L’exercice n’est pas aisé : « je voulais
dire, écrire au sujet de mon père, sa vie et cette distance venue à l’adolescence
entre lui et moi. » Parce qu’il restera viscéralement attaché au « monde
d’en bas » qui est le sien alors que sa fille, par les livres et les
études, va découvrir et intégrer une petite bourgeoisie dont il ignore tout. Son
univers à lui sera toujours resté confiné dans un espace limité dont il ne
cherchera jamais à s’écarter.
Point de tristesse, d’amertume ou de lyrisme malvenu.
Ernaux a préféré employer le ton du constat. « Je me tiens au plus près
des mots et des phrases entendues, les soulignant parfois par des italiques.
Non pour indiquer un double sens au lecteur et lui offrir le plaisir d’une
complicité, que je refuse sous toutes ses formes, nostalgie, pathétique ou
dérision. Simplement parce que ces mots et ces phrases disent les limites et la
couleur du monde où vécut mon père, où j’ai vécu aussi. Et l’on n’y prenait
jamais un mot pour un autre. »
Une prose épurée à l’extrême, dépouillée de toute
emphase. Annie Ernaux parle d’elle et pourtant son « je » est un « nous ».
Toute la force de son écriture tient dans cette universalité, cette volonté de
rester à l’écart d’une indécente forme d’autofiction. Sans doute son succès
populaire s’explique en grande partie par le fait que son œuvre s’articule
autour de la valeur collective du « je » autobiographique. La place est pour moi un roman magnifique, tout en retenu et
pourtant d’une incroyable force. Pas pour rien que ce texte est devenu un
incontournable du programme de français au lycée, tant pour l’analyse du genre
autobiographique que de la relation père/fille ou encore, dans les filières
économique et sociales, pour l’étude des classes sociales.
La place d’Annie Ernaux. Folio, 2004. 114 pages. 4,80
€.
Ce billet signe ma 1ère participation au challenge "A tous prix" de Laure |
"Je hasarde une explication...
RépondreSupprimer...écrire c'est le dernier recours quand on a trahi."
Phrase de Jean Genet mise en exergue au début de ce livre que j'ai beaucoup aimé également...(http://jacky-caudron.blogspot.fr/search/label/La%20place%20-%20Annie%20Ernaux)
Je m'empresse de rajouter ton lien.
SupprimerC'est vrai qu'elle emploie le ton neutre du constat, mais je trouve qu'il y a quand même beaucoup de tristesse, de mélancolie dans ce récit de la "trahison" qui a été la sienne. Et pourquoi dis-tu à la fin qu'il s'agit d'un roman, alors que justement elle ne prend plus la peine dans ce livre de déguiser son récit autobiographique en fiction ?
RépondreSupprimerJe parle de roman parce qu'il me semble qu'elle n'endosse le costume du diariste racontant sa vie sous la forme d'un journal. Sans doute la dimension universelle de son texte me pousse à parler de roman mais c'est peut-être toi qui as raison.
SupprimerDe toute façon , ce livre là ou un autre, l'auteur était déjà noté!
RépondreSupprimerY a plus qu'à alors...
SupprimerJ'avoue que je ne suis pas forcément très portée sur les autobiographies mais ton billet me donne envie de découvrir celui-ci.
RépondreSupprimerPour moi ce titre là dépasse l'autobiographie.
SupprimerUn très beau livre. Nul doute qu'elle a su imposer un ton nouveau. Je la lis toujours volontiers et souvent avec plaisir!
RépondreSupprimerJe pense que c'est un auteur que l'on a plaisir à relire.
SupprimerTout pareil que toi et je te conseille L'événement : une bonne grosse claque littéraire ! Bises à mon Jérôme.
RépondreSupprimerJe pense que je vais enchaîner avec Les années mais je note L'événement pour la suite. Merci !
SupprimerEh bien on ne voit pas souvent ce livre sur les blogs, ça change ! Je l'ai lu il y a longtemps... J'avais bien aimé !
RépondreSupprimerJe suis tombé dessus un peu par hasard en début de semaine à la médiathèque et du coup je l'ai emprunté.
SupprimerUn des roman de cette auteure que je n'ai pas aimé.
RépondreSupprimerDommage. J'espère que tu as apprécié d'autres titres.
Supprimerje me souviens encore du choc que j'ai ressenti la première fois que j'ai lu cette auteure .. je la relis de temps en temps . le choc s'est émoussé mais c'est pour moi une auteure essentielle parmi les écrivains d'aujourd'hui et peut-être déjà d'hier(?)
RépondreSupprimerLuocine
Je crois que tu as raison, elle fait partie des auteurs qui compte dans la littérature contemporaine française.
Supprimerje suis une admiratrice d'Annie Ernaux qui à travers ses écrits a su écrire la vie, nous faire réapproprier un pan notre histoire collective.
RépondreSupprimerJe me doutais que tu serais une grand fan de cette auteure. Son univers a tout pour te plaire !
SupprimerD'elle, j'adore Les années.
RépondreSupprimerJe compte le lire bientôt.
SupprimerJe note ce livre que je n'ai pas encore eu l'occasion de lire. Ton article est très bien fait et donne vraiment envie de s'y plonger merci :)
RépondreSupprimerMerci à toi, je suis content de commencer ton challenge avec ce titre.
SupprimerJe me souviens d'une phrase extraite de ce texte où elle raconte sa visite à la biltiothèque avec son père. Ce malaise, cette incompréhension, c'est terrible.
RépondreSupprimerOui le passage à la bibliothèque est symptomatique. D'ailleurs le père n'y remettra jamais les pieds et c'est la mère qui ramènera les ouvrages empruntés.
Supprimerahh oui, j'avais oublié que je voulais le lire. Merci pour la piqûre de rappel :)
RépondreSupprimerPas de quoi !
SupprimerJ'ai entendu parler de ce roman tant de fois ! Il figure d'ailleurs parmi les premiers titres de mon carnet d'envies, qui commence à dater. Et pourtant je n'ai encore jamais lu Annie Ernaux. Quitte à commencer je me fierai à ton billet et ce sera avec La place.
RépondreSupprimerEn voila une bonne idée. En plus il se lit très vite.
SupprimerUn livre formidable, une écriture unique...
RépondreSupprimerOui, ton billet montre bien l'enthousisame que tu as eu à lire ce livre.
SupprimerIl est dans ma pile, et j'espère qu'il me réconciliera avec Annie Ernaux dont je n'ai pas aimé "Les années" (par contre, j'avais vraiment aimé "L'autre fille" auparavant). En tout cas, tu donnes envie.
RépondreSupprimerJE ne sais pas s'il te réconciliera avec l'auteur mais tu ne prends pas beaucoup de risque avec ce titres vu la facilité avec laquelle il se lit.
Supprimerje n'aime pas l'écriture et l'absence de pudeur d'Annie Ernaux. Il est aussi au programme de français pour les 3è celui-ci mais je le trouve tellement éloigné de leur univers...
RépondreSupprimerBref, je crois qu'on vénère Ernaux ou ... qu'on la déteste (son écriture, bien sûr)
C'est tout à fait ça, je pense qu'elle a autant d'admirateurs que de détracteurs.
Supprimerc'est fou comme beaucoup de gens n'apprécie pas tellement les œuvres d'Ernaux :/
RépondreSupprimerSans doute l'aspect très autobiographique que certains considèrent comme impudique ne plait pas à ses détracteurs.
SupprimerAnnie Ernaux est un auteur que j'aime particulièrement, j'ai lu la femme gelée dans les années 80 puis "une femme" livre qui met sa mère en scène et puis "la place" et enfin " les années"
RépondreSupprimerElle m'accompagne depuis trente ans !!! mazette ça fait un choc !!
Ce qui me touche le plus chez elle c'est cette difficulté à être en permanence "entre deux" entre sa famille simple, frustre et son milieu professionnel et d'écriture
Je commence à peine la découverte de son oeuvre mais son univers me plait beaucoup.
SupprimerJe n'ai découvert Annie Ernaux que très tard, au moment de Les années que j'ai beaucoup aimé, tout comme L'autre fille que j'ai lu peu après.
RépondreSupprimerElle fait partie de ces quelques rares auteurs dont j'aurais envie, si le temps me le permettait, de lire toute l’œuvre d'un coup...
Son oeuvre a l'air si cohérente qu'il serait intéressant en effet de tout lire d'un seul coup.
SupprimerJ'aime beaucoup Cette auteur. Les Années est un livre magnifique aussi ...
RépondreSupprimerLes années, je compte bien le découvrir très vite^^
SupprimerJe l'ai dans ma pal. J'aime son style découvert avec "Les années".
RépondreSupprimerDe mon coté, je vais poursuivre avec Les années. Je verrais par la suite quel autre titre choisir.
SupprimerJe ne me souvenais plus de l'exergue de Jean Genet, elle est (presque) aussi forte que ce livre ... Marquant pour moi aussi. Tu parles du père qui est resté enfermé dans son monde limité, mais il me semble (grrrr, je n'ai plus le livre sous la main pour vérifier) que le quotidien du "Je", petite bourgeoise devenue, est aussi marqué de ses limites ? Une bonne idée de relecture en tout cas, merci !
RépondreSupprimerTu as raison, son quotidien à elle est clairement limité, surtout à travers l'image de son mari d'ailleurs, qui tout du petit bourgeois coincé.
SupprimerHonte à moi... Je crois que je n'ai jamais rien lu de Annie Ernaux...
RépondreSupprimerIl n'est pas trop tard pour t'y mettre...
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