jeudi 12 juin 2014

Les nuits de San Francisco - Caryl Férey

D’un coté, il y a Sam. Un sioux. Un sioux des temps modernes, parqué dans une réserve. Son quotidien est le même que celui de ses semblables : pauvreté, désœuvrement, alcool, chômage… Une ado engrossée après une énième beuverie. La fuite. Quitter la réserve, partir sans véritable but. Las Vegas, les chantiers. La crise économique qui vous met à la rue. « La rue qui salit sans cesse, qui pue, qui vous agresse à coups de tessons de bouteille quand vous dormez d’un sommeil de plomb, la rue qui vous engloutit en quelques jours et vous recrache en morceaux. » Atterrir en lambeaux à San Francisco et se demander quel sera le bon jour pour mourir.

De l’autre coté, il y a Jane. Une enfance à Fresno, « ville la plus bête d’Amérique, autant dire du monde. » Un viol subit un soir de fête de fin d’année et un départ précipité pour San Francisco. Des cours de théâtre, du mannequinat pour faire bouillir la marmite, un coloc gay qui va l’entraîner dans la drogue. Le coup de foudre pour Jefferson, musicien d’un groupe de rock. La naissance de leur fils treize mois plus tard. Et puis l’accident. Terrible. Dévastateur. Une existence qui s’écroule et Jane se retrouve à errer dans le Golden Gate Park. C’est là que son chemin croise celui de Sam…

Un texte en miroir. Deux trajectoires tortueuses, deux vies cassées qui se font face. Deux destins reliés par la nuit et ses excès. L’Amérique d’hier, celle des indiens massacrés à Wounded Knee, humiliés en permanence depuis, et celle d’aujourd’hui, aussi abrutie que violente. Pas grand chose d'original dans cette histoire, c’est un fait. Mais la prose électrique de Caryl Ferey lui donne une autre dimension. Ce gars écrit avec une fluidité incroyable. Tout coule de source, les phrases s’enchaînent dans un mouvement limpide, sans accro. Une écriture tour à tour poétique, cruelle, directe. Court et dense, ce récit sans fioriture garde une forme d’émotion à fleur de peau. Et puis j’adore la fin. Je n’y peux rien si les tragédies m’ont toujours fasciné…


Les nuits de San Francisco de Caryl Férey. Arthaud, 2014. 120 pages. 10,00 euros.




32 commentaires:

  1. Jamais lu cet auteur. J'ai peur que mon petit coeur tendre supporte mal?

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    1. Ton petit cœur en a vu d'autres, j'en suis sûr ;)

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  2. Celui-ci ne me tente pas. Un auteur que je peine à lire.

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  3. Toujours pas lu cet auteur bien que j'aie deux de ses romans dans ma PAL. Tu me donnes envie de rajouter celui-ci !

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    1. C'est un auteur à découvrir je pense même si je l'ai très peu lu finalement.

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  4. j'ai fait un malaise dans le tram en lisant une scène de violence dans Zulu...si ce livre est du même acabit, je vais peut-être passer mon tour...

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    1. Pas lu Zulu mais là il n'y pas de quoi faire un malaise.

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  5. trop pessimiste pour moi , je passe

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    1. C'est pas joyeux-joyeux, je ne vais pas dire le contraire ;)

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  6. J'ai lu Mapuche récemment de cet auteur et c'était assez médiocre. Son style était excessif, pas naturel du tout, peut-être s'est-il amélioré depuis ? Mais bon ... chat échaudé craint l'eau froide !

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    1. Je n'ai jamais lu ses polars (tu sais que ce n'est pas mon truc !) donc je ne peux pas te dire s'il s'est amélioré.

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  7. Ça me fait plaisir ! Jamais lu de Ferey encore mais j'aime le personnage, et surtout, c'est un des livres auquel on croit beaucoup au boulot. Bon, il est dans ma PAL boulot depuis un moment, et... euh... toujours pas lu.^^

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  8. Très tentant... il semblerait que Férey n'a pas dérogé à ses habitudes : l'histoire me laisse penser qu'il s'agit une fois de plus d'un récit bien sombre.

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  9. Il a l'air dur. Mais j'ai quand même envie de noter. Tu en parles si bien.

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    1. Merci. Il est dur, c'est certain, mais j'ai beaucoup aimé.

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  10. " Quel sera le bon jour pour mourir" ? y'a pas du " Little big man" par là dessous ? je note ce titre, même si je n'ai rien lu de cet auteur pour cause de trouille ... Evidemment, je pense aussi à Boyden et à Louise Edrich, vu le thème, deux de mes écrivains préférés ...

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    1. Pas vu " Little big man" mais concernant ce roman, tu peux y aller sans trouille.

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  11. j'ai eu le plaisir de retrouver Caryl Férey dans ce court roman. D'une grande fluidité comme tu le soulignes. Décidément, je n'arrive pas à être déçu !

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    1. Perso, je ne le "fréquentre" pas très souvent mais c'est toujours avec grand plaisir.

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  12. Les opus de Férey me font peur, je crains une certaine brutalité, mais ton billet est vraiment très beau.

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    1. Celui-ci n'est pas particulièrement brutal même si le sujet est très dur.

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  13. Caryl Ferey et moi on ne se connaît pas encore... Mais j'ai Zulu dans ma PAL, je pressens la claque...

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    1. Ses polars, ça doit être quelque chose en effet !

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