mercredi 20 avril 2016

The Time Before - Cyril Bonin

New York, Greenwich Village, juin 1958. Le photographe Walter Benedict vient en aide à un vendeur à la sauvette agressé en pleine rue. Pour le remercier le vieil homme lui offre une pierre ayant le pouvoir d’aider celui qui la possède à réussir sa vie. Walter découvre rapidement que ce talisman est une sorte de machine à remonter le temps et qu’il lui suffit de penser à un moment de son existence pour le revivre et le modifier à sa guise. Usant (et abusant) du procédé, il collectionne les succès, jusqu’au moment où il rencontre l’amour…

Un plaisir de retrouver Cyril Bonin et son univers si particulier aux frontières du fantastique. Il s’interroge ici sur ce que peut être une vie parfaite, sachant que la recherche de perfection engendre forcément une forme d’insatisfaction permanente. Et même s’il ne cesse de rembobiner le fil de son destin pour mieux le modifier, Walter comprend que l’entreprise est vaine. Car si, comme il le dit, « écrire sa vie demande parfois de nombreux brouillons », jouer avec le temps peut s’avérer dangereux. Sans compter que les erreurs d’aiguillages et les faux pas nous construisent aussi et qu’il convient de faire des choix définitifs pour avancer.

J’ai aimé cette interprétation « intime » du voyage dans le temps, loin des enjeux majeurs que l’on trouve d’habitude dans les scénarios traitant ce sujet. Walter ne va pas changer le monde et son Histoire, il ne va pas sauver l’univers, il va juste « revenir » sur ses propres traces et modeler son avenir comme il le souhaite. Par contre, les concepts mathématiques exposés pour expliquer les pouvoirs du talisman, notamment la théorie des ensembles infinis, me sont passés totalement au-dessus de la tête, ce qui au final n’est pas bien grave.

Un album qui questionne, qui interpelle, qui nous pousse à nous interroger sur la façon dont nous aurions réagi à la place de Walter. Parce que nous avons tous au moins un moment précis et délicat de notre existence sur lequel nous aimerions revenir afin de le vivre différemment. Et si cette possibilité nous était offerte, comment rejouerions-nous la partition ? Personnellement, j’ai quelques idées et quelques dates en tête…


The Time Before de Cyril Bonin. Bamboo, 2016. 104 pages. 18,90 euros.















mardi 19 avril 2016

La Belle rouge - Anne Loyer

« Le passé n’écrit pas forcément l’avenir. »

Il a quitté le centre pour mineurs où on l’avait placé après une succession d’échecs dans des familles d’accueil. Ce centre, dernière case avant celle de la prison, il l’a fui parce qu’il n’en supportait plus les règles et l’encadrement. Sa colère en bandoulière, Kader se retrouve sur une aire d’autoroute. Il monte dans un énorme camion rouge laissé ouvert par sa propriétaire, s’installe sur la couchette et s’endort. Quand Marje la routière le découvre dans son habitacle, elle le fiche dehors sans ménagement, et sans se douter que l’adolescent va bientôt bouleverser son quotidien et ses petites habitudes...

Comme beaucoup d’auteurs jeunesse l’ont fait avant elle (cf. notre pépite de la semaine dernière par exemple),  Anne Loyer relate l’histoire d’une rencontre. Une rencontre improbable et une relation qu’aucun des protagonistes ne semble avoir envie de nouer. Sauf que. Un concours de circonstances et un brin de curiosité mal placée suffisent pour entamer le voyage. La promiscuité, la monotonie de la route, les bribes de phrases lâchées par l’un et l’autre entraînent un début d’échange. Même si personne ne se livre vraiment, recroquevillé derrière une carapace dont rien ne filtre. Mais avec le temps, la confiance naissante, la découverte de l’autre, le respect de ses silences et de ses secrets, la carapace se fendille, les confidences affleurent, les liens se tissent.

J’ai aimé la façon dont les rapports entre Marje et Kader évoluent. Une communication compliquée, un parcours sinueux, qui n'a rien d'un long fleuve tranquille. Deux animaux solitaires qui s’apprivoisent mutuellement, sans aucune facilité. Deux grandes gueules seules contre tous, se frayant un chemin malgré les embûches et un passé douloureux. Ils sont touchants l’un comme l’autre, à leur façon. La rage d’un Kader remonté contre la terre entière, la mélancolie et la bienveillance d’une Marje profondément enfouies sous ses faux airs d’ours mal léchée. Des personnages incarnés, une écriture efficace aux dialogues réalistes, une tendresse sans mièvrerie et une fin ouverte vers un avenir incertain mais porteur d’espoir, il n’en fallait pas plus pour que je tombe sous le charme de ce très joli roman maîtrisé de bout en bout.

La Belle rouge d’Anne Loyer. Alice, 2015. 134 pages. 12,00 euros. A partir de 13 ans.


Une nouvelle pépite jeune que j'ai le plaisir de partager avec Noukette.

















lundi 18 avril 2016

En veilleuse - Matt Sumell

Alby est en colère. Contre tout. Et tout le monde. Dès la première page, une simple dispute à propos du lave-vaisselle lui suffit pour avoir envie de cogner sa sœur. Ce qu’il va faire d’ailleurs, et sans que ça lui pose de problème, puisque pour lui « elle est un peu comme un frère, mais avec des seins ». Alby est un pauvre type, un gars capable de constater devant le corps nu de sa mère mourante, que « son vagin est dans un bien meilleur état [qu’il] ne le pensait. » Un gars qui, après avoir lu un poème enamouré de la fille avec laquelle il sort, écrit 11/20 en haut de la feuille avant de lui rendre et de s’étonner qu’elle lui fasse la gueule pour si peu. Un gars qui pense que « le Temps est cancérigène, comme le bacon brûlé », qui picole trop, enchaîne les petits boulots, est maladroit, impulsif, détestable.

 Mais quand il cesse de fanfaronner, Alby peut se montrer touchant, fendre la carapace. Comme lorsque qu’il décide d’élever un oiseau tombé du nid en le nourrissant à la paille ou cherche désespérément son chien perdu dans la forêt. Ou quand il regarde avec franchise sa relation aux autres : « Malgré la relative aisance avec laquelle j’enchaîne les râteaux, ce n’est jamais simple à vivre. Chercher en moi l’optimisme, la confiance et même, je dois l’avouer, la force nécessaire pour brancher une jolie fille demande un boulot de malade, quasi héroïque, surtout si on prend en compte toutes les fois dans ma vie pas-si-envieuse où ces efforts on été non seulement inutiles mais aussi même contre-productifs ».

Je me demande pourquoi j'ai un faible pour les personnages possédant un tel degré d'inadaptation sociale. Pourquoi je voue un culte à Ignatius Reilly, pourquoi le Bandini de John Fante me fascine, pourquoi je suis tombé amoureux de Mailman, pourquoi le journaliste crevant la dalle de Knut Hamsun est mon héros, le Chinaski de Bukowski mon idole et le Calaferte du Requiem des innocents mon Dieu. Les sales gosses infréquentables, misanthropes, à la fois vindicatifs et résignés, sont définitivement ma came. Sans doute parce que j'en ai beaucoup côtoyé et que je leur ai beaucoup ressemblé à une période de ma vie, que je les comprends et qu'ils me parlent. J'aime leurs excès, leur vulgarité, leur violence, leur mal être. Leur humour, souvent cradingue, me fait mourir de rire. Et leur autodérision permanente, l'absence d'orgueil et d'amour propre qui les caractérise est pour moi la marque des grands losers pathétiques sachant pertinemment la partie perdue d'avance, une marque de lucidité que je partage et admire.

Pour son entrée en littérature, Matt Summel a tout compris. Découpant son récit en chapitres constituant autant de petites nouvelles, il fonce, sans se poser de question. Il est fluide, facile, à l'aise. Il ne répète pas de gammes apprises dans des séances de « creative writing » comme la plupart de ses collègues anglo-saxons. Sa prose coule à l'instinct, ça crève les yeux et bordel que ça fait du bien.

Alors non, je ne tenterais pas de vous convaincre de faire la connaissance d'Alby. Parce que je me doute que ce premier roman tonitruant et plein de rage pourrait vous hérisser le poil et vous donner la nausée. Parce qu'il y a de grandes chances que vous détestiez cet homme à fleur de peau rongé par le chagrin, incapable de se remettre de la disparition de sa mère, incapable de nouer un véritable dialogue avec son père qu'il adore pourtant plus que tout. Et surtout parce que vous êtes assez grands pour savoir par vous-même si un personnage aussi fantasque, insupportable et politiquement incorrect a une quelconque chance de trouver grâce à vos yeux.

En veilleuse de Matt Sumell (trad. Jérôme Scmidt). Plon, 2016. 235 pages. 20,90 euros.







mercredi 13 avril 2016

L’homme qui tua Lucky Luke - Mathieu Bonhomme

Lucky Luke arrive à Froggy Town un soir d’orage et découvre une bourgade quasi déserte. Même le saloon attend désespérément les clients. Menacé par le shérif, le cow-boy solitaire doit lui abandonner son arme, comme tous les étrangers arrivant en ville. Le lendemain, quelques habitants viennent le chercher dans sa chambre d’hôtel pour lui demander de l’aide. Un indien a dévalisé la diligence qui amenait la récolte d’or des mineurs. Ces derniers, sans ressources, ne descendent plus en ville, ce qui menace dangereusement l’économie locale.  Après quelques hésitations, Luke accepte de mener l’enquête pour retrouver l’or.

Pour fêter ses 70 ans, le tireur le plus rapide de l’Ouest se réinvente et passe entre les mains d’auteurs lui rendant hommage à leur manière. Premier à se lancer dans cette drôle d’aventure, l’excellent Mathieu Bonhomme, dont j’ai lu tous les albums depuis la série « Le marquis d’Anaon ». Comme pour Chlorophylle récemment, j’aime l’idée d’un hommage qui ne se contente pas d’être une reprise fidèle mais apporte une réelle singularité au personnage et à son univers.

Bonhomme dresse le portait d’un Lucky Luke plus sombre, le faisant évoluer dans une atmosphère pesante où le clair-obscur prend le pas sur la lumière. Un Lucky Luke moins serein aussi, fébrile, lunatique, limite fragile, et en manque de nicotine, clin d’œil au passage de ce fumeur invétéré de la clope au brin d’herbe survenu en 1983. Suprême originalité, il se permet de tuer le héros dès la première planche !

Pour autant, le scénario m’est apparu classique, sans véritable surprise. Le manque d’humour, élément pourtant caractéristique de la série, est criant et les personnages secondaires sont bien trop lisses pour apporter une réelle valeur ajoutée. Reste le dessin, toujours aussi somptueux, avec un art du cadrage et de la mise en scène qui fonctionne à merveille.

Pas une déception à proprement parler mais une réappropriation très personnelle, plus mature, au scénario trop sage, qui vaut surtout pour sa qualité graphique en tout point remarquable.

L’homme qui tua Lucky Luke de Mathieu Bonhomme. Lucky comics, 2016. 64 pages. 15,00 euros.




Les BD de la semaine sont chez Stephie



mardi 12 avril 2016

La folle rencontre de Flora et Max - Martin Page et Coline Pierré

« Je n’ai pas d’amis, et il me semble que tu ne dois pas en avoir beaucoup non plus, alors aller vers toi est plus facile pour moi ».

Max se décide à écrire à Flora après avoir consulté son profil Facebook. Ils étaient dans le même lycée mais ne se connaissaient pas. Lui a développé une phobie l’empêchant de franchir le seuil de sa maison sous peine de connaître de terribles crises d’angoisse et de tétanie. Elle est incarcérée pour avoir frappée une fille de sa classe qui est tombée dans le coma.  Max écrit sa lettre comme on lance une bouteille à la mer. A sa grande surprise, Flora lui répond quelques jours plus tard. Commence alors une étrange correspondance entre deux êtres cabossés et solitaires qui vont peu à peu se découvrir une complicité aussi naturelle qu’improbable.

Flora et Max, deux reclus, coupés du monde extérieur, forcément atypiques, mais pas forcément faits pour s’entendre. Et pourtant au fil des courriers échangés, après avoir pris le temps de s’apprivoiser, chacun va se confier, se livrer en toute simplicité. Les mots couchés sur le papier aident à supporter le quotidien, les mots échangés permettent de mieux se comprendre. La connivence devient évidence, une amitié solide se construit et un projet un peu fou va prendre forme.

Un très joli roman épistolaire, doux et positif malgré la situation compliquée vécue par les deux ados. Loin de toute surenchère dramatique, Martin Page et Coline Pierré jouent la carte de l’apaisement, nous montrant les bienfaits d’une correspondance porteuse d’espoir et de reconstruction. L’écriture à quatre mains permet de singulariser la voix de chaque protagoniste, celle de Max étant plus spontanée, plus drôle et plus décalée, tandis que celle de Flora est davantage dans la retenue. Au final, l’alchimie fonctionne et c’est un véritable plaisir de parcourir ces lettres offrant à ces deux enfermés d'indispensables moments d'évasion.

La folle rencontre de Flora et Max de Martin Page et Coline Pierré. L’école des loisirs, 2015. 200 pages. 14,50 euros  

Une pépite jeunesse que je partage comme chaque mardi avec Noukette.







vendredi 8 avril 2016

Trois jours et une vie - Pierre Lemaitre

Dans un accès de colère Antoine, 12 ans, tue son voisin Rémi 6 ans, puis cache son corps au fin fond de la forêt. Je ne spoile rien en écrivant cela d’emblée, l’événement est décrit au bout de trente pages. La question n’est d’ailleurs pas de savoir comment on en est arrivé là mais plutôt d’expliquer comment Antoine va gérer les choses après son geste fou. Il imagine un projet de fuite, pense au suicide, est terrassé par la peur, laisse son imagination élaborer les pires scénarios, sait que sa mère ne supportera pas de découvrir la vérité. Pendant les trois jours « d’après », le village se mobilise. Tout ce que Beauval compte de forces vives va participer, avec les gendarmes, à plusieurs battues pour retrouver Rémi. Le jeune garçon est persuadé que les dés sont jetés, que le corps sans vie de l’enfant, une fois entre les mains de la police scientifique, révélera à coup sûr l’identité de son meurtrier. Mais nous sommes en décembre 1999, une tempête phénoménale traverse la France et ravage Beauval. Et la forêt saccagée ensevelit définitivement les dernières traces de la victime…

J’ai trouvé cette première partie très réussie. La panique de Rémi est parfaitement retranscrite, comme l’atmosphère pesante régnant sur Beauval et les réactions d’une population gangrenée par les inimités, les rumeurs et les rivalités sur fond de chômage et de crise sociale. Après, malheureusement, les choses se gâtent. On retrouve Antoine douze ans plus tard, devenu médecin et toujours écrasé par la culpabilité. Pas la peine d’en dire davantage mais ce saut dans le temps ne sert pas le récit, loin de là. Tout est survolé, rien ne m’a paru crédible et j’ai été soulagé de voir la fin arriver pour pouvoir passer à autre chose.

Je l’ai lu il y a plusieurs semaines et il m’en reste l’image d’un roman noir aux effets de surprise éventés qui finit par tourner à vide. Je l’ai terminé en pensant que ce texte avait dû traîner dans les tiroirs pendant des années et qu’il en était ressorti avec un certain opportunisme « post Goncourt » (ce que je comprendrais tout à fait soit dit en passant) pour être publié après avoir été quelque peu remanié. Je ne sais absolument pas si c’est le cas, j’en doute même fortement, mais c’est l’impression qu’il m’a laissé, la désagréable impression d’avoir eu entre les mains un manuscrit pas franchement abouti. Mais peu importe, je garde la ferme intention de découvrir bientôt « Au revoir là-haut » et ce n’est pas cette lecture en demi-teinte qui me fera changer d’avis.

Trois jours et une vie de Pierre Lemaitre. Albin Michel, 2016. 280 pages. 19,80 euros.

Une nouvelle lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec Noukette.

Les avis d'Alex, CajouClara, Delphine, La Fée Lit, Sandrine



jeudi 7 avril 2016

La douleur porte un costume de plumes - Max Porter

« On ne se disputera plus jamais, finies nos scènes brèves et adorables, avec leur modèle prêt à l’emploi. La dentelle délicate de nos chamailleries »

Le Corbeau vient un soir frapper à la porte. Le père l’accueille. Les deux fils dorment. Et la mère vient de mourir. Le Corbeau s’immisce, conseille, apaise, se moque, parasite. L'oiseau n’est pas là pour aider à faire le deuil, il accompagne le désespoir, apprend à chacun qu’il faut continuer à vivre. Il est protéiforme, à la fois « charognard et philosophe », insupportable et indispensable.

Le texte fait alterner les voix des personnages en courts paragraphes : Papa, Corbeau, Les garçons. Monologues, dialogues, contes, listes, invectives, la narration chaotique retranscrit à merveille l’instabilité émotionnelle provoquée par la souffrance. De prime abord, la forme est déstabilisante. Mais au final, les passages incongrues, le comportement trivial du corbeau, les anecdotes légères, les séquences poignantes s’enchaînent et forment un tout cohérent. Le cheminement de la douleur apparaît fluctuant, avec ses moments d’apaisement et ceux où le manque devient trop fort : « Elle n’utilisera plus jamais son maquillage / Elle ne terminera jamais son roman de Patricia Highsmith / Et je n’irai plus lui dénicher des livres pour son anniversaire / J’arrêterai de trouver ses cheveux / J’arrêterai de l’entendre respirer ».

Il y a dans ce premier roman quelque chose d’aérien, de léger, de totalement libre. De l’éparpillement naît la profondeur, des silences montent la gravité. Max Porter a su trouver les mots pour dire la perte, l’absence, en insufflant à sa prose une vitalité qui pousse ses personnages à aller de l’avant. Sans pour autant tourner la page. Car au cœur de tous les échanges demeure la disparue. Son ombre nimbe chacun d’une présence que le temps n’effacera jamais. Mais avec l’aide de Corbeau, la tristesse va prendre son envol et s’éloigner doucement comme, à la dernière page, ces cendres emportées par le vent au dessus de la mer tandis que les garçons crient « JE T’AIME JE T’AIME JE T’AIME ».

La douleur porte un costume de plumes de Max Porter. Seuil, 2016. 122 pages. 14,50 euros.


Merci à celle qui a eu la gentillesse de m'offrir ce livre en pensant que je l'apprécierais. A l'évidence, elle me connaît très bien.


Les avis de Cathulu, Léa, Marie-Claude, NadègeNoukette,





mercredi 6 avril 2016

Allô, Dr Laura ? - Nicole J. Georges

Un album reçu dans le cadre de l’opération  la « BD fait son festival » de Priceminister. Et pour le coup, une mauvaise pioche. Je m’en suis douté avant même de l’ouvrir, en découvrant sur la quatrième de couv la citation dithyrambique d’Alison Bechdel, auteure de « Fun Home », qui est juste la pire BD que je n’ai jamais lue.

M’étonne pas qu’Alison ait adoré ce pavé autofictionnel où Nicole J. Georges raconte sa vie sur un ton et un rythme  aussi excitants que la rediffusion d’un épisode de Derrick un dimanche soir d’hiver. Tout y passe, l’enfance avec une mère célibataire dont les petits amis successifs se révéleront d’affreux beaux pères, les maux de ventre chroniques qui lui pourrissent la vie, la découverte de son homosexualité, l’installation à Portland avec Radar, sa première véritable petite amie, une carrière confidentielle dans le monde de la musique, une peine de cœur, son impossible coming out, la mort de son père qui reste un mystère et dont personne ne veux lui parler avant que l’une de ses sœurs lui révèle la vérité, etc.

Le récit alterne entre les souvenirs de sa jeunesse et son quotidien d’adulte avec ses poules et ses quatre chiens. Aucun humour, pas d’autodérision, c’est froid et plat, on a l’impression d’assister à une séance chez le psy. Sauf que je ne suis pas psy et que les confessions autocentrées de la demoiselle, je m’en tamponne royalement. Du coup je tourne les pages en baillant, incapable de m’intéresser une seconde à la vie d’une fille paumée qui ne m’attire pas la moindre sympathie. Mais je veux quand même aller jusqu’au bout parce que je suis un lecteur consciencieux et que je garde le fol espoir de tomber sur un épisode sortant de l’ordinaire et valant la peine d’être relaté. En vain.

Et le dessin me direz-vous ? Un noir et blanc sans âme et sans charme pour sa période de jeune adulte et un noir et blanc naïf que ne renierait pas un gamin de dix ans pour les faits se déroulant dans son enfance. Clairement, le graphisme ne relève pas le niveau de l’ensemble…

De la BD US underground qui se regarde autant le nombril, sans recul ni légèreté, ne me fait ni chaud ni froid. C'est simple, je me suis ennuyé de bout en bout. Une vraie purge, que je ne conseillerais pas à mon pire ennemi.

Allô, Dr Laura ? de Nicole J. Georges. Cambourakis, 2015. 260 pages. 26,00 euros.




mardi 5 avril 2016

Orgasme - Chuck Palahniuk

Elle en a du bol, Penny Harrigan. Stagiaire dans un cabinet d’avocat, tout juste bonne à faire le café, elle se retrouve le cul à l’air devant Cornelius Linus Maxwell après s’être étalée lamentablement avec le plateau de cappuccinos qu’elle s’apprêtait à lui apporter. Un Maxwell qui n’est rien d’autre que l’homme le plus riche du monde doublé d'un Dom Juan que les tabloïds ont surnommé « Orgasmus Maxwell ». Lui qui jusqu’alors avait épinglé à son tableau de chasse une actrice six fois couronnée aux oscars, la présidente des États-Unis ou encore la future reine d’Angleterre semble être tombé de manière assez incompréhensible sous le charme de Penny, au point de l'invité à dîner. La jeune femme va vite découvrir que le bellâtre voue un culte au plaisir féminin et ne cesse de chercher à déclencher chez ses partenaires des orgasmes dévastateurs grâce à divers jouets de sa conception. D’abord éblouie par les torrents de jouissance que Maxwell parvient à provoquer en elle, Penny va rapidement se rendre compte que quelque chose cloche et que, loin de tout sentimentalisme, son amant la considère uniquement comme un cobaye. Où comment le conte de fée va virer au cauchemar...  

Dès le départ, on se dit que Palahniuk se moque du monde. Qu’il force le trait, qu’il insiste lourdement sur les codes propres aux Mommy Porn pour mieux les égratigner. Impossible en effet de prendre au sérieux le délire du fumeux Cornélius Maxwell, expert implacable de l’anatomie féminine et de ses secrets se muant en terroriste psychopathe assoiffé d’argent et de pouvoir. Un maître de l’univers gagnant ses galons en fournissant aux femmes la drogue la plus dure jamais mise sur le marché, une dépendance à l’orgasme provoquée et entretenue par ses sextoys tous plus diaboliques les uns que les autres. L’histoire en elle-même est totalement déjantée, comme tous les personnages d’ailleurs (avec une mention spéciale pour Baba Barbe-Grise, prêtresse de la jouissance féminine vivant depuis deux cents ans recluse dans une grotte du fin fond de l’Himalaya et épuisant tous les disciples qui ont osé se frotter à son savoir).

Le risque quand on se lance dans un projet aussi parodique, c’est de rapidement tourner en rond et de finir par tourner à vide. Or ici, ce n’est jamais le cas. D’abord parce que c’est drôle et ensuite parce que Palahniuk ne se contente pas de se foutre de la mode érotico-porno actuelle. Son roman est aussi (et surtout) une satire sociale dénonçant la quête effrénée du plaisir entretenue par une industrie et des médias aux vues purement mercantiles. La réflexion sur la manipulation des masses est aussi très présente et on sent le plaisir qu’a eu l’auteur à mettre en scène puis dézinguer quelques travers très actuels de notre société.

Un pari compliqué mais parfaitement réussi. Le sens de l’hyperbole de l’auteur de Fight Club conjugué à son sens de l’ironie mordante offre au final un pastiche à l’absurdité jouissive. Tout ce que j’aime.


Orgasme de Chuck Palahniuk. Sonatine, 2016. 260 pages. 18,00 euros.


Un orgasme que j'ai le plaisir de partager avec Noukette (si, si !!!).








lundi 4 avril 2016

Mémoire de fille - Annie Ernaux

Annie Duchesne a 18 ans en 1958, l’année du retour du général De Gaulle et des événements d’Algérie. Une année où Annie a passé l’été comme monitrice de colo à S, dans l’Orne. L'été des premières fois pour cette enfant unique couvée par une mère surprotectrice. « Elle ne sait pas téléphoner, n’a jamais pris de douche ni de bain. Elle n’a aucune pratique d’autres milieux que le sien, populaire d’origine paysanne, catholique ».

Cet été-là, elle goûte pour la première fois à la liberté, loin de l’épicerie familiale d’Yvetot qu’elle n’avait jamais quittée. Première expérience professionnelle, première nuit avec un homme, première découverte de la sexualité, première désillusion amoureuse. Cataloguée « fille facile » par les autres moniteurs, elle devient l’objet de mépris et de dérision. L’année suivante, elle obtient le bac avec mention, entre à l’école normale, devient institutrice, se rend compte qu’elle n’est pas faite pour ce métier et en démissionne rapidement. Suivront un séjour au pair de six mois à Londres et une entrée à la fac…

Annie Ernaux est le seul auteur d’autofiction que j’apprécie. Sans doute parce qu’elle revendique le fait de ne pas écrire de la fiction : « Je ne construis pas un personnage de fiction, je déconstruis la fille que j’ai été ». Depuis toujours elle lie autobiographie, sociologie et regard historique sur la France de l’après guerre avec au cœur de sa réflexion le fameux « transfuge de classe », ce passage d’un milieu social à un autre. Un milieu d’origine auquel, quoi que l’on fasse, on n’échappe jamais tout à fait.

Ici, elle alterne le « je » d’aujourd’hui et le « elle » d’hier. Elle observe cette «  fille de 58 » avec distance, sans jugement, sans explication, s’appliquant à restituer le plus fidèlement possible les sensations physiques et les questionnements d’une jeune fille de l’époque. Une jeune fille en construction, un peu perdue, dont elle va commencer à faire « un être littéraire, quelqu’un qui vit les choses comme si elle devaient être écrites un jour ».

L’écriture est sèche, dépouillée de métaphores ou de toute autre figure de style. La sincérité de la démarche se suffit à elle-même pour créer l’émotion et rendre fascinante cette introspection où se mélangent le temps, la vie, le chemin parcouru. Au final, Annie Ernaux parvient à « explorer le gouffre entre l’effarante réalité de ce qui arrive, au moment où ça arrive et l’étrange irréalité que revêt, des années après, ce qui est arrivé ». Pour comprendre comment celle qu’elle a été peut encore et toujours faire irruption dans celle qu’elle est aujourd'hui.

Mémoire de fille d’Annie Ernaux. Gallimard, 2016. 150 pages. 15,00 euros.








samedi 2 avril 2016

Koko au pays des Toutous - Jean-Benoît Meybeck

Koko vit au pays des cabots. C’est un beau pays mais on n’y trouve plus un os à ronger. Alors Koko doit se résoudre à rejoindre le pays des toutous, qui semble être le paradis sur terre. Sa famille l’aide à réunir le nombre d’os nécessaire pour financer le voyage. Commence alors un long périple à travers le désert puis sur les mers, dans des conditions terribles. Suite à un naufrage, Koko et ses compagnons d’infortune sont sauvés par des toutous policiers qui, après les avoir ramenés à terre, les mettent derrière les barreaux. Koko est finalement relâché mais on lui ordonne de retourner chez lui car chez les toutous, on ne veut pas de chiens errants. Koko voulant à tout prix rester dans le pays où il vient d’arriver, il doit se résoudre à vivre dans la clandestinité, dormant dans les égouts et se nourrissant dans les poubelles en attendant des jours meilleurs…

Un album surprenant, qui explique avec une facilité déconcertante le parcours des migrants aux enfants dès 3-4 ans. L’accompagnement de l’adulte est évidemment nécessaire si l’on souhaite faire le parallèle entre la situation de Koko et celle des réfugiés, mais même sans cette médiation, l’injustice subie par le pauvre chien sautera d’elle-même aux yeux des bouts de chou et ne pourra que susciter indignation et interrogation.

Texte court, illustrations simples dont le minimalisme permet d’aller à l’essentiel, l’effort de clarté recherché dans la narration est louable et parfaitement atteint. Un album forcément engagé, publié avec le soutien d’Amnesty International, qui offre une démonstration limpide du calvaire enduré par ceux qui doivent tout quitter parce qu’ils n’ont plus le choix et rêvent d’un ailleurs où la vie serait plus belle. L’outil idéal pour expliquer, interpeller et faire réagir, pour montrer le monde tel qu’il est, avec intelligence et finesse, sans la moindre surenchère traumatisante. A recommander plus que chaudement !


Koko au pays des Toutous de Jean-Benoît Meybeck. Des ronds de l’O, 2016. 40 pages. 10,00 euros.


Une lecture commune que j'ai une fois de plus le plaisir de partager avec Noukette.






vendredi 1 avril 2016

Mailloux - Hervé Bouchard

Pas facile l’enfance québécoise de Jacques Mailloux. Une mère insensible, un père qui rentre de l’usine pour s’abrutir en tétant la bouteille et ne lésine pas sur les taloches, des copains moqueurs. Mailloux pisse au lit, c’est plus fort que lui. Plutôt que de l’aider, ses parents l’enfoncent dans la honte. En courts chapitres, on suit les traces d’un gamin plutôt solitaire, en butte à l’indifférence des adultes, mais qui ne se plaint pas plus que cela de son sort. Un gamin davantage dans l’observation que dans l’analyse, un gamin qui se dit que les choses sont comme elles sont, faisons avec. Par moment surgissent des épisodes plus  optimistes, soulignant le poids de l’amitié. Il y a dans ce roman une forme de brutalité, de sauvagerie et d’autodérision qui aurait dû me plaire. Sauf que ça n’a pas été le cas. Du tout.

Un abandon, très longtemps que ça ne m’était pas arrivé. Je n’aime pas me battre avec un texte. J’aime qu’il me résiste si cette résistance finit par céder et devient source de plaisir. Ici, la lecture a été laborieuse, tellement laborieuse que je me suis arrêté après cent pages (sur 150). En cause, la langue. Une langue inventée, changeante, d’une telle liberté qu’elle m’est apparue incontrôlable et que je m’en suis lassée.

Exemples : 



Et tout n’est pas du même tonneau. On peut attaquer un chapitre d’une écriture fluide et parfaitement compréhensible et se retrouver derrière avec un phrasé digne des prédictions de Nostradamus. J’admire la prise de risque et le culot d’Hervé Bouchard mais à la longue, ça m’a fatigué. Et cette focalisation sur la forme, cette espèce de pénibilité, a plombé ma lecture, m’a éloigné du fond, m’empêchant de ressentir la moindre émotion envers ce pauvre Mailloux. 

Un rendez-vous manqué donc. Impossible pour autant de ne pas reconnaître les qualités d’un ouvrage publié au Québec en 2002 et régulièrement réédité depuis. Le fait est qu’Hervé Bouchard possède une vraie plume, déstabilisante certes, mais avec une incontestable identité. Pas une écriture prétentieuse ou boursouflée à la manière de, juste une écriture à laquelle je n'ai pas adhéré. Et pour le coup je le regrette sincèrement, mais ce n’est pas la peine de faire semblant, quand ça ne veut pas, ça ne veut pas (je déteste simuler).

Mailloux d’Hervé Bouchard. Le Nouvel Attila, 2016. 158 pages. 18,00 euros.







mercredi 30 mars 2016

Chlorophylle et le monstre des trois sources - Hausman et Cornette

Particule Piquechester, jolie souris des villes, a décidé de s’installer à la campagne, près du lac des trois sources. Minimum la musaraigne tombe de suite sous le charme de la belle et l’aide de bon cœur à aménager sa tanière. Le jour où elle disparaît sans crier gare, l’amoureux transi appelle à l’aide son ami Chlorophylle. Les deux compères, accompagnés d’autres animaux de la forêt, se lancent alors sur les traces d’un kidnappeur pour le moins effrayant…

Revoilà donc Chlorophylle, série mythique du non moins mythique Raymond Macherot créée à l’origine dans les années 50. Si Zidrou et Godi avaient tenté l’an dernier une reprise pas franchement convaincante, Cornette et Hausman sont plutôt dans un hommage où l’esprit est respecté mais où l’univers graphique l’est beaucoup moins. La nuance est de taille et, pour le coup c’est bien plus intéressant.

Une histoire animalière qui ne paye pas de mine, à première vue gentillette. Mais sous ses abords un brin naïfs affleurent une réflexion sur l’amitié, l’entraide, la différence, ainsi qu’une pointe de cruauté qui est un peu la marque de fabrique d’Hausman (vous n’avez qu’à lire le fabuleux « Prince des écureuils » pour vous en convaincre). D’ailleurs, toute la puissance de l’album tient dans le trait naturaliste précis et un poil torturé de ce maître de la couleur directe dont chaque case, véritable aquarelle fourmillant de détails, est à tomber par terre. Au milieu de l’album, l’histoire bascule de façon inattendue vers un fantastique lorgnant clairement du coté de Frankenstein et de King Kong, tandis que la fin laisse en bouche une certaine amertume que Macherot lui-même, en grand adepte d’une certaine forme de noirceur et de désespoir, n’aurait pas renié.

Un conte animalier à la fois classique et surprenant, sublimé par les dessins de l’un des derniers géants de la BD franco-belge. L’objet-livre en lui-même est superbe, ce qui ne gâche rien.

Chlorophylle et le monstre des trois sources d’Hausman et Cornette. Le Lombard, 2016. 48 pages. 15,00 euros.


Macherot à gauche et Hausman à droite...





Les BD de la semaine
sont aujourd'hui chez Stephie









mardi 29 mars 2016

Je sais que tu sais - Gilles Abier

Axelle se souvient de ce jour funeste, il y a trois ans. L'arrivée du CPE dans sa classe, le trajet jusqu'au bureau de la principale, l'annonce de la mort de son grand frère Martial. Assassiné. Le tueur était son meilleur ami, Bastien, un garçon qu'elle trouvait très sexy. Il a tiré six balles. Malgré le procès, la perpétuité avec une période de sûreté de vingt-deux, rien ne peut effacer la peine, la douleur. La famille est partie en lambeaux, le drame a mis à vif des plaies qui jamais ne se refermeront. Et aujourd'hui, Axelle s'apprête à rencontrer Bastien derrière les barreaux. Pour rompre le lien, se libérer de sa présence, pouvoir avancer. Enfin.

Gilles Abier interroge sur les notions de culpabilité et de pardon. Sans donner de réponse. Sans juger. Sans manichéisme. Parce que rien n’est simple. Le geste du coupable peut-il s’expliquer de façon rationnelle ? Peut-on lui trouver des « excuses » ? Qu’a pu faire la victime pour connaître un sort aussi funeste ? Comment accepté que Martial ait pu être un salaud ?

Depuis trois ans, Axelle ne vit plus. Elle s’autorise toutes les insolences, préférant la fuite en avant, persuadée que la tragédie qu’elle a vécue excuse tout. « Ma sœur m’avait hurlé dessus comme jamais, affirmant que j’étais une petite conne, incapable de gérer ma douleur dans mon coin, à leur infliger un calvaire quotidien avec mes caprices égoïstes, trop tournée sur soi-même pour voir comment mon comportement obscène ravivait leur peine, comment je leur volais la mémoire de Martial à me salir au nom de sa disparition ». « Est-ce que Martial aurait souhaité me voir fuir la vie au nom de sa mort ? ». Vivre de rage et d’amertume, à quoi bon ? Axelle s’interroge en permanence. La prise de conscience d’une nécessaire reconstruction va se faire, non sans mal, grâce au soutien d’une vieille femme rescapée du génocide cambodgien. Avec une infinie patience, madame Ngoun va permettre à Axelle de dépasser la haine, de choisir la vie.

Un roman qui interpelle sans chercher à mettre ko. Les interrogations demeurent, aucune solution miracle n'apparaît d'un claquement de doigts. Reste la voix d'Axelle qui résonne et touche en plein cœur.

Je sais que tu sais de Gilles Abier. Talents Hauts, 2016. 95 pages. 8,00 euros. A partir de 14 ans.


Une lecture jeunesse que je partage une fois de plus avec Noukette.







lundi 28 mars 2016

Les lectures de Charlotte (15) : Une histoire qui… - Gilles Bachelet

Un album rempli de personnages lisant une histoire du soir à leur petit. Un album plein de papas, de mamans, de bébés et de doudous. Un album où l’on croise un panda, un morse, une cigogne, une girafe, une autruche, un escargot, une chauve-souris, un poisson, un dragon, un extraterrestre, une tractopelle. Un album où l’histoire du soir naît, pousse, voyage, se balade, ondule et s’achève.

Sur un faux-air de comptine poétique, Gilles Bachelet nous emporte une fois de plus dans son univers bien à lui. Sous chaque illustration, trois lignes qui, scandées en rythme, offrent à la lecture une musicalité particulière. Et à chaque fois, le doudou tenu par le bébé devient le parent lecteur de la page suivante. Une mécanique narrative très rapidement comprise par les enfants, et dont le coté répétitif (un parent - un bébé – un doudou) finit par bercer et déclencher le sourire. Les illustrations sont toujours aussi expressives et colorées, incitant le regard à s’attarder sur les détails.

Une histoire sur les histoires que l’on lit chaque soir, Charlotte ne pouvait qu’adorer. Et impossible de fermer l’album sans rester quelques instants sur les pages de garde où sont représentés tous les personnages. Un à un il faut les pointer du doigt et un à un il faut qu’elle les nomme. Un rituel dans le rituel dont elle ne peut plus se passer.


Une histoire qui… de Gilles Bachelet. Seuil Jeunesse, 2016. 32 pages. A partir de 3 ans.




Un album dédicacé par l'auteur et offert à Charlotte par la délicieuse Framboise lors du salon du livre la semaine dernière. Un cadeau qui a fait mouche, c'était à prévoir. Merci Framboise !






samedi 26 mars 2016

Carnet du Pérou - Fabcaro

Plus difficile qu’il n’y paraît de réaliser un carnet de voyage en BD. Il faut trouver le ton juste. Entre profondeur de réflexion (Lepage à Tchernobyl), bonhommie et empathie totale pour les personnes que l’on croise (Chavouet au Japon) ou encore légèreté cocasse (Hureau, en Afrique et ailleurs). Si on ne trouve pas le bon ton, le bon angle d’attaque, le carnet de voyage peut vite devenir aussi chiant qu’une projection de diapos de vacances chez papy et mamy. Avec Fabcaro, aucun danger que ça ronronne. Et même si les premières pages donnent dans le très sérieux, on se doute que les choses vont rapidement partir en cacahuètes.

Parce que le monsieur ne peut jamais rester convenable trop longtemps. Il est en permanence dans une forme d’autodérision, d’auto-ironie même, que j’apprécie particulièrement. En ponctuant son récit de parenthèses incongrues, voire hors sujet (comme il le reconnait lui-même à un moment), il prend certes le risque de perdre une partie de son lectorat, qui pourrait assimiler ce procédé à du remplissage ou à une certaine de forme de facilité. Mais ce serait une erreur d’interprétation fatale je pense tant l’expérience m'a prouvé qu'il ne faut jamais au grand jamais prendre un album de Fabcaro au premier degré. Ce gars est fou, son humour flirtant avec l’absurde traite chaque sujet avec un angle décalé qui vire souvent au totalement barré. Et ce Carnet de Pérou ne fait pas exception à la règle.

Le délire est à la fois dans les apartés (photomontages, statistiques sans queue ni tête, parodie de Tintin, interventions moqueuses de sa femme, etc.) mais aussi dans les passages péruviens à première vue les plus sérieux, comme ce soi-disant concert d’une star locale de la chanson capable de jouer  « de la flûte de pan derrière la tête avant d’y mettre le feu » (m’enfin !!!!) ou ce running-gag sur la susceptibilité du lama dont les autochtones ont appris à tirer profit de façon pour le moins originale.

Tout cela est tellement énorme qu’au fil des pages, le doute s’installe peu à peu et la certitude finit par apparaître : ce gros mytho de Fabcaro n’a jamais mis les pieds au Pérou ! En même temps, je n’en attendais pas moins de sa part, s’il y a un dessinateur capable de bidonner de A à Z un carnet de voyage, c’est bien lui. Une fois encore, il m’a régalé. Et l’avoir vu garder son calme et son humour en dédicace samedi dernier devant une horde de blogueuses aussi hystériques qu’incontrôlables m’a conforté dans l’idée qu’il était décidément un homme à part. Chapeau bas monsieur !

Carnet du Pérou de Fabcaro. Six pieds sous terre, 2013. 96 pages.


Un grand merci à Mo' pour ce beau cadeau !

Son avis est ici.






jeudi 24 mars 2016

Blitz - David Trueba

 « Tout se finit mal, c’est une condition inhérente au fait d’être vivant » (punaise que je kiffe cette citation !)

Alors qu’il se trouve à Munich pour participer à une convention d’architectes paysagistes, Beto, arrivé la veille de Madrid avec sa femme Marta, reçoit de cette dernière un SMS qui ne lui est pas destiné. « Le message disait : Je ne lui ai encore rien dit. C’est si difficile. Pff. Je t’aime ».  Foudroyé par ce coup du sort inattendu, il décide de rester quelques jours en Allemagne, laissant son ex-compagne rentrer seule en Espagne. Déprimé, perdu, sans argent, il est recueilli par Helga, son interprète. Au lieu de passer la nuit à l’hôtel, elle lui propose sa chambre d’amis. Après quelques verres, ils finissent au lit. Problème, Helga a 63 ans et pourrait être sa mère…

« La nudité, isolée du désir sexuel, renvoie toujours à la froideur anatomique de la médecine légale. Elle avait les seins et les fesses qui ballotaient, ainsi que les cuisses et les bras décharnés, les cheveux en bataille, le visage de femme vieillissante. Ce n’était ni laid ni désagréable mais quelque chose en moi éprouva comme un malaise, presque inévitablement. J’avais baisé une vieille allemande. Je fus submergé par une vague de honte que je ne savais pas esquiver. »

Franchement, je l’ai adoré ce Beto ! Pensez donc, un pauvre gars plaqué par sa femme qui lui préfère « un chanteur uruguayen ». Un type lâche, faible, incapable d’assumer, de faire face, de se prendre en main. Un mec qui se ridiculise en public, qui jette ses principes aux orties après trois verres dans le nez, qui cède à la tentation dès que l’occasion se présente alors qu’il devrait être au trente-sixième dessous. Et tout ça en nous faisant marrer malgré lui, avec une sorte d’autodérision maladroite qui éloigne tout cynisme et toute geignardise. Et Helga est géniale aussi. Pas orgueilleuse pour deux sous, sans illusion, consciente que cette aventure d’un soir n’a pu avoir lieu que grâce à l’alcool, et lui lâchant le lendemain de leurs galipettes : « J’imagine que tu pourras classer ce qui s’est passé cette nuit dans le musée des horreurs de ta vie, vraiment. »

En filigrane, David Trueba dresse le portrait d’une jeunesse espagnole à la dérive, frappée de plein fouet par la crise. Beto imagine des projets de jardins qu’aucune commune ne peut plus financer et qui ne verront donc jamais le jour, mais il le fait avec passion parce qu’il a « toujours aimé avoir un métier inutile ». C’est à la fois tragique, désenchanté, drôle et touchant.

Seul reproche, le roman, présenté comme un journal intime censé couvrir une année de la vie de Beto, souffre d’un flagrant déséquilibre. Le mois de janvier, celui où se déroule le congrès de Munich, occupe 125 des 160 pages. Les onze autres mois sont balayés bien trop rapidement, c’est franchement dommage.

Reste que j’ai beaucoup apprécié découvrir cet auteur, ses personnages attachants malgré leurs nombreux défauts (ou plutôt grâce à leurs nombreux défauts) et cette écriture à la fois très psychologique et très visuelle (David Trueba est aussi scénariste et réalisateur, cela se ressent dans sa narration). Une belle surprise !

Blitz de David Trueba (traduit de l'espagnol par Anne Plantagenet). Flammarion, 2016. 166 pages. 18,00 euros.










mercredi 23 mars 2016

Les contes de la ruelle - Nie Jun

Dans un quartier paisible du vieux Pékin vivent Dubao et Yu’er, une petite fille infirme qu’il a adoptée. Le vieil homme, affectueux et tout en rondeurs, déborde d’amour et d’imagination, cherchant en permanence à illuminer la vie de la fillette. Quatre récits composent l’album. Dans le premier, alors que Yu’er se rêve en championne paralympique de natation, son grand-père lui invente un ingénieux système d’entraînement à la fois sans eau et « dans les airs ».  Dans les autres, il est question d’insectes musiciens, d’apprentissage du dessin ou encore d’une lettre à l’absente.

Qu’il est bon de se plonger dans cet univers aux accents parfois féériques où se conjuguent tendresse et optimisme. La relation de ce grand-père et de sa petite fille m’a rappelé non sans émotion la série Jojo du regretté André Geerts. Les récits sont rythmés par de fréquentes incursions dans un registre merveilleux et onirique empreint d’une bonne dose de poésie. Dans cette ruelle aux vieilles maisons et  aux cours ombragées où l’on prend le temps de faire la sieste, où on circule à vélo et où on explore des terrains vagues aux décors champêtres, l’ambiance est paisible, les rapports humains chaleureux. Ça pourrait vite tourner au cucul mais ce n’est jamais le cas, en grande partie grâce à la malice, la bonne humeur et la joie de vivre pétillante des différents personnages.

Le dessin à l’aquarelle de Nie Jun, sensible et lumineux, mélangeant les influences asiatiques et européennes, est, je trouve, dans la même veine que celui de Golo Zhao (La balade de Yaya). Son découplage simple et efficace, privilégiant les grandes cases, invite le regard à s’attarder sur les moindres détails.

Entre rêve et réalité, ces Contes de la ruelle proposent une échappée tout en douceur et en délicatesse, idéale pour s’évader quelques instants du quotidien et d’une actualité pour le moins sordide.

Les contes de la ruelle de Nie Jun. Gallimard, 2016. 128 pages. 18,00 euros.



Une jolie petite parenthèse enchantée dans laquelle j'ai eu le plaisir de m'isoler avec Noukette.








mardi 22 mars 2016

Le sorcier vert - Valentine Goby et Muriel Kerba

Longtemps que je n’avais pas parlé de Valentine Goby, trop longtemps (au moins deux mois). Avec certains auteurs (enfin surtout avec elle), je tombe sous le charme à chaque fois. D’ailleurs, si elle écrivait un jour sur la reproduction des gastéropodes en milieu hostile, je suis certain que je me passionnerais pour le sujet. Ici, point de gastéropodes mais des arbres et des hommes. Une forêt qui renaît après sa disparation, un message d’espoir et une histoire vraie.

La collection « Les décadrés », que j’ai découverte avec l’album Hors piste, propose une forme de création très particulière. L’écrivain reçoit une série d’images et les organise comme il le souhaite pour les mettre au service de son histoire. Ici, avec les illustrations très végétales à base de collages de Muriel Kerba, Valentine Goby a voulu raconter « l’extraordinaire défi relevé par le photojournaliste Sebastiao Salgado : replanter la forêt atlantique brésilienne dévastée par la sécheresse et la négligence des hommes ».

Un hommage à ce grand monsieur qui, revenant sur les terres de son enfance et constatant la disparition de la forêt  où il a grandi, décide de la replanter avec l’aide des rares habitants qui n’ont pas déserté les lieux. Un projet pharaonique totalement fou qui aboutira, après quinze années de labeur, d’échecs et de persévérance, à la résurrection de trois millions d’arbres et d’un écosystème qui avait totalement disparu à cause de l’intervention humaine. Où comment Sebastiao Salgado est devenu le sorcier vert…

Un conte écologique au message très positif montrant que la déforestation n’est pas une fatalité et qu’avec une volonté à toute épreuve, il est possible de renverser des montagnes. Le texte est évidemment superbe (comment ça je ne suis pas objectif) et les illustrations sont autant de tableaux mêlant le pastel gras, les crayons ou l’acrylique à différents types de papiers. Un travail d’artisan 100% fait main, d’où surgissent des couleurs, des formes et des textures aussi variées que surprenantes.

Il est splendide cet album, vraiment splendide. Et moi, quand Valentine Goby me parle des « branches d’un jequitiba », de « pau-Brasil à l’écorce de soie », de « bouquets de flor-do-beijo vernissées comme des bouches de femmes », de « caïmans au ventre d’or » ou de « félins dont les yeux luisent comme des gemmes », et bien je fonds, c’est aussi simple que ça (oui, je sais, il ne me faut pas grand chose et je suis faible, mais j'assume).

Le sorcier vert de Valentine Goby et Muriel Kerba. Thierry Magnier, 2016. 40 pages. 16,50 euros.


Une pépite jeunesse que j'ai une fois de plus le plaisir de partager avec Noukette.










lundi 21 mars 2016

Ne m’appelez plus chouchou ! - Sean Taylor et Kate Hindley

Il en a ras le bol, le chienchien à sa mémère. Sous prétexte qu’il est tout petit et tout mignon, sa maîtresse lui donne du chouchou à tour de bras, le pomponne comme un chien de concours ridicule, l’attife d’un nœud papillon rose et lui propose à manger des croquettes en forme de cœur. Chouchou n’en peut plus, il voit bien les moqueries dans le regard de ses congénères croisés dans la rue. Au parc, c’est encore pire. Entre Bandit le gros chien, Roublard le chien rusé et chef le chien policier, chouchou est certain qu’avec ses airs de petite chose fragile, ils ne feront pas cas de lui. Mais il se trompe… Et au final, en entendant leurs maîtresses respectives les appeler, il se dit que quelle que soit sa taille, un chien est toujours affublé d’un surnom grotesque. « C’est comme ça, on n’y peut rien ».

Un album drôle et coloré aux illustrations trop choupi (mais ne le dites pas à chouchou, ça va l’énerver !). Ce petit chien qui ne veut pas passer pour un cabotin n’a pas sa langue dans sa poche. Son courroux déclenche des sourires et ses réactions scandalisées, même si elles semblent justifiées, n’incitent pas pour autant le lecteur à s’apitoyer sur son sort. Chouchou fait la gueule et ça nous fait rire, « C’est comme ça, on n’y peut rien ».

Un vrai bonbon cet album. Le ton et les illustrations se complètent à merveille et offrent un moment de lecture des plus agréables à partager en famille.

Ne m’appelez plus chouchou ! de Sean Taylor et Kate Hindley. Urban Comics, 2016. 32 pages. 10,50 euros. A partir de 4 ans.





vendredi 18 mars 2016

Magic Time - Doug Marlette

Voila, c’est fait, j’ai lu mon pavé de l’année. 670 pages avalées d’une traite, cul sec.

Doug Marlette, prix Pulitzer pour ses dessins de presse, est mort dans un accident de voiture en 2007. Magic Time, son second et dernier roman, date de 2006 et s’ouvre au début des années 90 au moment où le journaliste Carter Ransom, en pleine dépression, quitte New-York et retourne auprès des siens dans sa ville natale de Troy, au fin fond du Mississipi. Il y retrouve ses amis d’enfance quelques semaines avant la réouverture d’un procès ayant marqué la région vingt-cinq ans plus tôt. En 1965, tandis que la lutte pour les droits civiques prenait une ampleur phénoménale, le Ku Klux Klan avait incendié une église et tué quatre personnes dont Sarah, la fiancée de Carter. A l’époque son père, juge respecté pour sa probité, avait conduit le premier procès qui s’était conclu sur la condamnation de deux membres du Klan. Alors que de nouveaux éléments devant permettre l’implication du réel commanditaire du crime sont apparus et que l’affaire va être à nouveau jugée, Carter s’apprête à revivre l’épisode le plus douloureux de sa jeunesse.

Un roman addictif à la construction très maline. Marlette alterne les épisodes entre 1965 et 1990, permettant de plonger le lecteur au cœur des événements tragiques d’une époque où une certaine Amérique xénophobe et violente ne pouvait accepter une quelconque émancipation des noirs. Il montre sans jugement un racisme atavique dû à des habitudes ancestrales où même les blancs les plus modérés voient dans les militants des droits civiques des agitateurs venus troublés la quiétude d’un sud profond où il ne semble à personne nécessaire de faire bouger les lignes. On découvre aussi que les activistes, blancs ou noirs, pour la plupart venus du nord, étaient partagés entre les partisans de la non-violence et ceux prônant une action beaucoup plus véhémente.

Même si  le nombre important de personnages implique de garder une attention constante pour ne pas perdre le fil, cette immersion extrêmement documentée et précise au cœur de l’un des épisodes les plus marquants de l’histoire américaine se révèle passionnante. Quelques bémols néanmoins, notamment une histoire d’amour bien trop romanesque pour moi et surtout un épilogue accumulant les « happy end » tellement sirupeux que j’ai tourné la dernière page avec les doigts collants. Il n’empêche, ce Magic Time vaut vraiment le détour. De toute façon, pour que je m’enfile un pavé aussi vite, il faut qu’il me plaise sacrément !  

Magic Time de Doug Marlette. Cherche Midi, 2016. 670 pages. 22,00 euros.

Les avis de Kathel et Léa

Et un grand merci à Solène pour ce cadeau d'anniversaire inattendu.













mercredi 16 mars 2016

Les poilus T1 : frisent le burn-out - Guillaume Bouzard

Depuis Tardi, il semblait difficile voire impossible pour les auteurs de BD d’aborder la première guerre mondiale. Mais depuis quelques années l’étau s’est desserré et beaucoup se sont affranchis de l’ombre tutélaire de l’auteur de « C’était la guerre des tranchées » pour se lancer et traiter le sujet. Pour autant, aucun avant Bouzard ne s’était écarté du registre dramatique pour s’aventurer du coté de l’humour. Rire des poilus ou avec eux ? Mission impossible à première vue. Et pourtant…

Les poilus de Bouzard jouent au rugby avec des grenades, creusent des tunnels pour découvrir le trésor des templiers, tombent sur un mexicain basané au détour d’une tranchée ou sont aidés dans leur progression par des guerriers navajos. Ridicule ? Ça devrait l’être oui. Complètement con même, n’ayons pas peur des mots. Et pourtant ça ne l’est pas. Parce que cette déclinaison de récits courts et le plus souvent absurdes finit par prendre sens malgré les anachronismes et le manque évident de crédibilité historique. Car quoi de plus absurde que cette infernale boucherie de 14-18 ? Quoi de plus absurde que la guerre tout court ? De ce grand n’importe quoi émerge donc une prise de position pacifiste clamée avec un humour très particulier. Et ça fonctionne.

Bien sûr, les poilus sont tous ici un peu crétins, c’est ce qui fait leur charme d’ailleurs. Mais à travers ces portraits grinçants et sans avoir l’air d’y toucher, Bouzard dit les officiers belliqueux aux ambitions aussi ridicules que suicidaires pour leurs troupes, il dit les petites lâchetés bien compréhensibles de ces soldats qui n’ont rien de héros mais restent avant tout des hommes. Il alterne le délire, une certaine forme de légèreté et des moments plus graves, notamment les épisodes où le troufion Pierre écrit à sa chère Suzanne. En fil rouge de l’album, on suit la disparition progressive de la population d’un village de province dont les forces vives envoyées au front sont peu à peu décimées. Et quand le seul rescapé, blessé, retourne sur ces terres, les aïeux règlent vite son cas :

- Hé bé, il en reviendra au moins ! 
- Oui, et c’est pas le meilleur.
- Ah, c’est sûr que c’est pas avec ça que le village va se repeupler.

Décalé, irrévérencieux, engagé, drôle et sacrément casse-gueule. Autant vous dire que j’ai apprécié cet album inclassable qui, je l’avoue sans honte, m’a pris par surprise alors que je me réjouissais avant le coup de le descendre en flèche. Comme quoi.

Les poilus frisent le burn-out de Guillaume Bouzard. Fluide Glacial, 2016. 48 pages. 10,95 euros.



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