mercredi 14 mai 2014

Les temps mauvais : Madrid 1936 – 1939 - Carlos Giménez

« De 1936 à 1939, eut lieu en Espagne ce que certains historiens, versés en littérature, ont appelé « la dernière guerre romantique ». Pour ceux qui l’ont vécue, ce fut simplement la guerre. »

Madrid, de 1936 à 1939. Suite au putsch militaire de Franco, la ville est assiégée et les républicains tentent de résister au fascistes. Carlos Gimenez raconte la guerre civile à travers le quotidien d’une famille qui l’a vécue « de plein fouet ». Mr Marcelino, le père, est un socialiste modéré. Entouré de sa femme et de ses trois enfants, travaillant dans un atelier de confection, il va endurer les privations et vivre au milieu de l’horreur et du chaos. Arrestations et exécutions arbitraires, bombardements, famine, maladie, promiscuité, insécurité permanente, rien ne sera épargné aux madrilènes pendant trois ans, jusqu’à la défaite.

Cette intégrale regroupant quatre albums inédits en France se compose d’historiettes de quelques pages. Des tranches de vie  sidérantes de réalisme qui ne glorifient personne mais cherchent à montrer un conflit vécu à hauteur d’homme par une population terrorisée.

Dans un dossier très complet en fin d’ouvrage, l’auteur explique sa démarche : « Je voulais raconter la guerre du point de vue de ceux qui l’ont subie, ceux qui recevaient les bombes et ont connu la terreur, la faim, l’angoisse et la misère. Je voulais raconter la guerre en minuscules, la guerre du quotidien, celle des coulisses, celle de ceux dont on ne parle pas dans les journaux, ni dans les manuels d’histoire. »

Impossible selon moi d’avaler ce pavé d’une traite, il est préférable de procéder par étapes pour éviter l’indigestion et profiter au maximum de la richesse de l’ensemble.

Le dessin en noir et blanc serait davantage adapté à un registre humoristique mais plus on avance dans le recueil et plus on se dit qu’il colle parfaitement au propos. D’ailleurs, un trait plus réaliste aurait sans doute rendu les événements relatés à la limite du supportable.

Il faut aimer le genre, il faut aimer le sujet, il faut accepter d’être sacrément bousculé par l’atrocité du conflit. Mais il faut aussi reconnaître que c’est de la très grande BD historique, une somme d’une rare qualité que j’ai trouvé absolument passionnante.

Les temps mauvais : Madrid 1936 – 1939 de Carlos Giménez. Fluide Glacial, 2013. 240 pages. 35,00 euros.


Un album lu dans le cadre de l’opération « La BD fait son festival » organisée par Priceminister. Et puisqu’il me faut donner une note à ces « Temps mauvais », je leur accorde un 18/20 bien mérité.
















mardi 13 mai 2014

Ce crime - Catherine Leblanc

Une classe de seconde, en l’an 2000. Une blague qui tourne mal et Jonas est poignardé par Romain dans un couloir du lycée. Il ne se relèvera pas.

Dix ans plus tard, les anciens élèves se souviennent. Chacun donne son point de vue. Il y a ceux qui voudraient « rembobiner le film, revenir en arrière, recommencer autrement. » D’autres n’ont toujours pas surmonté le traumatisme alors que certains se sont servis de cet épisode tragique pour avancer. Il y a aussi celui qui, aujourd’hui encore, a l’air de prendre l’affaire à la légère tandis que le prof, lui, ne s’en est jamais remis : « je n’ai pas pu empêcher ça, ce crime. C’est une faute trop lourde à porter. » Les voix se succèdent, la polyphonie souligne à quel point il y avait dans cette classe une tension sous-jacente ne demandant qu’à éclater au grand jour. Un microcosme avec ses clans, ses rois, ses reines et ses victimes désignées, une atmosphère étouffante où les humiliations subies ont fini par devenir insupportables, où la mèche, une fois allumée, a provoqué l’explosion…

Avec les années, la maturité aidant, la réflexion autour du drame, de ses causes et de ses conséquences, est  plus profonde. Les fêlures portées comme un fardeau à l’adolescence resurgissent au fil des souvenirs égrainés et chaque témoignage possède un ton et une force assez remarquable.

Un récit choral poignant et réaliste. Extrêmement court mais d’une redoutable efficacité. De la très bonne littérature jeunesse, en somme.

Ce crime de Catherine Leblanc. Balivernes, 2010. 56 pages. 7,50 euros. A partir de 12 ans.

Une nouvelle lecture commune du mardi que j’ai le plaisir de partager avec Noukette.

Les avis de Clara et Lasardine.



lundi 12 mai 2014

Au secours, j’ai perdu mon slip ! (ou la véritable histoire de Tarzan) - Christophe Loupy et Bérengère Delaporte

Si Tarzan est le roi de la jungle, c’est parce qu’il est le plus beau, le plus fort et le plus rapide, mais c’est aussi et surtout parce qu’il porte un incomparable slip léopard. Alors le jour où son seul vêtement disparaît, le roi de la jungle se trouve fort démuni. Et lorsqu’il découvre ledit vêtement sur les fesses poilues du gorille, il comprend que les animaux ont changé de roi. Mais Tarzan ne s’avoue pas vaincu et il va se confectionner un nouveau slip, bien décidé à reconquérir son trône…

Il est rare de tomber sur un album jeunesse aussi drôle. Il faut dire que je suis très bon public pour les histoires de slip. Et puis ici on a droit à un impayable Tarzan à rouflaquettes que l’on découvre cul-nu au détour d’une page. En même temps, il importe de préciser que ce n’est pas que la fête du slip. On rigole beaucoup mais l’air de rien on parle ici aux enfants de vivre ensemble et c’est joliment amené.

Le dessin est simple, expressif, coloré, et participe grandement à l’ambiance potache de l’ensemble. De la grosse poilade et un message intelligent, voila un album qui va forcement faire mouche auprès du jeune public auquel il s’adresse.

Au secours, j’ai perdu mon slip ! (ou la véritable histoire de Tarzan) de Christophe Loupy et Bérengère Delaporte. Marmaille et Compagnie, 2014. 32 pages. 12,00 euros. A partir de 4-5 ans.

Les avis de Leiloona et Mya Rosa.



samedi 10 mai 2014

Un ciel rouge, le matin - Paul Lynch

Dans l'Irlande du 19ème siècle, Coll Coyle, un jeune fermier menacé d’une expulsion qu'il considère injuste, décide d'aller demander des explications au fils de son propriétaire. Dans un accès de colère, il le tue accidentellement. Pour éviter les représailles, Coll doit fuir, laissant derrière lui sa femme enceinte et sa fille. A ses basques, le terrible Faller, homme de main du domaine décidé coûte que coûte à venger son patron.

Le résumé de l'histoire pourrait tenir sur un timbre. Une histoire de fuite, en trois temps. D'abord la fuite à pied jusqu'au port de Derry. Puis la traversée de l'Atlantique dans des conditions abominables. Enfin la fuite en Pennsylvanie où Coll est embauché sur un chantier de chemin de fer, près de Philadelphie.

Un premier roman dense et prometteur. Le seul gros souci est pour moi le manque de profondeur des personnages auxquels on a du mal à s'attacher. Pour le reste, la construction est imparable. Faisant se succéder des tableaux mettant successivement en scène la fuite et la traque, Paul Lynch joue sur l'opposition classique entre le bien et le mal. Faller incarne le mal absolu. Froid, cruel et déterminé, on se demande juste quelles sont ses réelles motivations (d'où le manque de profondeur). Quant à Coll, il reste une figure d'innocence malgré son crime, une proie cherchant désespérément à échapper à l'implacable chasseur ne perdant jamais sa trace.

On est donc face à une sorte de western américano-irlandais mâtiné de roman d'aventure à l'ancienne et de nature writing. Mais la singularité tient ici à la qualité de l'écriture, une écriture très visuelle, presque cinématographique avec par moments un registre lyrique où s'exprime la violence des hommes dans de somptueux décors magnifiés par d'amples descriptions. Finalement, on se demande si les éléments naturels ne sont pas les protagonistes principaux du récit, au détriment d’individus n'existant que par leurs actes et leurs sensations, en dehors de toute psychologie, et c'est presque dommage.

Il n'empêche, ce premier roman reste d'une redoutable efficacité et j'ai aimé son dénouement, certes pessimiste mais selon moi tellement lucide, prouvant, comme une évidence, que notre liberté n'est qu'illusoire et notre défaite finale inéluctable, quels que soient nos efforts.


Un ciel rouge, le matin de Paul Lynch. Albin Michel, 2014. 304 pages. 20,00 euros.

Les avis de Canel et Cristie, très mitigés...










jeudi 8 mai 2014

Tyrannicide - Giulio Minghini

Tyrannicide est pour son auteur Gérard Joyau le livre d’une vie. Pensez donc, une éducation sentimentale de 934 pages dans une prose d’un « classicisme baroque » qui raconte « les déboires d’un provincial aux prises avec une mère mutique et autoritaire (qui le maltraite depuis son enfance), et amouraché d’une charcutière nymphomane (sa maîtresse) », ce n’est pas rien. Sauf que la sixième mouture du manuscrit vient d’être à nouveau refusée par les éditions Gallimard. Un refus accompagné pour la première fois d’un petit mot de Philippe Sollers himself. Pour Gérard c’en est trop, la coupe est pleine et la réponse va être cinglante. Dans une longue lettre à l’attention du « mandarin égocentrique des lettres françaises », il va défendre son texte avec un aplomb à toute épreuve. Avec véhémence, conviction, et sans peur du ridicule…

Gérard Joyau est persuadé d’être un écrivain, un vrai, « contraint de mendier auprès de l’éducation nationale un poste, non pas déshonorant, mais très au-dessous de [sa] juste valeur » à cause de la « malveillance des éditions Gallimard » qui refusent de reconnaître son talent. C'est également un lecteur passionné du magazine Détective, de Mauriac, de Montherlant et de bien d’autres, qui n’hésite pas à retirer à coups de ciseaux les pages superflues ou ratées des livres qu’il dévore : « Ma pléiade Céline ne compte que trente-huit pages, celle de Gide un peu moins de deux cents ». Surtout, c’est un vieux garçon à l’œdipe mal géré, s’accrochant désespérément à un seul et unique rêve : être publié dans « La blanche ».

C'est une évidence, elle est pathétique sa lettre. Plus il avance dans l’analyse minutieuse de son « œuvre » et plus il s’enfonce. C'est bien connu, les écrivaillons persuadés d'être des génies sont légions. Et ils sont prêts, coûte que coûte, à défendre leur prose, même si on leur démontre par A + B qu'elle ne vaut pas tripette. Tout cela aurait pu être plombant et grossier mais au final l’exercice proposé par Giulio Minghini se révèle éminemment littéraire. Pas de moquerie vacharde, tout est présenté avec beaucoup de finesse et d'humour, même si le pauvre Gérard n'en ressort pas grandi, loin s'en faut. Et puis certaines piques attaquent bille en tête, et avec justesse, le monde de l’édition : « Gallimard, cette maison d’édition qui, par ses jeux diplomatiques grossiers et mafieux arrive un an sur deux à obtenir avec l’un de ses auteurs le prix Goncourt. Comme c’est bizarre, n’est-ce pas ? », tandis que d’autres sont d’une lucidité touchante : « Juste une curiosité, au passage ; combien avez-vous tué d’écrivains dans l’œuf littéraire […] mis à mort par la hache de votre indifférence… Combien ? Savez-vous combien vous en avez broyés, effacés, rayés de leur propre vie ? »

Voila donc un petit texte brillant à l’écriture très travaillée. Et cette lettre n’épargnant au final ni l’expéditeur ni le destinataire m'a fait passer un moment de lecture délicieusement jubilatoire.

 Tyrannicide de Giulio Minghini. Nil, 2013. 78 pages. 8,50 euros.


Une découverte que je dois à  Stephie. Elle a eu la gentillesse de m’offrir ce livre et je la remercie sincèrement, c’est une très belle découverte.




mercredi 7 mai 2014

Les vieux fourneaux T1 : Ceux qui restent de Lupano et Cauuet

Antoine, 77 ans, vient de perdre sa femme. Pierrot et Émile, les amis de toujours, sont là pour le soutenir le jour de l’enterrement. Mais quand il apprend le lendemain que son épouse bien-aimée a eu une relation extraconjugale une quarantaine d’années auparavant, il devient fou de rage. Surtout que l’amant n’était autre que son patron de l’époque, magnat d’un grand groupe pharmaceutique, aujourd’hui nonagénaire exilé par sa famille dans une villa toscane où il passe ses journées à sucrer les fraises, frappé de plein fouet par un Alzheimer dévastateur.

Décidé à venger son honneur, Antoine prend son fusil et saute dans sa voiture, direction l’Italie. Pour éviter le drame, Pierrot et Émile, accompagnés de Sophie, la petite-fille d’Antoine, s’embarquent à leur tour dans un périple mouvementé…

Un régal cet album ! Ces petits vieux sont attachants mais pas que. Ils fument et picolent parce qu’il n’y pas de raison de se priver de ces petits plaisirs, ils débordent d’énergie, ne sont certes pas dans la forme de leur vie mais ils sont prêts à déplacer des montagnes pour aider leur copain. En ces temps d’égoïsme, ils revisitent l’altruisme de façon magistrale. Et sans mièvrerie, avec un cynisme et un humour dévastateur. La réflexion politique n’est jamais loin, les dialogues, très travaillés, sonnent comme du Audiard mâtiné de Jean Rochefort. Même l’ex-patron est drôle malgré lui et finit par devenir attendrissant.

Et que dire de la confrontation savoureuse entre Sophie, digne représentante de la jeunesse actuelle, et ces vieillards qu’elle considère comme « la pire génération de l’histoire de l’humanité. » Un régal je vous dis !

Il faut reconnaître aussi que le dessin de Cauuet offre à ces papys des trognes inoubliables. De nombreuses choses passent dans leurs regards, leurs postures et leurs corps abîmés par les années, tout cela participe à rendre l'atmosphère de cet album assez unique.

Un premier tome en tout point excellent, rocambolesque à souhait, mélangeant avec bonheur le road trip improbable et la comédie sociale, on en redemande. Ça tombe bien, le second volume est déjà entièrement dessiné et devrait sortir en novembre. Une vraie bonne nouvelle !

Les vieux fourneaux T1 : Ceux qui restent de Lupano et Cauuet. Dargaud, 2014. 56 pages. 12,00 euros.

Une lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec Moka, Noukette et Yaneck.

L'avis d'Yvan






mardi 6 mai 2014

Le premier mardi c'est permis (26) : Sexe, mensonges et banlieues chaudes - Marie Minelli

Je pensais avoir touché le fond en matière de clit lit avec la culotte sale de Mila Braam mais je me rends compte que l’on peut creuser toujours plus profond vers la médiocrité et j’avoue que ça m’affole un peu. Parce que là, franchement, le bouchon est poussé bien trop loin.

Dans ce roman, on suit la vie chiante à mourir trépidante de la  cruche pétillante Sara, richissime jeune femme de Neuilly fiancée à Amaury de Saint Sauveur, futur magnat de la finance. Le mariage avance à grands pas mais Sara s’ennuie ferme et ne voit pas l’avenir sous les meilleurs auspices. Avec Amaury, ce n’est pas vraiment le pied : « j’essaie de me souvenir de la dernière fois que j’ai joui avec Amaury… je crois bien que Whitney Houston était encore vivante et que DSK était considéré comme un espoir de la politique française. »

Prisonnière d’un milieu qu’elle trouve irrespirable, Sara va chercher à s’émanciper en remplissant un formulaire anonyme pour passer un entretien d’embauche à France Télévision. Recrutée pour faire partie d’un programme « spécial diversité », Sara se fait passer pour une marocaine et fréquente pour la première fois de sa vie des gens vivant de l’autre coté du périph. Parmi eux, le beau Djilali qui va faire fondre son petit cœur tout mou…

L’éditeur annonce en 4ème de couv « une comédie made in France avec de vraies scènes de sexe à l’intérieur ». Franchement, il y a tromperie sur la marchandise parce qu’en dehors du « made in France », je me demande où sont cachées la comédie et les vraies scènes de sexe. Bon du sexe, il y en a un peu. Mais ça vole pas haut. Parce qu’une fille qui crie en pleine copulation « Ah oui, oui ! Encore, encore… », c’était bon dans le porno à papa ce genre de choses. Niveau « émoustillage », je n’ai pas ressenti le moindre début de frisson. Les quelques rares « scènes de sexe à l’intérieur » m’ont laissé de marbre. Et pourtant je ne suis pas difficile d’habitude.

Autre énorme problème, les citations permanentes de noms de marques et de personnalités. On appelle ça le « name dropping » et c’est quelque chose qui me sort par les yeux. Là, on est au top du top de la bourgeoisie alors on a droit à du Vuitton, du Gucci et des tas d’autres trucs dont je n’ai jamais entendu parler. Et puis ils boivent des « mimosas » et je ne sais même pas ce que c’est que ce cocktail. M’étonnerait pas qu’il y ait du champagne dedans…

Donc si on fait le point, ça nous donne : du sexe pas émoustillant et une pub géante pour des marques inabordables. Ajoutez un incroyable catalogue de clichés pour faire bonne figure et la potion sera particulièrement amère. Dans le monde de Sara, c’est « grisant de chercher du boulot ». Dans son monde, tous les décorateurs d’intérieur sont gays. Dans son monde, on se demande si « l’amour c’est jouir ensemble ? Ou bien c’est se marier ensemble ? ».  Dans son monde, quand on met un pied dans le 93 c’est pour se retrouver dans une loge VIP du stade de France. Et je vous passe les orgies cocaïnées de la jeunesse dorée du royaume de France…

La cerise sur le gâteau, c’est quand même la platitude totale de l’écriture, malgré quelques passages assez drôles. Et quand on s’apprête à se lancer dans une scène torride, le ridicule n’est jamais loin. Petit exemple éloquent : « Son odeur envahit mes narines. Une odeur de musc, de transpiration, de café fort, bref une odeur de mâle. Je jurerais même qu’il sent un peu la bite. »  Heu, comment dire, là je crois que ça va pas être possible. Sentir un peu la bite ? Quézaco ? Sentir de la bite à la limite je veux bien, et au moins ça me parle. Mais sentir la bite, franchement, ça ne veut strictement rien dire, non ?

Bref, vous aurez compris à quel point j’ai adoré ce roman... Il faut sans doute prendre tout cela au second ou au troisième degré pour en extraire la substantifique moelle mais j’avoue que c’est au dessus de mes forces…

Sexe, mensonges et banlieues chaudes de Marie Minelli. La Musardine, 2014. 180 pages. 14,00 euros.

Une participation de plus à l'incontournable rendez-vous de Stephie et une lecture commune que je partage avec Hélène et Leiloona.







lundi 5 mai 2014

Théorie générale de l’oubli - José Eduardo Agualusa

Luanda, capitale de l’Angola, en 1975. Alors que la guerre d’indépendance éclate, Ludovica, venue du Portugal pour s’installer avec sa sœur et son beau frère dans un grand appartement avec terrasse, se retrouve seule du jour au lendemain. Sa peur du dehors la pousse à « s’emmurer » avec son berger allemand pour se protéger de l’extérieur. Elle restera enfermée pendant près de trente ans dans cet appartement, sans aucun contact avec qui que ce soit, survivant, entre autres,  grâce au potager créé sur le balcon, à quelques poules volées à ses voisins et à de nombreux pigeons piégés à l’aide de pierres précieuses.

Dans une note préliminaire, l’auteur indique que Ludovica Fernanes Mano à vraiment existé. Décédée en octobre 2010, à l’âge de 85 ans, elle a laissé des cahiers dans lesquels elle a consigné son journal. Et lorsque le papier et les stylos ont manqué, elle a continué d’écrire sur les murs avec du charbon de bois. L’histoire est donc à la base réelle mais José Eduardo Agualusa précise à ses lecteurs : « ce que vous lirez est de la fiction. De la pure fiction. »

Non content de se focaliser sur la recluse volontaire, l’auteur a imaginé la vie de nombreux personnages ayant traversé cette période trouble de l’histoire angolaise. Des personnages aux destins chaotiques, enfant des rues ou infirmière, journaliste ou ancien bourreau de la police politique. Des personnages reliés à Ludovica et à son appartement par un fil parfois ténu. C’est là que tient le sel du récit, c’est là que l’écrivain s’est emparé d’un fait divers et l’a transformé en matériau romanesque. Il a savamment tissé sa toile, créant une architecture narrative implacable, sortant de la confusion géopolitique et de l’instabilité permanente des existences qui incarnent, chacune à leur manière, la complexité d’un pays au bord du gouffre. L’exercice est brillant et m’a enchanté.

Théorie générale de l’oubli de José Eduardo Agualusa. Métailié, 2014. 172 pages. 17,00 euros.

Une lecture commune que je partage une fois encore avec Noukette.

L'avis de Valérie





vendredi 25 avril 2014

Ma cousine Rachel - Daphné Du Maurier

Un monumental manoir des Cornouailles. Philip y a été élevé par son cousin Ambroise depuis la mort de ses parents. Les deux hommes vivent dans leur domaine comme des vieux garçons totalement désintéressés par une quelconque présence féminine. Mais lors d’un séjour à Florence, Ambroise rencontre Rachel, une lointaine cousine. Tombé fou amoureux, il l’épouse dans la foulée et s’installe en Italie. Quelques temps plus tard, Philip reçoit une lettre d’Ambroise lui indiquant qu’il soupçonne sa femme de vouloir l’empoisonner. Prenant cette menace pour argent comptant, il se rend à Florence et découvre que son parent est mort depuis trois semaines. La cousine Rachel, elle, semble s’être volatilisée. Philip jure de venger Ambroise mais lorsque Rachel débarque au manoir, elle ne semble pas du tout être la femme machiavélique qu’il imaginait…

Un roman que m’a offert Athalie et une lecture prévue de très longue date avec Ingannmic. Heureusement d’ailleurs que j’avais cet engagement parce que j’avoue que sinon j’aurais eu du mal à m’y mettre et je serais passé à coté d’un excellent moment de lecture. Pensez donc, une sorte de suspens psychologique en pleine campagne anglaise, un huis clos entre un richissime rentier, naïf comme c’est pas permis, et une manipulatrice sans vergogne. Il y avait tous les éléments pour que je m’ennuie ferme.

Et bien je ne me suis pas ennuyé une seconde. D’abord parce que les personnages principaux et secondaires sont parfaitement campés. Ce grand couillon de Philip, qui, à bientôt 25 ans, ne connaît rien aux femmes et va se laisser embobiner comme un bleu par la magnifique Rachel, impulsive et retorse, dont on ne cesse de se demander s’il faudrait lui donner le bon dieu sans confession ou si au contraire elle n’est rien d’autre qu’une machiavélique diablesse. Ensuite, ce n’est pas ennuyeux parce que l’intrigue avance en permanence et ne tourne pas en rond. A chaque chapitre un élément nouveau, une pièce supplémentaire du puzzle qui s’imbrique pour nous mener vers un dénouement vraiment bien trouvé. Enfin, on ne s’ennuie pas une seconde parce que les rapports humains sont tricotés serrés-serrés, tout se tient merveilleusement bien, sans aucune fausse note. Bien sûr l’intrigue se déroule dans l’atmosphère lente, engoncée et poussiéreuse propres aux grandes fortunes anglo-saxonnes mais, à ma grande surprise, j’ai pris un vrai plaisir à fréquenter ces gens de la haute dont les comportements sont régis par le respect de l’étiquette.  

Finalement, on referme le roman en se demandant qui est vraiment Rachel. Une âme pure ou un succube ? Personnellement, je la verrais bien un tantinet schizophrène. Et pas qu’un peu à vrai dire…

Merci à Athalie pour cette superbe découverte. Un vieux (et stupide) réflexe de mon passé ouvrier m’interdisait jusqu’alors de lire un auteur à particule. Grâce à elle, j’ai franchi le cap. Bon, pour autant, pas demain la veille que je lirai d’Ormesson ou Poivre d’Arvor…

Ma cousine Rachel de Daphné Du Maurier. Le livre de poche, 2009. 382 pages. 7,10 euros.

Un lecture commune que j'ai donc le plaisir, vous l'aurez compris, de partager avec Ingannmic.




jeudi 24 avril 2014

Passe-passe - Delphine Cuveele et Dawid

Une grand-mère et sa petite fille sur un banc. Un papillon se pose sur le crâne de la grand-mère et le récit commence. Cinq moments clés de l’histoire commune de l’enfant et de la vieille femme vont marquer la disparition progressive de cette dernière.

La mamy perd peu à peu couleurs et vitalité pour les transmettre au papillon. Au final on assiste à une « évaporation graphique » tout en douceur, un tour de passe-passe magique, sans un mot, qui en dit bien plus que de longs discours.

Je suis toujours fasciné par la narration sans texte. Tout tient dans un découpage où la lisibilité de l’image est le seul maître mot. En jouant sur le cadrage, le mouvement, l’alternance entre les grandes cases, les illustrations pleine page et les plans resserrés, il faut parvenir à donner du rythme en gardant le propos parfaitement compréhensible. Un tour de force qui, lorsqu’il est réussi comme c’est le cas ici, émerveille.

Une façon magistrale d’aborder le deuil, le souvenir et le temps qui passe. La nostalgie n’est pas triste et l’absence est comblée par les joyeuses réminiscences. Il est finalement très lumineux cet album.

J’ai l’impression de me répéter à chaque fois que je présente un ouvrage des éditions de La gouttière mais je n’y peux rien si le catalogue de cet éditeur ne propose que des pépites, des BD jeunesse d’une qualité rare que j’ai envie de faire découvrir au plus grand nombre. Et celui-là ne fera évidemment pas exception à la règle.

Passe-passe de Delphine Cuveele et Dawid. Éditions de la gouttière, 2014. 36 pages. 9,70 euros. A partir de 6-7 ans.

Une lecture commune que je partage une fois de plus avec Noukette et Moka.

L’album sort aujourd’hui. Plus d’infos sur le site des éditions de la gouttière.

L'avis de Lunch






mercredi 23 avril 2014

L’assassin qu’elle mérite T1 et T2 - Corboz et Lupano

Vienne, 1900. Prenez un gamin des rues pur et innocent et plongez-le dans le luxe d’une maison close avec crédit illimité. Initiez-le aux charmes de l’oisiveté et de l’argent facile, donnez-lui accès à des choses qui lui sont inabordables puis coupez-lui les vivres sans crier gare. Tel est le projet d’Alec, jeune dandy capricieux, irresponsable et tête à claque voulant transformer un gavroche en ennemi public numéro 1. Le but ultime étant de le façonner comme une œuvre d’art, une œuvre d’art « subversive et véritablement décadente ». Victor sera la victime désignée d’Alec. Un gosse pas verni par la vie, maltraité par un père à la main lourde et dont la carrière de tailleur de pierres qui l’attend ne l’enchante guère. Avec Alec, il va découvrir un train de vie dont il ne soupçonnait même pas l’existence. Mais le choc est rude, trop rude. Et le pétage de plombs inévitable…

Pour ce scénario, Lupano s’est inspiré de « L’assassinat considéré comme un des beaux-arts » de Thomas De Quincey et surtout d’un passage de « A rebours » de Joris-Karl Huysman dans lequel l’auteur déclare vouloir changer brutalement la vie d’un homme pauvre afin de « créer un gredin de plus pour la société et lui donner l’assassin qu’elle mérite ». Entraîné dans quelque chose  qu’il ne maîtrise pas, dépassé par ce qui lui arrive, Victor va devenir incontrôlable, allant bien au-delà des espoirs placés en lui par son pygmalion.

Une série à l’atmosphère délicieusement sulfureuse. Lupano montre la bourgeoisie viennoise engoncée dans ses certitudes d’un autre temps, incapable d’anticiper les catastrophes à venir alors que la pauvreté, le chômage de masse et l’antisémitisme galopant transforment en profondeur la société. Avec Victor, il procède à une métamorphose violente. Une personnalité simple et neutre qu’Alec a besoin de totalement effacer pour la réécrire à sa guise. C’est une expérience sans filet, un mélange qui devient aussi dangereux qu’explosif…

Que dire du dessin de Corboz, si ce n’est qu’il représente à merveille la Vienne de l’époque. L’architecture, l’opéra, les brasseries, les quartiers populaires, tout est fidèlement resitué. Son trait réaliste campe avec conviction les différents personnages et affirme le caractère de chacun.

Une superbe série, tant sur le fond que sur la forme. Le troisième volume paraîtra le 21 mai, je vais me faire un plaisir de le dévorer dès sa sortie.

L’assassin qu’elle mérite T1 : Art nouveau de Corboz et Lupano. Vents d’ouest, 2010. 56 pages. 13,90 euros.
L’assassin qu’elle mérite T2 : La fin de l’innocence de Corboz et Lupano. Vents d’ouest, 2012. 56 pages. 13,90 euros.


Une lecture commune que je partage une fois de plus avec Noukette.



mardi 22 avril 2014

On nous a coupé les ailes - Fred Bernard et Émile Bravo

Il était une fois un gamin de 8 ans qui, au tournant du 20ème siècle, passait de merveilleux étés avec ses frères et son cousin Firmin à faire les quatre cents coups dans une parfaite insouciance. Un gamin prénommé René, rêveur patenté, fasciné par l’apparition des premiers avions. Un gamin persuadé que quand il serait grand, il volerait lui aussi et pourrait caresser les nuages. Un gamin heureux, conscient de la magie de l’enfance et confiant en l’avenir.

Il était une fois ce même gamin, en octobre 1914, écrivant à sa mère : « J’ignore ce que l’on sert à nos officiers, Maman, mais mon ventre crie souvent famine ici. […] Voila maintenant des semaines que l’armée allemande est bloquée à 40 kilomètres de Paris, mais il s’en est fallu de peu pour qu’elle nous déborde… Alors elle se venge et nous pilonne au canon, nous déchiquette à la mitraillette. Nous on creuse, on s’enterre et on s’enfonce dans la Marne. A perte de vue, de la boue et des cadavres, des chevaux gonflés par la putréfaction, […] des villages rasés et des arbres noirs ébranchés. »

Le gamin devenu un jeune adulte découvre l’horreur du front. Il apprend la mort du cousin Firmin et de son frère Eugène, il s’évade en repensant aux instants joyeux partagés avec eux par le passé et en regardant les avions tournoyer dans le ciel, toujours plus rapides et plus flamboyants…

J’avais peur que le propos insiste trop sur l’histoire de l’aéronautique. Il y a certes quelques termes techniques et la présentation d’incontournables pionniers de la conquête de l’air mais le cœur de l’album ne se focalise pas sur ce sujet. A travers l’histoire de René, les auteurs parlent avec finesse de ses hommes auxquels la guerre a coupé les ailes. L’alternance entre l’enfer des tranchées et le paradis de l’enfance montre à quel point ce monstrueux conflit a brisé des millions de vies et autant de rêves d’avenir.

Un texte sobre et touchant, des illustrations parfaites d’Émile Bravo, cet album est un petit bijou absolument tout public, à lire dès dix ans selon moi.

On nous a coupé les ailes de Fred Bernard et Emile Bravo. Albin Michel, 2014. 56 pages. 11,50 euros. A partir de 9 ans.

Une nouvelle pépite jeunesse que j'ai le plaisir de partager avec Noukette, comme chaque mardi.

L'avis d'Ys





Ma troisième participation
au challenge de Stephie 





lundi 21 avril 2014

Où est donc ma maison ? - Françoise Laurent et Emmanuelle Houssais

Puisque c’est le week-end de Pâques, je vais vous parler d’un petit poussin nommé Valentin. Un poussin qui a perdu sa maison et va interroger ses voisins pour tenter de la retrouver. Dès qu’il aperçoit une nouvelle demeure, il croit être rentré chez lui. Mais le chien, le cheval, les grenouilles, les abeilles, les oiseaux, les lapins, la taupe et même le loup lui répondent à chaque fois qu’il se trompe.

Encore un album en randonnée (décidément, c’est à croire que c’est le seul schéma narratif à proposer aux tout-petits). Le poussin chemine d’animal en animal sans trouver de solution à son problème, jusqu’au dénouement heureux. L’intérêt ici est que l’on découvre les habitations propres à chaque espèce, ce qui permet d’enrichir le vocabulaire. De la niche à la ruche en passant pas le clapier, l’écurie, le terrier, le nid, la tanière ou l’aquarium, l’éventail est très large.

Les illustrations sont simples et colorées, avec une mention spéciale pour la taupe que j’ai trouvée trop choupi.

Les pages de garde finales proposent en outre le « jeu de poussin Valentin », qui n’est autre qu’un jeu de l’oie revisité où l’on retrouve tous les animaux croisés dans le livre.

Un fort joli album plein de fraîcheur mettant en scène un petit poussin craquant comme tout. J'en connais une qui va adorer le découvrir d'ici peu.


Où est donc ma maison ? de Françoise Laurent et Emmanuelle Houssais. Ricochet, 2014. 32 pages. 11,00 euros. A partir de 3 ans.

samedi 19 avril 2014

La dame à la camionnette - Alan Bennett

Le dramaturge et homme de radio anglais Alan Bennett raconte ici vingt ans de cohabitation avec une SDF. En 1969, Miss Shepherd installe sa camionnette en face de chez lui, dans un quartier calme de Londres. Une camionnette dans un état aussi déplorable que sa propriétaire, dont c’est la seule demeure. L’arrivée de la squatteuse ne va évidemment pas plaire à tout le monde. Sommée par la municipalité de quitter les lieux, souvent embêtée par quelques vauriens, la vieille femme subit sans véritablement broncher. Dans un élan de compassion, Bennett lui propose d’installer son tas de boue dans son jardin. Elle ne le quittera plus jusqu'à sa mort, en 1989.

Au final, la charité de Bennett aura été bien mal récompensée. Tyrannique, ultraconservatrice, n’en faisant qu’à sa tête, d’une saleté innommable et passant son temps à se plaindre ou à proposer des projets d’émission foireux, la clocharde est une emmerdeuse de première. Vingt ans d’un quotidien houleux déroulés en quelques tableaux, en divers moments marquants, parfois drôles, le plus souvent anecdotiques et je dirais presque sans intérêt.

Oui, je l’avoue, je n’ai pas trouvé grand chose d’intéressant dans ce témoignage. Les petits épisodes s’enchaînent, relatant des échanges sans saveur, dignes de ceux que l’on pourrait tenir avec son voisin (même si je ne souhaite à personne d’avoir une voisine comme Miss Shepherd !). On sait finalement très peu de choses sur elle, ce qui donne à ce portrait un désagréable coté superficiel. Je me suis interrogé sur le but d’un tel témoignage, que je n’ai à aucun moment trouvé touchant. J’en suis même venu à me demander si l’auteur ne voulait pas simplement passer pour un bon samaritain auquel chaque lecteur devrait dresser des lauriers, mais je ne pense sincèrement pas que ce soit le cas. Heureusement, un post-scriptum rajouté cinq ans après la première publication nous en apprend beaucoup plus sur la vie de Miss Shepherd avant qu’elle ne tombe dans la marginalité. C’est, et de loin, la partie la plus attrayante de l’ouvrage.

La dame à la camionnette d’Alan Bennett. Buchet Chastel, 2014. 114 pages. 9,00 euros.

Les avis de Canel, Clara et Zazy


vendredi 18 avril 2014

Notre histoire commence - Tobias Wolff

Un fait divers évité de justesse dans la chambre d’hôtel minable de journaliers mexicains. Un fils quittant le chevet de sa mère mourante pour établir un devis dans un funérarium. Une enseignante prise en otage par un parent d’élève mécontent. Un soldat qui vient vaguement en aide à la sœur d’un camarade parti en Irak. Une étudiante fascinée par la confession intime de l’une de ses profs. Un homme qui promène le chien de sa compagne disparue. Un père amenant de force son fils dans un collège militaire. Un américain victime d’un pickpocket gitan en Italie. Un mari qui ne peut oublier cette fille embrassée trente ans plus tôt… Dix nouvelles en tout. Dix petits riens, dix moments fugaces comme autant d’instantanés pris sur le vif. Des hommes et des femmes fragiles, en proie au doute.

Soyons clair : si vous êtes allergique à Carver (j’en connais certaines, elles se reconnaîtront), passez votre chemin. Mais si vous êtes comme moi amoureux de la prose minimaliste du grand Raymond, vous allez vous régaler. Tout est banal dans ce recueil. Parfaitement banal. Ces nouvelles sont un peu comme des bribes de tableaux impressionnistes construits par petites touches, à peine esquissés. Des scènes relevant de l’insignifiant, des histoires sans véritable chute.

Je suis clairement fan de ce genre épuré à l’extrême, de cette représentation du grand ordinaire de nos existences avec trois fois rien. La normalité, voila de quoi parle ce recueil. Une normalité à peine bousculée, une atmosphère suspendue quelques minutes ou quelques heures, quand survient un frémissement qui, peut-être, sera annonciateur d’une forme de basculement. La vie, quoi.

Notre histoire commence de Tobias Wolff. Bourgois, 2014. 178 pages. 15,00 euros.











jeudi 17 avril 2014

Un peu de tendresse dans un monde de brutes...

Je ne sais pas si c’est le printemps ou quoi mais j’ai comme des envies de câlins et de douceur en ce moment. Du coup je vais vous parler de deux albums doudous, des albums tendres, sucrés et moelleux comme un chamallow.

Cet album est une merveilleuse déclaration d’amour qui se déroule au fil des pages. "Comment te dire… je t’aime". C’est simple et poétique. Ça pourrait tomber dans le très cucul mais ce n’est pas du tout le cas parce que le texte dégage une vraie musicalité et se lit un peu comme une seule, longue et belle phrase.

Les illustrations sont douces, colorées et particulièrement évocatrices. C’est un album à lire à ses enfants bien sûr, mais ça ferait aussi un magnifique cadeau pour celui ou celle qui occupe toute la place dans notre cœur. Bien plus touchant selon moi qu’un bouquet de fleurs ou une boîte de chocolats…

Comme te dire ? d’Edwige Planchin et Anne Cresci. Fleur de ville, 2014. 32 pages. 12,90 euros. A partir de 3 ans.





Un câlin ? Pour quoi faire ?

Parce qu’on se sépare, parce qu’on se retrouve, parce qu’on a du chagrin, parce qu’on est tombé, parce qu’on est fatigué, etc. Surtout, un câlin parce que c’est bien. Parce que c’est doux, parce qu’on peut l’accompagner d’un bisou et d’une caresse dans les cheveux, parce que pendant un câlin on est seuls au monde, dans une bulle, intouchables et sereins. Parce que les câlins sont nécessaires, que l’on soit petit ou grand. C’est vital un câlin, l’air de rien. C’est une preuve d’amour, un besoin d’être avec l’autre. Un câlin c’est aussi un instant de complicité partagée. Et puis pour les plus grands, il y a les câlins coquins, j’aime bien aussi, mais je m'égare…

Bref, j'ai beau être un gros dur tatoué, ça ne m'empêche pas d'être fan des câlins. Pas avec n'importe qui, hein, entendons-nous. Et je dois dire que je suis privilégié parce qu’à la maison tout le monde aime ça. Même ma collégienne vient souvent faire un câlin à son papounet. Et ne parlons pas de bébé Charlotte. Quand vous la sortez de son lit et qu’elle niche sa tête contre votre épaule, c’est indescriptible. Et puis maintenant elle commence à faire des bisous et là, je fonds complètement. Ok, je suis gaga… j’assume.

Cet album très épuré est un bijou de douceur. Un bonbon fondant à partager avec vos petits bouts, pour passer avec eux un vrai beau moment de tendresse. Juste incontournable...

Un câlin de Malika Doray. MeMo, 2014. 28 pages. 15 euros. A partir de 2 ans.











mercredi 16 avril 2014

Un petit goût de noisette - Vanyda

Dans ces nouvelles, il est question d’un écureuil qui essaierait d’attraper une trop grosse noisette. D’une étudiante amoureuse d’Esteban, qui en aime une autre. De Barnabé, pensant trouver l’amour en « sauvant » un colis qui ne lui était pas destiné. Mais il est aussi question, d’Eléonor, d’Aymeric, de Luna, de Margaux, de Benoît, d’Abderrazak, de Marlène, de Christophe et d’Azul.

Il n'est que question d'amour dans cet album. Des trajectoires qui se croisent, des vies en pointillés, des jeunes gens qui se cherchent, un arrière goût de solitude parfois. Des rencontres, des hésitations, des occasions manquées, des regrets, des histoires qui grandissent l'air de rien. Et quand l'évidence est là, l'alchimie fonctionne, envers et contre tout.

A première vu, tout cela a l'air très décousu. Mais plus on avance dans le recueil et plus on se rend compte que les histoires se font écho, que des protagonistes reviennent régulièrement, que certains servent même un peu de fil rouge à l'ensemble. On avance et on se dit que Vanyda a tricoté son ouvrage serré-serré, que la construction est bien plus fine qu'il n'y paraît.

Le dessin est assez dépouillé et va à l'essentiel. Le découpage est parfait et privilégie la lisibilité. Avec autant de personnages, on aurait pu craindre de s'emmêler les pinceaux mais les visages se reconnaissent au premier coup d’œil.

Un album tout en délicatesse où l'on saisit ces petits moments qui, parfois, font basculer une existence. C'est à la fois réaliste et plein de tendresse, ça ressemble à la vie comme elle est, joyeuse, triste,traversée par de l'attente, de l'espoir, des désillusions et de magnifiques rencontres. Une vraie réussite.

Un petit goût de noisette de Vanyda. Dargaud, 2014. 206 pages. 17,95 euros.

Une lecture commune que je partage avec Noukette.

Les avis de Marion et Stephie.







mardi 15 avril 2014

Charlie - François David

Luce a 13 ans. Une gamine comme les autres, à une chose près : son meilleur ami fait la manche assis sur un carton, devant un magasin. Il s’appelle Charlie et chaque jour elle le rejoint pour passer de longues heures à ses cotés. Une amitié forte, incroyable même. Si ses parents, compréhensifs, ne lui mettent pas de bâtons dans les roues, le regard porté par les autres n’est pas aussi bienveillant, loin de là. Mais Luce s’en contrefiche, ce qui compte pour elle, c’est d’être avec Charlie : « Avant Charlie, il n’y avait personne […] dans ma vie. Un jour, il a été là, avec ses deux cartons, et, pour moi,  à l’instant, plus rien n’a été pareil. »

Une histoire difficile à croire. Comment une jeune fille peut s’attacher à ce point à un SDF ? Comment ses parents peuvent la laisser faire avec autant de facilité alors qu’ils ne savent rien de cet homme ? Et pourtant cette histoire est vraie. En fin d’ouvrage, une interview de la « véritable » Luce (qui se prénomme en réalité Laure) menée par l’auteur lui-même permet d’éclairer chaque point du récit et remet l’ensemble en perspective. Et Laure le reconnaît sans peine : « J’imagine que tout n’est pas si évident à comprendre et il me semble que je m’en apercevais déjà à l’époque dans certains regards croisés avec des personnes qui passaient devant le magasin. […] Il y avait tellement de choses qui nous séparaient. Nous avons, il me semble, lui et moi, su faire abstraction de ces différences pour que notre histoire soit une vraie rencontre d’amitié et de partage. »

Compréhensible ou pas, peu importe. Cette relation amicale incongrue dégage des ondes positives. L’attention aux autres, une forme d’altruisme sans contrepartie, la prédominance de l’être sur le paraître, voila ce dont il est question ici. Et puis j’ai beaucoup aimé la fin qui évite, comme je le craignais, de tourner au neuneu ou de laisser le lecteur en plan en montrant Charlie et Luce au même point qu’à la première page.

Encore un texte engagé des éditions Le Muscadier. Engagé mais intelligent et sans gros sabots. Comme d’habitude, quoi.

Charlie de François David. Le Muscadier, 2014. 68 pages. 6,90 euros. A partir de 9 ans.

Une lecture commune que je partage comme chaque mardi avec Noukette mais aussi cette semaine avec Stephie. Plus on est de fous...

lundi 14 avril 2014

Pan’Pan Panda, une vie en douceur T2 - Sato Horokura

En présentant le premier tome de cette série, j’avais qualifié Pan’pan d’un peu cucul. Panpan cucul, la vanne était pourrie et le jugement assez injuste je dois dire. Parce qu’après tout, Pan’pan Panda est un manga destiné aux jeunes enfants, il est donc logique que ses thématiques soient plutôt légères.

Au menu de ce second volume on retrouve Panetone le panda et la petite Praline, au moment de la nouvelle année. Nous les suivons au fil du calendrier et découvrons avec eux la Saint Valentin nippone (au Japon, ce jour-là, ce sont les femmes qui offrent des gâteaux et des confiseries aux hommes) et son pendant masculin le White Day (célébré le 14 mars, il permet aux garçons d’offrir aux filles un cadeau en remerciement des présents reçus un mois plus tôt), sans oublier le
fameux pique-nique sous les cerisiers en fleurs pour fêter l’arrivée du printemps (l’hanami). C’est tout l’intérêt de ce manga, présenter aux jeunes lecteurs des fêtes traditionnelles et de nombreuses références culturelles à travers le quotidien d’une petite fille et de son ami le panda.

Le vocabulaire spécifique n’est parfois pas simple à comprendre (mochi, umani, karuta, o-zoni, saisen-bako, etc.) mais un lexique explique clairement chaque mot nouveau. D’ailleurs, les autres petits bonus placés en fin d’ouvrage ajoutent un vrai plus. Niveau dessin c’est toujours aussi kawaï, simple, frais et coloré.

Un manga à lire à partir de 7 ans, ce n’est pas si courant. Et puis c’est un support idéal pour découvrir en douceur le mode de vie d’une famille japonaise.

Pan’Pan Panda, une vie en douceur T2 de Sato Horokura. Nobi nobi, 2014. 112 pages. 9,45 euros. A partir de 7 ans.




samedi 12 avril 2014

Le vertige danois de Paul Gauguin - Bertrand Leclair

Gauguin débarque à Copenhague en 1885 pour y rejoindre sa femme Mette et ses cinq enfants. Il vient de lâcher son emploi de courtier en bourse à Paris et débute une carrière de vendeur de bâches. Mais c’est la peinture qui l’obsède. Bien avant Pont Aven et Tahiti, les débuts sont difficiles. La reconnaissance tarde à venir, les soucis financiers s’accumulent, la vie danoise l’éreinte et les relations avec sa femme et sa belle-famille deviennent insupportables.

La peinture comme refuge. La peinture qui seule, « lui rend le présent habitable, [...] lui est tout à la fois la clé de l’avenir et ce qui permet d’en suspendre un instant le couperet. » La peinture qui, également, scellera la fin de son couple : « La peinture n’est plus un prétexte aux agressions ou aux rapprochements amoureux, elle est réellement devenue le nom de ce qui les sépare, irrévocablement, cela même qui bloque le balancier conjugal en position d’hostilité perpétuelle. »

Larguer les amarres. Gauguin va y consentir après moult hésitations. Une décision brutale, un couperet qui tombe d’un seul coup. Il part subitement pour la France avec son fils de 6 ans, Clovis, abandonnant les siens : « Il s’est sauvé du soir au matin, peut-être, et avec lui la peinture, comme le voudrait la légende, aussi bien sur son versant doré (l’homme qui a tout sacrifié à sa passion irrépressible pour la peinture) que sur son versant noir (l’homme qui a abandonné femme et enfants pour propager la syphilis en Polynésie au nom de l’art). »

Et parce qu’il manque une lettre, la première adressée par Gauguin à sa femme après leur séparation, on ne saura jamais les véritables raisons de ce départ brutal. Alors Bertrand Leclair interprète. Il déduit à partir des lettres suivantes, il imagine. Et sans doute parce qu’il est en empathie totale avec l’artiste, il a bien du mal à lui donner tort. Pour lui c’est le mépris de sa belle-famille danoise qui l’a poussé à partir. Gauguin ne serait donc pas un salaud ayant abandonné les siens et son départ était la seule solution, la seule réponse à cette question radicale vers laquelle son expérience danoise l’avait mené : peindre ou se pendre ?

Un séjour à Copenhague douloureux mais nécessaire pour la maturation de l’œuvre à venir. L’artiste s’est construit dans cette épreuve, face aux jugements des autres mais aussi face à sa propre culpabilité de mari et de père incapable d’entretenir sa famille. Les doutes, les hésitations face à cette volonté de larguer les amarres en butte aux conventions sociales et à la bien-pensance, tout cela est parfaitement restitué dans le récit de Bertrand Leclair. La langue est belle, d'un lyrisme contenu. Un superbe texte qui éclaire d'un jour nouveau un épisode peu connu et pourtant essentiel de la vie de Gauguin.


Le vertige danois de Paul Gauguin de Bertrand Leclair. Actes sud, 2014. 182 pages. 19 euros.






vendredi 11 avril 2014

Guerres - Timothy Findley

 Alice Ferney pose parfaitement les enjeux de ce texte dans son avant-propos : « Voici un roman sur 14, publié en 1974, écrit par un auteur qui n’était pas né au moment des faits. C’est un livre de l’après. […] Timothy Findley se trouve dans cette posture fondatrice de la littérature : écrire ce que l’on n’a pas vécu, écrire ce qu’ont fait les autres, et, pour ce faire, transformer une expérience extérieure (celle des autres) en expérience intérieur. »

Guerres est le récit des quelques mois passés par le soldat canadien Robert Ross sur le front belge, entre décembre 1915 et juin 1916. Ross, engagé volontaire après le décès de sa sœur, sera très vite promu officier. En charge d’une petite compagnie, il va monter au front et se heurter de plein fouet à l’horreur et à la violence des combats. De l’infernale traversée entre le Canada et l’Angleterre à l’arrivée sur le continent en passant par la découverte des tranchées, de la mort, de la peur, de la lâcheté, du retour à la vie civile le temps d’une permission et enfin de cet événement de trop qui rend votre condition de soldat insupportable et vous pousse à la désobéissance, le lecteur suit un parcours qui s’avérera des plus douloureux…

J’ai mis beaucoup de temps à lire ce roman, pourtant loin d’être un pavé, ce qui n’est jamais bon signe. Plusieurs choses m’ont freiné. J’ai trouvé les passages se déroulant à l'arrière, pendant les permissions, très barbants. J’ai aussi eu quelques difficultés à visualiser certaines scènes sur le front, comme si les descriptions n’étaient pas d’une grande clarté. Enfin, et c’est sans doute le plus gros hic, je n’ai développé aucune empathie particulière pour Robert, restant un observateur totalement extérieur et peu concerné par les tragédies qui l’ont frappé. Seule la fin, crépusculaire, magnifique d’évidence face au sort réservé à ceux qui, en vain, ont voulu s’opposer à la guerre, résister d’une façon ou d’une autre à la folie destructrice des hommes, m’a bouleversé.

Beaucoup considèrent ce texte comme une des plus beaux romans jamais écrits sur la première guerre mondiale. Je veux bien les croire, même si en ce qui me concerne, je reste loin du coup de foudre.


Guerres de Timothy Findley. Phébus, 2014. 252 pages. 22 euros.




Et voici ma seconde participation au challenge de Stephie





mercredi 9 avril 2014

Le train des orphelins T1 : Jim - Charlot et Fourquemin

Dans les années 20, à New York, un train s’apprête à partir pour un long voyage. A son bord, des orphelins qui vont être « distribués » aux familles en mal d’enfants de l’Ouest et du Middle West. Dans chaque ville où le train s’arrête, c’est un peu la foire aux bestiaux. Et pour les enfants, c’est la roulette russe avec, coté pile, la chance de tomber sur des adoptants aimants et généreux ou, coté face, de sombres énergumènes cherchant de la main d’œuvre bon marché voire même de la chair fraîche…

Ce premier tome s’attarde sur la situation de Jim, Joey et de leur petite sœur Anna. Une fratrie solidaire qui risque la séparation à chaque étape du train. Leur chemin croisera celui d’Harvey, gamin débrouillard et pragmatique : « Ce qu’il faut, c’est trouver une bonne famille… des parents pleins aux as… et après… la belle vie… ». Leur périple sera marqué du sceau de l’amitié et de l’entraide, malgré les coups durs.

Basée sur une histoire vraie, cette série revisite un pan méconnu de la conquête de l’ouest. 250 000 enfants embarquèrent de New York entre 1850 et 1929 vers des régions en mal de population jeune et travailleuse. Si le placement d’enfants des rues relève d’une démarche louable, le philanthropisme de façade se lézarde rapidement lorsque l’on découvre les méthodes employées. Le placement se fait sans aucune vérification préalable, les enfants sont simplement étiquetés comme des animaux et offerts à la première personne qui se manifeste. Sans compter les petits trafics menés par les adultes encadrant le voyage qui réservent à l’avance les « plus belles pièces » contre de confortables rémunérations. De fait, mieux valait être blond et en bonne santé pour trouver preneur. Le programme ne prenait par ailleurs pas en charge les enfants noirs (« Que voudriez-vous que nous fassions de négrillons… nous sommes une institution caritative mais il y a des limites à tout").

Le train des orphelins revient donc sur la plus grande migration d’enfants de tous les temps. Une migration nécessaire pour arracher à la misère des gamins abandonnés mais dont la mise en œuvre souffrit de nombreuses dérives. Alors que le quatrième tome vient tout juste de sortir, je n’ai qu’une hâte, savoir ce que vont devenir, Jim, Joey, Anna et Harvey…  


Le train des orphelins T1 : Jim de Charlot et Fourquemin. Grand Angle, 2012. 48 pages. 13,90 euros.

Un grand merci un Choco qui m'a offert cet album dans le cadre du loto BD. Un très bon choix !

Les avis de Choco et Hérisson.






mardi 8 avril 2014

Le miroir brisé - Jonathan Coe

Claire, huit ans, découvre dans une décharge un morceau de miroir en forme d’étoile. Pour la jeune fille, la trouvaille se révèle extraordinaire puisque ce miroir reflète non pas la réalité mais « des choses deux fois plus passionnantes et cent fois plus magiques que le quotidien prosaïque qui l’entoure de toutes parts. » Alors non, Claire ne basculera pas, tel Alice, de l’autre coté du miroir. Mais cet objet, qui l’accompagnera des années durant, va lui donner à voir une réalité bien plus douce que celle qu’elle doit affronter. Une réalité qu’il lui sera peut-être un jour possible de connaître…

Pour sa première incursion en littérature jeunesse, Jonathan Coe se contrefout des modes et déroule son histoire avec un grand classicisme formel. Loin des productions actuelles anxiogènes et ultra pessimistes, il propose un roman jeunesse à l’ancienne, à contre courant. Pas niais ni ringard, loin de là. Mais le texte offre la part belle à une forme d’utopie que beaucoup d’auteurs n’osent plus forcément défendre. C’est un texte aux valeurs positives n’éludant pas pour autant les maux de nos sociétés occidentales. Finalement, au-delà de l’aspect fantastique du départ, le propos est avant tout philosophique. L’injustice, les inégalités sociales, la surconsommation, le règne du paraître, tous ces sujets sont abordés en filigrane et poussent l’air de rien à la réflexion. Le miroir joue le rôle d’un guide, il embellit la réalité quotidienne mais il indique aussi une voie à suivre : « au lieu de nous montrer le monde comme il est, il nous le montre comme il devrait être. » Et surtout, comme il est possible de le rendre si chacun décidait d’y mettre du sien.

J’adore par ailleurs les illustrations un peu désuètes aux couleurs criardes de l’italienne Chiara Coccorese. Un plus d’être un excellent roman jeunesse, ce miroir brisé est également un fort joli objet-livre. Bref, c’est une très belle réussite.

Le miroir brisé de Jonathan Coe. Gallimard Jeunesse, 2014. 114 pages. 12,50. A partir de 10 ans.


Une lecture commune que je partage comme chaque mardi avec Noukette.