Une fois n’est pas coutume, je vais commencer mon billet par
une petite revue de presse. Voila par exemple ce que j’ai trouvé dans
« Lire » à propos de ce roman : « Moisson est un conte
noir, dont la puissance est dissimulée sous les épis de blé, les bottes de
foin, les réserves de chaumes, et au-dessus duquel le ciel menace sans
cesse. […]Moisson, c’est le feu du western qui arrive dans un roman
naturaliste. […] Par un phrasé ample, tout à la fois psychologique et abstrait,
chamanesque pour un peu, Crace tient son lecteur en apnée. […] Intemporel,
Moisson est un des très grands moments de l’automne littéraire cette
année ».
Et dans le Monde des livres : « Crace est un
ménestrel. Il chante les temps d’avant la croissance mythique et s’interroge
sur la moisson de la modernité. […] Il faut lire Crace, un écrivain poétique,
politique et puissant. Un fabuleux fabuliste ».
Bon, alors de deux choses l’une : ou bien je suis un
parfait abruti (hypothèse à ne pas écarter totalement, je vous le concède), ou
bien ces critiques professionnels en font des caisses pour un roman qui ne
casse pas trois pattes à un canard. La réalité doit sans doute se trouver
quelque part entre ces deux possibilités.
Par rapport à l’article du monde, je ne retiendrais que l’aspect
politique de l’œuvre. Parce que perso, je n’y ai rien vu de poétique ni de puissant.
Quant au feu du western qui arrive dans un roman naturaliste dont parle
« Lire », je me demande si on a lu le même livre. En tout cas je n’ai
pas été tenu en apnée une seule seconde.
Mais au fait, de quoi il parle ce roman ? D’une petite
communauté agricole de soixante âmes isolée du reste du monde et vivant en
totale autarcie. On ne sait pas où elle se trouve, on ne sait pas quand
l’action se déroule. Ce pourrait être le Moyen âge, ce pourrait être le 19ème
siècle préindustriel. En fait, le fonctionnement du village au fil des saisons
a tout de féodal. Le narrateur raconte l’arrestation de trois étrangers après
un incendie ayant touché une partie du manoir du seigneur Ken. Accusés sans preuve,
les deux hommes sont cloués au pilori et la femme parvient à s’échapper.
Quelques jours plus tard apparaît maître Jordan, nouveau propriétaire des lieux
voulant remplacer les cultures par l’élevage de moutons et faire basculer cette
« bulle » hors du temps vers le progrès, vers le capitalisme de
marché. Ces deux événements à priori sans rapport vont précipiter l’éclatement
de la communauté.
Clairement, je me suis ennuyé. Le narrateur loue les vertus
de la nature triomphante, de la
simplicité du travail de la terre. Il y a de longues descriptions des
activités agricoles, des champs et des bois qui ont eu sur moi un effet
soporifique indéniable. Après, je reconnais qu’il y a une forme de tension
assez prenante par moment, que l’aspect intemporel donne une dimension
mystérieuse et universelle au récit, que l’évidente allégorie dénonçant la
mondialisation et le propos politique sous-jacent (notamment le racisme lié au
repli sur soi) sont finement amenés. Mais de là à en faire « un des très
grands moments de l’automne littéraire cette année », il y a un fossé, un
énorme fossé, que je me garderais bien de franchir.
Moisson de Jim Crace. Rivages, 2014. 266 pages. 20,00 euros.
C'est comme au cinéma, l'écart entre les critiques professionnels et le spectateur-lecteur lambda est souvent abyssal. Ils surévaluent souvent ce qu'ils critiquent ou alors à l'inverse ils assassinent sans nuances. Je ne tiens plus compte des critiques depuis longtemps, je me fie plus à mon instinct ou aux blogs.
RépondreSupprimerMoi je continue à lie les critiques "professionnelles" parce que j'aime bien les confronter à mon propre point de vue (qui n'est pas toujours divergent d'ailleurs).
SupprimerEt bien, tu n'es pas très content aujourd'hui !
RépondreSupprimerIl y a des jours comme ça ;)
SupprimerCe ne sera pas la première fois que les critiques presses encensent un livre canard à trois pattes ;-) Au moins, je sais que je ne le lirais pas.
RépondreSupprimerCanard à trois pattes, pour moi uniquement. Mon avis peut être discutable lui aussi.
Supprimertu as trouvé : le pourquoi du succès des blogs: Nous lisons des livres que nous choisissons en les achetant ou en les empruntant , aucune maison d'édition ne nous les envoie avec un petit mot d'accompagnement. Et ça change tout, nous pouvons tout dire nous n'engageons que notre humeur du moment.
RépondreSupprimerJe le sais car lorsque deux ou trois fois j'ai reçu un livre par un éditeur je ne ressens pas ce plaisir de me laisser aller à ms propres sensations même si elles sont injustes. J'ai totalement abandonné la presse et les critiques dit spécialisés.
Moi j'en reçois de temps en temps de la part des éditeurs mais je les lis avec la même liberté de jugement que quand je les achète. je serais incapable de faire autrement de toute façon.
SupprimerDepuis "Freedom" et je ne sais plus quelle rentrée littéraire où ce livre a été encensé à tel point que comme toi, je me suis demandé si j'avais lu le même livre, depuis ÇA, je lis les critiques mais je n'en tiens absolument pas compte, me fiant aux blogs amis... c'est plus sûr... Cette histoire de Quakers avait pourtant l'air tentante comme ça ! :)
RépondreSupprimerL'histoire est très tentante et au départ j'ai même pensé avoir déniché une pépite, c'est dire.
SupprimerLes critiques professionnels en feraient-ils des caisses ?
RépondreSupprimerIls peuvent aussi en faire des caisses sincèrement. Il m'est arrivé de partager leur enthousiasme.
SupprimerJe ne lis pas les critiques professionnelles écrites. J'écoute sur France Inter où ils discutent du livre, je préfère.
RépondreSupprimerQuant au livre, je passe
Moi je n'écoute jamais la radio. Un tort sans doute.
SupprimerAu moins avec ce livre on aura profité de ton billet bien mené et tellement vrai sur la valeur des critiques professionnelles .
RépondreSupprimerMerci du compliment ;)
SupprimerUn livre vers lequel je ne me serais pas précipité vu la thématique, et même les éloges presse. Bon, ce n'est pas ton bllet qui change la donne. Tant mieux.:-)
RépondreSupprimerTant mieux pour toi comme tu dis. Je m'en voudrais d'alourdir ta PAL ;)
Supprimerbbbbrrrrr voilà qui est clair et ne donne aps envie... cela dit pour être honnête il m'est arrivé d'avoir le même souci avec des bouquins qui plaisent sur plein de blogs... quand ça veut pas, ça veut pas...
RépondreSupprimerça m'est arrivé à moi aussi. Heureusement que les avis sont parfois contraires, ce serait triste sinon !
SupprimerOh dommage si tu t'es ennuyé mais j'aimerais bien le lire :)
RépondreSupprimerJe pense sincèrement qu'il peut plaire à beaucoup de lecteurs.
SupprimerExcellente ta critique ! Il m'arrive aussi de ne pas apprécier un livre ou un film encensé par la critique professionnelle, et je me sens alors très "con". Il y a parfois un peu de prétention dans certains articles... et ça me plait que tu le soulignes ! Je ne lirai donc probablement pas ce roman.
RépondreSupprimerMoi je ne me sens pas con du tout, je me dis juste que je ne suis parfois pas sur la même longueur d'ondes.
SupprimerBon ne m'en veux pas mais je me suis arrêtée à : "qui ne casse pas trois pattes à un canard" ! ;-)
RépondreSupprimerJe te comprends ;)
Supprimerben moi ça me donne envie, tiens (juste pour essayer, quitte à abandonner assez rapidement)
RépondreSupprimerC'est un univers qui te plairait je pense.
Supprimerça c'est dit ... je passerai donc mon tour, les critiques ont parfois étonnantes
RépondreSupprimerDisons que je les trouve parfois un peu trop enthousiastes
SupprimerPareil que vous, rien de plus à rajouter!
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