« Surtout, ne lui réclame rien. N'exige que notre dû. Ce qu'il me devait et ne m'a jamais donné... L'oubli dans lequel il nous a laissés, fais-le lui payer, mon enfant. » Juan Preciado promet à sa mère, sur son lit de mort, de retrouver Pedro Paramo, son père qui les a autrefois abandonnés. En route pour Comala, il croise un homme sur un âne qui le mène jusque dans les rues désertes du village. Là, une vieille femme lui apprend que celui qui l'a accompagné est mort depuis longtemps, comme Pedro Paramo, dont il peut distinguer, au loin, les ruines de l'immense propriété. Car le père de Juan était l'homme fort de la région. Cruel, despotique, semant derrière lui autant de morts que d'enfants, il était haï et craint de tous. Au cours de son séjour, Juan va croiser d'autres fantômes, autant d'âmes vagabondes venues lui raconter par bribes l'histoire du village s'entrecroisant avec celle de son géniteur.
Voila un roman d'une infinie complexité tant il bouleverse les codes de compréhension classiques d'un récit de fiction. Juan Rulfo aurait déclaré que son texte nécessite la « coopération » du lecteur. Difficile en effet de suivre le déroulement d'une intrigue sans aucune linéarité, où les différentes temporalités s'enchevêtrent et où les morts et les vivants ne cessent de dialoguer. Pour Carlos Fuentes, « L’œuvre de Juan Rulfo n’est pas seulement la plus haute expression à laquelle soit parvenu, jusqu’à maintenant, le roman mexicain : à travers Pedro Páramo, nous pouvons trouver le fil qui nous conduit au nouveau roman latino-américain. »
Un texte déstabilisant, à prendre selon moi comme une expérience de lecture unique, la découverte d'une construction narrative totalement novatrice. Un texte auquel il ne faut surtout pas essayer de résister mais au contraire devant lequel il est indispensable de lâcher prise pour se laisser entraîner dans les méandres de la mémoire d'un village pauvre et reculé.
Au final il me restera de ce récit polyphonique les voix et les histoires si étranges de personnages en quête, au-delà de la mort, d'une paix intérieure à jamais inaccessible. Troublant et vertigineux.
Pedro Paramo de Juan Rulfo. Folio, 2009. 184 pages. 7,40 euros.
Une découverte que je dois une fois de plus à Marilyne avec qui je partage cette lecture commune.
Merci de m'avoir accompagnée dans ce Mexique. Vertigineux est le mot qui revient. J'ai lu que Juan Rulfo, par ce roman, est considéré comme l'initiateur du réalisme magique que l'on retrouve dans la littérature sud-américaine ( raison de mon choix ), une littérature qui me fascine.
RépondreSupprimerJe ne sais pas s'il est l'initiateur du réalisme magique mais en tout cas il fait partie des grands maîtres du genre !
SupprimerMarilyne et toi m'avez donné envie de découvrir ce roman. Sans être complètement contradictoires, vos regards et vos ressentis sur ce texte sont différents. Une bonne raison pour m’intriguer et susciter mon intérêt.
RépondreSupprimerC'est un texte qui se prête à une multitude d'interprétations.
Supprimerce que tu en dis est intriguant...j'ai peur que ce livre ne soit pas pour moi, mais je tenterai peut-être l'expérience.
RépondreSupprimerPour le coup, c'est vraiment un expérience !
SupprimerJe l'ai quelque part... il y a longtemps, on m'avait proposé de faire une communication dessus, alors que je ne l'avais pas lu, et ça ne m'avait pas emballée... il faudrait que j'essaye à nouveau !
RépondreSupprimerC'est très spécial, je comprends que l'on ne puisse pas adhérer à ce texte.
SupprimerVoilà un classique de la littérature mexicaine, et même latino-américaine. Cette littérature a beaucoup innové dans sa forme au point qu'aujourd'hui, elle paraisse complexe et exigeante parfois. Au-delà du dépaysement et de la magie du réalisme magique, les écrivains latino-américains ont eu une constante volonté de bousculer les structures du récit, et c'est parfois vertigineux...
RépondreSupprimer"Bousculer les structures du récit", c'est exactement ça.
SupprimerC'est curieux, je n'en ai pas du tout gardé le souvenir d'une lecture complexe. Ce dont je me souviens, c'est de son étrange atmosphère, de cet espèce d'univers "entre-deux" où se croisent les fantômes et les vivants, sans que l'on sache vraiment qui sont les uns et les autres...
RépondreSupprimerLa complexité pour moi tenait autant de l'atmosphère étrange que des nombreux interlocuteurs vivants où morts.
SupprimerSe laisser porter par un livre, ne pas lui résister, j'adore ça. Je note
RépondreSupprimerC'est le sentiment que j'ai eu en tout cas.
SupprimerVertigineux et ambitieux mais en tous cas sacrément bien vendu !
RépondreSupprimerQuand j'ai aimé, j'essaie toujours d'assurer un bon service après-vente ;)
SupprimerJe ne crois pas que ce soit pour moi.
RépondreSupprimerA toi de voir, mais il est clair que ce n'est pas un texte qui conviendra à tout le monde.
SupprimerMalgré ton enthousiasme je crois vraiment qu'il est trop complexe pour moi...(j'ai peur de ne pas être une lectrice coopérative)
RépondreSupprimerC'est le risque. Et ça te gâcherais tout le plaisir de la lecture si tu ne parvenais à coopérer.
SupprimerIl a l'air extra !
RépondreSupprimerMoi je l'ai trouvé extra en tout cas.
SupprimerIntéressant, j'aime les textes à la construction originale et qui nécessitent un peu d'effort. Je note !
RépondreSupprimerSi tu aimes ce genre-là, il est fait pour toi.
Supprimertroublant, vertigineux, une expérience de lecture... alors là tu m'intrigues !
RépondreSupprimerC'est tellement surprenant, on ne peut qu'être intrigué !
Supprimer