vendredi 17 avril 2015

La nuit des terrasses - Makenzy Orcel

Encore un cadeau aujourd’hui. J’ai décidé cette semaine de me plonger dans des livres offerts par de bonnes fées avec lesquelles j’apprécie tellement d’échanger depuis que ce blog a pris son envol. Après les nouvelles de Russell Banks grâce à Framboise hier, je découvre cette fois-ci la poésie de l’Haïtien Makenzie Orcel, dont le premier roman, à mon grand désappointement, ne m'avait pas autant emballé que je l'espérais.

L’attention vient cette fois de Philisine, qui a en plus eu la gentillesse de me faire parvenir l’ouvrage orné d’une dédicace de l’auteur particulièrement personnalisée. Parce qu’elle sait déjà tout le bien que je pense d’elle, je ne vais pas en rajouter une couche ici et me contenter de la remercier avec une grosse bise qui claque.

Je ne suis pas un grand amateur de poésie. La poésie, je l’aime quand elle s'ancre dans la réalité, quand elle se drape d’une certaine rugosité et qu’elle s éloigne d’un lyrisme de façade et d’une esthétique convenue. Philisine connaissait mes goûts en la matière et elle a vu juste avec ce petit recueil aussi hypnotique qu’incandescent.

Les bars, la ville, la nuit, l’alcool, la chaleur des corps, autant de thèmes qui me parlent. La poésie de Makenzie Orcel est sensuelle, elle « affûte le rêve à coups de rhum et de reins ». La rythmique est saccadée, la forme courte, parfois proche du haïku, fait surgir l’image :

« puis vient l'oubli
 le temps jeté par-dessus bord
 le silence du verre
 posé à même le sol »

Certains vers résonnent comme des aphorismes : « Pour certaines choses de la vie il faut plus qu’un poème » / « Boire nous sort du temps ». Ces poèmes, ce sont autant d’instantanés attrapés à bras le corps et jetés avec rage sur la page dans une langue âpre et libre de toute contrainte. De quoi désarçonner, certes, mais il faut aller au-delà de la première impression, où le sens peut échapper, et se laisser emporter par les mots, par leur force d’évocation. C’est dans ce lâcher-prise, cet d’abandon, que la poésie de Makenzy Orcel s’apprécie à sa juste valeur.

La nuit des terrasses de Makenzy Orcel. La contre allée, 2015. 64 pages. 9,00 euros.

L'avis de Jostein

"ma tête remplie du tournis des phares
leur effarement
les tympans brûlés de leur gardien
leur têtes d'insomnie

l'horreur des bouches
s'inventant des comptoirs
pour dégueuler leurs ruines
les putains de la rue Capois
et la chair chaude de l'aimée

depuis que j'ai appris
qu'il faut laisser la nuit
entrer dans sa vie
pour qu'il y ait un phare quelque part
mes mots respirent mieux sous la mer

tout au fond de mon verre
"

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"c’est fou quand tu jouis

ça fait un bruit de sirène
de tempête sur la ville


il faut
déchirer ta petite culotte
et te prendre debout
dans un bar crasseux
d’ici
n’importe où


pour que tout soit parfait
quel amour se nourrit de fleurs
du confortable ?


fleuve en furie
chute de métaux


quand tu jouis
nul autre mai plus effusi
f..."















26 commentaires:

  1. De la poésie, riche idée, ça me manque justement :-)

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    1. ça change en tout cas, et ça fait du bien de temps en temps le changement ;)

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  2. Je ne suis pas une grande spécialiste de poésie mais ce recueil dégage tant de force que je ne peux rester insensible.
    Souvent, je me perds dans la complexité des phrases de poète. Ici, les mots se sont transformés en images, en sensations.
    L'auteur a fait une lecture dans un bar lillois. A écouter sur Libfly!
    Merci pour le lien.

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    1. Nos ressentis sont assez similaires finalement. C'est vrai qu'il se dégage une vraie force de ces poèmes.

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  3. La lecture musicale dont parle Jostein était formidable : entendre la propre musicalité de l'auteur à travers son texte le rend plus fort. C'est d'ailleurs là que je l'ai rencontré. Tu parles très bien du recueil, il me tarde de le lire. Bises

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    1. Merci encore pour ce beau cadeau, j'ai été très touché par cette gentille attention.

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  4. Tout ce que j'aime dans la poésie ! A lire donc !

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  5. J'aime beaucoup les extraits, vraiment, et pourtant je ne lis jamais de poésie, sauf celle de Benameur... mais ça c'est différent ;-)

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    1. C'est différent Benameur ? Ah oui ? Et pourquoi donc ;)

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  6. Un beau cadeau de la gentille Phili !

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    1. Elle est plus que gentille (et je ne me prive pas de lui rappeler !).

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  7. les poèmes cités font très envie , je ne connaissais pas cet auteur, allez hop dans ma liste!

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    1. Tu devrais faire une belle rencontre avec cet auteur.

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  8. Mais que tu es gâté !^^ Bon,face à la poésie, mon bouclier ne se lève même pas, il sait que j'y résiste toute seule. J'aurais dit comme toi (mais en moins bien) : "Je ne suis pas un grand amateur de poésie. La poésie, je l’aime quand elle s'ancre dans la réalité, quand elle se drape d’une certaine rugosité et qu’elle s éloigne d’un lyrisme de façade et d’une esthétique convenue. " Mais surtout, je crois que j'y suis terriblement insensible et que je fais un blocage dès que je vois une forme stylistiquement suspectement poétique (je n'ai pas réussi à lire 2 lignes de tes extraits par exemple).

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    1. Moi je fais ce genre de blocage dès qu'il est question d'anges ou de vampires donc je te comprends.

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  9. Je ne connaissais pas cet auteur mais les extraits me plaisent plutôt.

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    1. C'est un auteur qui vaut le coup d’œil, vraiment.

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  10. Merci pour ces poésies, cela fait du bien.

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  11. j'ai toujours un recueil de poésies avec moi, généralement de Charles Juliet, cela fait du bien aussi sur ton blog ;)

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    1. C'est sans doute trop par ici la poésie. Mais je me soigne et à petite dose, j'apprécie.

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  12. J'ai un peu de mal avec cet auteur. Je crois que je ne suis pas trop poésie.

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    1. J'ai eu un peu de mal avec son premier roman mais là, c'est bien mieux passé en ce qui me concerne.

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  13. Je ne connaissais pas ce poète, merci à toi et à Philisine pour ce partage.

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    1. La poésie manque souvent de visibilité je trouve. Si on peut lui offrir un tout petit espace de lumière sur nos blogs, tant mieux.

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