jeudi 19 septembre 2013

La révolte des personnages - Gwladys Constant et Kristel Arzur

« Il était une fois dans un lointain royaume, un château où vivaient un roi, une reine et leur fille, la princesse Émeraude… »

Et là, patatras, l’auteur est interrompu par ses décors et ses personnages. C’est d’abord le château qui se plaint parce que, comme d’habitude, on ne lui consacre qu’une ligne. Puis c’est au tour de la princesse de ronchonner. Comme d’habitude, on veut la marier à un prince mais elle préfèrerait de loin s’unir à une star du showbiz. Ensuite Jacques, le meunier qui doit épouser la princesse après avoir été transformé en beau jeune homme par une sorcière, refuse de jouer le jeu pour la bonne et simple raison que sa promise s’appelle Martine et n’a rien d’une princesse.  Bref, tous les personnages se révoltent et le pauvre auteur, magnanime, doit sans cesse revoir sa copie pour pouvoir mener son histoire à bon port.

Gros coup de cœur pour cet inclassable petit texte qui dépoussière l’image du conte traditionnel. La princesse, que l’on veut habiller d’une robe à cerceaux, réclame un tailleur Dior. Elle interrompt le déroulement de l’intrigue pour aller aux toilettes. Jacques reproche au conteur de plagier Cendrillon. Quand nos deux héros dansent au bal pendant des heures, ils se plaignent d’avoir faim, soif, et d’avoir des ampoules aux pieds. En gros la mécanique est simple : l’auteur enfile les poncifs propres au conte comme des perles et ses personnages ne cessent de lui rappeler que le monde a changé et qu’il serait temps de faire preuve de modernité. Les échanges sont savoureux. Soucieux de ménager la susceptibilité de ses protagonistes, l’auteur navigue à vue, s’énerve parfois de leurs demandes mais finit toujours par céder. Jusqu’au dénouement : « Ils vécurent longtemps, heureux, et eurent beaucoup d’enfants… ». Réflexion de la princesse Émeraude : « Beaucoup d’enfants, beaucoup d’enfants, comme vous y aller ! Deux me suffiront ! » Délicieux jusqu’au bout je vous dis !

Alors bien sûr, il faut que le jeune lecteur se lançant dans cette histoire possède les références nécessaires pour saisir les nombreux clins d’œil adressés aux contes classiques et à leur schéma narratif si répétitif. Si tel est le cas ou s’ils sont bien accompagnés par un adulte, une certitude, ils vont se régaler.


La révolte des personnages de Gwladys Constant et Kristel Arzur. Alice, 2013. 58 pages. 11,50 euros. A partir de 8-9 ans.

L'avis de Noukette




mercredi 18 septembre 2013

Saveur coco - Renaud Dilliès

Jiri et Polka sont dans le désert. Un désert où la pluie semble ne jamais s’inviter. Un désert où la chaleur vous écrase du matin au soir. Chez Jiri et Polka, il y a bien une dépression en train de s’installer mais elle n’est pas climatique. En désespoir de cause, les deux amis quittent leur modeste logis et se mettent en quête d’un nuage annonciateur de précipitations. Pas si simple à trouver, surtout lorsque les « brumes vaporeuses d’un désert accablant » ne créent que des mirages et que les poissons volent sous la lune la nuit venue.

On y est. Le nouvel album de Dillies est enfin sorti. Et comme d’habitude c’est excellent.  Prenez deux amis, « un bougre d’âne » et un fumeur de pipe joueur de cithare. Ajoutez une noix de coco, une mystérieuse boite à musique, un escargot, une bouteille vide, un cirque itinérant, des poissons bohêmes et un représentant de la maréchaussée pointilleux.  Secoué le tout et vous obtiendrez un cocktail en tout point délicieux.

Une BD inclassable que l’on pourrait à juste titre qualifier « d’absurde ». Pas facile comme genre l’absurde. Tellement casse-gueule. Ici pourtant le pari est relevé haut la main et tout tient dans les dialogues savoureux et les pérégrinations farfelues de nos héros. Alors bien sûr, la trame de cette Saveur coco tranche quelque peu avec les publications précédentes de Dillies. Mais les habitués y retrouveront ce duo d’amis inséparables que l’on croise dans toutes ses histoires. Ils retrouveront aussi la musique, la douceur, la poésie et la fantaisie qui caractérise l’ensemble de son œuvre. 

Sans compter que son trait, reconnaissable entre mille, reste le même. Chaque planche est une composition à l’inventivité graphique folle. Mais cette propension à casser les codes les plus classiques de la bande dessinée ne relève pas d’un quelconque effet de style, elle est en permanence porteuse de sens. C’est ce qui fait pour moi de Dillies un grand auteur, tout simplement.

Bon voila, comme d’habitude, je suis sous le charme. Rien à faire, je crois que ce monsieur ne me décevra jamais.  Et ce n’est pas pour me déplaire.

Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Moka et Noukette.
Moka, Noukette et Dillies, je peux difficilement trouver meilleure compagnie !

Saveur coco de Renaud Dillies. Dargaud, 2013. 80 pages. 16,45 euros. 





mardi 17 septembre 2013

Les Années reviennent !

Notre petite revue bi-mensuelle  reprend son rythme de croisière après la parenthèse estivale du Guide des voyages.

Et l’on repart sur les chapeaux de roues dans ce 37ème numéro avec, en écrivain de la quinzaine, l’incontournable Erri de Luca et de nombreuses notes de lecture. Au menu Richard Ford, Michèle Lesbre, Laurent Graff, la poétesse et nouvelliste autrichienne Ingebor Bachmann et la reprise de mes chroniques publiées ici même et consacrées à Claire Keegan (« Les trois lumières ») et Michèle Halberstadt (« La petite »).

Les rubriques habituelles sont également présentes : poésie, chanson, BD (avec « L’étranger » de Camus adapté par Ferrandez), Mus’art (une étude de « La femme dans la vague » de Courbet), le portrait militant et l’inénarrable billet du professeur  Hernandez.

Puisque la pérennité de cette revue numérique et gratuite est dorénavant assurée je vous propose si vous le souhaitez de vous l’envoyer automatiquement chaque quinzaine. Il vous suffit pour cela de vous signaler dans les commentaires de ce billet ou en faisant la demande par mail (dunebergealautre@gmail.com). La création d’un fichier des abonnés simplifiera l’envoi des nouveaux numéros et ne vous obligera plus à renouveler  à chaque fois votre demande. Et si par la suite vous voulez vous désabonner un simple petit message suffira. Je remercie au passage Gwenaëlle qui m'a soufflé cette idée...

lundi 16 septembre 2013

Lucia Antonia, funambule - Daniel Morvan

Accepter la perte. Lucia Antonia, funambule, ne peut s’y résoudre. Arthénice est tombée. Sa partenaire, son âme sœur, son double. Depuis la chute fatale, Lucia Antonia a quitté le cirque de son grand-père. « Ma famille m’a bannie […] je me suis bannie moi-même pour ne pas porter malheur au cirque. »

Aujourd’hui pourtant, sur cette presqu’île où elle a échoué, elle accepte à nouveau de déplacer son corps sur un fil. Sur cette presqu’île elle rencontre Eugénie et Astrée, réfugiées fuyant un pays en guerre, mais aussi un artiste peintre et un garçon voilier qui deviendra son ami. Sur cette presqu’île Antonia va peu à peu se reconstruire et accepter la perte.

Poétique et fragmenté, ce texte relève de l’esquisse. Par petites touches successives, Lucia Antonia brosse le portrait de sa douleur la plus intime. Tout en retenu, elle consigne dans de petits carnets la géographie de cette absence qu’elle ne parvient pas à surmonter. Arthénice le corps brisé. Cette partenaire, cette amie, cette jumelle. La mort d’Arthénice dont elle se sent responsable. Rien de larmoyant pour autant, aucun pathos. Les réflexions de Lucia Antonia naviguent entre ciel et terre, dans une sorte de rêverie éthérée.

Évidemment, j’aime cette écriture elliptique, tout en suggestion. Une écriture minuscule pouvant parfois sembler insaisissable et nébuleuse mais qui se révèle au final lumineuse. De la poésie, quoi. Et une forme de catharsis pour cette touchante funambule qui, grâce aux mots, parvient à faire les pas décisifs devant l’amener sur le chemin de la résilience et accepter la perte, enfin : « Il y avait près d’une année que tu étais morte, et c’est seulement ce jour où je me perdis en forêt que je pénétrai dans le territoire de ta mort. Ta voix me priait d’ouvrir jusqu’à elle le chemin de la perte, et je consentis à m’égarer. »

Un très beau texte.

Lucia Antonia, funambule de Daniel Morvan. Zulma, 2013. 130 pages. 16,50 euros.

Une fois de plus, c’est une trouvaille que je dois à mes pérégrinations bloguesques. Les tentatrices se nomment Un autre endroit pour lire et Anne et je les remercie pour cette bien jolie découverte.

Et c’est encore une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Marilyne.



samedi 14 septembre 2013

Les vrais, les durs, les tatoués : le tatouage à Biribi

Biribi, ça me rappelle le roman éponyme de Georges Darien. Le roman le plus antimilitariste que j’ai eu l’occasion de lire, un roman qui m'a convaincu de ne jamais mettre les pieds dans une caserne. Ça me rappelle aussi le formidable reportage d’Albert Londres publié en 1925 sous le titre « Dante n’avait rien vu ». Ça me rappelle ma folle jeunesse, l’époque du service militaire, quand j’écrivais ma lettre au ministre de la défense : « pour des raisons de conscience, je refuse de porter les armes et l’uniforme ». Ça me rappelle les trois jours passé à Cambrai, au centre des armées. En tant que futur objecteur de conscience, chevelu en plus, j’en ai pris plein la gamelle : «  Tu vas voir, on va t’envoyer désherber le maquis pendant 20 mois » (ben oui en tant qu’objecteur on faisait le double des trouffions, c’était la punition). Tu parles, je me suis retrouvé dans une bibliothèque, heureux comme un pape. Le début de ma vocation...

Bref, revenons à ses gros durs de Biribi et leurs tatouages. Biribi n’est pas un lieu à proprement parler. C’est un terme générique désignant l’instrument répressif de l’armée française en Afrique du nord (Tunisie, Maroc, Algérie), en vigueur de 1830 à 1962. Les fameux Bat d’Af (bataillons d’infanterie légère d’Afrique). Au départ des pénitenciers militaires où on mate les fortes têtes. Par la suite on y enverra aussi les engagés ayant subi des condamnations civiles : cambrioleurs, souteneurs, assassins, etc. Des soldats devenus bagnards…

Dans l’enfer de Biribi, où l’on casse des cailloux sous un soleil insupportable, l’armée torture ses propres enfants en toute impunité. Le tatouage est la seule véritable distraction. Une bouffé d’oxygène aussi, servant à la fois de carte d’identité et de moyen d’expression. Les mots gravés sur la peau sont une façon de montrer son état d’esprit. Ainsi, les fatalistes n’hésitent à écrire sur leur corps « Pas de chance », « né sous une mauvaise étoile », « enfant du malheur », « né pour souffrir ». Les révoltés y vont aussi de leur couplet : « vaincu mais non dompté », « arrivé en mouton, sorti en lion », tout comme les antimilitaristes purs et durs : « inquisition militaire », « l’armée fait pleurer les mères ». Les motifs aussi sont riches de sens : papillons, oiseaux, fauves, fleurs et surtout des femmes, beaucoup de femmes.

Le récit de Jérôme Pierrat et Éric Guillon est passionnant. Il permet notamment de découvrir les techniques
rudimentaires utilisées par les tatoueurs et la vie quotidienne dans ces pénitenciers où règnent la violence et l’injustice et où l’homosexualité est partout présente.

Mais Au-delà du texte, le point fort de ce petit livre réside évidemment dans les photos. Non mais regardez-moi ces gueules ! Le naturalisme de Zola en chair et en os, les loulous parisiens mis en scène par Charles-Louis Philippe dans le célèbre Bubu de Montparnasse qui se matérialisent sur la page ! Les portraits de tatoués publiés ici ont été réalisés entre 1900 et 1930 par les services de l’identité judiciaire. Ces clichés des anciens de Biribi ont été pris « à la faveur » d’une arrestation ou d’un séjour en prison.  Des vrais, des durs, pas des tatoués d’aujourd’hui qui s’essaient au symbole maori pour se la jouer « cool » alors qu’ils
n’ont jamais foutu les pieds en Polynésie. Bon je vais m’arrêter là parce que je commence à m’égarer…

Les vrais, les durs, les tatoués : le tatouage à Biribi de Jérôme Pierrat et Éric Guillon. Édition Larivière, 2005. 112 pages. 20,50 euros.

Ce billet signe ma première participation au projet « non-fiction » de Marilyne.

vendredi 13 septembre 2013

Deadline - Laurent-Frédéric Bollée et Christian Rossi

Ça commence par un meurtre. En 1901. Un meurtre commis de sang froid sur un vieillard. Pas d’autres explications avant un bond dans le temps. Des années en arrière. En pleine guerre de sécession. Petit à petit on va remonter le fil de cette pelote et comprendre le pourquoi du comment. Pourquoi ce meurtre, pourquoi cette victime. L’histoire est celle du meurtrier, un gamin enrôlé de force dans l’armée sudiste. Un gamin qui va tomber amoureux d’un prisonnier. Noir. Un gamin qui va découvrir l’horreur de la guerre et garder chevillé au corps le souvenir de ce prisonnier et une rancœur, une haine même. Tenace. Impossible à évacuer… 

Un western sans cowboys et sans indiens mais un western quand même. Tendu, nerveux, crépusculaire. Beaucoup de flash-backs qui demandent au lecteur une certaine attention pour ne pas se perdre en route mais le récit est tricoté au cordeau et chaque élément trouve sa place naturellement.

Après on peut trouver que la barque de Louis Paugham, le personnage principal, est un peu chargée. Orphelin très jeune suite à l’assassinat de ses parents, il voit mourir son père adoptif sous ses yeux à l’adolescence. Homo refoulé qui a le coup de foudre pour un noir alors qu’il vient d’être enrôlé dans l’armée sudiste, il va enchaîner les désillusions et les tragédies… tout ça fait peut-être un peu beaucoup. Mais son terrible destin permet de mettre en lumière cette période complexe de l’après-guerre de sécession aux États-Unis. Sa vie d’errance et de solitude est confrontée au racisme prégnant malgré la victoire nordiste, à un idéalisme qui restait souvent de façade et une homosexualité inacceptable pour la société de l’époque.

Graphiquement c’est beau, très beau. Christian Rossi s’était déjà frotté au western en reprenant la série Jim Cutlass scénarisée par Jean Giraud et surtout avec l’inclassable W.E.S.T qui, elle aussi, se déroule aux USA dans les années 1900. Ici, il alterne entre l’acrylique et l’aquarelle et son travail sur la lumière et les couleurs est magnifique. Sans compter que son découpage très cinématographique sied parfaitement à un récit de ce genre. 

Si je devais souligner un bémol c’est que le héros subit trop les événements et n’est pas assez charismatique. Pas qu’il soit transparent mais il lui manque un petit quelque chose pour endosser l’image d’écorché vif à laquelle il était en droit d’aspirer. Disons qu’il avait tout pour être inoubliable et malheureusement ce n’est pas tout à fait le cas. 

J’ai quand même passé un bon moment avec ce one shot qui sort un peu des sentiers battus. Et je félicite au passage l’éditeur pour ne pas avoir cédé à la tentation d’en faire un diptyque plus intéressant commercialement mais beaucoup moins cohérent d’un point de vue narratif.  Ça devient tellement rare de penser au lecteur avant de penser à la rentabilité…

Une nouvelle lecture commune que j’ai la plaisir de partager avec Mo’. Sa chronique est ici.

Deadline de Laurent-Frédéric Bollée et Christian Rossi. Glénat, 2013. 92 pages. 18,50 euros.



jeudi 12 septembre 2013

Trois petits riens - Michaël Escoffier et Kris Di Giacomo

C’est l’histoire de trois petits riens qui rencontrent un chien. Un chien gentil comme tout qui leur propose de les emmener en balade autour du monde. En chemin, ils vont croiser Louise, une petite fille désespérée parce qu’elle a perdu son doudou. L’enfant  est inconsolable et les trois petits riens vont se plier en quatre pour lui venir en aide. Évidemment, ils vont retrouver le doudou et faire de Louise la plus heureuse des petites filles. Comme quoi il suffit souvent de trois fois rien pour connaitre le bonheur.

Qu’il fait du bien cet album ! Sa simplicité et le message positif qu’il véhicule sont ses atouts majeurs. L’histoire est si universelle et facile à comprendre qu’elle emportera forcément l’adhésion des petits bouts. Graphiquement Kris Di Giacomo va à l’essentiel sans s’interdire quelques trouvailles graphiques savoureuses. Et puis l’écriture de Michaël Escoffier est musicale à souhait et son vocabulaire, parfois soutenu, sonne juste : « le doudou , tel une enclume, a chu dans la cheminée. » J’adore !

Allez, un dernier petit extrait pour la route : « La vie est faite de petits riens, de tout petits riens de riens du tout, invisibles au yeux de certains, mais qui comptent pour nous, plus que tout. »

Un grand merci à Leiloona dont le billet enthousiaste m’a donné envie de découvrir cet album. Je ne regrette pas une seconde de m’être laissé tenter. Et un autre bel avis, celui d'Un autre endroit pour lire


Trois petits riens de Michaël Escoffier et Kris Di Giacomo. Balivernes, 2013. 32 pages. 12 euros. A partir de 3-4 ans.



mercredi 11 septembre 2013

Nous ne serons pas des héros - Frédérik Salsedo et Olivier Jouvray

Trentenaire au chômage, Mickaël vit au jour le jour, sans aucune perspective d’avenir. Quand son père infirme lui propose de l’accompagner dans un voyage autour du monde, le jeune homme accepte sans enthousiasme. Il faut dire que Charles, son paternel, en plus d’être en petite forme et de demander des soins constants est aigri, méchant et grande gueule. De La Réunion au Vietnam en passant par l’Inde, New York, le Maroc et la Finlande, Mickaël et Charles vont vivre une aventure humaine pleine de turbulences mais qui au final les rapprochera de manière inattendue.

L’album repose sur un choc de générations doublé d’une difficile relation père-fils. Entre un père souhaitant retourner sur les lieux de sa jeunesse bohème et un fils glandouilleur, paumé et inculte, la cohabitation est plus que délicate. Charles ne comprends pas le manque de curiosité intellectuelle de son rejeton,  il lui reproche son apathie.  Mickaël quant à lui ne supporte pas la mauvaise humeur et les excès permanents de son géniteur. Finalement chacun juge l’autre durement dans un climat d’incompréhension totale qui va quelque peu à peu s’atténuer au fil du voyage. Tout cela se termine sur une note pleine d’émotion, certes attendue mais fort bien amenée. Seul regret, quelques passages bavards et des propos moralisateurs sur les méfaits de la société de consommation pas forcément indispensables.

Le dessin réaliste laisse parfois place à quelques cases « cartoonesques » qui ne sont pas sans rappeler des effets graphiques propres au manga. Pour chaque pays visité une illustration pleine page offre une respiration bienvenue qui casse le coté trépidant d’un voyage effectué au pas de course.

Une jolie réflexion sur la filiation et le sens de l’existence pour un album à la fois intimiste en non dénué d’une certaine profondeur. En gros et pour faire simple : j’ai aimé.

Une BD offerte par Cristie que je remercie au passage pour cette gentille attention.

Nous ne serons pas des héros de Frédérik Salsedo et Olivier Jouvray. Le Lombard, 2010. 84 pages. 16,45 euros.

Un petit extrait en passant : "  Je crois en rien et je m’interroge sur tout. Je me poserai la question de l’existence de Dieu quand je serai mort, avant ça, je risque pas trop d’avoir une réponse sensée, alors je m’intéresse à autre chose. "

L'avis de Cristie






mardi 10 septembre 2013

Mon comptinier - Stéphane Bataillon et Éric Gasté

Allez, aujourd’hui on révise ses classiques. Trouvez-moi la dernière phrase des comptines ci-dessous. Et de mémoire hein, pas la peine d’aller chercher dans G***** ou chez son ami wiki.

Une araignée sur le plancher
Une araignée sur le plancher 
Se tricotait des bottes.
Dans un flacon, un limaçon
Enfilait sa culotte. J'ai vu dans le ciel
Une mouche à miel
Pincer sa guitare.
Les rats tout confus
Sonnaient l'angélus
...

C’est demain dimanche
C'est demain dimanche
La fête à ma tante
Qui balaie sa chambre
Avec sa robe blanche
Elle trouve une orange
L'épluche et la mange


Scions, scions, scions du bois
Scions, scions, scions du bois
Pour la mère, pour la mère,
Scions, scions, scions du bois,
Pour la mère Nicolas,
Qu'a cassé ses sabots,


Si vous n’êtes pas au point, j’ai le recueil parfait pour vous remettre à niveau. Ce comptinier contient 170 comptines et un cd-audio regroupant les 37 plus célèbres. Ça m’a fait du bien de replonger dans ces indémodables petits moments de poésie. Et puis la comptine est un outil important pour l’éveil au langage, aux sons et aux sens. Rien de tel qu’une comptine pour jouer avec les mots ou aborder pour la toute première fois la question de la numération. Elles peuvent aussi grandement participer à la découverte du corps (exemple ci-dessous avec « Voici ma main »). Bref, la comptine c’est une forme d’apprentissage par le plaisir alors pourquoi  s’en priver.

Voici ma main !
Elle a cinq doigts.
En voici deux, en voici trois.
Le premier, ce gros bonhomme,
C'est le pouce qu'il se nomme.
L'index, lui, montre le chemin.
C'est le second doigt de la main.
Entre l'index et l'annulaire,
Le majeur se dresse en grand frère.
L'annulaire porte l'anneau,
Avec sa bague, il fait le beau.
Le minuscule auriculaire,
Suit partout, comme un petit frère.

Le recueil s’organise en neuf grandes parties, « de la tête aux pieds » et « du réveil au coucher ». Pour ce qui est du CD, j’ai testé et le résultat est concluant. Prenez un bébé de sept mois crapahutant tel un commando marine sur le carrelage du salon. Lancez le CD et vous le verrez s’arrêter instantanément et relever la tête dès les premières notes pour chercher d’où vient cette étrange mélodie aux paroles si rythmées. Hypnotisé !

Un ouvrage complet et indispensable donc. Le seul risque c’est de partir au travail avec en tête l’air de « Pomme de reinette » et de ne pas pouvoir s’en débarrasser de toute la journée. A la longue je reconnais que c’est un peu agaçant.

Mon comptinier de Stéphane Bataillon et Éric Gasté. Tourbillon, 2013. 174 pages + 1 CD-audio. 15,95 euros.





lundi 9 septembre 2013

Les évaporés - Thomas B. Reverdy

Kaze a choisi de disparaître après avoir appris son licenciement. Il a laissé une lettre à sa femme avant de « s’évaporer », comme des milliers d’autres le font chaque année au Japon, quittant tout sans donner d’explication. Apprenant la nouvelle, Yukiko, la fille de Kaze, rentre dare-dare des États-Unis où elle vit depuis quinze ans. Dans ses bagages, Richard B., poète et détective privé, américain pur jus qui a été pendant quelques temps son amant. C’est lui qui va mener l’enquête et tenter de retrouver Kaze dans un Japon encore sous le choc après la tragédie de Fukushima.

Le lecteur suit en parallèle le parcours de "l’évaporé", sa rencontre avec le jeune Akainu qui a fui seul le nord du pays après la catastrophe nucléaire et les recherches menées par Richard B. et Yukiko. Mais l’aspect « policier » passe rapidement au second plan. En courts chapitres, Thomas B. Revedry insuffle à son récit un rythme syncopé, alternant les scènes quasi contemplatives et les brusques accélérations de l’intrigue. Le texte est traversé par quelques fulgurances poétiques au lyrisme contenu et à la force d’évocation éblouissante. La description du Japon contemporain et du traumatisme post-Fukushima est très réaliste. Les conséquences sociales de la tragédie sont notamment expliquées, comme les tractations financières menées par des vautours qui profitent de catastrophes de ce genre pour engranger les milliards sur le dos des sinistrés. Une dimension sociale qui donne davantage d’ampleur aux trajectoires des différents protagonistes.

Les évaporés relève à la fois de la quête et de la fuite. Quête d’identité pour Yukiko, du sens de l’existence pour Richard B., fuite vers une possible reconstruction pour Kaze et Aikanu. C’est surtout un texte somptueux, puissant, équilibré, parfaitement articulé. Un roman d’une grande profondeur où un auteur à l’évidence brillant a su maîtriser sa plume pour ne pas tomber dans une démonstration de style se cantonnant au purement esthétique. Une réussite totale.

Une nouvelle lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Marilyne !

Les évaporés de Thomas B. Reverdy. Flammarion, 2013. 300 pages. 19 euros. 



dimanche 8 septembre 2013

Une année dans la nature - Nicole de Cock

Un magnifique album qui offre au petit lecteur la possibilité de découvrir la nature au fil des mois en suivant quelques animaux des bois (martinet, blaireau, hibou, écureuil). Oubliez l’aspect purement documentaire, l’accent est ici mis, pour chaque saison, sur de simples mots particulièrement évocateurs. Exemples avec le printemps  (début, fleurs, floraison, parfums, gazouillis, réveil), l’été (moisson, provision, rouge, sec, odeur, feu) et l’hiver (sombre, glacial, bruit, neige, blanc, silence).

L’album s’organise en doubles pages avec d’un coté le texte et de l’autre une illustration en noir et blanc. On trouve une phrase complète qui souvent serpente entre les mots isolés (« Le hérisson sait que l’hiver arrive et cherche un abri pour se protéger du froid et de la pluie. »).  L’ensemble est visuellement magnifique et dégage un charme incontestable. Les illustrations à l’encre sont autant de tableaux dont l’intensité du noir et le contraste avec le blanc donnent une impressionnante sensation de profondeur.

Voila donc un ouvrage poétique à souhait à la force d’évocation remarquable. A mettre sans hésitation entre les mains des petits rêveurs sensibles au pouvoir des mots.

Une année dans la nature de Nicole de Cock. Circonflexe, 2013. 40 pages. 13 euros. a partir de 4-5 ans.





vendredi 6 septembre 2013

Guide du loser amoureux - Junot Diaz

« Ta copine découvre que tu la trompes. (Bon en fait c’est ta fiancée, mais après tout, bientôt ça n’aura vraiment plus d’importance.) Elle aurait pu te surprendre avec une sucia, elle aurait pu te surprendre avec deux, mais comme tu n’es qu’un sale fils de cuero qui n’a jamais vidé la corbeille de sa messagerie électronique, elle t’a surpris avec cinquante ! Certes, étalées sur une période de six ans, mais quand même. Putain, cinquante nanas ? Et merde. […] Tu ne recules devant rien pour la garder. Tu lui écris  des lettres. Tu la conduis au boulot. Tu cites Neruda. Tu rédiges un mail collectif qui répudie toutes tes sucias. Tu bloques leur adresse mail. Tu changes de numéro. Tu arrêtes de boire. Tu arrêtes de fumer. Tu déclares être un accro au sexe et commence à assister à des réunions. Tu rejettes la responsabilité sur ton père. Tu rejettes la responsabilité sur ta mère. Tu rejettes la responsabilité sur le patriarcat. Tu rejettes la responsabilité sur Saint-Domingue. Tu trouves un psy. Tu fermes ton compte facebook. Tu lui donnes les mots de passe de toutes tes messageries électroniques. Tu commences à prendre des cours de salsa comme tu l’as toujours promis pour que vous puissiez danser ensemble.  […] Tu essaies tout, mais un jour elle se redressera simplement dans le lit et dira : C’est fini. »

J’aime cette écriture parce malgré la brièveté de chaque phrase elle sonne comme un flot ininterrompu. J’aime cette écriture parce qu’elle est vivante, pleine d’énergie. J’aime cette écriture parce que sa liberté et sa souplesse m'électrisent. Évidemment ce recueil de nouvelles n’est pas à mettre entre toutes les mains. Il pourrait déplaire. Fortement. Il n’y a pourtant rien de réellement abrasif au fil de ces huit textes mettant en scène les membres de la communauté Dominicaine installée dans les environs de New York. C’est juste que le personnage de Yunior, qui sert de trait d’union entre chaque histoire, est un beau salopard. Le mâle latin dans toute sa splendeur. Macho, queutard invétéré et sans scrupules. Yunor pense pourtant qu’il n’est pas tout à fait comme ses congénères. Il cherche l’amour, le vrai, le pur. Un coté fleur bleue qu’il oublie rapidement quand une nouvelle partie de jambes en l’air se présente. 

Avec lui on découvre l’arrivée de sa famille sur le sol américain, le départ du père avec une fille bien plus jeune que sa mère, la vie de débauche de Rafa, le frère aîné trop tôt emporté par un cancer. Et au milieu de ce maelstrom Yunior tentant de se construire comme il peut. Il ne va pas vraiment mal tourner, il ne finira pas dealer de crack au coin de la rue. Il poursuivra ses études jusqu’à l’université et deviendra prof.  Mais au niveau sentimental, c’est le naufrage. Tromper une petite amie qui refuse de le laisser glisser une main dans sa culotte avec une prof bien plus âgée que lui n’a rien d’infamant. Voir sa chère Magda le traiter d’enfoiré parce qu’il a couché « avec une fille qui se coiffait façon doigts dans la prise, comme dans les années quatre-vingt »,  il a du mal à comprendre. Lui ne se considère pas comme un sale type. Juste un mec « faible et plein de défauts, mais avec un bon fond. » Bien sûr, bien sûr…

La langue de Junot Diaz est fleurie, vivifiante. Un mélange d’argot, de mots espagnols, de néologismes truculents et d’images qui vous sautent à la gorge. Surtout lorsqu’il parle des femmes et de leur diversité : guyanaises, asiates, latina, métis à la peau couleur de miel, « blanquitas un peu péquenaudes » qui ont « un faible pour les négros » et  « baisent avec la discrétion d’un train de marchandise. » Yunor les aiment toutes, certaines plus que d’autres, mais il se révèle au final incapable de les garder, incapable de leur être fidèle. Le triptyque coucheur-trompeur-menteur lui va comme un gant. Yunor, c’est un gars qui enchaîne les déboires et que l’on n’a pas du tout envie de plaindre. C’est drôle, corrosif et moderne. Bon j’ai adoré mais je ne vous conseille pas de vous ruer sur ce recueil inclassable qui m’a, à bien des égards, rappelé le « Coup de sang » d’Enrique Serna. C’est à vous de voir. Débrouillez-vous, quoi…


Guide du loser amoureux de Junot Diaz. Plon, 2013. 198 pages. 19 euros.





jeudi 5 septembre 2013

40 jours d’automne - Philippe Milbergue

Lulia et son père Stelian sont arrivés en France depuis peu. Pour la petite roumaine l’apprentissage du français se passe parfaitement bien, notamment grâce à l’école, mais son papa a beaucoup plus de mal. Souvent seul dans leur appartement, il peine à tisser des relations avec l’extérieur. Heureusement, la maîtresse de Lulia organise des ateliers cuisine avec ses élèves et elle y convie les parents qui souhaitent y participer. Ayant été cuisinier dans son pays, Stelian s’y rend sans conviction. L’ambiance conviviale qui anime ce rendez-vous hebdomadaire le ravit. En faisant partager aux autres sa passion des bons petits plats et les spécialités de son pays, il va comprendre que la gentillesse et le partage ne sont pas de vains mots.

Seconde découverte pour moi des éditions Le muscadier (après Promesses) et seconde belle surprise. Un texte simple, linéaire et aux courts chapitres qui se lit d’une traite. Un roman surtout très positif parlant d’intégration et qui défend des valeurs humaines trop souvent oubliées de nos jours comme l’échange et l’entraide. Au passage, je sais maintenant ce qu’est une « accorderie ». Et puis pour ne rien gâcher on apprend quelques recettes alléchantes directement venues des Carpates. Une réussite donc, même si la couverture aurait mérité d’être plus chatoyante.

40 jours d’automne de Philippe Milbergue. Le muscadier 2013. 95 pages. 7,90 €. A partir de 9 ans.

Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Stephie. Courez-vite voir son avis.

mercredi 4 septembre 2013

Ouessantines - Patrick Weber et Nicoby

Quand elle débarque à Ouessant pour ouvrir sa maison d’hôtes, Soizic n’est à l’évidence pas la bienvenue. Cette continentale désirant changer de vie s’est lancée dans un pari un peu fou auquel elle croit dur comme fer. Mais l’accueil glacial des iliens refroidit ses ardeurs. Ce sont surtout les vieilles commères du coin qui vont lui en faire voir de toutes les couleurs. Parmi elles, seule Marie lui tend la main et fait preuve de bienveillance. Mais quand cette dernière est retrouvée pendue, c’est la consternation. En plus, selon son testament, elle lègue tous les objets de sa maison à « la nouvelle venue sur Ouessant. » Pas la meilleure façon pour Soizic de faire remonter sa cote de popularité…  

Ah, les embruns et l’odeur du goémon, rien de plus vivifiant à l’heure de la rentrée. Un album dépaysant qui vaut davantage pour l’ambiance qu’il distille que pour son intrigue finalement assez secondaire. D’ailleurs cette dernière sert avant tout de prétexte pour dresser le portrait de ces femmes d’Ouessant qui sont l’âme de l’île. Et puis le personnage de Soizic est aussi particulièrement bien campé. Une jeune fille fière, opiniâtre et indomptable, capable d’analyser la situation avec lucidité et avec ce petit soupçon d’ironie lui permettant de prendre les choses à la légère. Après il n’est pas certain que les ouessantins apprécient la façon dont les auteurs les présentent. De même pour le couple bobo qui arrive au gîte et passe son temps sur internet plutôt que dehors, il y a là quelque chose d’assez caricatural.

Sinon le récit est simple, empreint d’une certaine lenteur qui rend bien compte de la façon dont le temps s’écoule sur ce caillou du bout du monde. Le dessin est quant à lui aussi rugueux que le caractère des insulaires et si l‘on peut parfois regretter la pauvreté des décors l’ensemble reste graphiquement très cohérent.

Pas un album inoubliable mais une vraie bouffée d’air frais. Et le petit cahier final intitulé « Balade à Ouessant » et regroupant quelques photos accompagnés d’informations historiques sur l’île est des plus instructifs.

Pour conclure, une petite citation que j’aime beaucoup : « J’aime bien les îles. Il n’y a pas moyen de fuir. Quand on est face à un problème, on n’a pas le choix. Il faut le résoudre ou sauter dans l’océan. »

Ouessantines de Patrick Weber et Nicoby. Vents d’Ouest, 2013. 126 pages. 18,25 euros.


Un album voyageur de Natiora que je remercie pour cette belle découverte.

Les avis de Natiora, Oliv et Valérie.







mardi 3 septembre 2013

Le premier mardi c'est permis (20) : Faire l'amour à un homme

C’est le billet de Canel qui a titillé ma curiosité. A la lire j’ai compris qu’il me fallait absolument découvrir cette pépite. Comme elle, je tique sur le titre. Pourquoi « à » ? Le « avec » aurait été bien plus approprié. Ce « à » réduit l’homme au rôle d’objet et fait de sa sexualité un exercice purement mécanique. Alors que je le dis bien haut : nous ne sommes pas des machines ! (et en ce qui me concerne il y a un petit cœur qui bat sous cette énorme paire de c*******). 

Passons. Quatre grandes parties pour faire le tour de la question, c'est finalement assez peu : Comprenez et réveiller le désir de votre homme / Aimez-vous, votre homme vous aimera / Comment le rendre fou ? / Jeux raffinés et scénarios.

La première moitié de l’ouvrage empile les clichés et enfonce des portes grandes ouvertes. Allez, quelques exemples : aimez-vous, ne laissez pas le quotidien prendre le pas sur votre sexy attitude (qui doit évidemment être permanente), prenez le temps de vous occuper de vous pour nous faire plaisir (épilation, maquillage, coiffure, fringues...), faites du sport. Concernant les fringues, un conseil incontournable parmi tant d’autres : « Le seul critère qui doit orienter votre choix pour l’achat d’un pantalon est le suivant : me fait-il un joli cul ou pas ? ». Donc si vous avez la taille un peu serrée et que vous passez vos journée en apnée peu importe car n’oubliez jamais que la seule chose qui compte c’est d’avoir un joli cul. Aucun mot sur le potentiel érotique du short en jean dans cette partie, autant vous dire que j’ai lu tout ça en diagonal.

Dans les pages suivantes on vous parle mécanique avec LA question fondamentale, la taille ! Et cette révélation incroyable : « Les hommes sont totalement obsédés par la taille de leur queue, dont ils sous-estiment presque toujours la longueur. » Pas faux. Moi par exemple, je passe mes journées à tirer dessus. Bon j’espère que vous avez compris le message, on a besoin d’être rassuré par rapport aux dimensions de notre engin alors n’hésitez pas à nous dire qu’elle est énorme même si c’est pas vrai, ça fait toujours plaisir à entendre. Je vous passe les détails sur le viagra, la panne et l’éjaculation précoce parce que sinon ce billet va être interminable. Quand même par rapport à l’éjaculation précoce, j’adore ce conseil : « incitez-le à se masturber de temps en temps dans la journée, il sera sans doute plus endurant quand il vous retrouvera le soir. » Et mes collègues qui se demandent pourquoi je passe autant de temps aux toilettes... 

La seconde partie rentre dans les détails si je puis dire. Des zones érogènes masculines en passant par les massages et la stimulation manuelle, les généralités s’enchaînent. S’attardant plus longuement sur « L’art de la fellation », l’auteur se pose en grand spécialiste de la question. Ses conseils vont du purement hygiénique (ne pas faire ça juste après s’être brossé les dents parce que les gencives sont irritées et laissent plus facilement passer les bactéries) au terriblement technique (de la meilleure position aux figures les plus compliquées à exécuter comme « la savonnette » ou « le tire-bouchon ». Tout un programme n’est-ce pas ?). Puis vient le petit laïus sur une autre question fondamentale : faut-il avaler ou pas ? Dans cette longue partie consacrée au sexe oral j’ai adoré le tableau listant les choses à éviter : ne pas fermer les yeux (ah bon ?) / ne pas croquer (tu m’étonnes !) / ne pas mettre un doigt dans le derrière du monsieur sans crier gare en pleine fellation, il pourrait mal le prendre (je veux mon neveu !) / faire très attention si on joue avec les incisives à ne pas faire de copeaux (bon ok ça c’est moi qui l'ai rajouté…), j'en passe et des meilleures.

Tout cela se termine avec le kama-sutra revisité et quelques scénarios soi-disant émoustillants mais surtout terriblement clichés et déjà-vu.

Franchement je ne vois aucun intérêt à ce bouquin. Une femme avec un minimum d’expérience n’a pas besoin d’entendre ce monceau de conneries. Pour une débutante, c’est encore pire. Si, lorsque le grand soir arrive, elle cherche à mettre en application tous les conseils contenus dans ce livre, c’est la cata assurée. Et puis à quoi bon un manuel pour faire l’amour à un homme ? De l’écoute, du respect, des échanges, une vraie complicité et pourquoi pas même, soyons fous, un soupçon de sentiments réciproques seront toujours mille fois supérieurs à tous les guides pratiques de la terre.


Faire l’amour à un homme de Pierre des Esseintes. First, 2013. 158 pages. 2,99 euros.

L'avis de Saxaoul





dimanche 1 septembre 2013

La conscience de l’ultime limite - Carlos Calderon Fajardo

Calderon est pigiste dans un quotidien. Pour combler une page blanche à quelques heures du bouclage, il invente un assassinat. Sa rubrique intitulée « La Chronique du crime étrange » connaît d’emblée un vif succès. Mais pour Calderon, écrivaillon qui rêve de littérature, difficile de tenir la cadence. Ses affaires se compliquent encore lorsqu’un étrange personnage appelé « le dompteur de mouches » lui envoie le récit de ses propres meurtres, qui eux semblent bien réels...

Un roman qui me conforte (et me rassure !) dans l’idée que ce n’est pas la taille qui compte. A peine 110 pages qui m’ont paru interminables. Aucun intérêt à lire ces faits divers inventés par un gratte plume aigri dont l’inspiration se tarit au fil des jours. Aucune envie de suivre ces personnages si peu incarnés et pas attachants pour deux ronds. Je suis allé jusqu’au bout parce que je pensais qu’il y aurait une savoureuse pirouette finale pour rattraper le coup mais ce n’a même pas été le cas. Déception sur toute la ligne.

La quatrième de couverture annonce un roman noir, gothique et fantastique, elle aurait mieux fait de préciser que c’est surtout un roman chiant comme la pluie. Et puis l’air de rien j’ai besoin de me sentir à l’aise quand je lis. Je veux dire avec la forme même du livre, sa présentation, sa mise en page. Là, tout est très petit, à commencer par le format et la taille des caractères. Si on rajoute les interlignes hyper serrés et l’absence de chapitres, on se retrouve avec la désagréable impression d’étouffer et je n’aime pas ça du tout.

Entendons-nous, je ne veux pas condamner la littérature péruvienne à la lecture de ce seul titre et encore moins la littérature sud américaine que j’ai pour l’instant très peu fréquentée (et sans réussite je dois le dire). Disons seulement qu’entre ce roman et moi ce fut une rencontre sacrément ratée. Et puis concernant la littérature sud américaine (et la littérature argentine en particulier) je sais qu’une bonne âme œuvre actuellement afin de trouver un texte qui me convienne. Et comme je lui fais entièrement confiance, je sais qu’une bonne surprise m’attend.

La conscience de l’ultime limite de Carlos Calderon Fajardo. L’arbre vengeur, 2012. 110 pages. 12 euros.

samedi 31 août 2013

Moi après mois : août 2013

Moi après mois, d’après une idée de Moka.

Une belle surprise de Cristie // 6 mois et deux dents // 8 ans et plein de cadeaux // voir les schtroumpfs 2 au ciné : totalement merdique // Voir Percy Jackson 2 au ciné : pas extraordinaire mais quand même beaucoup moins merdique // Chantilly, son musée du cheval, son château et sa fameuse crème // descendre les jouets de bébé des filles du grenier pour la petite sœur et faire un bond dans le passé // un merveilleuse soirée au casino // le délicieux billet de Cristina qui m’a tant fait sourire // les copinautes qui pensent à moi, ça me touche // retour au boulot // une histoire de short  // la « gaulle antique », ça n’existe pas // trouver le bon sac pour l’entrée de pépette n°1 au collège, une vraie gageure // des échanges précieux (et nombreux) avec ma blogueuse préférée // un joli cadeau venu tout droit de Montréal (merci Florence !) // Regarder autour de soi, voir ceux qui nous entourent et se dire qu’on est bien // Celle que j’admire tant et qui lit Selby // Roger m’a dit à propos des écrivains : « Ils ont les lecteurs qu’ils méritent. » (pas faux) // déguster les tomates du jardin // « Jérôme, vous êtes un anarchiste. » (mon patron quand je lui ai dit sans rire que notre centre de doc pourrait sans problème se passer d’un directeur) // un festival des arts de la rue gâché par la pluie // une entrée à la crèche // « calmement je vous crache à la gueule » : André Laude mon amour //  le roi du babycook.

vendredi 30 août 2013

La radio des blogueurs : la rentrée n’aura pas notre peau !

Leiloona nous propose d'oublier pour un temps la déprime de la rentrée avec une chanson qui a marqué notre été. Alors j'avoue, la chanson qu'on a écouté en boucle cet été est très con, je ne sais pas du tout d'où elle sort ni comment elle est arrivée jusqu'à nous (il me semble qu'on l'a entendu dans un documentaire sur le air guitar mais je n'en suis pas certain). Il suffit que pépette n°2 entende les premières notes pour bouger son petit popotin et j'adore ça. Alors voila, ça vole pas haut mais c'est pêchu en diable. En même temps on peut pas tout avoir...









Le guide des voyages (4)

Voila, c’est fini. Comme prévu dès le départ, le Guide des voyages, périodique sporadique animé par des passionnés de lecture et de littérature, tire sa révérence à la fin des vacances.

Ce dernier numéro clôt ce modeste projet estival en beauté. D’abord l’éditorial fustigeant la rentrée littéraire est excellent (et pourtant j’adore la rentrée littéraire). Ensuite le grand chef a accepté de passer mon texte sur Calaferte publié ici même il y a quelques temps. J’en suis bien heureux parce que Calaferte est pour moi un des plus grands écrivains français du 20ème siècle, rien de moins. Après il y a du lourd au menu avec Jean Teullé, Jean-Paul Dubois, Véronique Ovaldé, Michel Lesbre, Françoise Xenakis et François Bon. Sans compter les deux articles consacrés à la langue française (dont une délicieuse descente en flèche du dictionnaire « Français mon amour » de Jean-Loup Chifflet). Bref, une fois encore, je trouve (en toute impartialité !) que ce numéro est une excellente cuvée.

Ça ne coûte rien de vous en rendre compte par vous-même, il suffit juste de me le demander !

jeudi 29 août 2013

Frisson l’écureuil - Mélanie Watt

Comment ai-je pu passer à coté de Frisson l’écureuil ? Il a fallu qu’une copine de retour d’un voyage à Montréal me prête l’édition canadienne pour que je découvre ce petit animal crétin à souhait. Crétin, j’exagère peut-être un peu mais on en n’est pas loin. Disons que Frisson est surtout casanier. Et trouillard, très trouillard. Sa vie est réglée comme du papier à musique. Et s’il ne quitte jamais son arbre,  c’est parce qu’il a peur de l’inconnu. Peur de tout en fait. Des orties, des araignées, des extraterrestres, des abeilles, des microbes et même des requins. Au moins dans son nid douillet il est en sécurité.  Et puis en cas d’imprévu il a préparé un plan d’évacuation et une trousse d’urgence. Mais l’imprévu porte bien son nom et au premier grain de sable la machine parfaitement huilée se grippe. Et alors-là c’est panique à bord !

Trop drôle, déjanté à souhait, très original visuellement parlant, cette première aventure de Frisson est juste un régal ! Cet écureuil n’est pas très fute-fute, c’est ce qui fait son charme. On voudrait se moquer de toutes ses petites manies et de sa couardise mais en même temps il a un petit coté tellement attachant qu’on aurait presque envie de le plaindre et de l’aider.

Si j’ai bien compris, la série compte une dizaine de titres publiés au Canada par Scholastic et Bayard en a « importé » un peu plus de la moitié en France. Chic, chic, je sais déjà que je vais me régaler avec de nouvelles aventures de Frisson. Mon chouchou Splat n’a qu’à bien se tenir car un sérieux concurrent va débarquer à la maison !

Frisson l’écureuil de Mélanie Watt. Bayard jeunesse, 2006. 34 pages. 9,90 €. A partir de 3-4 ans.

Les avis de Kikine et Canel.




mercredi 28 août 2013

Mélodie au crépuscule - Renaud Dillies

Elle est pénible Noukette. Elle sait bien qu’en écrivant à propos d’un album « la fin est belle et triste à pleurer… », elle va me faire craquer. Un album de Dillies en plus, le papa d’Abélard. Ça fait beaucoup, ça fait trop pour moi. Pénible je vous dis…

Coup de bol, ce titre est dispo à la médiathèque. Coup de bol ma pause le mercredi midi est un peu plus longue que les autres jours. Résultat j’ai passé cette pause à lire ce délicieux moment de poésie et à rédiger mon avis dans la foulée. Un billet fait en urgence, un peu à l’arrache vu que je n’avais pas sur moi ma carte d’emprunteur et que j’ai donc dû reposer l’ouvrage dans les bacs en partant. Bon, j’ai pas eu le temps de manger mais ça valait la peine.

Oui parce qu’autant vous le dire, la poésie dégouline de toutes les pages de cet album. Ça tient à l’histoire mais aussi et surtout au talent de dessinateur de Dillies qui ne s’interdit aucune liberté et déploie au fil des planches, dans un gaufrier de six cases hyper répétitif, une inventivité graphique qui m’a laissé baba. Après, si la magie opère c’est aussi parce que l’on retrouve les thèmes récurrents chers à cet auteur. Il est donc ici question de musique, de belles rencontres, du sens de la vie et de la connerie humaine, de rêverie (beaucoup), d’un petit cœur brisé, de solitude et de tristesse.

Scipion Nisimov est un grand échalas un poil mélancolique qui aime « se promener très souvent dans la nature mais plus encore dans sa tête. » Un anti-héros dont le quotidien d’une absolue banalité va être bouleversé pas sa rencontre avec Tchavolo le tzigane. Pas envie de vous en dire plus, ça risquerait de vous gâcher le plaisir de la découverte. Sachez juste que la fin est en effet très belle et très triste mais elle représente assez bien ma conception de l’existence. Comprenne qui pourra…

Avec tout ça, j’ai deux BD du mercredi chez Mango aujourd’hui. Première fois que ça m’arrive et c’est pas près de se reproduire. Mais je ne regrette pas, je me répète, ça valait la peine. Merci Noukette !

Mélodie au crépuscule de Renaud Dillies. Paquet, 2006. 78 pages. 15,50 euros.









Manolis - Allain Glykos et Antonin

1923. Suite à la défaite des armées grecques face aux troupes de Mustafa Kémal, des centaines de milliers de grecs vivant sur la côte ouest de la Turquie furent expulsés vers leur mère patrie. Un déplacement de population massif effectué à marche forcée et qui laissa sur le carreau nombre de réfugiés. Ayant tout perdu au moment de leur départ ces réfugiés durent de plus, une fois de retour en Grèce, affronter les réactions hostiles de la population locale qui ne les considérait pas comme des compatriotes mais voyait plutôt en eux des immigrés. Une intégration difficile voir impossible et des conditions de vie extrêmement précaires ont longtemps fait de ces Micrasiates (Grecs d’Asie Mineure) des parias dans leur propre pays.

Ce roman graphique raconte l’histoire de Manolis, enfant grec né en Turquie et frappé de plein fouet par « la grande catastrophe ». Séparé de ses parents et de ses frères au moment de monter sur le bateau devant les ramener en Grèce, le jeune garçon reste sous la protection de sa grand-mère. Ensemble ils vont connaître bien des épreuves et échouer dans une ville du Péloponnèse où personne ne fait grand cas d’eux. Placé un temps en famille d’accueil, Manolis apprend que les membres de sa famille sont en Crète. Décidé à les rejoindre coûte que coûte, il part seul pour Athènes afin d’embarquer dans le port du Pirée…

Voila une fois encore un album qui entremêle la petite et la grande histoire. Personnellement j’ai préféré m’attarder sur l’aspect individuel du destin de Manolis plutôt que sur l’universalité de la réflexion concernant les ravages de la guerre. Ce récit d’exil et d’initiation à hauteur d’enfant est simple et touchant, sans excès de pathos. Il est intéressant de constater qu’en grandissant le gamin au départ un peu perdu se forge une identité forte et pose un regard lucide et déterminé sur son avenir.

La narration, surtout dans les premières pages m’a fait penser à la très jolie série « Marzi » de Sylvain Savoia et Marzena Sowa. Graphiquement, on sent l’influence de Craig Thompson mais aussi du Sergio Salma de « Marcinelle, 1956 » (surtout à cause de l’encrage épais et charbonneux).

Tout en émotion et en retenu, ce destin individuel pris dans le tourbillon de l’histoire permet de mettre en lumière un épisode tragique sans doute trop peu connue sous nos contrées. Une belle réussite.

Manolis d’Allain Glykos et Antonin. Cambourakis, 2013. 190 pages. 20 euros.












mardi 27 août 2013

Encore un Award !


Chic, un tag, il y avait longtemps. Cette fois-ci c’est L’irrégulière qui a eu la gentillesse de penser à moi et qui m’a décerné cet Award. Sincèrement touché par sa démarche, je vais me plier à l’exercice de bon cœur mais je préfère prévenir tout de suite que si d’autres venaient à avoir la même idée, je serais obligé de décliner. D’une part parce que ma vie n’est pas assez palpitante pour que je trouve à chaque fois des choses à raconter et d’autre part parce qu’il va m’être difficile de dénicher 15 « victimes » pas encore désignées par d’autres…

Le principe est simple :
Afficher le logo de cet award en tête du billet ; remercier la blogueuse/le blogueur qui vous l’a décerné ; lister 7 points sur soi ; nominer 15 autres blogueurs méritants ; les prévenir que vous avez pensé à eux.

J’ai déjà rempli haut la main les deux premières conditions ci-dessus alors j’enchaîne avec 7 choses me concernant, entre le sans intérêt et le parfaitement lamentable. Tout moi quoi…

- Je n’exclus pas entièrement le fait de devenir un jour ou l’autre l’égal du Dr March.
- Attention scoop : j’adore ce bébé.

- Non, je n’ai jamais vu Dirty Dancing et j’en suis fier.
- On a promis à Pépette n°1 qu’on l’emmènerait à Londres visiter les studios Harry Potter l’an prochain. Si vous avez des bons plans pour les hôtels ou des infos diverses et variées sur la question, je suis preneur.
- Plus jamais je ne dormirai tout nu dans une chambre infestée de moustiques. Certaines parties de mon anatomie sont vraiment trop sensibles aux piqûres. Résultat, quelques séances de grattage intempestifs certes incontrôlables mais visuellement tout sauf glamour.
- J’ai vu "Les schtroumpfs 2" au cinéma il y a peu et je n'arrive pas à m'en remettre. C’est sans doute l’une des pires horreurs commises par le cinéma d’animation ces dernières années. La vie de parent n’est pas facile tous les jours.
- J’ai développé cet été une passion aussi soudaine qu’inattendue pour les shorts en jean. J’ai eu l’impression d’en voir partout. Quand on y pense, c’est un des rares accessoires qui, en fonction de celle qui le porte, peut être extrêmement sexy ou totalement vulgaire et j’avoue que ça me fascine…

Voila, voila, je vous avais prévenu…

Pas facile de trouver 15 blogueurs / blogueuses, entre ceux qui vont être sollicités plus souvent qu’à leur tour et que je ne voudrais pas embêter à nouveau et ceux qui ne répondent jamais aux tags… Pour faire simple, j’ai mis des tas de noms qui me tiennent à cœur dans un grand chapeau et voila ce que ça donne :

Mo’
Cristina
manU
Nahe
Un chocolat dans mon roman
Aaliz
Athalie
Marie
Choco
Soukee
In Cold Blog
Canel
Philisine Cave
Le petit carré jaune
Un autre endroit

Voila, je pense avoir joué le jeu. A qui le tour ?