leur catalogue connaît un franc succès en librairie. Il s’agit du Donjon de Naheulbeuk, une saga MP3 diffusée à l’origine gratuitement sur le net puis adaptée en BD (éditions Claire de Lune) et en roman (éditions Octobre).

samedi 26 décembre 2009

Mon petit coeur imbécile

Sisanda a 9 ans et elle vit dans un petit village d’Afrique avec sa mère Maswala, sa grand-mère Thabang et son oncle Bénia. Son père travaille à des milliers de kilomètres sur des chantiers et il ne rentre que très rarement. Sisanda souffre d’une malformation cardiaque depuis sa naissance. Elle ne peut pas courir, crier ou jouer avec ses camarades. La moindre activité la fatigue. Elle passe des heures allongée sur son lit à écouter les battements de ce petit cœur imbécile qui l’empêche de vivre normalement. Quand elle se sent bien, elle peut aller à l’école. C’est son oncle qui la porte sur son dos pour faire le trajet entre la maison et la salle de classe.


Le docteur qu’elle voit une fois par an est formel : seule une opération dans un hôpital spécialisé à l’étranger pourra la sauver. Mais une telle opération coûte beaucoup trop cher. Sisanda semble donc condamnée à vivre avec son cœur malade jusqu’au jour où sa mère apprend qu’un marathon se court chaque année dans la grande ville de Kamjuni et que le vainqueur remporte une somme colossale. Or, Maswalla est surnommée « l’antilope » par tous les villageois car chaque matin elle part courir pieds nus dans les collines. La famille de Sisanda décide de vendre une chèvre pour payer les frais d’inscription au marathon et Maswalla s’entraîne comme jamais auparavant pour avoir la chance de remporter le premier prix. Mais à moins de trois semaines de la course, la jeune femme est piquée par un scorpion et sa participation semble totalement compromise…

Xavier-Laurent Petit a choisi de faire de la petite fille la narratrice de son récit. Cette énonciation à la première personne renforce le caractère intime du texte. Les chapitres très courts (trois pages en moyenne) donnent au roman un rythme saccadé proche des battements de cœur de Sisanda. La description du village et de la vie quotidienne des habitants est par ailleurs extrêmement réaliste. Une oeuvre pleine d’humanité et d’optimisme ou la solidarité et l’entraide ne sont pas de vains mots. Touchant.

Mon petit cœur imbécile de Xavier-Laurent Petit, L’école des loisirs, 2009. 134 pages. 8,50 euros. Dès 9 ans.

L’info en plus : Xavier-Laurent Petit publie un second roman en cette fin d’année 2009. S’adressant aux plus grands (à partir de 13 ans), L’attrape-rêves raconte l’histoire de Louise qui vit dans une vallée loin de tout. Un nouvel élève arrive en classe, Chems. Il est différent des autres en plusieurs points, ce qui attire Louise, mais personne d'autre. Pour les autres, un étranger n'a rien à faire dans la vallée. Chems va prouver qu'il aime cet endroit.

mardi 22 décembre 2009

O'boys T2 : deux chats gais sur un train brûlant

Huck, le gamin blanc, et Charley, l’ouvrier noir, ont quitté ensemble le Mississipi. Le premier refuse d’être placé en famille d’accueil alors que le second, accusé à tort de meurtre, est activement recherché par le shérif Bisner.
Dans cette Amérique des années 30 dévastée par la crise économique, les deux amis « brulent le dur » avec les hobos dans des trains de marchandise en route vers l’ouest. Ils cherchent à rejoindre la Californie, cet eldorado où il semble encore possible de trouver du travail.

En chemin, Huck apprend que son frère Tom est peut-être toujours en vie. Et Charley, qui a vendu son âme au ténébreux Lucius, devient un incroyable bluesman. Le but de leur voyage change donc peu à peu. Irrésistiblement attiré par les appels de Lucius, Charley veut trouver le crossroad, ce carrefour légendaire où il pourra accomplir son destin. Et Huck suit la trace de son frère devenu un leader politique pour nombre de vagabonds.

Steve Cuzor sait rendre à merveille l’ambiance de cette Amérique en crise. Sa description de la vie des laissés pour compte de l’oncle Sam est d’une redoutable précision. Le trait du dessinateur est proche de celui de Giraud dans Blueberry. La qualité du scénario est également à souligner. Les deux héros, ballotés par une existence incertaine, avancent sans réellement savoir où leurs pas vont les guider. Persuadés d’avoir chacun une quête à mener ils doivent, sans doute temporairement, séparer leurs chemins pour accomplir leur destinée.

Une grande et belle BD d’aventure qui devrait s’achever dans le troisième volume à paraître en 2010. Les amoureux des classiques franco-belges peuvent foncer les yeux fermés.

O’boys T2 : deux chats gais sur un train brûlant, de Steve Cuzor et Philippe Thirault, Éditions Dargaud, 2009. 13,50 euros. 56 pages. Dès 10 ans.

L’info en plus : le premier volume de la série paru en janvier 2009 a été réédité dans une version de luxe grand format en noir et blanc avec un dos toilé. Une très belle occasion de mieux apprécier la qualité du dessin de Steve Cuzor.
 





dimanche 20 décembre 2009

Le vagabond de Tokyo : résidence Dokudami

Oubliez tous les losers que vous avez connus jusqu’alors. Si vous lisez le vagabond de Tokyo, Yoshio va devenir votre référence en la matière. Ce jeune homme indolent vit dans un immeuble délabré du quartier Asagaya, à Tokyo. Vivant au jour le jour, selon les petits boulots qu’il trouve sur des chantiers, il passe la plupart de son temps à boire, fumer et dormir.

Ayant très peu de ressources, il se nourrit presque exclusivement de sachets de nouilles instantanées. Son hygiène corporelle plus que douteuse et la crasse indicible qui règne dans son appartement complètent un tableau peu ragoûtant !

Toutes les histoires dans lesquelles Yoshio s’embarque finissent lamentablement. Dépourvu d’ambition, il espère juste pouvoir trouver une fille de temps en temps et quelques copains pour lui payer des tournées de saké.

Inspirée de la vie de l’auteur, cette série publiée entre 1979 et 1993 est vraiment atypique : apologie de l’oisiveté dans un pays où le travail est force de loi ; galerie de personnages incroyables (prostituée obèse, pervers obsédé par les petites culottes des lycéennes, travesti…) ; épisodes où se mêlent humour décalé, vulgarité, mauvais goût et scatologie…

Plus qu’un antihéros, Yoshio est devenu un personnage mythique pour de nombreux lecteurs. Censuré, attaqué par des associations bien pensantes pour atteintes aux bonnes mœurs, ce manga a aussi souffert du dilettantisme de son auteur dont le rythme de production était parfois très aléatoire.

Lorsque Takashi Fukutani décède à 48 ans le 9 septembre 2000 après quarante jours de soins intensifs, il a dessiné 663 épisodes de la série. Souvent autobiographique, crue et réaliste, Résidence Dokudami (le titre original) a connu un incroyable succès au Japon, étant notamment adaptée deux fois au cinéma. Yoshio, le Bukowski de la BD nippone, restera à jamais un personnage à part dans l’univers des mangas.

Merci aux éditions du Lézard Noir de nous proposer cette anthologie qui regroupe quelques uns des meilleurs épisodes de la série. A découvrir d’urgence pour les lecteurs français un peu curieux qui aiment les productions underground.

Le vagabond de Tokyo : résidence Dokudami, de Takashi Fukutani, Éditions du Lézard Noir, 2009. 360 pages. 23 euros.



jeudi 17 décembre 2009

Echo T1 : incident

"L’explosion au dessus- de Moon Lake s’est produite le 18 juin à 18h18.
Il s’avère que j’y étais, en train de prendre des photos du désert pour mon book. Je suis à court de fric, depuis que Rick est parti et qu’il ne paye plus les factures.
J’avais besoin de bosser.
Les 24 heures qui ont suivi, ça a été le délire total. L’explosion a recouvert la zone d’une drôle de pluie de millions de billes de métal mou qui se sont collés à moi et qui ne voulaient plus s’en aller. De retour chez moi, j’ai retrouvé un bon morceau de ce truc à l’arrière de mon pick-up. Pendant que je l’examinais, le bidule s’est collé sur ma peau.
Ça m’a fichu les jetons.
Et puis toutes les petites billes se sont mises à migrer sur moi vers la plaque principale comme des fourmis. Là, j’ai pété un plomb.
Dégueu.
Quand je suis retournée à mon pick-up pour aller aux urgences, les billes qui restaient dedans se sont aussi collées à moi. En s’agrégeant, elles ont formé un plastron qui ressemble à un soutien-gorge chromé. Quand le médecin l’a touché, il a reçu une décharge telle qu’il a perdu un ongle. Ils ont pris ça pour un canular et ils m’on fichu dehors.
Le plus bizarre, c’est que ça ne me fait pas mal. C’est même assez agréable. Tantôt rafraîchissant, tantôt tiède avec des picotements. Je sais…c’est bizarre."
Julie Martin a été contaminée par une explosion atomique au dessus du désert californien. Devenue sans le savoir une bombe atomique ambulante, elle est pourchassée par l’armée américaine qui veut la retrouver avant que le monde entier découvre l’atroce vérité et les dangereuses expériences nucléaires que mène le pentagone malgré les traités internationaux. Commence alors une fuite désespérée pour la jeune femme…
La trame de départ est assez classique : une femme innocente est contaminée par une expérience qui tourne mal et elle acquiert à ses dépends quelques super pouvoirs. Mais loin de se focaliser sur sa transformation en « super héros », Terry Moore préfère montrer cette jeune femme empêtrée dans sa vie de tous les jours : son mari a décidé de lui couper les vivres tant qu’elle ne signera pas les papiers du divorce ; elle tente de vivoter dans une vieille bicoque isolée avec pour seul compagnon son chien ; elle rend visite à sa sœur internée à l’hôpital psychiatrique depuis plusieurs années… Cette femme fragile et en perdition subit les événements plus qu’elles ne les provoquent. Ne cherchez pas non plus ici de super-vilains : l’ennemi, c’est le gouvernement américain et ses super agents. Un comics tout en finesse et en subtilité qui joue davantage sur les problèmes personnels des personnages que sur les scènes d’action spectaculaires. Le dessin très réaliste en noir et blanc est d’une grande limpidité.
Les cinq chapitres qui composent ce premier volume constituent une introduction plus qu’alléchante à une intrigue simple mais solidement menée dont on attend la suite avec impatience. Publié juste avant l’été, ce titre est injustement passé inaperçu dans le flot de publications du premier semestre 2009. Il mérite pourtant largement que l’on s’y attarde.

Echo T1 : incident, de Terry Moore, Éditions Delcourt, 2009. 12,90 euros.


L’info en plus : Terry Moore n’est pas un auteur inconnu. Il a remporté un Eisner Award (l’équivalent des Oscars en bande dessinée) pour sa série Strangers in Paradise, publiée en France par les éditions Kymera.



mardi 15 décembre 2009

Le Roi Corbeau T1 : Robin


Pays de Galles, XIème siècle. Bran Ap Brychan, prince de l’Elfael, découvre que son père et tous ses chevaliers ont été assassinés par les envahisseurs normands venus annexer sa province au nom du roi William. Il part alors pour Londres afin de demander réparation. Comprenant rapidement qu’il lui sera impossible de récupérer la terre de ses ancêtres, il décide d’abandonner les siens et de se réfugier dans sa famille au Nord. Mais le comte De Braose, à la tête de l’armée qui a envahi l’Elfael, réclame la tête de Bran. Traqué par les soldats normands, le prince héritier est très grièvement blessé et laissé pour mort par ses poursuivants. Recueilli par Angharad, la dernière barde bretonne encore en vie, il passe plusieurs mois de convalescence dans une grotte au cœur de la forêt des Marches, une forêt primitive galloise où il est très facile de se cacher.


Une fois guéri, le jeune homme est toujours décidé à partir pour le Nord. La vieille femme le persuade que sa place est auprès de son peuple. Elle l’emmène au cœur de la forêt, dans un campement de fortune où vivent les quelques gallois qui ont fui l’envahisseur. Prenant la tête de cette troupe hétéroclite de moins de cinquante âmes, Bran va devenir le Roi Corbeau et mener des attaques ciblées contre les intérêts normands, aidé notamment par Petit Jean et le frère Tuck.

Robin des Bois au Pays de Galles ? L’idée n’est pas si saugrenue lorsque l’on sait que de nombreux indices permettent de situer la source originelle de la légende dans une partie de la Bretagne aujourd’hui appelée Pays de Galles dans la génération ayant suivi l’invasion normande de 1066. C’est d’ailleurs là l’un des intérêts majeurs de ce roman : la trame historique est parfaitement respectée. Le seigneur de Neufmarché et le comte De Braose ont réellement vécu au pays de Galles au XIe siècle. Tous les lieux cités ont existé. De même, la vie quotidienne des seigneurs et des paysans est parfaitement retranscrite. Les descriptions du climat et de la nature sont également criantes de vérité (l’auteur a passé quelques temps en Pologne dans la dernière forêt primitive d’Europe). Bien sûr, en plus des précisions historiques, le récit est un vrai roman d’aventure avec un héros que n’aurait pas renié Alexandre Dumas. Voila donc un texte qui allie avec brio érudition historique et invention fictionnelle. Espérons que le second tome de cette trilogie sera rapidement traduit en français.

Le Roi Corbeau T1 : Robin, de Stephen R. Lawhead, Éditions Orbit, 2009. 400 pages. 19,90 euros.

L’info en plus : les trois tomes de cette trilogie sont parus en anglais. Pour ceux que la lecture en VO ne rebute pas, sachez que le second volume, Scarlet, est paru en septembre 2007 et le dernier, Tuck, en février 2009.

samedi 12 décembre 2009

Dr Slump T1 : ultimate edition

Cette chronique s’adresse à ceux qui sont nés à la fin des années 70 et au début des années 80. Rappelez-vous : Le Club Dorothée, 1988. Cette émission devenue culte proposait cette année-là à la rentrée de septembre le premier épisode d’une série inédite en France : Dr Slump. Adaptée du premier manga d’Akira Toriyama, le créateur de Dragon Ball, la série sera rapidement censurée par les sages du CSA et seuls 55 des 243 épisodes seront traduits et diffusés. Il faudra attendre 1995 pour voir Glénat éditer l’intégralité des 18 volumes du manga. Aujourd’hui, le même éditeur réédite l’ensemble dans une version Ultimate dont le premier tome vient de sortir.
L’action de Dr Slump, se situe dans le Village Pingouin. Senbei Norimaki est un inventeur de génie qui a créé un robot et lui a donné les traits d’une jeune fille d’une douzaine d’années. Il décide de la nommer Aralé et l’inscrit à l’école en la faisant passer pour sa sœur. Possédant une force herculéenne et une naïveté à toute épreuve, l’androïde deviendra la source de nombreux quiproquos plus farfelus les uns que les autres.

La qualité première de ce manga tient dans l’incroyable galerie de personnages qu’il propose : de Senbei l’obsédé sexuel à l’extraterrestre Nikochan et son acolyte en passant par Akané et Târo les ados rebelles, ou encore Suppaman une caricature de Superman sans aucun pouvoir, tous semblent plus stupides les uns que les autres. Aralé incarne pour sa part la pureté et la naïveté. C’est le décalage entre cette naïveté et les basses intentions des autres personnages qui constitue le plus souvent le ressort comique de la série. Un exemple parmi tant d’autres : lorsqu’Aralé explique à Senbei qu’elle est toute lisse et qu’il lui manque quelque chose au bas du ventre, l’inventeur pense aux organes sexuels alors que le robot parle du nombril !

Bien sûr, Dr Slump est un manga de mauvais goût et scatologique (Nikochan porte ses fesses au sommet de son crâne et Aralé parle aux crottes de chiens). C’est à mes yeux plutôt une qualité qu’un défaut. Finalement, je crois que « loufoque » est l’adjectif qui qualifie le mieux cette série publiée pour la première fois au Japon en 1980. Cette édition Ultimate dans un format plus grand que la normale reprend les nombreuses pages couleurs d’origine. Par rapport à l’édition de 1995, le sens de lecture a été respecté et la traduction entièrement refaite. Voilà une très bonne occasion de découvrir (ou redécouvrir en ce qui me concerne) le premier succès du très grand mangaka qu’est Akira Toriyama.

Dr Slump T1 : ultimate edition, d’Akira Toriyama, Éditions Glénat, 2009. 10,55 euros.

L’info en plus : Glénat réédite également en « Ultimate edition », la série incontournable d’Akira Toriyama, Dragon Ball. Le 5ème des 42 tomes vient de paraître. Avec un volume tous les deux mois, la parution devrait s’étaler sur près de 7 ans !




jeudi 10 décembre 2009

Eco T1 : la malédiction des Schakelbott

Eco est la fille unique des Schaklebott, une riche famille de couturiers. Ses parents, trop occupés par leur commerce, ne s’occupent jamais d’elle. Un jour, son père vient la trouver et lui demande de livrer trois petites poupées que Monsieur le Ministre a commandées pour sa fille. Se sentant investi d’une importante mission, la petite part en limousine et demande au chauffeur de passer par le chemin du puits. Arrivée devant un pont de pierre, la voiture doit s’arrêter car une mendiante tenant un enfant dans les bras barre le chemin. Bouleversée par la vision d’une telle pauvreté, Eco décide d’offrir à la bohémienne les poupées destinées à la fille du Ministre. En échange, la vieille femme lui donne 4 amulettes sacrées (un bulbe de cactus, un cocon de verre à soie, un morceau de silex, une petite noix).


Le geste altruiste de la petite fille a des conséquences irréparables pour ses parents. Furieux de ne pas avoir été livré, le Ministre retire toutes ses commandes et les autres clients en font de même. Ruinés, les Schaklebott voient leur empire s’écrouler. Le père sombre dans la folie et la mère accuse sa fille d’avoir provoqué leur chute. Se réfugiant dans la solitude de sa chambre, Eco décide de quitter son foyer et prend la direction de la sombre forêt…

Réécriture très libre de Jack et le haricot magique, Eco est un conte très sombre qui propose un univers à la Tim Burton. Le jeu sur les couleurs et l’absence de luminosité renforce l’ambiance pesante. La citation de Kafka qui précède le premier chapitre résume sans doute le mieux cette fable atypique :
Il n’existe que des contes de fées sanglants. Tout conte de fées est issu des profondeurs du sang et de la peur.
 Après Jack et le Haricot magique, le second volume s’inspirera du Petit Chaperon Rouge. Un troisième tome conclura cet ambitieux projet mené par deux jeunes auteurs qui n’hésitent pas à secouer une production littéraire pour la jeunesse parfois un peu trop ronronnante.


Eco T1 : la malédiction des Schakelbott, de Jérémie Almanza et Guillaume Bianco, Éditions Soleil, 2009. 14,90 euros. Dès 9 ans.

L’info en plus : Guillaume Bianco a décidemment une actualité très chargée en cette fin d’année. Quatre ouvrages publiés depuis fin octobre par les éditions Soleil portent sa signature : Eco, Epictète, Chat Siamois, Les comptines malfaisantes. Avec à chaque fois un univers onirique et étrange où les enfants tiennent le premier rôle.

mardi 8 décembre 2009

Faker

Ils sont quatre : Yvonne Latimer, hacker amatrice ; Mark Sale, obsédé sexuel ; Paul Sakmussen, taciturne et fortement déprimé ; Jessica Kidby, maître chanteuse. Etudiants à l’université de Saint Cloud, Minnesota , ils vivent en colocation dans une maison à côté de la fac. Un soir, ils décident de fêter la fin des vacances de Noël et le début du second semestre avec force alcool, cachets et poudres de toute sorte. Tous vont être malades à crever et vont constater dans les jours suivants qu’ils ne se souviennent plus vraiment de ce qui s’est passé.


C’est alors que débarque un cinquième larron qui loue apparemment la maison avec les quatre autres : Nick Philo. Mais Nick a un gros problème. A part ses colocs, personne ne se souvient de lui. Ni le patron chez qui il travaille trois jours par semaine, ni la prof dont il suit les cours depuis six mois et encore moins cette jolie étudiante avec laquelle il a couché juste avant les vacances. Désorienté, il décide de s’enfermer dans sa chambre. Mais il découvre que la maison n’a que quatre chambres et qu’aucune ne lui est destinée.

Cherchant à dénouer les fils de cet incompréhensible mystère, les cinq jeunes gens vont découvrir une réalité qui les dépasse totalement.

Faker est une œuvre sombre, très sombre. Mélangeant allègrement la thèse du complot gouvernementale et le portrait d’une jeunesse américaine en perdition, les auteurs livrent un récit où le désespoir est le seul avenir possible. Jouant beaucoup sur les variations de couleurs, le dessinateur impose une ambiance lourde, glauque, glaciale. Ne cherchez ici aucune échappatoire : ce comics est d’un pessimisme absolu.

Les six épisodes contenus dans le volume constituent l’intégralité de la série. On a de toute façon du mal à imaginer une suite possible.

Faker, de Mike Carey et Jock, Panini Comics, 2009. 13 euros.

L’info en plus : Mike Carey est le scénariste d’une série à succès qui a pour héros John Constantine, un personnage créé à l’origine par Alan Moore dans les pages de Swamp Thing. La série Hellblazer raconte les aventures de ce détective du paranormal chasseur de démons.



dimanche 6 décembre 2009

Flight

« Quand j’ai eu dix ans, tante Z m’a donné vingt dollars et m’a envoyé chercher des hamburgers et des frites. A mon retour, elle avait disparu. Elle n’est jamais revenue.
A onze ans, je me suis enfui de chez ma première famille d’accueil et je me suis soûlé dans la rue en compagnie de trois indiens SDF venant d’Alaska.
A douze ans, je me suis enfui de chez ma septième famille d’accueil.
A treize ans, j’ai fumé du crack pour la première fois.
A quatorze ans, j’ai volé une voiture et je l’ai bousillée en percutant un immeuble sous le viaduc de l’Alaska Way.
A quinze ans, j’ai rencontré un ado du nom de justice qui m’a appris à me servir d’un pistolet.
»

Spots a 15 ans. Mi-Indien Mi-Irlandais, il ne trouve sa place nulle part. Son père est parti le jour de sa naissance et sa mère est morte alors qu’il avait 6 ans. Depuis, il erre entre familles d’accueil, séjours en maison de redressement et vie dans la rue. Sa rencontre avec Justice, un ado à peine plus âgé que lui, va changer le cours de sa vie. Muni d’un pistolet, Spots entre dans un banque et tire sur la foule. Une fusillade s’ensuit et spots récolte un balle dans la tête. Commence alors pour lui un étrange voyage dans le temps.


Il se retrouve successivement dans la peau d’un agent du FBI traquant les militants pour le droit des autochtones en 1975, d’un enfant indien qui va assister à la bataille de Little Big Horn en 1876, d’un chasseur de peaux rouges qui va participer à un massacre avec des soldats yankees. Il sera aussi Jimmy, un pilote d’avion amateur qui a trahi sa femme et sera trahi par son meilleur ami, et pour finir, il sera SDF à Seattle, en 2008. Autant d’expériences incroyables qui le mèneront sur le chemin d’une possible rédemption. Un ado délinquant peut-il avoir une seconde chance ? Un pauvre gosse dont personne ne s’est jamais soucié peut-il trouver son chemin dans un monde devenu complètement fou ? Comme d’habitude, il n’y a ni gagnant ni perdant chez Sherman Alexie. Avec en filigrane cette implacable lucidité pour montrer que les bons et les méchants se trouvent toujours des deux côtés.

Drôle, inventif, truculent et grave, ce texte inclassable vous marquera pour longtemps. Le New York Times a salué ce très grand roman : « Un livre qui a de la rage et du cœur. Cru, plein de vie, furieusement drôle et sans un mot de trop. »

Flight, de Sherman Alexie, Albin Michel, 2008. 200 pages. 15 euros.

L’info en plus : l’année 2008 a été une grande année pour les amoureux de Sherman Alexie puisque sont parus successivement Flight, Red Blues (un recueil de poèmes) et Le premier qui pleure a perdu, un roman pour la jeunesse (dès 13 ans) absolument époustouflant que tous les CDI des collèges et lycées français se doivent d’avoir dans leur fonds !



jeudi 3 décembre 2009

Margerin - Lucien T10 : Père et fils

Lucien, le héros fétiche de Frank Margerin, est réapparu l’année dernière dans les librairies après huit ans d’absence. Aujourd’hui paraît le 10ème volume d’une série qui compte de nombreux fidèles depuis la publication du premier album au début des années 80.
Frank Margerin a décidé de faire vieillir son personnage. Il ne voulait plus le confiner dans un environnement rétro, préférant lui faire vivre les problèmes actuels de nombreux parents d’ados. Lucien est donc devenu un quadragénaire bedonnant et grisonnant qui a toutefois gardé la coupe de cheveux qu’il arbore depuis sa première apparition dans la revue Métal Hurlant en 1979. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que le pauvre vieux a mal vieilli : ses deux enfants se moquent de son look et de ses goûts musicaux, sa femme passe sa vie devant internet et les flics ne font même plus attention à lui dans le métro lorsqu’il tente de se faire passer pour un resquilleur. Ses relations avec son fils de 14 ans sont catastrophiques : le père l’emmène au square pour jouer au ballon comme lorsqu’il avait 4 ans ou veut lui faire découvrir les joies du monopoly alors que le gamin préfère passer sa vie devant sa « pléstécheune ». Bref, Lucien a pris un vrai coup de vieux et force est de reconnaître qu’il le vit très mal.

Graphiquement, le trait de Margerin se reconnaît entre mille. Le découpage de chaque planche en trois bandes de trois cases est immuable. Le vrai problème c’est que Lucien ne fait plus rire. Le ressort comique ne fonctionne plus, les planches sont envahies par les dialogues et les chutes de chacune des 11 histoires qui composent ce nouvel album sont sans surprise. La lecture ne m’a même pas arraché un sourire. Et pourtant, je suis un grand fan du rocker à la banane, mais il faut bien avouer que la mécanique ne fonctionne plus.

Vraiment une très grosse déception, au moins aussi grande que l’estime que je porte à Frank Margerin. C’est dire.

Lucien T10 : Père et fils, de Frank Margerin, Éditions Fluide Glacial, 2009. 9,95 euros.

L’info en plus : Pour les nostalgiques, les éditions Fluide Glacial publieront au mois de février 2010 les première histoires dessinées par Margerin sous le titre Frank Margerin présente : l'intégrale. L’occasion de retrouver la planète Pluton et les banlieues un brin sordides qui ont permis de lancer la carrière du papa de Lucien.

mardi 1 décembre 2009

Sherlock Holmes : l'aventure du ruban moucheté

Hélène Stoner vient solliciter l’aide de Sherlock Holmes. Depuis que des travaux dans le manoir familial l’obligent à dormir dans la chambre de sa sœur jumelle décédée deux ans plus tôt dans d’étranges circonstances, la jeune femme entend certaines nuits un sifflement qui la glace d’effroi. Soupçonnant son beau-père, homme violent et taciturne, de vouloir attenter à sa vie depuis qu’elle lui a annoncée son futur mariage, elle demande à Holmes de déceler les véritables intentions du colérique docteur Roylott. Voila donc Holmes et son fidèle ami Watson contraints de passer une nuit dans un manoir lugubre pour résoudre l’affaire du ruban moucheté !

Un guépard, un babouin, des bohémiens, une fausse piste et la déduction finale du plus grand des détectives qui parvient toujours à éclaircir les plus sombres affaires. Autant d’ingrédients pour une recette certes classique mais qui fonctionne à chaque fois.

Les éditions sarbacane ont eu l’excellente idée de proposer aux jeunes lecteurs une découverte de Sherlock Holmes par le biais de l’album plutôt que du traditionnel livre de poche. Très grand format (38 x 27 cm), avec de nombreuses et magnifiques illustrations pleine page, cette édition « luxueuse » est une belle porte d’entrée pour aborder l’univers d’Arthur Conan Doyle et de son héros fétiche.

Sherlock Holmes : l’aventure du ruban moucheté, d’Arthur Conan Doyle et Christel Espié, Éditions Sarbacane, 2009. 19,50 euros. Dès 9 ans.
 
L’info en plus : A l’occasion des fêtes de fin d’année, les éditions Omnibus publient un coffret regroupant 3 volumes qui constituent une édition intégrale et bilingue des Sherlock Holmes, avec les illustrations célèbres de Sidney Paget. Un superbe cadeau pour les amateurs du plus célèbres de détectives.


 

dimanche 29 novembre 2009

Ikebukuro West Gate Park II


Makoto a 20 ans. Il vit à Ikebukuro, quartier très commerçant de Tokyo qui, le soir venu, se laisse envahir par une foule bigarrée venue chercher quelques émotions fortes dans les nombreux bars à hôtesses et autres love hotels. Très connu dans le quartier, Makoto tient un étal de fruits avec sa mère. Il est également chroniqueur dans un magazine de mode, mais c’est surtout un « démêleur d’embrouilles ». Régulièrement, les habitants d’Ikebukuro l’engagent pour régler des problèmes aussi variés que complexes.


Ce recueil contient quatre histoires distinctes. Dans la première, Makoto doit faire face à l’enlèvement d’un enfant par son demi-frère. Dans la seconde, il aide une prostituée menacée par des yakusas. Au cours de la troisième, il cherche à démasquer un réseau de faux monnayeurs tandis que dans la quatrième, il traque des agresseurs de SDF.

Aimant son quartier et ses habitants, le jeune homme est une sorte de bon samaritain qui, grâce à ses relations avec les gangs des rues, parvient à trouver les appuis nécessaires pour résoudre les embrouilles auxquelles il doit faire face. Très lucide sur la situation actuelle du Japon et la décrépitude de la capitale, il sait que ses bonnes actions ne sont que d’insignifiantes gouttes d’eau dans un océan de violence et de corruption.

Modeste, il a très peu d’amour propre. Lorsqu’il choisit d’aider les SDF, c’est parce qu’il a conscience que la précarité de sa propre situation peut à tout moment le pousser à la rue. Parfois optimiste, souvent désenchanté, Makoto est un jeune adulte attachant. Loin des univers sombres et crépusculaires de Murakami Ryu, les histoires imaginées par Ira Ishida gardent toujours une note positive.

On lit cette série comme on regarde un très bon feuilleton à la télé. Chaque épisode apporte un peu plus d’épaisseur à l’ensemble. La troisième saison d’Ikebukuro West Gate Park devrait sortir dans les librairies françaises en février 2010. J’ai déjà fait une croix sur mon nouveau calendrier !

Ikebukuro West Gate Park II, d’Ira Ishida, Éditions Picquier, 2009. 19 euros.

L’info en plus : Ira Ishida est également scénariste de manga. Après avoir adapté ses romans (Ikebukuro West Gate Park, 4 volumes parus en français chez Asuka, épuisé), il s’est lancé dans une autre série publiée en France chez 12Bis. Akihabara@deep compte 6 volumes en tout, le dernier étant paru en mai 2009.

samedi 28 novembre 2009

Les souvenirs de Mamette T1 : La vie aux champs

Les jeunes lecteurs du magazine Tchô connaissent bien Mamette, cette octogénaire affable et toujours de bonne humeur. Nob, son créateur, a imaginé la jeunesse de son personnage dans une nouvelle série : Les souvenirs de Mamette.

Nous sommes en 1935. La mère de Mamette décide de confier sa fille à sa sœur le temps de régler quelques problèmes personnels. Tata Suzon vit dans une ferme avec ses parents. L’arrivée de sa nièce de 9 ans ne la réjouit pas, loin de là. Pour la petite Marinette, la découverte de la vie à la campagne est difficile. Promiscuité, travaux éreintant et nourriture frugale sont au menu. Son grand père lui apprend à traire les chèvres et à s’occuper du troupeau. Sa tante, vieille fille aigrie, lui explique que coudre et cuisiner sont les deux seules choses qu’une femme doit savoir faire pour trouver un mari. Malgré cette existence rude, la petite fille va peu à peu trouver sa place et faire quelques rencontres marquantes.

Nob reconnaît que Les souvenirs de Mamette sont inspirés de sa propre jeunesse, lorsqu’il passait ses vacances dans la ferme de ses grands parents. Un de ses objectifs est de montrer que le quotidien dans les campagnes à cette époque est loin de l’image d’Épinal véhiculée dans les manuels scolaires ou dans Martine à la ferme.

Publié dans un format atypique (A5) et une pagination importante (96 pages), ce roman graphique pour jeunes lecteurs est un bonheur pour les yeux. Le trait tout en mouvement, les tons pastels, le travail sur les lumières et les nombreuses illustrations pleine page forment un remarquable ensemble. Le temps s’écoule lentement, certaines séquences proposent une succession de pages muettes contemplatives du plus bel effet.

Une lecture tendre et apaisante, même si l’on devine sur la fin que quelques secrets de famille vont venir bouleverser la donne… Vivement la suite !

Les souvenirs de Mamette T1 : La vie aux champs, de Nob, Éditions Glénat, 2009. 9,40 euros.






jeudi 26 novembre 2009

Une sacrée mamie T3

1958, à Hiroshima. Hikedo élève seule ses deux garçons. Ne pouvant supporter une telle charge financière, elle décide de confier son plus jeune fils à sa mère qui habite à la campagne. La découverte du monde rural est un changement radical pour le petit Akihiro. Surtout que sa grand-mère est encore plus pauvre que sa mère ! Mais toujours de bonne humeur et débrouillarde, cette sacrée mamie va devenir une complice et un modèle à suivre pour le jeune garçon.


Quelques exemples parmi tant d’autres : Mamie traine derrière elle un aimant pour ramasser la ferraille ; Akihiro n’a pas les moyens pour s’inscrire aux cours de kendo et de judo : sa grand-mère lui conseille la course à pied, c’est le seul sport gratuit ! Attention cependant, il ne faut pas courir trop vite pour ne pas user les semelles ni courir trop longtemps pour ne pas s’ouvrir l’appétit.

Il n’y a jamais grand-chose à manger à la maison. Pour récupérer de la nourriture, mamie tend un filet le long de la rivière. En amont, il y a un marché et les commerçants jettent les légumes invendables. Mais le radis ratatiné et le concombre tordu ne sont pas différents une fois préparés !

Inspirée de l’enfance d’un célèbre comique japonais, Une sacrée mamie a d’abord été un roman qui s’est vendu à plus de quatre millions d’exemplaires sur l’archipel. Chronique douce et tendre, pas misérabiliste pour deux sous, cette série peut-être trop pétrie de bons sentiments est une lecture qui fait du bien, tout simplement. Oubliez la crise et la morosité ambiante avec cette sacrée mamie toujours positive. Une vraie leçon d’optimisme en toute circonstance.


Une sacrée mamie T3, de Yoshichi Shimada et Saburo Ishikawa, Éditions Delcourt, 2009. 7,50 euros.

L’info en plus : Dans la même veine des souvenirs d’enfance où un petit garçon accompagne une grand-mère inoubliable, il est impossible de ne pas citer le magnifique recueil Nononba, publié par les éditions Cornélius et qui obtint le prix du meilleur album au festival d’Angoulême en 2006. Un chef d’œuvre toujours disponible.



mardi 24 novembre 2009

Esteban T3 : la survie

1900, au sud de la Patagonie. Esteban, 12 ans, s’est embarqué dans une sacrée galère. En s’engageant sur le Léviathan, il ne pensait pas qu’il finirait bloqué dans les glaces de l’antarctique. Tout avait pourtant bien commencé : le capitaine l’avait d’abord pris comme mousse. Puis, les circonstances aidant, il était devenu un héros en tuant cette baleine bleue d’un seul jet de harpon.


Oui mais voila, le Léviathan a croisé la route de ce satané baleinier à vapeur. Ne supportant pas ces bateaux modernes, le capitaine a voulu lui jouer un tour pendable, mais les rôles se sont inversés et le Léviathan est devenu une proie pour le bateau adverse. Acculé au fin fond de l’antarctique, l’équipage voit les glaces s’épaissir avec l’arrivée de l’hiver. Pris au piège, le Léviathan ne peut plus bouger. La décision est prise de répartir les hommes dans des chaloupes pour tenter de regagner la terre ferme.

Commence alors un voyage mouvementé. Il faut éviter les icebergs et les vagues qui peuvent vous faire chavirer en une seconde. Bientôt les vivres s’amenuisent et les rameurs n’ont plus la force de diriger correctement la chaloupe. Et puis il y a le froid, glacial. Si un homme tombe à l’eau, il sera impossible de le réchauffer et de le sécher. Bref, la situation semble désespérée…

Matthieu Bonhomme sait retranscrire à la perfection la dureté de l’hiver au Pôle Sud : la vapeur des respirations, la brume omniprésente, le mouvement des vagues. Le lecteur souffre avec ces hommes que le désespoir semble gagner davantage à chaque page. Un petit conseil : installez-vous confortablement au coin du feu ou sous les couvertures pour lire cette BD. Et laissez-vous emporter dans une aventure qui, comme le journal de Tintin à la grande époque, s’adresse aux lecteurs de 7 à 77 ans.

Esteban T3 : La survie, de Matthieu Bonhomme, Éditions Dupuis, 2009. 10,40 euros.

L’info en plus : En début d’année est parue une autre BD mettant en scène des hommes au prise avec le rude climat de l’antarctique : Endurance est le nom d’un bateau qui, en 1914, s’est lancé dans une folle expédition vers le pôle Sud avec à son bord Sir Ernest Shackleton, explorateur anglais qui voulait tenter la traversée du continent de la mer de Weddell à la mer de Ross via le pôle. Un roman graphique basé sur une histoire vraie qui s’adresse aux plus grands pour découvrir une aventure humaine parmi les plus incroyables du XXe siècle.



dimanche 22 novembre 2009

Le goût de la mort


Evan Hunter, Richard Marsten, Hunt Collins, autant de pseudonymes pour un seul et même auteur. Avant de débuter la célèbre série du 87e District, Ed Mc Bain a écrit près de 25 nouvelles policières pour des revues au début des années 50.

Ce recueil en contient neuf, publiées entre 1953 et 1955. Œuvres de jeunesse, elles sont regroupées dans trois thèmes : Gamins ; Détectives privées ; Flics et voyous. Même si elles manquent parfois de maturité, ces nouvelles constituent un superbe exemple de ce qu’est la genèse d’une œuvre. Certes, Ed Mc Bain tâtonne un peu et ne maîtrise pas toujours bien ses intrigues. Il cherche aussi à s’affranchir de l’héritage de Chandler et de Dashiell Hammett. Mais tous les éléments qui feront de lui un auteur majeur se mettent déjà en place : des personnages très variés et crédibles, des dialogues ciselés et la présence indispensable de la ville, actrice qui tient un rôle principal dans la plupart des récits.

Chaque nouvelle est précédée d’une petite présentation faite par l’auteur. Cette mise en perspective permet de mieux cerner encore les prémices de « l’œuvre à venir », ces fameuses Chroniques du 87e District qui représentent aujourd’hui une série incontournable de la littérature policière mondiale.

Le goût de la mort est un recueil important. Il marque les débuts dans le métier d’un futur grand auteur de polar. C’est un argument suffisant pour que vous y jetiez un œil !


Le goût de la mort, d’Ed Mc Bain, Éditions Archipoche, 2009. 6,50 euros.

L’info en plus : Les ultimes romans de la saga du 87e district viennent d’être publiés dans le 9ème volume de l’intégrale Omnibus consacrée à Ed Mc Bain. Cette intégrale regroupe donc au final les 66 romans de ces chroniques « ordinaires » d’un commissariat de quartier de la ville d’Isola, sœur jumelle imaginaire de New York. Un must absolu que tout amateur de polar qui se respecte se doit de posséder dans sa bibliothèque.

samedi 21 novembre 2009

Le journal de Peter


Nous sommes à Londres en 1898. Peter a une dizaine d’années. Il vient d’arriver à l’orphelinat St James. Sa fiche d’admission stipule qu’il souffre d’amnésie permanente. Ses compagnons de chambrée se nomment Frison, Lebec, Laflûte, guigne, Poupin et flocon.


Peter veut retrouver sa mère. En parcourant les rues de Londres, il rencontre un marin qui lui dit qu’il ressemble à son patron, la capitaine Crochet. Peter se présente alors devant le capitaine qui l’embauche pour décharger les bateaux de pêche. Commence alors la véritable quête d’identité de Peter qui lui fera rencontrer la fée Clochette et le poussera à s’installer sur l’île des enfants perdus avec ses compagnons d’orphelinat.

En essayant d’imaginer les raisons qui ont poussé Peter Pan à ne pas vouloir devenir un adulte, Sébastien Perez et Martin Maniez ont réalisé un véritable tour de force. Sur le fond d’abord : l’intrigue est cohérente, les événements s’enchaînent de façon vraisemblable et le choix du journal intime renforce la crédibilité de l’ensemble. Sur le fond ensuite : voila un objet-livre comme on en voit rarement : photos, lettres, cartes postales, extraits de journaux… Tous les éléments collés dans le journal de Peter donnent l’impression d’être uniques. Et que dire des illustrations de Martin Maniez : sublimes, tout simplement.

La démonstration graphique et l’originalité de la mise en page suffisent à faire de ce livre un objet d’une rare beauté. Mais la qualité du texte confère à l’ensemble un statut d’œuvre majeure de la littérature pour la jeunesse.
Envoutant.

Le journal de Peter, de Sébastien Perez et Martin Maniez, Éditions Milan Jeunesse, 2009. 16,50 euros. Dès 8-9 ans.

L’info en plus : Sébastien Pérez sait s’entourer d’illustrateurs exceptionnels. En témoignent ses ouvrages publiés au Seuil avec Benjamin Lacombe : Grimoire de sorcières, La petite sorcière, Généalogie d’une sorcière, La funeste nuit d’Ernest.
 



jeudi 19 novembre 2009

Rapaces : l'intégrale

Encore une histoire de vampires ! Certes, mais celle-là date de 1998, soit bien avant la mode qui sévit actuellement. Dufaux et Marini sont en quelque sorte des précurseurs dans le domaine (sans oublier Swolfs qui avait abordé le sujet dans sa série Le prince de la nuit dès 1994).

Qui sont les rapaces ? Personne ne peut le dire. Les meurtres se multiplient en ville. Les victimes sont toutes vidées de leur sang. Toutes ont une épingle plantée dans un kyste situé derrière l’oreille droite. Et surtout, elles ont toutes des particularités physiologiques inexplicables selon le légiste : aucune séquelle de maladie, les organes et les viscères sont aussi sains que ceux d’un nouveau né.

Les inspecteurs Lenore et Spiaggi sont chargés de l’enquête. Très vite, ils découvrent que leur propre chef a lui aussi un kyste derrière l’oreille droite…

Infiltration des vampires dans les plus hautes sphères de la société, organisation secrète et trahisons, vengeance séculaire qu’un frère et une sœur cherchent à accomplir... Les auteurs mènent leur intrigue sur un rythme trépidant, mélangeant sexe et violence au fil des quatre albums qui composent la série.

Le scénario, parfois tiré par les cheveux et un peu léger n’est souvent qu’un prétexte pour laisser Marini s’exprimer à sa guise avec les pinceaux. L’atmosphère lourde et oppressante de la mégalopole décadente est très bien rendue. Sans compter que les filles mises en scène par le dessinateur italien sont toujours un régal pour les yeux !

Finalement, cette série est à prendre pour ce qu’elle est : un divertissement plein d’action et de rebondissements mâtiné de quelques scènes de sexe pour pimenter le tout. Surement pas indispensable, mais diablement récréatif.

PS : Cette édition intégrale en grand format est imposante et franchement pas facile à lire dans un lit. Pour ceux qui ne veulent pas coupler la lecture avec une séance de musculation, il est toujours possible d’acheter les quatre albums à l’unité.

Rapaces : L’intégrale, de Jean Dufaux et Enrico Marini, Éditions Dargaud, 2009. 39 euros.

L’info en plus : En 2007, Marini a lancé sa propre série en tant que dessinateur et scénariste. Les aigles de Rome, récit historique, débute en Italie en 11 av JC et raconte l’amitié de deux jeunes gens, l’un germain et l’autre romain.



mardi 17 novembre 2009

Les soliloques du pauvre et autres poèmes


Figure du Montmartre du début du 20ème siècle, Gabriel Randon est né en 1867 à Boulogne sur Mer. Sa mère l’emmène à Paris alors qu’il n’est qu’un enfant. Quittant à 16 ans cette femme qui le maltraite, il erre dans la capitale, côtoie les clochards et les vagabonds et trouve refuge dans le très pauvre et populaire quartier du sacré cœur.


Jehan Rictus, son pseudonyme d’artiste, naîtra en 1896, inspiré par la lecture de Villon. Chansonnier et poète, Jehan Rictus crache d’abord sur le papier, puis dans les cabarets parisiens, sa jeunesse passée dans la rue, entre misère et souffrance.

Pour dire la rue, le froid et la faim, il s’exprime dans un argot aux accents du faubourg que Vautrin et Tardi n’auraient pas renié. Défenseur des moins que rien, il veut faire entendre la voix de ceux qui n’ont pas la parole. Le langage parlé des soliloques du pauvre est une mélodie atypique dont beaucoup de slameurs actuels sont les héritiers.

Ce n’est pas la légion d’honneur obtenue quelques années avant sa mort qui changera sa fidélité au peuple. Pendant urbain du poète de la terre Gaston Couté, Jehan Rictus a vu ses textes déclamés sur scène par Jean-Claude Dreyfus.

Il faut lire et relire Les soliloques du pauvre pour entendre cette voix de la misère et de la révolte qui, plus de 100 ans après sa première publication, n’a jamais été autant d’actualité.



"Faire enfin dire quelque chose à quelqu’Un qui serait le Pauvre, ce bon pauvre dont tout le monde parle et qui se tait toujours.


Voilà ce que j’ai tenté."

Les soliloques du pauvre et autres poèmes, de Jehan Rictus, Éditions Au diable Vauvert, 2009. 5 euros.

L’info en plus : Une édition critique des Soliloques du pauvre est parue en juin 2009 aux éditions Classiques Garnier, 1er volume de la collection Classiques de l’argot et du jargon.

dimanche 15 novembre 2009

L'elfe au dragon T1 : les maraudeurs d'Isuldain


Comment faire pour proposer aux 9-12 ans qui ne sont pas de gros lecteurs de découvrir l’héroic fantasy sans avoir à se farcir des pavés de 600 pages ? Arthur Ténor et les éditions du Seuil pensent avoir trouvé la solution avec L’Elfe au dragon, une série dont les volumes ne dépassent les 200 pages et sont publiés à quelques mois d’intervalle.

L’Elfe au dragon raconte l’histoire de Kendhil, un jeune elfe qui appartient à la communauté des sentinelles d’Oriadith. Seul membre des sentinelles à n’avoir ni père, ni mère, ni frère connu, il est également le seul à avoir choisi de faire alliance avec un dragon alors que ses semblables ont toujours choisi des aigles pour compagnon.

Dans ce premier volume, Kendhil accompagne le doyen des elfes sentinelles à Burgon, la cité des maîtres du fer. C’est la première fois qu’il rencontre des humains. Les deux elfes viennent chercher du métal pour forger des dagues. Mais ils ont à peine le temps d’être reçu par le maître Far et sa petite fille Clivi que déjà retentissent les trompes du guet. Les maraudeurs d’Isuldain, un groupe de mercenaires, vient d’envahir la ville et prend en otage ses habitants pour les livrer à Orst Fibhur, baron de Gonkar. Ce dernier a négocié la vente des maître du fer aux orques de l’obscur contre de l’or. Ne supportant pas l’idée que les burgonais se retrouvent dans les griffes des orques, le jeune Kendhil et son dragon Karlo vont tout mettre en œuvre pour les sauver…

Cette série constitue une parfaite première approche pour découvrir la fantasy. Toutes les communautés les plus classiques sont représentées : les elfes, les humains, les orques et les dragons. Magiciens et sorciers entrent en scène dès le second volume. Ne manquent que les nains, mais peut-être apparaîtront-ils par la suite (le 4ème tome est prévu pour février 2010). Le monde présenté est cohérent, et après ce premier volume d’introduction, la quête d’identité de Kendhil devient la trame principale du récit.

Arthur Ténor n’est pas un nouveau venu dans la littérature de jeunesse. Cette série démontre à quel point il fera bientôt parti des incontournables.

L’elfe au dragon T1 : Les maraudeurs d’Isuldain, d’Arthur Ténor, Éditions Seuil Jeunesse, 2009. 10 euros.

L’info en plus : Pour les plus jeunes qui veulent découvrir la fantasy, Marie-Hélène Delval publie chez Bayard une série au format poche (4,50 euros) dont chaque tome ne dépasse pas 100 pages dans un style vraiment facile d’accès. Le septième volume de cette série qui devrait en compter 11 vient de paraître au mois d’octobre. (Les dragons de Nalsara, de Marie-Hélène Delval, éditions Bayard).