lundi 15 février 2016

Les portes de fer - Jens Christian Grondahl

Ce roman, c’est l’histoire d’un homme à travers trois époques de sa vie. A 18 ans, le narrateur se passionne pour la philosophie. Posters de Marx et de Hendrix dans sa chambre, le cœur ancré à l'extrême gauche, il voit sa mère emportée par le cancer et être remplacée dans la foulée par une inconnue. Première déconvenue amoureuse avec la belle Erika qu’il aura rejointe à Berlin sur un coup de tête, en vain. Puis nous le retrouvons quarantenaire, au milieu des années 90. Devenu enseignant, divorcé de Maria, père d’une ado, il recueille un élève venu de Serbie et a une aventure avec sa mère, Ivana. Elle disparaîtra sans laisser de trace. Troisième temps, troisième époque. A la veille de ses 60 ans, grand-père depuis peu, il déambule seul dans les rues de Rome et rencontre Jessie, une photographe qui pourrait être sa fille et avec laquelle il part vers le sud…

A quoi tient la vie d’un homme ? Pour Jens Christian Grondahl, essentiellement aux femmes qui l’ont traversée. Du moins celles avec lesquelles nous passons « plus qu’une simple nuit de hasard ». Lisbeth, Erika, Adèle, Viviane, Maria, Ivana, Benedicte, Jessie. Des femmes aimées et perdues qui nous laissent parfois penser que l’on est passé à coté de l’essentiel. Ou pas. Quoi qu’il en soit, aucune raison de dramatiser pour autant. Il reste forcément quelques regrets mais on finit toujours par s’en accommoder.

Que j’ai aimé ce portrait sobre, mélancolique mais jamais geignard et surtout ne jouant pas sur la corde du « c’était mieux avant ». J’ai apprécié retrouver ce « même homme à des âges différents, avec des nuances différentes, avec une répartition de connaissances et d’espoirs, de pesanteur et de vivacité qui n’était plus tout à fait la même ». Il m’a touché ce narrateur fou de livres et de culture, amoureux de son métier, « arrogant et plein de doutes sur lui-même », ce solitaire conscient que la vie des siens, dont il ne s’est jamais vraiment préoccupé, « avait continué dans toutes les directions, sans [lui] ». Rien de plaintif donc, chez celui qui n’a jamais eu peur de vieillir, considérant au contraire que « les ans sont comme une lente arrivée vers moi-même. »

Un texte superbe sur le temps qui passe, le désir et la tristesse de son assouvissement, le désenchantement comme marque de fabrique du bourgeois occidental. Tout en pudeur et sans esclandre. Un régal.

Les portes de fer de Jens Christian Grondahl. Gallimard, 2016. 404 pages. 23,50 euros.









55 commentaires:

  1. Tu en parles très bien. Voilà qui pourrait me donner envie d'aller regarder ce livre de plus près...

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  2. J'avais beaucoup aimé "Les complémentaires", tu me tentes avec ce titre !

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    1. Je découvre l'auteur avec ce titre mais je n'en resterai pas là avec lui.

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  3. Tu donnes envie, j'ai déjà lu un roman de cet auteur et j'avais apprécié sa capacité à aller vite à l'essentiel.

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    1. Là il prend son temps mais ça reste très agréable à lire.

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  4. Jamais lu l'auteur, et j'ai tort. Hier au Masque et la plume, on vantait fort cet opus...

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  5. Ah. Le genre d'article qui met moins d'une seconde pour me convaincre. J'ai un autre titre de lui sur ma PAL... Faudrait que je découvre cette plume.

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  6. Un auteur dont j'ai déjà aimé plusieurs romans, j'ai bien sûr noté celui-ci dont le thème me parle !

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  7. j'aime bien les itinéraires d'hommes et de femmes qui traversent le temps, j'aime bien aussi que cet homme se sente redevable aux femmes qu'il a rencontrées , à lire donc.

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  8. Je ne me souviens pratiquement pas de ma première lecture de l'auteur alors je n'y serais peut être pas retourné de moi même, mais tu donnes envie :-)

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  9. Il me semble bien dans la veine de l'auteur. Je le lis bientôt

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  10. Le thème me fait penser à "Et rien d'autre" de James Salter. Je le note, je pense qu'il mérite le détour.

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    1. J'ai lu une critique qui faisait clairement référence à Salter.

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  11. J'aime cet auteur et ce que tu en dis m'incite fort à lire aussi ce roman.

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  12. Wahou ! Ce livre ressemble à tout ce dont j'ai besoin en ce moment ;)

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  13. Décidément, je n'entends que des critiques dithyrambique sur ce roman depuis quelques temps. Tu en parles effectivement très bien et donne vraiment envie de se précipiter en librairie !

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  14. Ah livre qui me fait de l’œil, et ton billet me dit qu'il va falloir que je me lance, il a tout pour me plaire !

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  15. jamais lu cet auteur, mais ton billet donne envie !

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  16. J'ai adoré ma première lecture avec lui et ton billet me donne très envie de le retrouver ! je vais l'inscrire à mon programme printanier !

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  17. Je n'avais pas accroché à un de ses romans, il faudrait que je retente.

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  18. Tiens, tiens, tu me captes, là. Je n'avais lu qu'un livre de cet auteur, "les mains rouges", il ne m'avait pas vraiment convaincu, mais là une phrase comme "A quoi tient la vie d'un homme ? aux femmes qui l'ont traversée", je trouve que cela sonne si juste, que je le note, ce titre !

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    1. De mon coté je vais maintenant m'attacher à découvrir ses autres livres.

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  19. A priori, pas un livre que j'aurais acheté ou pris à la bibli, mais tu en parles si bien que je le note

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  20. Ça fait longtemps que je dois lire Grondahl, d'ailleurs je l'ai choisi pour le challenge UE/Danemark mais il ne faut pas que je me plante de titre. Celui-là, je ne sais pas si je vais m'y retrouver, voire m'ennuyer. Un homme qui mesure le passage du temps aux femmes qui ont traversé sa vie, je ne sais pas...

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  21. Et oui, en vieillissant il arrive que l'on se retrouve après avoir perdu pas mal, s'être délesté aussi... Il me tente drôlement et l'absence de complaisance en rajoute...

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  22. C'est si beau de voir le temps qui passe sur les rides d’un homme, avec ses chagrins et ses souvenirs…
    Je te crois quand tu dis que c'est un régal!

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  23. J'aime beaucoup cet auteur, notamment pour ce talent, que tu évoques, à exprimer la mélancolie sans jamais tomber dans le pathos, tout en douceur...

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    1. C'est pour cela que j'ai tant envie de poursuivre ma découverte de son oeuvre.

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  24. Un très beau livre, certes, mais désespérant, qui trahit le vide de l'home contemporain, incapable de s'attacher et d'aimer et poursuivant de vaines idoles, la soit-disant "liberté" (le non attachement), succédant au marxisme. Le livre est à l'image de la couverture, l'auteur y tourne le dos à la vie. Heureusement il y a de très beaux portraits de femme.

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    1. Je le trouve plus lucide que désespérant, mais c'est une question de point de vue ;)

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  25. Homme avec deux m, ce ne serait pas plus mal finalement, même en cette période de réforme de l'orthographe... Pas de doute que l'analyse de ce livre faite par le "lecteur curieux" ne donne à beaucoup de visiteurs l'envie de lire cet excellent roman.

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    1. Avec un ou deux m, peu importe, le champ des possibles en matière d'orthographe est devenu tellement vaste !

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  26. Il est beau ton billet, ce roman te va comme un gant il faut dire...!

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  27. Voilà exactement le type de romans qui devrait me convenir après les fêtes. J'aime beaucoup cet auteur et je trouve que janvier est un mois idéal pour des lectures plus subtiles, plus discrètes.

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