vendredi 29 avril 2016

La Jeune Épouse - Alessandro Baricco

Quand la Jeune Épouse débarque d’Argentine dans sa belle-famille italienne, le Fils n’est pas là. Son futur époux, envoyé en Angleterre pour étudier le commerce local, ne devrait pas tarder à revenir. Accueillie à bras ouverts alors qu’elle n’était pas vraiment attendue, elle découvre des gens aux mœurs étranges : le Père fantasque atteint d’une « inexactitude du cœur », la Mère aussi belle qu’inaccessible, l'Oncle narcoleptique, la Sœur handicapée et fervente pratiquante de l’onanisme, le vieux serviteur qui s’exprime en toussant… Les journées sont rythmées par une immuable routine, du déjeuner gargantuesque s’éternisant jusque dans l’après-midi à la toilette quotidienne, de quelques menus travaux à un coucher particulièrement ritualisé. La Jeune Épouse se plie aux excentricités et continue d’attendre son promis. Mais le temps passe et rien ne se passe. Peu à peu, chacun va prendre sous son aile la nouvelle arrivante et parfaire son éducation d’une manière tout sauf conventionnelle.

Un récit d’initiation troussé par Baricco n’est forcément pas un récit d’initiation comme les autres. D’une atmosphère bourgeoise surannée il tire un récit plein de fantaisie, souvent proche du conte burlesque. Jouant de l’attente et d’une sorte de « temps suspendu », il s’amuse à faire évoluer ses personnages dans un univers surréaliste teinté d’érotisme. J’ai beaucoup aimé me perdre dans les changements inopinés de points de vue, le passage du « il » ou « elle » au « je » sans que l’on sache d’emblée qui parle. De prime abord déstabilisante et foutraque, cette narration anarchique, ce doute  permanent à propos de « qui parle » se double d’une réflexion sur l’écriture et le rôle de l’écrivain que j’ai trouvée particulièrement intéressante : « En ce qui me concerne, je n’ai jamais cru que le métier d’écrivain pût se limiter à habiller ses propres histoires de manière littéraire, en recourant au laborieux truc qui consiste à changer les noms et parfois l’ordre des faits, alors que le sens le plus vrai de ce que nous pouvons accomplir m’a toujours paru être le geste de mettre entre nos vies et ce que nous écrivons une distance magnifique ». (une jolie charge en passant contre l'autofiction !)

Pour autant (et pour être honnête), ce n’est pas du Baricco à son meilleur. J’ai lu ce roman il y a plus de quinze jours et je constate qu’il ne m’en reste pas grand chose. Comme toujours, l’auteur de Soie s’amuse. Avec la classe et l’élégance qui le caractérise, doublées ici d’une bonne dose de sensualité. Mais son histoire ne passionne pas plus que cela. Reste cette réflexion sur l’écriture, son pouvoir et sa liberté. C’est malin, ironique et bien plus profond que les apparences ne peuvent le laisser penser, mais ça n’a pas tout à fait suffi à me faire tomber sous le charme de la Jeune Épouse.

La Jeune Épouse d’Alessandro Baricco. Gallimard, 2016. 224 pages. 19,50 euros.


Noukette, avec qui je partage une fois de plus cette lecture, a davantage apprécié.




 

40 commentaires:

  1. Je ne sais que penser...
    J'ai lu et beaucoup aimé "Soie" mais je n'ai rien lu depuis. Il vaudrait peut-être mieux que j'en lise un autre avant celui-ci, non ?

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    1. Tu peux lire Mr Gwynn, je suis certain que tu vas aimer.

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  2. On ne peut que regretter des histoires poétiques comme Soie ou Novecento pianiste. Mais si, à mon sens, les romans suivants ne les ont jamais égalés, celui-ci a l'avantage d'être une réelle experience d'écriture qui toutefois comble sûrement davantage l'auteur que le lecteur. Originalité, élégance et sensualité me poussent à recommander ce dernier roman dans la riche production de l'auteur.

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    1. Je le recommande aussi, mais si surtout si on connait déjà Baricco. Je déconseillerais de commencer avec ce titre.

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  3. je crois que je suis la seule à être passée à côté de ce nouveau roman de Barrico . Certes, la plume et la traduction sont superbe, il nous parle d'érotisme avec sensualité mais alors le reste de l'histoire ne m'a pas convaincue ( billet à écrire).

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    1. J'ai vu ton billet, tu es encore plus déçu que moi ;)

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  4. Je dois encore lire Soie (Eva en a reparlé hier)pour découvrir cet auteur. Tu es le premier à être moins enthousiaste sur ce roman !

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  5. Classe, élégance, sensualité, réflexion sur l'écriture... j'ai aimé ce mélange là même si oui, rien n'égalera ses belles histoires qui ont su nous enchanter. Je ne lui en veux pas d'expérimenter autre chose, la plume reste inégalable ;-)

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    1. Je suis d'accord, sa plume est rare et précieuse.

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  6. Par coïncidence, j'ai relu Soie et publié hier mon billet sur ce roman que j'adore, mais je n'ai jamais lu aucun autre livre de l'auteur...je ne pense pas que celui-ci sera le prochain, peut-être Novecento?

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  7. Même avec tes bémols, tu me donnes envie de le découvrir ! Cela dit je n'ai toujours pas lu Novecento...

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  8. Je ne suis pas plus convaincu par ton billet que par celui de Noukette, je vais donc attendre un prochain Barrico

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    1. Il y en aura beaucoup d'autres je pense, il est très productif ;)

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  9. Hou HOU, Bonjour l'accueil de cette jeune déracinée, je passe... Je préfère rester sur moi, euh, sur "Soie" :) @Bientôt, Grybouille.

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    1. Soie reste sans doute son texte le plus abouti ;)

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  10. Je me laisserais plutôt tenter par Soie, je pense.

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  11. Baricco, ce n'est pas un coup de coeur systématique pour moi mais il a une certaine magie dans l'écriture que je ne retrouve pas ailleurs, et je l'adore pour ça. Et puis j'adore quand il est complètement déjanté, genre dans City. Pour l'instant, il n'y a que Soie qui m'ait laissée sur le bord. Et je n'ai pas osé Novecento pianiste. La jeune épouse passera sûrement par moi, mais sans urgence.

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  12. Le résumé que tu en fais m'a donné très envie de le lire et puis... ton bémol final m'a refroidie. Un chaud et froid ! Je vais lire l'avis de Noukette !

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  13. Toujours pas lu Soie !je pense que je ferai l'économie de celui-ci

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  14. Un roman qui semble un peu "bizarre" en effet... je passe. ;)

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  15. Un auteur que j'ai très très peu lu, et depuis le temps que je me dis de le relire, c'est peut-être le bon roman !

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  16. J'avais envie de le lire, j'ai tellement aimé "Mr Gwyn", mais ton avis me refroidit un tantinet ...
    Une Comète

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  17. son chef d'oeuvre est Mr Gwyn, le reste... Je plaisante, je vais peut-être essayer de le lire, celui-là!

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    1. Tu plaisantes mais tu n'es pas loin de la vérité ;)

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  18. J'adore cet auteur, coup de coeur pour "Océan mer", "Novecento : pianiste" et "Emmaüs"...

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  19. Fan de cet auteur, il est dans ma Pal on verra si je pense comme toi !

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