lundi 4 juillet 2016

Les enfants du jaguar - John Vaillant

« Et que peux-tu faire d’autre qu’attendre des inconnus en qui tu n’as pas confiance, et t’en remettre à eux pour te conduire dans un endroit où tu n’es jamais allé […] et où tu es censé refaire ta vie car l’ancienne est fichue, tu ne sais pas comment la réparer sauf en partant comme tout le monde, en t’exilant dans un pays lointain où on mange mal, où il fait froid et où les gens te déteste. »

J’annonce d’emblée aux claustrophobes que ce roman n’est pas pour eux. On y passe en effet quatre jours avec des clandestins mexicains enfermés dans un camion-citerne en panne, abandonnés par leurs passeurs aux portes du désert. Des passeurs qui leur ont extorqué leurs derniers pesos, prétextant avoir besoin de liquidités pour chercher du secours et réparer le camion. Sans réseau pour les téléphones, sans aucune possibilité de s’échapper, avec des réserves d’eau insuffisantes, ils attendent que l’on vienne les libérer. Mais peu à peu l’espoir s’amenuise, le confinement et la chaleur rendent l’air irrespirable, la tension monte, l’abattement et le désespoir se répandent, la tragédie prend forme…

Hector fait partie des clandestins. Avec un téléphone portable, il enregistre une longue confession qu’il espère pouvoir envoyer à une hypothétique interlocutrice américaine. En plus de lui décrire la situation infernale dans la citerne, il raconte au fil des heures son parcours, celui de son père et de son grand-père, traçant peu à peu la destinée de générations fascinées par un exode vers « el Norte ».

Pour être honnête, le coup du téléphone, j’ai eu du mal à y croire. D’abord, la durée de vie de la batterie m’a interpellé. Ensuite, le niveau de langue de ce clandestin, surtout si l’on considère qu’il s’exprime à l’oral, est bien trop soutenu pour être crédible. Mais une fois cet artifice narratif improbable accepté, la réalité effroyable vous saute à la gorge et le récit vous marque au fer rouge. L’histoire familiale est touchante, les réflexions sur l’immigration font mouche tandis que la réalité de l’enfermement  apparaît aussi hypnotique qu’horrible : la soif, l’obscurité, les odeurs pestilentielles, la lutte pour la survie, les moisissures que l’on lèche sur les parois du camion pour trouver un soupçon d’humidité, la folie qui s’empare de chacun, etc.

Un roman qui dénonce l’abomination du trafic de migrants, met en lumière les motivations de ces derniers  et décrit l’instinct de survie qui anime l’être humain lorsqu’il est confronté à une situation de désespoir extrême. Aussi essentiel qu’insoutenable.

Les enfants du jaguar de John Vaillant. Buchet Chastel, 2015. 320 pages. 21,00 euros.




20 commentaires:

  1. Tu viens de me faire découvrir un roman qui semble troooop bon! Totalement dans ma palette de lecture! Merci merciii!

    Megan de La Page Ouverte

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  2. Je suis claustrophobe mais pas par personnage interposé ! Je devrais pouvoir le lire, il me tente.

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  3. l'exil forcé que ce soit pour des raisons économiques ou de guerres est toujours une tragédie sur laquelle surfe les bandits les plus sordides. Pour lire ce roman, il me faut l'assurance que l'auteur ne fait pas dans le sensationnel pour assurer la vente et donc s'enrichir car cela ferait alors un scandale de plus sur le dos de pauvres gens qui n'ont pas d'autres choix que de de frapper aux portes de pays qui ont de plus en plus de mal à les accueillir dignement.

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    1. Je te rassure, il n'y a aucun sensationnalisme dans ce roman.

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  4. Je l'avais repéré, il me tente bien :)

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  5. Brrr, le thème m'intéresse, j'ai encore en mémoire l'excellent America de T.C. Boyle, mais l'enfermement me fait reculer... pour le moment.

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  6. Je suis toujours très attentive lorsque ce thème est abordé en littérature... Je note !

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  7. Aaah je pense que ça pourrait vraiment me parler là, côté thématique, en plus le scénario a l'air plutôt bien ficelé, l'atmosphère bien rendue. Juste dommage pour tes deux bémols (invraisemblance de la durée du coup de tel et du niveau de langue du clandestin), moi ça joue beaucoup ces 2 aspects, les grumeaux dans la pâte quoi, mais bon, en étant prévenu, le désagrément sera peut-être moindre. A voir donc.

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    1. Les grumeaux se sentent à peine au finale et ne rendent pas du tout l'ensemble indigeste ;)

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  8. Le thème me plait. J'espère que je pourrai rester dans la citerne avec le narrateur, car je suis claustro !!

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  9. Insoutenable ? N'en dit pas plus, je fuis.

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  10. Pas certaine d'avoir envie de ça en ce moment mais tu le vends bien...!

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