mercredi 16 mars 2016

Les poilus T1 : frisent le burn-out - Guillaume Bouzard

Depuis Tardi, il semblait difficile voire impossible pour les auteurs de BD d’aborder la première guerre mondiale. Mais depuis quelques années l’étau s’est desserré et beaucoup se sont affranchis de l’ombre tutélaire de l’auteur de « C’était la guerre des tranchées » pour se lancer et traiter le sujet. Pour autant, aucun avant Bouzard ne s’était écarté du registre dramatique pour s’aventurer du coté de l’humour. Rire des poilus ou avec eux ? Mission impossible à première vue. Et pourtant…

Les poilus de Bouzard jouent au rugby avec des grenades, creusent des tunnels pour découvrir le trésor des templiers, tombent sur un mexicain basané au détour d’une tranchée ou sont aidés dans leur progression par des guerriers navajos. Ridicule ? Ça devrait l’être oui. Complètement con même, n’ayons pas peur des mots. Et pourtant ça ne l’est pas. Parce que cette déclinaison de récits courts et le plus souvent absurdes finit par prendre sens malgré les anachronismes et le manque évident de crédibilité historique. Car quoi de plus absurde que cette infernale boucherie de 14-18 ? Quoi de plus absurde que la guerre tout court ? De ce grand n’importe quoi émerge donc une prise de position pacifiste clamée avec un humour très particulier. Et ça fonctionne.

Bien sûr, les poilus sont tous ici un peu crétins, c’est ce qui fait leur charme d’ailleurs. Mais à travers ces portraits grinçants et sans avoir l’air d’y toucher, Bouzard dit les officiers belliqueux aux ambitions aussi ridicules que suicidaires pour leurs troupes, il dit les petites lâchetés bien compréhensibles de ces soldats qui n’ont rien de héros mais restent avant tout des hommes. Il alterne le délire, une certaine forme de légèreté et des moments plus graves, notamment les épisodes où le troufion Pierre écrit à sa chère Suzanne. En fil rouge de l’album, on suit la disparition progressive de la population d’un village de province dont les forces vives envoyées au front sont peu à peu décimées. Et quand le seul rescapé, blessé, retourne sur ces terres, les aïeux règlent vite son cas :

- Hé bé, il en reviendra au moins ! 
- Oui, et c’est pas le meilleur.
- Ah, c’est sûr que c’est pas avec ça que le village va se repeupler.

Décalé, irrévérencieux, engagé, drôle et sacrément casse-gueule. Autant vous dire que j’ai apprécié cet album inclassable qui, je l’avoue sans honte, m’a pris par surprise alors que je me réjouissais avant le coup de le descendre en flèche. Comme quoi.

Les poilus frisent le burn-out de Guillaume Bouzard. Fluide Glacial, 2016. 48 pages. 10,95 euros.



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42 commentaires:

  1. Carrément tentée suite à ta chronique car oui, découvrir une autre manière d'aborder ce sujet voire d'en rire (surprenant d'ailleurs) me donne bien envie de découvrir ce livre (et puis peut-être que je me trompe mais il me semble que Bouzard doit sortir un album qui revisite le personnage de Lucky Luke et qui m'a l'air - lui aussi ( dérangé et décalé à souhait)

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    1. Non, tu ne te trompes pas. et j'ai hâte de voir sa revisite de Lucky Luke !

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  2. peut être que le côté décalé ferait passer le côté insupportable, j'ai du mal avec les récits de guerre :-)

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    1. Là, au final, ce n'est pas du tout un récit de guerre.

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  3. je ne garde pas un super souvenir de Bouzard avec d'autres titres mais j'avoue que ce que tu dis à propos de ce titre me donne bien envie de retenter l'expérience...

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  4. Oh tu confirmes, je l'avais repéré, mais j'avais un doute ! Je fonce merci !

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  5. Merci,
    j'aime bien l'humour "un peu con". Là, tu me tentes.

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  6. j'aime beaucoup ce billet car tu pensais ne pas aimer et "vlan" voilà que le talent de cet auteur t'oblige à changer d'avis. Bravo

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    1. J'aime beaucoup quand cela m'arrive (mais c'est assez rare).

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  7. A voir, l'humour ça ne fait jamais de mal, surtout quand il est bien fait. Rien que le petit extrait que tu as choisi me fait rire.

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  8. Ah j'adore ce genre d'humour sur un sujet grave, là tu me tentes vraiment ! je le note !
    Merci merci !

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  9. je serais surrement passée à côté sans ta chronique.
    merci. je note.

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    1. J'ai l'impression que l'on n'en a pas beaucoup parlé.

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  10. Alors comme ça tu te réjouis de descendre en flèche des livres avant même d'avoir mis le nez dedans...? Quel vilain tu fais ! ^^
    Pour le coup, tu t'es trompé, elle a l'air drôlement bien cette BD décalée !

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    1. Tu sais bien à quel point je suis un vilain garçon :p

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  11. Irrévérencieux et engagé ? Je signe !

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  12. Rho!!! voilà qui me tente énormément! C'ets vrai qu'il y a eu de chouettes albums sur cette guerre ces dernières années!

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  13. ON a encore de bonnes surprises c'est vraiment ça qui est bien !

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  14. Chouette, un nouveau Bouzard ! Merci pour ta critique, ça a l'air drôlement bien. J'avais adoré Autobiography of me too, et encore plus Autobiography of a Mitroll. J'ai hâte de pouvoir lire Les Poilus alors.

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    1. Autobiography of a Mitroll est aussi mon album préféré.

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  15. Je te fais confiance, je note aveuglément ! ;) Et j'estime que l'on peut mais que l'on doit rire de tout sans se dire "c'est mal"...là commence l'auto-censure ! ;) Bon après il faut aussi ne pas être impliqués de trop près pour pouvoir en rire !

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    1. Et puis il faut beaucoup de talent pour rire de tout ;)

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  16. Ah tu vois moi j'ai failli passer ton billet rien qu'en voyant le titre parce que voilà, la guerre, la 1ère, la 2è, j'ai saturé depuis un moment, rien de neuf sous le soleil comme qui dirait. Et puis voilà que je lis "absurde, décalé, délire, anachronismes", et ça, ça change la donne !:-)

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  17. Cette BD m'intéresse beaucoup notamment pour son sujet :)

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    1. C'est surtout la façon dont le sujet est traité qui est intéressante.

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  18. Oh merci ! Je cherchais une idée de cadeau pour un ami coincé sur son canapé pour de nombreux mois suite à une blessure sérieuse. Ami qui a pour (seul ?) défaut de ne pas lire. Cette BD avec le juste mauvais esprit qu'il semble y avoir est pour lui ! Je suis sûr qu'il m'en réclamera d'autres après :)

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    1. Si ça pouvait être l'élément déclencheur qui l'emmène vers le plaisir de la lecture, j'en serais plus que ravi !

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  19. qu'est-ce que c'est que ce titre :) !!! J'adore, je le veux!

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  20. Déjà le titre! Mdr
    Une belle manière d’aborder la première guerre mondiale, sortir du drame et tenter l’humour, j’adore cette absurdité!
    Des poilus un peu « crétins » ça me plaît bien en plus :D

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  21. J'ai fixé cette bande dessinée à deux reprises dans une librairie parce qu'elle m'intriguait pas mal (rien que le titre est assez décalé par rapport à ce qu'on peut attendre d'une BD sur la Première Guerre). Je me suis retenue de la feuilleter pour ne pas être trop tentée et voilà que je lis ton article, qui me donne encore plus envie de l'acheter ! Voilà voilà, le destin dirons-nous...

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    1. Si j'ai pu te convaincre définitivement de céder à la tentation, j'en suis ravi.

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