lundi 20 février 2017

Le promeneur d’Alep - Niroz Malek

Il y a celle qui se trouve au loin, celle qui « a laissé un très beau baiser sur [son] cou, un autre sur [sa] bouche et un troisième sur [son] épaule ». Il y a ces gens qui coupent les arbres dans les parcs et les jardins publics pour se chauffer. Il y a les amis qui sont partis, se sont dispersés et sont maintenant « des expatriés, des bannis, des migrants, des exilés ». Et « ceux qui sont morts de toutes les manières possibles ». Il y a ce garçon trisomique fauché par une rafale de mitraillette. Il y a cet amour d’enfance « tuée par la balle d’un sniper ». Il y a ce soldat qui voudrait que le poète écrive une lettre d’amour à sa fiancée. Et tout autour il y a Alep en ruine, Alep en guerre, Alep martyrisée qui baigne dans le sang.

Niroz Malek n’a pas voulu quitter sa ville. Il arpente ses rues, passe les barrages, vit avec les coupures d’électricité, le bruit des déflagrations, les murs qui tremblent après une explosion. Il vit la peur au ventre, croise des fantômes, attend le retour de sa femme emprisonnée, retrouve des connaissances au café et traverse la cité malgré les dangers.

Le promeneur d’Alep, c’est un peu Delerm sous les bombes. Une écriture minuscule, une succession de tableaux pour dire les petits riens d’une existence sous la mitraille. Ce sont les mots d’un homme traumatisé par les atrocités mais qui refuse de les décrire de façon brutale et réaliste. Son témoignage est avant tout poétique, aussi sensible que bouleversant, sans jamais tomber dans le pathos ou le larmoyant. Il décrit des ambiances, un cheminement de l’esprit  perturbé par un environnement des plus anxiogènes. Et pourtant cette description du quotidien garde en permanence une petite note lumineuse, une sorte de minimalisme solaire qui traverse chaque texte et transcende l’horreur pour extirper la beauté des décombres. Comme pour apaiser les plaies béantes de la guerre avec la force de l’écriture.

Le promeneur d’Alep de Niroz Malek (Traduit de l’arabe par Fawaz Hussein). Le Serpent à plumes, 2015. 155 pages. 16,00 euros.  



Une lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec ma chère Moka.



38 commentaires:

  1. Totalement convaincue par ce petit livre qui restera. Un beau texte. Et je suis d'accord avec le parallèle avec Delerm.
    Merci encore pour ce beau cadeau.

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  2. Ouh,ce que vous en dites Moka et toi m'intéresse beaucoup. Merci

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  3. Pas du tout tentée, et le fait d'écrire Delerm va me faire fuir, pas du tout le genre que j'affectionne.

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    1. Enfin, ce n'est pas du tout les mêmes thématiques que Delerm, hein ;)

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  4. Ce titre est devenu célèbre et j'ignorais ce qui se cachait derrière ! Si tu as aimé, tu dois trouver Le jardinier de Sarajevo ;-)

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  5. C'est une belle découverte d'une ville fermée aux étrangers je pense.

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  6. Delerm sous les bombes/// Ça me parle !

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  7. Je suis plus que tentée par ce livre

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  8. J'ai un peu de mal à imaginer Delerm sous les bombes (ou alors avec un mojito en perf' mais bon...)! Ce témoignage doit être bouleversant malgré tout (malgré le "sans pathos ni larmoyant"). Heureusement qu'il reste les poètes pour entrevoir "la minuscule lumière" dont tu parles...

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    1. Les poètes sauveront le monde !

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    2. J'en suis convaincue et je les présente autant que je peux ces poètes qui écrivent parfois dans des conditions ahurissantes ou ont écrit... ;)

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    3. Et moi je ne lis définitivement pas assez de poésie...

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  9. Tu sembles avoir mis la main sur une petite pépite syrienne, je pense que ça pourrait bien me parler malgré le contexte un peu difficile.

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    1. Une occasion de poursuivre ton tour du monde livresque.

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  10. Et de deux , deux pour dire que ce livre doit être lu.

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  11. Deuxième fois que je dis : ce livre me tente beaucoup !

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  12. pas toujours facile d'allier poésie et mitraille, normalement j'évite ce genre de texte pour ne pas être traumatisée mais là tu donnes envie

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    1. Pour le coup ce n'est pas vraiment traumatisant, la démarche est très différente je trouve.

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  13. Encore une fois en binôme pour nous convaincre.

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  14. le titre est déjà terrible ! alors "Delerm sous les bombes", ça fait mouche!

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  15. "Delerm sous les bombes", c'est imagé !
    Pas trop tentée, je l'avoue.

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  16. Ces livres-témoignages ont une saveur d'authenticité. Encore davantage quand ils sont écrits avec dignité. Un récit émouvant, forcément...
    J'adore ton clin d'œil à Delerm! ;-)

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  17. J'aime pas trop (pas du tout en fait) l'écriture de Delerm, mais je vais tenter d'oublier ce comparatif et découvrir ce livre. le sujet me touche. cette actualité est une chose triste qu'on regarde de loin à la télévision, en oubliant souvent que vivent des hommes, des femmes et des enfants, au milieu d'un certain enfer.
    Merci pour le billet et la découverte.

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    1. Sur la forme ça ressemble à du Delerm mais pour ce qui est du fond (et de l'écriture), c'est quand même fort différent.

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