lundi 29 février 2016

Un homme à terre - Roger Smith

« Une heure avant l’arrivée des tueurs, John Turner regardait le soleil se coucher sur les monts Tucson en sirotant une eau de Seltz, debout à côté de sa piscine surdimensionnée ». Où comment annoncer la couleur dès la première phrase d’un roman. John et sa femme Tanya  vont se faire braquer à domicile par trois hommes déterminés. Des tueurs.

Je n’ai même pas envie d’en dire plus. A part peut-être que les apparences sont parfois trompeuses. John est en Arizona depuis dix ans et gagne très bien sa vie en vendant des aspirateurs de piscine. Il a quitté l’Afrique du sud avec un joli pactole, laissant derrière lui un passé trouble. Tanya l’a accompagné mais elle déteste l’Amérique et son mode de vie. Le couple bat de l’aile malgré la présence de Lucy, leur fille de neuf ans. Et John a eu le malheur de tomber amoureux de sa sculpturale assistante, Grace. Maintenant, trois braqueurs débarquent chez lui sans crier gare, et c’est tout sauf un hasard…

Un homme à terre n’est pas un roman noir, c’est un roman plus que noir. Tellement sombre et désespéré qu’il vous donne la nausée. Roger Smith ne prend aucun gant. Il ne cherche pas midi à quatorze heures et fonce droit au but. Pas besoin de tergiverser, la violence est là, brute, insupportable, poisseuse. Une violence montrée sans complaisance, sans aucun désir de l’esthétiser, même si la scène finale est clairement Tarantinesque. Ce n’est pas un roman cool et affriolant, c’est un roman glauque, sans issue, d’un pessimisme absolu.

Impossible de rester insensible devant cette manière sans concession de mener l’intrigue, de présenter une galerie de personnages tous plus dégueulasses les uns que les autres. On alterne entre le passé de John en Afrique du sud (cauchemardesque) et son présent américain où, sous le vernis de la réussite sociale se cachent de lourds secrets. Je vous avoue que j’ai failli ne pas aller au bout. Je voyais trop le coup venir, cette fin inéluctable qui me laisserait ko debout avec en bouche un goût de bile impossible à ravaler. Et puis j’ai cédé devant ce le jusqu’au-boutisme assumé de l'auteur, un jusqu'au-boutisme déroulé dans une langue précise, lapidaire, là encore sans fioriture, et qui vous force à regarder « la banalité du mal » et les versants les plus obscurs de l’âme humaine les yeux dans les yeux.

Une expérience de lecture qui bouscule, secoue, interpelle. Et dont je vous mets au défi de sortir indemne.


Un homme à terre de Roger Smith (traduit de l'anglais Estelle Roudet). Calmann-Lévy, 2016. 312 pages. 20,90 euros.











49 commentaires:

  1. Le défi m'intrigue. On semble retrouver le même esprit que "Le piège de Vernon" et ça me plait beaucoup!

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    1. Je vois que tu connais déjà cet auteur. Ce fut une vraie découverte pour moi !

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  2. Erf je sais pas, ton billet me fait un peu peur :-p

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  3. Euhhhhh ça te dérange pas si je passe ? ^^
    j'ressors par la pointe des pieds :)

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  4. Clairement pas pour moi, rien que ton billet me terrifie ;-)

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    1. Et le roman est bien plus terrifiant que mon billet !

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  5. Ouh là là, ça ce n'est clairement pas pour moi...

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  6. ok; KO? je le suis aussi par les drames du monde , je ne sais pas si je veux tant que ça le rechercher dans les livres! mais ça dépend il faut vraiment que ce soit en plus de la littérature,et là j'hésite. J'exagère, je n'hésite pas du tout je ne lirai certainement pas ce roman.

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  7. Je crois que je vais passer tranquillement mon chemin... ;-)

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  8. Moi j'ai envie de le lire, même si je dois regretter après.Et peut-être que je ne pourrai pas aller au bout.

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    1. Chère Louise, que ce roman t'attire, je ne suis pas étonnée !

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    2. Moi non plus ça ne m'étonne pas.

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  9. j'ai beaucoup de mal à lire des histoires qui se passent aux States mais celui-ci semble fort intéressant. Merci pour cette découverte.

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  10. Une expérience de lecture, rien que ça ?

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  11. HMMM déjà que Corrosion m'a traumatisée...je pense que je ne vais pas tenter celui-ci!

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    1. Corrosion est beaucoup "perturbant" que celui-ci, crois-moi !

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  12. Ha le fameux Noir plus que Noir ! J'achète si j'ose dire ! C'est ce que j'appelle un vrai roman noir, effectivement dépouillée de la tentation d'esthétiser es choses, et de "fignoler" ou styliser les faits. Ce côté sombre et brute est pour moi l'attrait principal de ce type de roman. Il permet de dépasser ses propores limites de lecteurs. C'est ce que j'avais aimé dans ma découverte de Caldwell par exemple : il n'y a pas forcément de justification à faire le mal, autre que le hasard, les réflexes, la facilité, l'absence d’empathie. Effrayant mais tellement passionnant à lire.
    je note cet auteur avec enthousiasme.

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    1. Caldwell, bien sûr ! J'ai adoré "Le bâtard" ! Aucun jugement, les faits bruts et sans aucune interprétation psychologique, du grand art. En France, il n'y a que chez Manchette que j'ai retrouvé cet esprit.

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  13. bon entre le billet d'Eva sur Corrosion et le tien, ma tête tourne !

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    1. J'ai largement préféré "Un homme à terre" à "Corrosion".

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  14. Bah moi, j'ai très envie de lire ce livre !

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    1. Et moi je ne chercherai pas à te faire changer d'avis ;)

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  15. Du noir, sombre, désespéré, pfff chais pas... J'aime les auteurs sans concession et jusqu'au-boutiste mais je suppose que ce roman est à lire à un moment opportun. Ou prévoir d'aller voir Zootopie juste derrière...

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    1. Le grand écart risque d'être trop important si tu enchaînes avec Zootopie ;)

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  16. Je vais passer sur ce coup Jérôme...

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  17. trop noir, trop sombre et trop nauséeux pour moi je crois bien même si c'est très tentant...argh je sais pas, on verra hein.

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  18. Tarantinesque? Ah ben justement je regardais “Inglourious Basterds” dernièrement! :D
    J’aime bien de temps en temps les romans qui secouent. Arf mais si c’est pour avoir la nausée à force de tant de violence, j’sais pas trop finalement… :P

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    1. A toi de voir, question de sensibilité sans doute ;)

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  19. Wouah... ca a l'air d'être de ces lectures qui vous laisse dans la troisième dimension, entre deux mondes... Il faut faire attention à quelle période on décide de se lancer...
    Ca me rappelle ce que je ressens à la fin des Karine Giebel ou Caryl Férey. C'est comparable ?

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    1. Jamais lu Karine Giebel ou Caryl Férey donc je ne pourrais pas te dire ;)

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  20. J'ai lu un roman de cet auteur pour un prix littéraire et je l'avais trouvé très fort aussi. Tu fais bien de me rappeler le nom de cet auteur.

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    1. Et moi je compte bien le lire à nouveau. Mais pas tout de suite ;)

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  21. Ce fut un choc lorsque j'ai découvert Roger Smith...depuis je le suis à la culotte.Je suis en train de lire son dernier opus, et il me reste Blondie et la mort à lire.
    Du vrai polar de chez polar !!

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    1. Je le découvre avec ce titre mais je pense qu'on en n'a pas fini lui et moi ;)

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