A Topaz, Kozan est le vendeur le plus redoutable. Et le plus admiré. Quand un groupe suisse débarque ce jour-là, il jette son dévolu sur Gérard, sa femme et leurs deux filles, une famille d’agriculteurs venus de Suisse. « Vous savez, nous n’achèterons rien. Ne perdez pas votre temps avec nous ». Kozan entend la remarque de Gérard mais elle glisse sur lui comme l’eau sur les plumes d’un canard. Car il sait que ce discours volera bientôt en éclats, car il sait qu’il a quatre heures devant lui pour conclure une vente. Ou plusieurs. Pour des milliers d’euros, voire des dizaines de milliers d’euros. Car il est sûr de sa force de persuasion, de son argumentaire infaillible, des atouts qui débordent de sa manche. Il fait donc servir aux Suisses leur premier verre de raki. Le premier d’une longue série devant permettre à chacun de se détendre.
Je me réjouissais à l’idée de découvrir la plume d’Hakan Günday, prix Médicis étranger l’an dernier et enfant terrible de littérature turque. Pour le coup, la déception a été à la hauteur de mes attentes. Que de cynisme dans ce portrait au vitriol des vendeurs d’Antalya. Des vendeurs drogués et obsédés sexuels qui ont l’argent pour seule religion, des menteurs invétérés, imaginant les scénarios les plus tordus pour parvenir à leurs fins, prêts à écraser les collègues pour prendre en charge les pigeons les plus prometteurs. J’ose espérer que le tableau dressé relève de la grossière caricature, même s’il y a forcément du vrai dans tout ça.
Ma déception vient également du fait qu’il ne se passe finalement pas grand-chose dans ce roman. On assiste à la visite du groupe suisse, on voit quelques vendeurs à l’œuvre en se focalisant sur Kozan. Et après ? Rien. Des personnages détestables, tous sans exception, qu’ils soient clients ou commerçants, et une pirouette finale où l’on nous fait le coup de l’arroseur arrosé, que je n’avais pas vu venir mais qui ne m’a pas convaincu.
Günday multiplie les aphorismes, les déclarations péremptoires. Il tire à vue sur le consumérisme, le tourisme de masse et le comportement de ses compatriotes. Mais je trouve le procédé un peu facile, sauf à considérer son texte comme une énorme farce. Et puis trop d’aphorismes tue l’aphorisme. Exemples :
« Chacun sait qu’il faut soutirer son fric au touriste, d’une façon ou d’une autre. Celui-ci, par définition, est tenu d’acheter. Sinon ce n’est pas un touriste mais un envahisseur étranger. »
« Le tourisme est édifié sur des stéréotypes nationaux. Ses fondations sont donc des plus solides. »
« Dans le tourisme, la propriété à vie n’existe pas. Tout se loue et change de mains, y compris l’estime. »
« Le tourisme, c’est l’art de vendre des mirages. »
« Un vendeur est une personne qui ne pose que des questions auxquelles la réponse est oui. »
Il y en a comme ça toutes les deux ou trois pages. A force, ça lasse…
Un roman qui m’a crispé et agacé. Une première ratée donc. Mais il y a chez cet auteur un petit quelque chose d’irrévérencieux qui me pousse à lui offrir une seconde chance. Pourquoi pas avec son prix Médicis, dès qu’il sera sorti en poche.
Topaz d’Hakan Günday. Galaade, 2016. 230 pages. 22,50 euros.
Oh là là. Une vraie déception. J'avais repéré "Encore" et celui-ci, mais ma découverte de la jeune littérature turque devra encore attendre! Et je plussois: trop d’aphorismes tue l’aphorisme!
RépondreSupprimerUne déception, c'est clairement ça.
Supprimeroups ! mais je te confirme qu'à Antalya, ça doit bien se passer ainsi : il n'y a pas un autre souk où je me sois sentie aussi agressée que celui-là !
RépondreSupprimerDommage pour le ratage de lecture ! Au suivant !
Je n'y suis jamais allé alors je ne peux pas juger.
SupprimerJe voulais aussi découvrir l'univers de cet auteur. Je vais moi aussi attendre la sortie poche de Encore.
RépondreSupprimerC'est sans doute plus raisonnable.
Supprimerj'ai quelques souvenirs de souks désagréables mais là voir que ton attente est à la hauteur de ta déception.. et puis je ne suis pas fan des aphorismes et comme tu le dis, ça finit par être trop facile :-)
RépondreSupprimerEn général j'aime bien les aphorismes, mais il faut qu'ils soient distillés avec parcimonie.
Supprimertu as encore fait chou blanc?! Dommage!
RépondreSupprimerça fait partie du jeu ;)
SupprimerEn voilà un que je ne regretterai pas de ne pas lire...
RépondreSupprimerC'est clair.
SupprimerJ'en avais entendu beaucoup de bien. J'ai eu l'impression encore plus négative à Istanbul que ce que tu cites de ce livre. Le grand bazar d'Istanbul est le pire endroit que j'ai vu de ma vie. On sent tellement que deux mondes se côtoient en se méprisant mutuellement.
RépondreSupprimerPas demain la veille que j'irai traîner là-bas.
SupprimerEt bien ! On ne peut pas dire que tu donnes envie !
RépondreSupprimerPour ma part, je n'avais pas accroché avec Encore, que je n'avais pas terminé.
Ah mince, tu me refroidis là !
SupprimerComme Luocine, j'ai ressenti la "prédation" (insupportable) à Istanbul mais pas à Antalya où j'ai passé 15 jours (ça remonte tu me diras, ça a pu changé). Cela dit, ce que tu en dis ne m'attire pas du tout ! Son Médicis peut-être...en espérant que ce ne soit pas la même veine côté style ! ;)
RépondreSupprimerIl faut espérer, oui.
SupprimerBon et bien je te fais confiance et je passe mon chemin ^^
RépondreSupprimerTa confiance m'honore ;)
SupprimerBon, et bien enfin un livre que je ne noterai pas chez toi. Ma PAL te dit merci !
RépondreSupprimerPas de quoi ;)
SupprimerOh mais ça disait bien ça, un roman turc qui dresse en quelque sorte un portrait féroce des vendeurs de marché et du tourisme, mais bon, les aphorismes à gogo, je crois que je ne supporterai pas ça très longtemps non plus...
RépondreSupprimerC'est clair, je me rappelle de ton accueil glacial avec ceux de Stefansson :p
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