vendredi 13 septembre 2013

Deadline - Laurent-Frédéric Bollée et Christian Rossi

Ça commence par un meurtre. En 1901. Un meurtre commis de sang froid sur un vieillard. Pas d’autres explications avant un bond dans le temps. Des années en arrière. En pleine guerre de sécession. Petit à petit on va remonter le fil de cette pelote et comprendre le pourquoi du comment. Pourquoi ce meurtre, pourquoi cette victime. L’histoire est celle du meurtrier, un gamin enrôlé de force dans l’armée sudiste. Un gamin qui va tomber amoureux d’un prisonnier. Noir. Un gamin qui va découvrir l’horreur de la guerre et garder chevillé au corps le souvenir de ce prisonnier et une rancœur, une haine même. Tenace. Impossible à évacuer… 

Un western sans cowboys et sans indiens mais un western quand même. Tendu, nerveux, crépusculaire. Beaucoup de flash-backs qui demandent au lecteur une certaine attention pour ne pas se perdre en route mais le récit est tricoté au cordeau et chaque élément trouve sa place naturellement.

Après on peut trouver que la barque de Louis Paugham, le personnage principal, est un peu chargée. Orphelin très jeune suite à l’assassinat de ses parents, il voit mourir son père adoptif sous ses yeux à l’adolescence. Homo refoulé qui a le coup de foudre pour un noir alors qu’il vient d’être enrôlé dans l’armée sudiste, il va enchaîner les désillusions et les tragédies… tout ça fait peut-être un peu beaucoup. Mais son terrible destin permet de mettre en lumière cette période complexe de l’après-guerre de sécession aux États-Unis. Sa vie d’errance et de solitude est confrontée au racisme prégnant malgré la victoire nordiste, à un idéalisme qui restait souvent de façade et une homosexualité inacceptable pour la société de l’époque.

Graphiquement c’est beau, très beau. Christian Rossi s’était déjà frotté au western en reprenant la série Jim Cutlass scénarisée par Jean Giraud et surtout avec l’inclassable W.E.S.T qui, elle aussi, se déroule aux USA dans les années 1900. Ici, il alterne entre l’acrylique et l’aquarelle et son travail sur la lumière et les couleurs est magnifique. Sans compter que son découpage très cinématographique sied parfaitement à un récit de ce genre. 

Si je devais souligner un bémol c’est que le héros subit trop les événements et n’est pas assez charismatique. Pas qu’il soit transparent mais il lui manque un petit quelque chose pour endosser l’image d’écorché vif à laquelle il était en droit d’aspirer. Disons qu’il avait tout pour être inoubliable et malheureusement ce n’est pas tout à fait le cas. 

J’ai quand même passé un bon moment avec ce one shot qui sort un peu des sentiers battus. Et je félicite au passage l’éditeur pour ne pas avoir cédé à la tentation d’en faire un diptyque plus intéressant commercialement mais beaucoup moins cohérent d’un point de vue narratif.  Ça devient tellement rare de penser au lecteur avant de penser à la rentabilité…

Une nouvelle lecture commune que j’ai la plaisir de partager avec Mo’. Sa chronique est ici.

Deadline de Laurent-Frédéric Bollée et Christian Rossi. Glénat, 2013. 92 pages. 18,50 euros.



24 commentaires:

  1. On se perd un peu je trouve. Comme tu le dis bien, beaucoup de sujets sont abordés mais aucun n'est traité réellement. On les effleure, on interprète, on est un peu seul face à la sommes des possibles. Une barque un peu chargée en somme ^^
    Merci pour les échanges ;)

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    1. Oui la narration est trop complexe et aurait gagné à être simplifié. Mais j'ai quand même passé un bon moment.

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  2. Ouaip, la barque est bien chargée... Je vais donc continuer Un printemps à Tchernobyl qui m'a déjà valu des frissons dans le dos (et là, on n'a hélas rien inventé...)

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    1. Évidemment avec Un "Un printemps à Tchernobyl" on est plusieurs crans au-dessus !

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  3. Pas fan de westerns, même sans cow-boys et indiens....

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    1. Pas de quoi, il mérite d'arriver dans les bacs de ta médiathèque.

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  5. Noté. Ca plairait peut-être à un copain.
    J'aime les histoires de vengeances.

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    1. Pour ce qui est de la vengeance tu vas être servie !

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  6. Ce n'est pas courant pour moi les western en bd !

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    1. Pourtant le choix est vaste, c'est un genre qui a été abordé très très souvent.

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  7. Je n'ai pas saisi tout de suite que c'était une BD et comme roman, ça me plaisait, comme BD beaucoup moins, d'autant plus que la planche montrée ne me plaît pas spécialement, tout ce jaune!

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    1. Tout l’album n'est pas dans les mêmes tons de jaune, le travail sur la couleur est d'ailleurs remarquable !

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  8. J'allais te dire non pas pour moi, je n'ai pas envie en ce moment de tomber dans un roman lourd et poignet, malgré un sujet que j'affectionne et qui me révolte particulièrement : La ségrégation...

    Et puis j'ai lu One shot et BD alors là je te dis OUI. Mille fois OUI :)

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  9. Bonsoir, pour ma part, j'ai beaucoup aimé cette BD, très forte visuellement, très forte aussi sur le déroulement des événements... Bien sur le personnage principal subit un peu les éléments mais il se bat souvent, et finalement il se dépasse... J'ai bien aimé la fin, où on voit cet homme trouver enfin la sérénité après tellement d'épreuves... C'est le choix du scénariste d'en avoir fait un homme simple, presque sans reliefs...

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    1. Visuellement c'est très fort, on est bien d'accord. Après c'est la narration qui me pose problème. Mais ça reste un excellent album.

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  10. Une BD qui ne m'a pas convaincu...

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    1. Sa construction est un peu bancale mais dans l'ensemble j'ai passé un bon moment.

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