Kevin Powers a combattu en Irak.
Au réalisme documentaire il a préféré le prisme d’une fiction empreinte d’un
certain lyrisme. La vision qu’il donne de la guerre a un coté hallucinatoire,
porté par des couleurs où dominent le jaune poussiéreux et le rouge sang. La
toile qu’il peint au fil de ces 250 pages est souvent trouble et possède une évidente
teinte surréaliste. Son narrateur alterne entre l’impuissance
et la culpabilité. La perte des repères est pour lui terrible : « Nous
n’avions même plus conscience de notre propre violence : les passages à
tabac, les coups de pied décochés aux chiens, les fouilles, la parfaite
brutalité de notre présence. Chacun de nos actes correspondait à une page de
notre manuel que l’on appliquait sans réfléchir. Je m’en moquais. »
La construction du roman, sans
être follement originale, est très efficace : les chapitres alternent entre
la guerre et l’après guerre et la structure, tout en flash-back, entretient la
tension pour ne révéler le plus monstrueux que dans les dernières pages. Si je
devais comparer Yellow birds avec Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn, je
dirais que seul le thème de la guerre en Irak rapproche les deux textes. Pour le reste, à l’esprit picaresque, grotesque et violemment comique de Ben Fountain,
Powers oppose une vision poétique beaucoup plus introspective. Une « beauté
triste » où l’on découvre la lente décomposition d’un engagé volontaire et
son impossible retour à la vie civile. Une étude menée sur les vétérans revenus du front irakien a montré qu’au cours de l’année 2007, en moyenne,
dix-sept d’entre eux se seraient suicidés chaque jour. A travers la figure de
Bartle, Powers relate la violence de l’expérience intérieure engendrée par la
guerre. Il décrit l’écho d’un ébranlement intime qui transforme ces hommes
rentrés au pays en morts-vivants.
Un premier roman que j’ai trouvé
en tout point sublime.
Yellow birds de Kevin
Powers. Stock, 2013. 250 pages. 19,00
euros.
Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec
Noukette, Leiloona et Cryssilda. Filez-vite découvrir leurs avis.
L'avis de Clara ; L'avis de Saxaoul
L'avis de Clara ; L'avis de Saxaoul
Décidément, il fait l'unanimité, il me le faut !
RépondreSupprimerPas encore trouvé d'avis vraiment négatifs, c'est plutôt bon signe.
SupprimerSublime oui, je suis bien d'accord..! Je ne sais pas si je lirai Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn un jour mais ce roman là m'a bluffée... Et Dieu sait pourtant que les histoires de guerre ce n'est en général pas mon genre. Je l'ai pourtant lu quasi d'une traite...
RépondreSupprimerFin de mi-temps est totalement différent. Il y a un troisième titre sur le même thème qui vient de sortir chez Gallimard, Le livre de Jonas de Stephen Dau. C'est l'histoire d'un ado qui a fui la guerre pour se réfugier en Amérique. Une autre vision du conflit, pas du coté des soldats mais de celui des populations. Je l'ai acheté la semaine dernière. M'a pas l'air très gai non plus...
SupprimerJe ne connaissais pas du tout l'autre roman, j'ai lu qu'il était assez vulgaire ... Je préfère de loin l'écriture quasi poétique de celui-ci.
RépondreSupprimerComme Valérie le dit plus bas, je n'ai pas du tout trouvé Ben Fountain vulgaire. Son regard est juste beaucoup plus acerbe, plus grinçant, plus politique aussi. C'est totalement différent...
SupprimerJe me réjouis, je vais le lire bientôt !
RépondreSupprimerBonne nouvelle, j'ai hâte de savoir ce que tu vas en penser.
SupprimerJe vais en rester à Ben Fountain, je pense.
RépondreSupprimerDommage, Kevin Powers mérite aussi que l'on se penche sur son cas^^
Supprimerje ne le lirai pas immédiatement mais j'ai noté la référence car le sujet me plait et ton avis me conforte dans ce choix
RépondreSupprimerOui tu peux noter, ce roman va sans doute devenir une référence sur le sujet.
SupprimerJe me permets de répondre à Leiloona: l'écriture du Ben Fountain est très belle. Clara l'a trouvé vulgaire, mais je ne crois pas avoir lu ce reproche ailleurs.
RépondreSupprimerJe le lirai ce Yellow Birds, bien sûr, après tous ces avis.
Je suis d'accord avec toi, je n'ai pas trouvé de vulgarité chez Fountain. Maintenant pour Powers, je me demande s'il va te plaire. Le coté poético-lyrique, pas sûr que ça te convienne. Mais je serais ravi de découvrir ton avis.
SupprimerSuperbe billet et un enthousiasme général ! Celui-ci aussi, je le note...
RépondreSupprimerMerci Nahe et tu as raison, l'enthousiasme est général (et surtout justifié) pour ce titre.
SupprimerJe suis contente d'apprendre que tu l'as aimé, il me tentait!
RépondreSupprimerAlors là je suis très surpris. Toi, tentée par un roman américain contemporain !
SupprimerA ce point sublime? Voilà qui m'intrigue!
RépondreSupprimerOui, sublime ne me semble pas être un mot trop fort pour ce roman...
SupprimerOh là là, je ne suis pas aussi enthousiaste même si je reconnais que c'est un très bon premier roman.
RépondreSupprimerOui j'avais vu dans ton billet que tu avais quelques réticences sur roman. Je comprends, il y a un coté très sombre qui peut être déstabilisant.
SupprimerQuel enthousiasme ! Ton post est particulièrement bien écrit en plus, ça fait envie !
RépondreSupprimerMerci, ton com, ça fait plaisir !
SupprimerSublime, quel qualificatif ! Je garde ce titre en tête pour un peu plus tard, toutefois.
RépondreSupprimerIl sortira forcément en poche !
SupprimerTu en parles si bien que malgré la gravité du sujet, il me tente.
RépondreSupprimerMerci. Il vaut vraiment la peine d'être lu.
SupprimerVu que j'ai reçu le Ben Fontains, je vais commencer par lui. Mais celui-ci est tentant également.
RépondreSupprimerTrès bon le Ben Fountain, je pense que tu devrais aimer.
SupprimerOui, j'ai trouvé qu'il y avait de la vulgarité dans celui de Ben Fountain et je ne suis pas arrivée à pas à rentrer dans son livre. Après on réagit différemment aux écritures et c'est vrai que je suis la seule à avoir eu ce ressenti...
RépondreSupprimerPas grave que tu sois la seule à avoir ressenti de la vulgarité. Au contraire, j'aime bien quand un avis me pointe une caractéristique que je n'avais pas du tout décelé à la lecture. Et puis comme tu dis chacun réagit différemment devant un texte.
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