Foenkinos a découvert la peintre Charlotte Salomon à l’occasion
d’une exposition de ses toiles à Hambourg : « Ce fut immédiat. Le
sentiment d’avoir enfin trouvé ce que je cherchais. » Depuis, la vie de
cette femme est devenue son obsession et il a ressenti le besoin de mener l’enquête,
de reconstituer son parcours, de la suivre pas à pas. Née en 1917 dans une
famille juive de Berlin, Charlotte perd très tôt sa mère. Adolescente
introvertie, hantée par les suicides qui frappent les siens à chaque
génération, elle se découvre une passion pour la peinture qui ne la quittera
plus. Fuyant l’antisémitisme après la
Nuit de Cristal fin 1938, elle rejoint ses grand-parents à Villefranche-sur-Mer.
C’est là qu’entre 1940 et 1942 elle réalisera quelques centaines de gouaches
rassemblées sous le titre « Leben ? Oder Theater ? » (Vie ?
ou Théâtre ?), aujourd’hui exposées au musée juif d’Amsterdam. Dénoncée,
arrêtée, déportée à Drancy puis à Auschwitz, elle meurt dans les chambres à gaz à
l’âge de 26 ans, enceinte de cinq mois.
Par contre, j’ai aimé que Foenkinsos se justifie, qu’il assume son parti-pris formel : « Pendant des années, j’ai pris des notes. J’ai parcouru son œuvre sans cesse. […]. J’ai tenté d’écrire ce livre tant de fois. Mais comment ? […] Quelle forme mon obsession devait-elle prendre ? Je commençais, j’essayais, puis j’abandonnais. Je n’arrivais pas à écrire deux phrases de suite. Je me sentais à l’arrêt à chaque point. Impossible d’avancer. C’était une sensation physique, une oppression. J’éprouvais la nécessité d’aller à la ligne pour respirer. Alors j’ai compris qu’il fallait l’écrire ainsi. » Point de coquetterie donc, une vraie sincérité, une certaine pudeur aussi.
Je trouve donc la démarche de l’auteur touchante mais ce minimalisme, cette volonté d’en dire le moins possible pour aller à l’essentiel m’a beaucoup trop laissé à distance. Le style télégraphique fini par être d’une froideur clinique et ne laisse aucune place à l’émotion. Tout l’inverse de ce qu’a par exemple fait Valentine Goby avec Kinderzimmer et que j’ai tant aimé. Je ressors donc ni véritablement déçu ni totalement convaincu. On sent l’œuvre portée par l’auteur pendant des années et son besoin quasi viscéral de la coucher enfin sur le papier pour, quelque part, s’en libérer. Mais du strict point de vue de la lecture et de la petite musique des mots, il ne m'a donné aucun plaisir.
Charlotte de David Foenkinos. Gallimard, 2014. 220 pages. 18,50 euros.
Une nouvelle lecture commune que je partage, une fois de plus, et c'est toujours le même plaisir, avec Noukette.
Les avis de Blablablamia, Laure, Laurie, L'irrégulière, Mango, Sandrine, Unchocolatdansmonroman
J'aime que vos avis soient si différents et qu'ils aient cependant des points d'achoppement. Je vais le lire, il est dans ma liseuse et je suis très curieuse. Moi, j'ai lu trois autres romans de lui. Et j'aime beaucoup son humour. Certains disent qu'il n'a pas de plume... qu'il écrit des trucs sirupeux (cf. La délicatesse). Moi, il a su me faire rire, pleurer. Et je trouve qu'on reconnaît sa plume, qu'on l'aime ou non.
RépondreSupprimerMerci pour ton billet
Rien de sirupeux dans ce roman en tout cas. Pour le reste, c'est une question de ressenti, comme toujours.
SupprimerJe dois être une extrémiste car je n'ai rien senti des intentions de l'auteur parce que ce style dont tu parles m'a hermétiquement bloquée à tout le reste...
RépondreSupprimerça ne fait pas de toi une extrémiste, c'est juste que tu n'as pas passé la barrière du (non)style.
SupprimerJe pense le lire, mais pas tout de suite, et c'est le premier roman de D. Foenkinos que j'ai envie de lire. L'auteur semble vraiment sincère et honnête dans sa démarche comme tu le soulignes avec l'extrait que tu donnes, il ne donne pas l'impression de l'avoir écrit de cette manière pour faire parler de lui, et rien que pour ça, je le lirai.
RépondreSupprimerSincère et honnête, je crois qu'il est impossible d'en douter.
Supprimervisiblement la forme de ce roman est la pierre d'achoppement, ça me rendrait curieuse tiens :-)
RépondreSupprimerC'est un choix formel qui ne laisse pas insensible en tout cas.
SupprimerJ'ai aimé lire La Délicatesse et quelques autres titres mais j'ai fini par me lasser de Foenkinos. C'est dommage.
RépondreSupprimerTu y reviendras peut-être.
SupprimerPas très envie à cause de cette époque que je ne lis pas. Je le feuillèterai quand Mister B le lira...
RépondreSupprimerCe n'est pas non plus l'époque que je préfère, en littérature ou ailleurs.
SupprimerLe style pourrait me déplaire même si je me sens intéressée par l'histoire de cette peintre...
RépondreSupprimerA toi de voir si tu te laisses tenter ou pas.
SupprimerJ'ai très peur de la forme choisie par Foenkinos pour porter son histoire et ton billet n'est pas là pour me rassurer. Mais c'est vrai que l'on sent une grande sincérité dans sa démarche à chaque fois qu'il en parle. On verra si son livre croise ma route ou non.
RépondreSupprimerS'il croise ta route, tu pourras te faire ta propre opinion.
Supprimersa passion m'a beaucoup touchée à LGL, le sujet m'intéresse beaucoup, je me souviens de l'exposition Charlotte Salomon au MAHJ en 2006. Je note tes réserves, et me ferai mon propre avis dans les semaines qui suivent, c'est un roman que je compte lire très bientôt
RépondreSupprimerTant mieux si tu le lis bientôt, je me demande ce que tu vas en penser.
SupprimerC'est un de mes coups de coeur de cette rentrée !
RépondreSupprimerEt je peux tout à fait le comprendre.
SupprimerFoenkinos est un auteur qui ne m'attire pas du tout, peut-être parce qu'il est trop médiatisé et qu'on en entend trop parler, j'ai comme un ras-le-bol. ( ça me fait pareil avec Tatiana De Rosnay, Delphine De Vigan, Emmanuel Carrère et plein d'autres ...)
RépondreSupprimerEt après avoir lu la critique de Sandrine et vu ce que tu dis sur le style, je sais déjà que je ne lirai jamais ce titre-là s'il m'arrivait de vouloir lire cet auteur.
C'est sûr que pour être médiatisé, il l'est, et pas qu'un peu !
SupprimerAïe Aïe Aïe c'est bien ça qui me faisait peur : le style et malgré que là il soit "habité", sincère, qu'il ait tout donné ! La délicatesse m'avait copieusement agacée mais j'ai un ami qui est fan (nul n'est parfait) et je lui ai promis de lire celui-ci, parce que je ne suis pas obtuse (lalala, grandes orgues) et que j'aime aussi laisser des secondes chances... mais bon, ce que tu en dis ne me rassure pas...
RépondreSupprimerApparemment, c'est très différent de ce qu'il a fait avant, alors qui sait...
SupprimerTu confirmes mon manque d'envie de le lire.
RépondreSupprimerJe crois qu'il t'agacerait beaucoup.
SupprimerRien qu'à lire tes commentaires sur l'absence de style et d'émotion, je sens que ce bouquin n'est pas pour moi. Et comme j'ai plein d'autres tentations par ailleurs, je ne vais pas me forcer.
RépondreSupprimerTu as bien raison de ne pas te forcer. maquerait plus que ça !
SupprimerComme toi j'ai beaucoup aimé Kinderzimmer, j'ai donc trop peur d'être déçue... et puis de toute façon, ce n'est pas pour moi en ce moment !
RépondreSupprimerAlors passe ton tour sans regret ;)
SupprimerJe n'ai jamais eu envie de lire Foenkinos, sauf cette fois-ci, parce qu'il a le mérite de sortir cette artiste de l'ombre. J'entends les réserves sur la forme, ailleurs que chez toi également. Je le prendrai à la bibliothèque pour me faire une idée.
RépondreSupprimerRien de tel que de se faire sa propre idée ;)
SupprimerTu as lu deux des aspirants au Prix Goncourt ! C'est marrant parce que tout ce que tu dis, c'est ce que je pressentais de ce roman d'après tout ce que j'en ai lu... du coup, vu tout ce qu'il y a de passionnant à découvrir, je n'ai pas très envie de tester...
RépondreSupprimerJ'ai lu deux romans qui ne l'ont finalement pas gagné. Mais c'est bien le dernier de mes soucis.
SupprimerMalgré les avis élogieux déjà lus, j'ai toujours eu une réticence, déjà parce que je n'aime pas son style, ou son non style ... Et de deux, parce que je trouve qu'il surfe sur une mode ... Kinderzimmer qui rencontre un joli succès, puis tiens celui-ci sur un thème assez similaire ... Pff.
RépondreSupprimerJe ne sais pas s'il surfe sur la mode, je crois qu'il portait ce livre en lui depuis des années. Mais c'est une période de l'histoire très présente en littérature en ce moment, tu as raison.
Supprimerouhhh qu'est-ce que je ne l'aime pas cet auteur! J'avais détesté La délicatesse!
RépondreSupprimerEt moi je n'ai pas du tout envie de lire ses romans précédents.
SupprimerLe duo Noukette-Jérôme est toujours aussi convaincant !
RépondreSupprimerEt pourtant nos avis sont finalement assez différents sur ce coup-là.
SupprimerJe le testerai bien quand même ...
RépondreSupprimerEt tu aurais raison de le faire ;)
SupprimerC'est marrant, moi j'ai aimé cette mise à distance qu'impose le style choisi (ou non-style peu importe...) J'ai aimé ce roman, je persiste, c'est un bon roman... Quoi qu'on en dise ! ;-)
RépondreSupprimerEt tu as bien raison de persister. J'ai adoré ton billet, même si je ne partage pas tout à fait ton point de vue.
SupprimerJe le lis juste au dessus, et je suis comme Noukette, j'ai aimé aussi cette mise à distance, et je pense que c'est des une raison pour lesquelles, j'ai plongé dedans avec autant de régal. J'insiste aussi pour mon coup de coeur, c'est quand même un bon livre ! :-)
RépondreSupprimerTu n'es pas la seule à en avoir fait un coup de cœur et tu as bien raison de le revendiquer.
SupprimerEn général j'apprécie cet auteur ùais pourtant ce livre ne me tente pas plus que ça!
RépondreSupprimerIl est très différent de ce qu'il fait d'habitude d'après ce que j'ai compris.
SupprimerPas du tout tentée, pourtant je n'ai rien de particulier contre l'auteur. J'avais lu et plutôt bien apprécié La délicatesse, mais j'ai l'impression que ça me suffit.
RépondreSupprimerAlors tu peux en rester là, tu trouveras bien autre chose à lire de toute façon (Le soleil des Scorta par exemple...).
SupprimerPas tentée non plus, malgré le thème : l'écriture de Foenkinos m'agace terriblement. Sans parler du personnage...
RépondreSupprimerJe ne connais rien du personnage mais son écriture, sur ce texte-là, ne soulève chez moi aucun enthousiasme.
SupprimerJe n'ai pas lu Valentine Goby car justement j'ai très "peur" de cette période en lecture, je crois donc que l'écriture simple de Foenkinos dans ce livre (d'autant qu'il la justifie bien) qui met à distance le lecteur m'a convenu pour cette raison mais je comprends bien ton point de vue, intéressant de lire cela...
RépondreSupprimerLa mise à distance était le meilleur procédé selon lui, je respecte son choix, même s'il ne me convient pas vraiment.
Supprimermoi j'ai aimé pour la découverte de Charlotte Salomon , son style ne m'a pas géné et j'aime bien la façon dont tu en parles. C'est très honnête.
RépondreSupprimerPar contre je n'ai pas du tout aimé Kinderzimmer , comme quoi!
Comme quoi, tous les goûts sont dans la nature et c'est tant mieux ;)
SupprimerOui c'est exactement ce qui me retient : le style. J'aime rarement (à part chez Bernheim peut être) le sujet/verbe/complément.
RépondreSupprimerEn revanche la trajectoire de Charlotte me tente quand même (en plus ça se passe chez moi), mais il va pouvoir attendre un peu, il y a dans tes bémols quelque chose de rédhibitoire...je vais laisser reposer tout ça.
Tu peux attendre la tranquillement la sortie en poche pour te faire ta propre idée.
SupprimerJ'ai lu de lui "la délicatesse" j'avais apprécié, mais sans aucune envie de relire un autre livre de lui. Pourtant il apparait que ce livre est très différent des sirops qu'il a écrit auparavant. Je pense que je me laisserai faire et le lirai
RépondreSupprimerJe n'ai rien lu d'autre de lui mais il semble en effet que ce texte soit très différent de ce qu'il a fait auparavant.
Supprimeril est dans ma PAL vu plusieurs comm je serai moins surprise sur la forme du coup !
RépondreSupprimerIl se lit très vite, tu peux t'y plonger dès que possible ;)
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