Le Corbeau vient un soir frapper à la porte. Le père l’accueille. Les deux fils dorment. Et la mère vient de mourir. Le Corbeau s’immisce, conseille, apaise, se moque, parasite. L'oiseau n’est pas là pour aider à faire le deuil, il accompagne le désespoir, apprend à chacun qu’il faut continuer à vivre. Il est protéiforme, à la fois « charognard et philosophe », insupportable et indispensable.
Le texte fait alterner les voix des personnages en courts paragraphes : Papa, Corbeau, Les garçons. Monologues, dialogues, contes, listes, invectives, la narration chaotique retranscrit à merveille l’instabilité émotionnelle provoquée par la souffrance. De prime abord, la forme est déstabilisante. Mais au final, les passages incongrues, le comportement trivial du corbeau, les anecdotes légères, les séquences poignantes s’enchaînent et forment un tout cohérent. Le cheminement de la douleur apparaît fluctuant, avec ses moments d’apaisement et ceux où le manque devient trop fort : « Elle n’utilisera plus jamais son maquillage / Elle ne terminera jamais son roman de Patricia Highsmith / Et je n’irai plus lui dénicher des livres pour son anniversaire / J’arrêterai de trouver ses cheveux / J’arrêterai de l’entendre respirer ».
Il y a dans ce premier roman quelque chose d’aérien, de léger, de totalement libre. De l’éparpillement naît la profondeur, des silences montent la gravité. Max Porter a su trouver les mots pour dire la perte, l’absence, en insufflant à sa prose une vitalité qui pousse ses personnages à aller de l’avant. Sans pour autant tourner la page. Car au cœur de tous les échanges demeure la disparue. Son ombre nimbe chacun d’une présence que le temps n’effacera jamais. Mais avec l’aide de Corbeau, la tristesse va prendre son envol et s’éloigner doucement comme, à la dernière page, ces cendres emportées par le vent au dessus de la mer tandis que les garçons crient « JE T’AIME JE T’AIME JE T’AIME ».
La douleur porte un costume de plumes de Max Porter. Seuil, 2016. 122 pages. 14,50 euros.
Merci à celle qui a eu la gentillesse de m'offrir ce livre en pensant que je l'apprécierais. A l'évidence, elle me connaît très bien.
Les avis de Cathulu, Léa, Marie-Claude, Nadège, Noukette,
Magnifique billet, Jérôme. Tes mots mettent en valeur toute la grande beauté de ce premier roman. Voilà une nouvelle voix que je suivrai de près.
RépondreSupprimerElle mérite d'être suivie cette voix, c'est clair.
SupprimerTu en parles bien pour mieux nous tenter.
RépondreSupprimerNon, juste parce que j'ai beaucoup aimé ;)
SupprimerEt bien voila ! J'en avais très envie mais maintenant c'est pire !!
RépondreSupprimerTant mieux !
SupprimerJe l'avais déjà noté, décidément je ne dois pas passer à côté.
RépondreSupprimerTu ne dois pas, non ;)
SupprimerJe savais que ce roman là t'irait comme un gant... Ravie d'avoir fait mouche, il est beau ton billet ♥
RépondreSupprimerTu me connais par cœur il faut dire ;)
SupprimerJe ne savais plus si Marie-Claude l'avait aimé ou pas ! C'est un livre qui fait beaucoup de bruit. Je le lirai lorsqu'il sera disponible à la BM. En tout cas très joli billet.
RépondreSupprimerIl faut que tu le lises, oui. Vraiment.
SupprimerJ'avais déjà repéré ce roman. Il m'intrigue assez...
RépondreSupprimerAh ça, pour être intrigant...
SupprimerC'est un très beau livre, je suis heureuse de voir que tu as aimé aussi :)
RépondreSupprimerDifficile d'y rester insensible.
SupprimerDes avis différents mais je vais le lire.
RépondreSupprimerC'est la meilleure solution pour se faire sa propre idée ;)
Supprimerun beau billet et un livre qui intrigue. Je le lirai certainement s'il croise mon chemin.
RépondreSupprimerJ'espère qu'il arrivera jusqu'à ta bibliothèque ;)
SupprimerA te lire, on te sent encore sous le coup de l'émotion.
RépondreSupprimerL'émotion était réelle, c'est vrai.
SupprimerUn titre qui me tente énormément (et surligné sur ma LAL ;0)
RépondreSupprimerSurligné, c'est bon signe ;)
SupprimerQuelle belle chronique !! je le note de suite.
RépondreSupprimerMerci Zazy.
SupprimerJe l'avais déjà noté...là, je le souligne !
RépondreSupprimerJe m'en réjouis.
SupprimerQuel beau billet touchant! Ce n’est pas rien d'avoir su trouver les mots pour raconter la perte...
RépondreSupprimerBravo!
Bises et bon weekend Jérôme
Je l'ai beaucoup raccourci avant de le publier ce billet, et je crois que j'ai bien fait d'essayer d'aller à l'essentiel.
SupprimerUn livre pour accompagner un deuil peut être ? Au corbeau je préfère parler de papillon.
RépondreSupprimerPas forcément non, c'est une réflexion plus universelle et atypique sur la perte d'un être cher.
SupprimerTu sais que des fois je croise des livres au détour de librairies et de bib', et je me dis, mais c'est trop pour Jérôme, ça !^^ Un texte qui semble valoir le détour, c'est assez intrigant tout de même.
RépondreSupprimerJe pense qu'il te plairait aussi. Du moins il t'interpellerait beaucoup et je sais que tu aimes ça ;)
SupprimerEncore un très jolie billet. Un petit livre qu'on ne peut pas oublier...
RépondreSupprimerC'est sûr, ce corbeau va me poursuivre longtemps ;)
SupprimerUne des chroniques les plus marquantes pour l'or rouge. Je la comprends. Et en relisant les trois chroniques de ce roman, ma curiosité se transforme en envie.
RépondreSupprimerC'est un roman qui ne peut laisser indifférent, il est tellement original !
Supprimeret bien me voici convaincue et heureuse aussi car je dois avouer que ce que l'on m'en avais dit me laissait perplexe : il faut dire qu'apparemment on ne peut le résumer facilement ;)
RépondreSupprimerPas simple du tout à résumer, non , c'est le moins qu'on puisse dire !
SupprimerGuère réussi à trouver le léger dans le grave. :/
RépondreSupprimerC'est vraiment un texte à quitte ou double ;)
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