Je vous rassure (ou pas), cette impression ne dure que les cinq premières pages. Parce qu’après les choses se gâtent. Un coup de téléphone annonce le décès de la maman de Robert. Ce dernier sombre dans la dépression, Marsha plie bagage et s’acoquine avec un gourou pendant que les enfants tentent de sauver les meubles. En vain.
J’ai rencontré Benjamin Frisch à Angoulême. Un jeune homme souriant, charmant et affable à qui on donnerait le bon Dieu sans confession. Un jeune homme doux comme son dessin tout en rondeur aux couleurs chaudes. Je ne savais pas alors ce qu’allait donner la lecture de l’album mais après coup, je me dis que ce cher Benjamin cache drôlement bien son jeu. Je ne pouvais pas me douter que ce visage d’ange et ce style « cartoonesque » dissimulaient un humour noir féroce et une critique acerbe du politiquement correct made in America.
Je vais rester évasif pour ne pas trop en dévoiler mais sachez que la famille Fun n’a rien de fun et que sous le verni très hypocrite du « tout le monde est happy » on trouve des névroses corsées et des pathologies plutôt lourdes. Le propos est grinçant et la fin, loin d’apaiser la situation, installe un malaise que je n’avais pas vu venir et que j’ai trouvé très dérangeant.
Une chronique familiale sans concession, portrait au vitriol d’une Amérique rongée par la religion, l’égoïsme et la cupidité. Le décalage entre le dessin tout mignon et les horreurs racontées est à l’évidence la trouvaille la plus remarquable (et la plus efficace) de l’album. Assurément une de mes plus belles surprises de ce début d’année en matière de BD.
La Famille Fun de Benjamin Frisch. Ça et là, 2016. 240 pages. 22,00 euros.