« Est-ce l’éclat sombre de la passion ou celui de la folie qui brille au fond de ses yeux ? Deux grands yeux maquillés d’un cerne ténébreux, aux prunelles hypnotiques, qui me fixent, me fascinent, m’attirent irrésistiblement, comme un phalène. Des yeux si larges, brouillés de fièvre, en noir et blanc. Et cette imperceptible ironie sur ses lèvres. »
Didier Blonde tombe en arrêt, un jour de 2008, devant une photo ornant une plaque funéraire au columbarium du Père Lachaise. Leïlah Mahi est une belle inconnue dont l’identité se réduit à un nom et une date de décès, le 12 août 1932. En bon « détective de la mémoire », l’auteur de « L’inconnue de la seine », fasciné par les destins obscurs de femmes du début du 20ème siècle, lance son enquête avec le peu d’éléments en sa possession.
Très vite il découvre sur le net que la jeune femme a de nombreux amoureux transis, mais qu’aucun ne sait qui elle est réellement. Toquant à la porte des administrations, écumant les bouquinistes (pour découvrir l’existence de deux romans autobiographiques publiés en 1929 et 1931 par une dénommée Leïlah Mahi), voyant tantôt en elle une actrice du cinéma muet, une courtisane ou une mondaine oisive fumeuse d’opium, Blonde s’égare, se disperse, abandonne puis reprend ses investigations après plusieurs mois de pause, revenant sans cesse à l’éblouissement ressenti le jour de sa découverte : « Tout paraissait étrange en elle. Ses grands yeux qui brillait d’un éclat hypnotique, celui de la passion ou de la folie. Sa pose de femme fatale, provocante, à moitié découverte, presque indécente dans cette nécropole. L’absence de date de naissance. D’où venait-elle ? Comment avait-elle fini ? ».
Ce livre n’est pas un roman. C’est une enquête mélancolique aux accents littéraires profonds, où un écrivain en plein doute s’interroge sur l’intérêt de son projet en gardant en permanence à l’esprit ce qu’il doit à chacun de ses lecteurs. Sa façon de procéder est aussi passionnante que l'histoire de la femme qu’il traque en vain. Et au final me direz-vous, en apprend-on vraiment plus sur Leïlah Mahi ? Et bien oui. Un document parvient à lever une grande partie du mystère. Mais c’est suite à cet événement majeur que le clap de fin survient, comme si l’auteur, au moment où il va enfin pouvoir creuser les choses et avancer, décidait qu’il était parvenu au terme de sa quête et qu’il n’était pas nécessaire d’en connaître davantage. Modianesque jusqu’au bout, et absolument délicieux.
Leilah Mahi 1932. Gallimard, 2015. 122 pages. 15,00 euros.
Une enquête qui vient de remporter le Renaudot essai et une lecture commune que je partage évidemment avec Galéa. Je m’étais promis de lui faire découvrir un texte de la rentrée littéraire, elle a eu la gentillesse d’accepter ma proposition et j'ai l'impression d'avoir fait un bon choix.
Ah oui Didier Blonde est complètement modianesque , je ne sais pas comment j'ai pu l'ignorer si longtemps , et sans ton exemplaire ce serait encore le cas. C'est drôle parce que toi tu trouves que l'enquête dévoile une grosse partie d'elle, je dis l'inverse dans mon billet et pourtant c'est toi qui as raison , mais sans doute est-ce parce que je bloque sur son arrêt des investigations au moment où pourtant on croit y arriver . C'est finalement l'histoire d'une solitude.
RépondreSupprimerMerci merci chez Jerome, tu m'as fait un sacré beau cadeau ;-)
Je suis ravi que tu aies aimé, on a toujours la crainte de se tromper en offrant un livre, même si on le choisit avec le plus grand soin.
SupprimerEt cerise sur le gâteau, ce fut une très belle découverte pour moi aussi !
ah il est peut-être bien pour moi celui-là :-)
RépondreSupprimerJ'espère !
Supprimer"absolument délicieux" mhuuum ton billet suscite l'envie ;-)
RépondreSupprimerdéjà noté et commandé au père noël (oui déjà, suis jamais en retard pour commander des kdos ;-) )
bizzzzzz jeune homme et une jolie semaine à toi
Tu as raison, il faut s'y prendre de bonne heure pour expédier sa liste, on ne sait jamais ;)
Supprimerje trouve l'idée de départ géniale , les cimetières sont remplis de destins romanesques, suffit de savoir lire sur les tombes!
RépondreSupprimerJe suis bien d'accord, le champ des possibles est inépuisable !
SupprimerPour le coup tu ne t'es pas trompé, que ce soit sur cette lecture dénichée un peu par hasard ou sur ta partenaire du jour ! Bonne pioche !
RépondreSupprimerOui, j'avoue que je ne suis pas mécontent de moi, pour une fois ;)
Supprimerbon, ben je vais le lire :)
RépondreSupprimerMerci de nous faire confiance à Galéa et à moi.
SupprimerMouiii... pourquoi pas mais je pense que je resterais aussi sur ma fin à l'arrêt des investigations... Je vais lire le billet de Galéa pour voir si je suis plus convaincue ! Je le note quand même dans un coin de ma tête !
RépondreSupprimerGaléa s'est montrée très convaincante je trouve ;)
SupprimerJe viens de chez Galéa, yes, c'était bien un livre pour elle, so modianesque
RépondreSupprimerFinalement je n'ai pas pris beaucoup de risques.
SupprimerJe l'avais déjà noté mais vos deux billets renforcent encore mon envie de le lire !
RépondreSupprimerTant mieux !
SupprimerJ'aime cette idée de doute propre à l'écrivain, ce livre semble très original :)
RépondreSupprimerPour moi, un écrivain qui ne doute pas ne peut pas être bon ;)
SupprimerSuperbe billet et quelle idée originale, je me suis aussi parfois arrêtée devant des tombes, des visages - particulièrement ceux de la deuxième guerre mondiale.
RépondreSupprimerBref, je le note et quel joli cadeau !
Là c'est un visage de l'entre-deux-guerres, mais tout aussi fascinant.
Supprimer"C’est une enquête mélancolique aux accents littéraires profonds". Cela suffit à mon convaincre.
RépondreSupprimerça ne m'étonne pas ;)
SupprimerTrès beau double billet (j'étais il y a quelques instants encore sur le blog de Galea) ! Quelle jolie initiative que cette lecture en duo !
RépondreSupprimerComme je l'ai forcément lu avant de lui offrir, cette lecture commune s"imposait.
SupprimerJe viens de lire le billet de Galea et je suis bien tentée. De plus je ne connais pas du tout l'auteur.
RépondreSupprimerJe ne le connaissais pas du tout non plus.
SupprimerElle était belle, pas étonnant qu'elle ait des admirateurs. L'enquête doit être intéressante à lire et si on n'a pas de point final, je pense que ça ne me dérangerait pas. Je retiens la couverture.
RépondreSupprimerJ'espère que tu le trouveras à la médiathèque.
SupprimerMoi qui ne cours pas après les essais, j'ai très très très envie de découvrir celui-ci... Vous avez été très convaincants Galéa et toi !
RépondreSupprimerC'est une enquête qui n'a pas grand chose à voir avec un essai je trouve.
SupprimerHmmm intrigant mais même si mon bouclier aimerait faire un break, c'est moi qui le lève de force cette fois. 2015, je ne peux plus me permettre de rien noter (oui, j'en suis là). Arrgh il reste encore un mois et demi à tenir...
RépondreSupprimerEt le meilleur reste à venir :p
SupprimerCourt essai ... tu me tentes encore une fois !
RépondreSupprimerC'est vrai qu'il est très court.
Supprimertu en parles très bien mais je sens qu'il n'est pas pour moi ce bouquin...
RépondreSupprimerC'est assez spécial, je me doute qu'il ne conviendra pas à tout le monde.
Supprimermodianesque...hum je ne sais pas j'hésite...
RépondreSupprimerA toi de voir.
SupprimerEt bien on peut dire que tu suscites l'intérêt avec ce billet... je note!
RépondreSupprimerC'était le but, on a trop peu parlé de ce livre je trouve.
Supprimerconcernant le mystère Leilah Mahi...
RépondreSupprimerJ'aurais une piste à suggérer à Monsieur Didier Blonde, si celui-ci vient parfois lire les messages postés ICI. Vu que je n'ai pas réussi à lui envoyer ce mail "en direct".
Cette piste est toute simple, mais il fallait y penser, et, c'est mon passé comme enquêteur de police spécialisé dans la recherche de personnes disparues qui me l'a "soufflé"...
Leilah Mahi était une Syrienne née à Beyrouth en 1890, là-dessus toutes les sources sont formelles.
Il s'agissait donc d'une levantine, comme on les appelait à l'époque. Seulement, avez-vous vu des familles levantines AVEC ENFANT UNIQUE (???) Surtout au XIXème siècle!
Leilah eut donc des frères et soeurs, ce qui allait de soit en raison de son milieu d'origine, et de son époque... Ah moins qu'elle fut une "cendrillon" ayant perdu père et mère à l'époque où elle était encore babie (mais là, c'est une autre histoire)...
À quoi je veux en venir avec cette déduction ? C'est simple :
Leïlah a peut-être eu des membres de sa famille qui lui ont survécu, pas ses frères et soeurs, évidement, vu qu'ils auraient de nos jours dans les... 120 ans.
MAIS... Et LES ÉVENTUELS NEVEUX ET NIÈCES (???)
Bien sur, ils n'ont pas de souvenirs de "tante Leilah" ou alors ils étaient encore "au berceau" en 1929, et ont aujourd'hui dans les 90 ans, âge qu'il est possible d'atteindre de nos jours. Et s'ils n'ont pas de souvenirs "directs", il y aura toujours "ce qui se racontait dans la famille au sujet de tante Leilah"...
Aussi, Monsieur Didier Blonde pourra éventuellement retrouver des membres de la famille "Mahi" par l'intermédiaire d'une association de Libanais de Paris. On peut en rencontrer dans les églises chrétiennes orientales, comme celle du VIIIè arrondissement de Paris. En tant qu'écrivain ayant reçu un "Prix Renaudot" cela ne lui sera certainement pas bien compliqué d'aborder des gens qui lui seront (peut-être) utiles à son enquête sur Leilah Mahi. Si le sujet "Leilah" l'intrigue toujours autant, et ainsi, il pourra toujours nous écrire une suite à son petit livre, qui nous a bien laissé sur notre faim...
Bien sur, je suis parti dans mes déductions, sur la base d'une femme décédée sans descendance directe, c'est-à-dire, sans laisser d'enfant ou... de veuf.