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mercredi 16 juillet 2014

J'ai pas volé Pétain mais presque... - Bruno Heitz

Une tante qui passe l'arme à gauche et Jean-Paul se retrouve à la tête d'un petit héritage et de six garages à Nancy censés lui assurer, dixit le notaire, un excellent rendement locatif. Sauf qu'un des garages est vide et qu'il va falloir lui trouver un nouveau locataire. Coup de bol (quoique), Gérard, un flic croisé par Jean-Paul dans sa mésaventure précédente, lui propose un client idéal : Maître Lamblin, à la recherche d'un box pour y stocker quelques affaires. Des affaires qui ne sont rien moins que le cercueil du maréchal Pétain, dont l'avocat rêve de rapatrier la dépouille à Douaumont, nécropole des poilus de Verdun. Embauché par Gérard pour convoyer le maréchal (ou ce qu'il en reste) de l'île d'Yeu jusqu'en Lorraine, Jean-Paul refuse dans un premier temps avant de céder devant les arguments de la pulpeuse secrétaire de maître Lamblin. Une faiblesse qui, comme d'habitude, lui vaudra les pires ennuis.

Après « J'ai pas tué de Gaulle, mais ça a bien failli » et « C'est pas du Van Gogh mais ça aurait pu », revoilà le naïf et un brin couillon anti-héros de Bruno Heitz embarqué dans un délirant enlèvement post-mortem. Pour le coup, le fait-divers est véridique puisqu'en 1973 une équipe de bras cassés nostalgiques de Vichy enleva la dépouille de Pétain pour la transporter en fourgonnette jusqu'à un garage de la région parisienne. L'occasion pour l'auteur du Privé à la Cambrousse de mêler la petite histoire de Jean-Paul à une grande (et lamentable) histoire qui marqua en son temps la France de Pompidou.

Avec le trait minimaliste et la gouaille qui le caractérisent, Heitz s'amuse à mettre en scène ce personnage poissard sachant mieux que personne se lancer, à son corps défendant, dans des coups pour le moins foireux. Les seconds rôles sont toujours aussi bien croqués (avec une mention spéciale pour la secrétaire pulpeuse et machiavélique) et on ne peut que se régaler devant ce Road Trip digne des Pieds Nickelés. Jubilatoire !

J'ai pas volé Pétain mais presque... de Bruno Heitz. Gallimard, 2014. 90 pages. 17,00 euros.



samedi 12 juillet 2014

Myrmidon T3 : Myrmidon dans l'antre du dragon - Dauvillier et Martin

Quand Myrmidon tombe sur une épée figée dans une enclume, son premier réflexe est d'essayer de la retirer. Mais difficile de rejouer Arthur libérant Excalibur avec un pyjama sur le dos. Heureusement, un costume de chevalier traîne près de l'enclume. Et comme par magie, une fois le costume enfilé, Myrmidon peut mener sa tâche à bien. Une première épreuve finalement assez facile par rapport à ce qui l'attend. Parce que se retrouver nez à nez avec un dragon, c'est une autre paire de manches !

Troisième aventure de Myrmidon, toujours sans aucun texte, et le concept continue de fonctionner à merveille. Ici la construction est encore plus audacieuse puisque les codes narratifs propres à la BD sont bousculés. Les bords d'une case s'effondrent, Myrmidon descend sous la page pour entrer dans l'antre du dragon et il doit réparer la case abîmée pour échapper au monstre. Pour le lecteur, l'absence de couleur du dragon permet de comprendre que la créature n'est pas réelle, qu'elle n'est que le produit de l'imagination du petit garçon. Une imagination qui, comme d'habitude, se met en branle dès qu'il enfile son costume.

Une série pour les tout-petits qui parvient à se renouveler à chaque tome. Les trouvailles narratives, alliant originalité et parfaite lisibilité, sont facilement compréhensibles sans être simplistes. Un véritable tour de force. Et puis, au-delà de la forme, ce petit bonhomme est juste craquant et ses aventures ont tout pour plaire et faire rêver.

Myrmidon T3 : Myrmidon dans l'antre du dragon de Dauvillier et Martin. Éd de la Gouttière, 2014. 32 pages. 9,70 euros. A partir de 3-4 ans.

Une nouvelle lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec Noukette.



mercredi 9 juillet 2014

Tourne-disque - Beuchot et Zidrou

Tourne-disque est un homme qui approche de la cinquantaine. Un homme noir, vivant dans le Congo des années 30 au sein d’une riche famille blanche. Depuis qu’il a huit ans il est employé à faire tourner un gramophone pour que ses maîtres puissent écouter de la musique. Le problème avec les 78 tours, c’est qu’il faut les retourner toutes les cinq minutes. Et quand on veut profiter d’un opéra dans son intégralité, les manipulations s’avèrent fastidieuses. Tourne-disque a donc été formé pour passer les galettes sans les abîmer. Comme le dit le fils de son maître avec un humour tout ce qu’il y a de plus colonial : « Pour chaque disque qu’il rayait, mon père lui donnait un coup de cravache. A ce régime-là, même un éléphant aurait appris à traiter les disques avec plus d’attention qu’un nourrisson. »

Lorsque Tourne-disque rencontre le grand violoniste Eugène Isayë venu de Bruxelles pour offrir un récital aux colons, il trouve enfin un interlocuteur aussi passionné de musique que lui. Peu à peu les deux hommes vont apprendre à se connaître et à s’apprécier, au point qu’Eugène, de retour en Belgique, confiera à se femme avoir trouvé un « frère de son ».

Encore une belle histoire imaginée par Zidrou et magnifiquement illustré par le trait élégant et les couleurs lumineuses de Raphaël Beuchot. Une histoire d’amitié qui coule comme une évidence entre deux personnes que tout semble pourtant opposer. Une histoire de connivence et d’estime mutuelle au-delà de toute considération sociale. Mais comme toujours avec ce scénariste, on ne donne pas pour autant dans la guimauve. Il est aussi question de servitude, de colonisation, du peu d'égard qu’ont les blancs pour les « nègres ». Et quand on croise un homme voulant retrouver la femme noire qu’il a chassée après l’avoir mise enceinte vingt ans plus tôt pour s’excuser de son geste, on trouve l’intention admirable. Sauf que l’on apprend quelques pages plus loin que cette visite n’avait rien d’altruiste, son but étant d’amadouer la mère afin de récupérer l’enfant et de l’amener en Belgique pour qu’elle puisse veiller sur les vieux jours de ce père inconnu. Bref, comme d’habitude chez Zidrou, il faut qu’à un moment ou l’autre ça gratte un peu. Et comme d’habitude ça rend la lecture d’autant plus savoureuse.

Tourne-disque de Beuchot et Zidrou. Le Lombard, 2014. 102 pages. 17,95 euros.

Une nouvelle lecture commune que je partage une fois de plus avec Noukette.



mercredi 2 juillet 2014

La famille Passiflore : La chasse au trésor - Loïc Jouannigot et Michel Plessix

Quand les lapereaux de la famille Passiflore apprennent de la bouche de leur père qu’ils ont eu un aïeul pirate, ils tombent des nues. Un pirate surnommé « L’impitoyable Cycliste des 7 mers » qui, après une fructueuse carrière à bord de « La carotte indomptable », s’est installé tout près de leur maison actuelle pour finir ses jours paisiblement et enterrer le trésor amassé en écumant les mers du globe. Fascinés par cette histoire de trésor, les enfants se rendent du coté de la rivière où pourrait être enfoui le précieux coffre. Mais en chemin ils vont rencontrer Fétide Durian, un putois trop gentil pour être honnête…

Ah, les Passiflore ! Un univers animalier proche de celui de Béatrix Potter qui ravira petits et grands. Depuis près de trente ans, ils s’animent sous le crayon de Loïc Jouannigot, d’abord dans des albums pour enfants et depuis peu en BD. Pour cette nouvelle aventure, Michel Plessix est au scénario, autant vous dire que c’est un gage supplémentaire de qualité (du moins pour moi). Le récit est sans temps mort, les événements s’enchaînent avec fluidité, il y a ce zeste de frisson qui permet de se faire (un peu) peur et le comportement héroïque du papa protecteur de sa marmaille m’a beaucoup plu (mais ça c’est un ressenti très personnel, hein).

Coté dessin, c’est bien entendu somptueux, avec des aquarelles de toute beauté et un art de manier la lumière qui force l’admiration.

La chasse au trésor, c’est un grand classique qui fonctionne à tous les coups et cet album ne fera pas exception à la règle.  Et puis franchement, comment résister au charme des Passiflore ?

La chasse au trésor de Loïc Jouannigot et Michel Plessix. Dargaud, 2014. 40 pages. 13 euros. A partir de 7-8 ans.

Mon avis sur le 1er tome des aventures de la famille Passiflore en BD













dimanche 29 juin 2014

Les aventures de Poussin 1er T1 - Eric-Emmanuel Schmitt et Janry

Bon, ma première rencontre avec Eric-Emmanuel Schmitt a été un gros ratage. Elle est récente cette rencontre ratée puisqu'elle date d'avant-hier. Comme j'aime battre le fer tant qu'il est chaud, j'ai eu envie de découvrir un autre titre de cet auteur. Et là, coup de chance, je me suis rappelé que Nahe avait eu la gentillesse il y a quelques temps de m'offrir « Les aventures de Poussin 1er ». Une BD ! L'idéal pour me réconcilier avec Mr Schmitt...

A peine né, Poussin voudrait savoir qui il est. Un canard ? un phoque ? un poussin ? une brute ? un renard ? Il voudrait aussi savoir d'où il vient, ne concevant pas qu'il puisse être sorti d'un œuf lui-même sorti du cul de la poule. Et puis il se demande pourquoi il est là ? Sa seule certitude : il existe. Pour le reste...

Beaucoup de questions donc chez ce brave Poussin. Beaucoup de réponses aussi. Mais si les questions sont légitimes et pertinentes, toutes les réponses sont fausses. Et puis le pauvre gallinacé n'est pas aidé par les autres animaux de la basse-cour, c'est le moins qu'on puisse dire.

Il est sympa ce poussin. Pas d'humour franc du collier, pas de rigolade assurée à chaque page mais une certaine finesse, des réflexions l'air de rien très philosophiques et plusieurs niveaux de lecture qui rendent l'album vraiment tout public. Il y a aussi un sens des dialogues consommé, sans compter qu'avec Janry aux pinceaux, on a droit à du franco-belge classique et de qualité. Le papa du petit Spirou ce n'est pas n'importe qui !    

Entendons nous, je ne crie pas au génie. Mais j'ai trouvé l'ensemble réussi. Disons que si la série se poursuit, on risque de tourner assez vite en rond vu la thématique abordée. Mais quoi qu'il en soit, j'ai passé un très agréable moment avec ce premier tome. Et puis Eric-Emmanuel Schmitt me prouve qu'il a plus d'une corde à son arc et j'aime beaucoup les auteurs n'hésitant pas à changer de registre au gré de leurs envies. Un bon point donc. Comme quoi, tout n'est pas perdu entre Mr Schmitt et moi.

Les aventures de Poussin 1er T1 de Janry et Eric-Emmanuel Schmitt. Dupuis, 2013. 65 pages. 14,50 euros.

Et encore un grand merci à Nahe pour le cadeau !





mercredi 25 juin 2014

Blankets - Craig Thompson

Blankets, c’est le manteau de neige. Celui qui recouvre chaque hiver la petite bourgade du Wisconsin où a grandi Craig Thompson. Métaphoriquement, c’est aussi celui qui recouvre d’une chape d’ignorance et d’intolérance les familles ultra-chrétiennes du coin. Né dans une de ces familles, Thompson est élevé à coups de Bible, dans un environnement ultraconservateur n’autorisant aucune fantaisie. Ce pavé de 600 pages est l’autobiographie à peine romancée de son adolescence.  

A l’école, Craig est un élève dont la sensibilité à fleur de peau lui vaut d’être malmené par ses camarades. A la maison, son attirance pour le dessin et les activités artistiques est inacceptable. Dans un camp de vacances religieux (« Pendant une semaine, notre liberté cessait sous prétexte de partager, autour du Christ, des activités récréatives avec d’autres jeunes chrétiens »), il rencontre la belle Raina dont il va tomber amoureux fou. Avec elle il découvre la joie des plaisirs charnels mais aussi les remords et la culpabilité. Difficile de s’écarter des préceptes du Nouveau Testament quand on vous les inculque comme des mantras depuis l’enfance. Craig est mal dans sa peau, il ne parvient pas à s’affirmer dans un environnement violent, dans cette Amérique profonde repliée sur elle-même. Il se cherche, supporte difficilement la transformation de son corps (« je n’admettais pas que l’âme enfermée dans mon corps d’enfant puisse être transplantée dans un corps grotesque d’adolescent ») et parvient à couper le douloureux cordon le liant à sa communauté en partant pour la ville peu après son vingtième anniversaire.

Récit d’initiation, histoire d’amour, confidence autobiographique aux vertus cathartiques, Blankets est une œuvre colossale dans tous les sens du terme, aussi intime que pudique. La capacité de Craig Thompson à se dévoiler aussi subtilement est absolument remarquable. Visuellement son noir et blanc est d’une rare élégance et les trouvailles graphiques disséminées au fil des pages, notamment pour retranscrire les émotions, montrent à quel point ce dessinateur peut faire preuve d’inventivité.

Que du positif donc. Sauf que je m’attendais à être totalement bouleversé par cet album et que ça n’a pas été le cas. Je n’ai pas été touché par l’histoire, je n’ai développé aucune empathie pour le personnage, me contentant de voir les choses de loin, avec un certain détachement. Peut-être est-ce trop autofictionnel, peut-être que les trop nombreuses (et pourtant indispensables) références religieuses ont fini par me lasser. J’ai du mal à analyser le pourquoi du comment mais je ne peux pas me mentir et crier au chef d’œuvre alors que je me suis pas mal ennuyé au cours de cette lecture. Une question de ressenti avant tout car en en ce qui concerne la qualité du travail de Craig Thompson, il n’y a vraiment rien à redire.

Blankets de Craig Thompson. Casterman, 2012 (édition spéciale à l’occasion des 10 ans de la collection « Écriture »). 590 pages. 29,50 euros.

Les avis de Bouma, Canel, DidiMango, Mo', Moka, Noukette, Valérie









mercredi 18 juin 2014

Anuki T4 : Duel dans la plaine - Sénégas et Maupomé

Il y a eu les poules, puis les lapins et enfin les castors. Chaque fois qu’Anuki a croisé la route d’un animal, il a connu bien des soucis. Dans cette quatrième aventure, on ne change pas les bonnes habitudes et c’est un poney pour le moins indomptable qu’il va devoir affronter. Parce que comme tout indien qui se respecte, Anuki se doit d’avoir une monture. Mais pour traverser la plaine sur un fidèle destrier, encore faut-il parvenir à l’attraper. Et l’affaire se corse quand entre en scène un rival iroquois ayant jeté son dévolu sur le même poney que lui. L’union pourrait faire la force mais les choses ne sont pas si simples. Surtout quand, pour amadouer ledit poney, on vole les carottes d’un vieillard et qu’il vous surprend en plein chapardage…

La recette est connue. Éprouvée. Et approuvée depuis belle lurette. Anuki l’indien un brin poissard est toujours aussi craquant. Dans cet album, il passe par toutes les émotions : la surprise, la joie, la colère, la peur, la douleur, etc. Et à chaque fois ses mimiques sont d’une rare expressivité. On suit ses cavalcades et ses rencontres le sourire aux lèvres. Pas de temps mort, du mouvement à chaque page, des courses poursuites trépidantes, des personnages secondaires inoubliables (avec une mention spéciale pour le poney) et bien sûr, comme toujours, aucun texte. C’est fluide, d’une grande lisibilité, et il faut le relire plusieurs fois pour ne rater aucun détail.

Déjà quatre albums et aucune lassitude. Les auteurs parviennent à renouveler leur univers en gardant un niveau de qualité constant, ce qui n’est pas la moindre des gageures. Et les enfants continuent d’adorer Anuki, sans doute parce que ce gamin facétieux est le genre de copain que l’on rêverait d’avoir.

Anuki T4 : Duel dans la plaine de Sénégas et Maupomé. Éditions de la Gouttière, 2014. 37 pages. 9,70 euros.


Et comme d’habitude, qui dit Anuki dit lecture commune avec Noukette.







mercredi 11 juin 2014

Le sourire de Rose - Sacha Goerg

Montréal, l’hiver. Wilson est au chômage et se bagarre avec son ex-compagne pour faire respecter son droit de visite et voir son fils Théo. Lorsque sa route croise celle de Rose, kleptomane poursuivie par un duo de receleurs auxquels elle a dérobé une inestimable relique, Wilson se retrouve embarqué dans une affaire qui le dépasse.

Une déception cet album. Graphiquement il est très beau. J’adore les aquarelles sans cadres aux couleurs douces et la représentation du frimât montréalais. Mais ça ne suffit pas. Bien sûr, l’histoire de Wilson et de Rose est celle d’une belle rencontre. Au départ douloureuse, leur relation évolue vite vers une jolie forme d’entraide. Rose la jolie fille un peu étrange va donner à ce père en perdition un coup de fouet bienvenu. Un retour à la vie salvateur, des dialogues bien menés et un scénario mélangeant action et bons sentiments qui se déroule d’une traite, c'est plutôt positif.

Le problème vient du fait que tout semble survolé, que tout va trop vite. J’ai ressenti un vrai manque d’épaisseur dans la psychologie des personnages, dans leurs rapports. Finalement le lecteur est comme eux, il patine sur un lac gelé sans craindre grande chose, il reste à la surface des choses alors que les profondeurs du dit-lac, sombres et froides, auraient amené bien plus de piquant à l'affaire.

Un album à l'esthétique imparable mais dont le contenu manque singulièrement d'originalité, d'intensité et d'aspérités. Vraiment dommage.


Le sourire de Rose de Sacha Goerg. Casterman/Arte, 2014. 102 pages. 17,00 euros.

L'avis d'Oliv






vendredi 6 juin 2014

Hilda et le chien noir - Luke Pearson

Hilda rentre chez les scouts. Comme sa mère avant elle. Hilda va aussi croiser un énorme chien noir qui terrorise la région. Et puis Hilda va rencontrer un Nisse. Comment ça vous ne connaissez pas les Nisses ? Ce sont des esprits domestiques qui vivent dans les maisons. Ils occupent les places perdues, comme par exemple l’espace derrière les bibliothèques où les fentes entre les lattes du parquet. Tous ces espaces forment une pièce supplémentaire invisible aux yeux des humains et c’est là qu’habitent les Nisses. Bref, reprenons. Hilda, des scouts, un gros chien noir et des Nisses. Quel rapport entre tous ces éléments ? Je vous laisse le découvrir par vous-même.

Je suis fan de Luke Pearson. J’avais beaucoup aimé sa réflexion sur le couple dans Loin des yeux et j’adore sa petite Hilda, gamine rêveuse et pétillante, altruiste et pleine de bon sens. Et puis il y a chez Pearson cette faculté à introduire avec une facilité déconcertante des éléments surnaturels qui semble faire partie du quotidien. Sans explication particulière, le tout étant suffisamment bien amené pour que ce ne soit à aucun moment déstabilisant. C’est vraiment très fort. Chaque album est également porteur d’un message humaniste jamais plombant. C’est à la fois simple et profond, poétique et onirique et il se dégage du dessin et des couleurs beaucoup de douceur.

Papier mat, vernis sélectif sur la couverture, dos toilé… ce troisième tome est publié par Casterman mais le changement  d’éditeur ne nuit pas à la qualité de l’objet-livre, toujours aussi magnifique. Une série jeunesse incontournable ? Ce n’est pas moi qui dirais le contraire.

Hilda et le chien noir de Luke Pearson. Casterman, 2014. 60 pages. 15,50 euros. A partir de 8 ans.

jeudi 5 juin 2014

Un été en apnée - Max de Radiguès

Puisque les rendez-vous de la Bande dessinée d’Amiens approchent à grand pas et que je ne manquerais ça pour rien au monde, je vais vous parler BD jusqu’à la fin de la semaine. Après Rabaté hier, Radiguès aujourd’hui…

Louise plaque Simon juste avant les vacances. Sa cousine Manon, qui l’a plus qu’incitée à le faire, est ravie. A eux les beaux mecs de la plage ! Et évidemment, les choses ne traînent pas. Premier jour de farniente et première rencontre : Quentin et Luca. A peine le temps d’échanger quelques mots et les quatre ados se donnent rendez-vous le soir au cinéma en plein air. Manon a craqué pour Luca et Louise se retrouve « par défaut » avec Quentin. Le début d’une belle idylle ? Pas si simple…

J’aime beaucoup l’univers de Max de Radiguès. Dans Frangins et Orignal il mettait en scène avec une rare justesse des enfants en plein doute, des enfants malmenés et parfois poussés à de terribles extrémités (dans Orignal surtout !). Ici la trame est plus légère. Des jeunes filles en fleur, des vacances en bord de mer, un jeu de séduction qui se met en place et les interactions entre chacun déroulent la pelote de l’histoire. C’est simple et j’ai envie de dire efficace. Dessin un brin naïf typique de cet auteur, découpage ultra classique, couleurs pastel, rien d’exceptionnel graphiquement parlant mais l’ensemble est d’une grande lisibilité.

Au-delà de ça, les dialogues sonnent juste, les états d’âme et les comportements des uns et des autres sont parfaitement rendus. On pimente l’affaire en intégrant un troisième garçon un peu différent et le tour est joué. C’est sympa mais un peu lisse. Ou alors j’ai passé l’âge de lire un album sur une thématique purement adolescente. On va dire que ce n’est pas une BD pour les vieux croûtons dans mon genre. Et je pense sincèrement que cette histoire doit parler au public auquel elle s’adresse. Ma pépette n °1 est encore un peu jeune, dommage, j’aurais aimé tester sur elle ce scénario cousu main pour les 13-14 ans. Pas grave, je vais garder l’album au chaud dans la bibliothèque familiale. Son heure viendra…

Un été en apnée de Max de Radiguès. Sarbacane, 2014. 60 pages. 12,90 euros. A partir de 13 ans.











mercredi 4 juin 2014

La Marie en plastique (toute entière) - Prudhomme et Rabaté

Une famille lambda, où les grands-parents vivent chez leur fille mariée et maman de deux enfants. Le grand-père est un communiste de la première heure et la grand-mère une fervente croyante. Pour elle, son mari est un mécréant, un sale rouge. Pour lui, sa femme est une grenouille de bénitier. Ils ne s'épargnent aucune insulte, aucun coup vache, au grand dam de leur fille et de leur gendre. De retour de Lourdes, la mamy installe une vierge en plastique sur la télé. En réponse, le papy va accrocher juste derrière le portrait de Lénine. La coupe semble pleine, prête à déborder, et les menaces fusent : « Si vous saviez comme vous me fatiguez […] vous n'êtes que des vieux gâteux qui nous polluez la vie […] Si ça continue je vous fous en maison de vieux ». Et le jour où la vierge pleure sans raison des larmes de sang, tout le monde va basculer dans un tourbillon d'événements dont il sera difficile de se remettre.

J'ai reçu cet album regroupant en un seul les deux volumes du diptyque grâce à Lunch qui me l'a offert dans le cadre du loto BD et je me suis régalé. C'est Rabaté comme je l'aime, celui des petits ruisseaux ou des pieds dedans, parfaitement à l'aise pour croquer la France d'en bas, pour mettre en scène le quotidien d'anonymes dans des coins perdus de province. Ici c'est caricatural mais en même temps très réaliste. Caricatural parce que les portraits du représentant de la lutte des classes abonné à l'huma et de sa femme bigote sont tirés à l'extrême, comme celui du frangin bien beauf amateur de Ricard. Et très réaliste parce que chaque séquence sonne vrai, des engueulades aux dîners de famille, des discussions de couple aux jeux d'enfants. C'est touchant aussi sur la fin et puis drôle souvent, très souvent même. Les dialogues sont ciselés, la répartie de chacun donnant du sel à l'ensemble.

J'ai par contre eu beaucoup de mal avec le dessin particulièrement naïf et les couleurs pas folichonnes du tout. Mais on s'y fait assez vite et une fois à l'aise pour reconnaître chaque protagoniste, on se laisse davantage porté par l'histoire que par le graphisme.

 Au final, cette chronique familiale douce-amère est un régal de justesse et de drôlerie. Un bonbon sucré à déguster sans modération.

Merci Lunch, c'était un choix parfait pour moi !

La Marie en plastique (toute entière) de Prudhomme et Rabaté. Futuropolis, 2008. 118 pages. 20 euros.

L'avis d'Enna







mercredi 28 mai 2014

Shelley : la vie amoureuse de l'auteur de Frankenstein - Casanave et Vandermeulen

Le sous titre est trompeur, l’album s’attardant davantage sur la vie amoureuse de l’époux de Mary Shelley que sur celle de l’auteur de Frankenstein. Un drôle de loustic, le Sir Percy Bysshe Shelley. Renvoyé d’Oxford en 1811, à 17 ans, pour avoir rédigé et diffusé auprès de tous les évêques d’Angleterre une brochure intitulée « De la nécessité de l’athéisme ». Shelley le poète maudit, personnage sulfureux, intime de Byron, pionnier du romantisme anglais, punk avant l’heure dont le décès à 26 ans aux larges des côtes italiennes contribua à construire la légende.

Un jeune homme haï par ses contemporains dont va tomber amoureuse Mary Godwyn, sa future seconde épouse. La célèbre romancière avait, il faut dire, baigné depuis sa tendre enfance dans une ambiance des plus modernes aux cotés d’une mère philosophe et d’un père, William Godwin, qui fut l’un des premiers penseurs anarchistes établis à Londres.

Cet album au format atypique, réédition en un seul volume d’un diptyque paru précédemment, revient sur la construction de leurs relations en se focalisant néanmoins largement plus sur Percy que sur Mary. C’est le second titre de la série Romantica, une collection présentant la vie et l’œuvre de grandes figures du romantisme européen en mêlant à la biographie réelle une œuvre de l’auteur. Ici, aux faits historiques avérés, David Vandermeulen a associé des éléments d’un roman de Mary Shelley peu connu sous nos contrées, « Le dernier homme ». Dans ce roman, une épidémie ravage l’Europe et la couronne d’Angleterre tombe. Le scénariste a inséré ces épisodes dans son récit de la vie des Shelley et c’est à mon avis là que le bât blesse, ce mélange des genres ne permettant pas de distinguer clairement la réalité de la fiction. Personnellement, j’aurais préféré que la biographie reste réaliste jusqu’au bout et je ne vois pas ce que les éléments du roman apocalyptique apportent de plus.

En dehors de cette réserve d’importance, je dois reconnaître que l’atmosphère gothico-décadente propre aux prémices du romantisme anglais est bien rendue et qu’il est fort agréable de croiser au fil des pages des figures comme celles de Byron ou de John Polidori, un auteur auquel on attribue la paternité du vampirisme en littérature.

Une plongée à la source du romantisme, peut-être un peu légère, manquant parfois de fond, mais qui peut constituer une bonne introduction à la découverte de personnalités marquantes des lettres européennes.

Shelley : la vie amoureuse de l'auteur de Frankenstein de Casanave et Vandermeulen. Le Lombard, 2014. 288 pages. 22,50 euros.


PS : le second album de la collection est consacré à Chamisso. Le troisième, à paraître, retracera la parcours de  Nerval.








mercredi 21 mai 2014

Chico et Rita - Javier Mariscal et Fernando Trueba

Cuba, 1948. Chico est un pianiste de génie et Rita une chanteuse à la voix envoûtante. Leur rencontre ne pouvait que déboucher sur une idylle passionnée. Mais leurs carrières respectives ne décollant pas à la même vitesse, les amoureux vont devoir s’éloigner l’un de l’autre, par la force des choses. Les retrouvailles ponctuelles sont aussi "caliente" que tumultueuses et précèdent toujours une nouvelle séparation. Leur histoire n’est faite que de ruptures et de réconciliations, sur fond de jazz et de Be Bop avec, au cœur de leur relation, une sensualité à fleur de peau et des caractères bien trempés. soixante ans plus tard, Chico se souvient…

Il y avait à priori de sacrés bons ingrédients dans ce roman graphique basé sur le film d’animation éponyme : le Cuba des années 50, l’amour fou, la passion, la musique, la chaleur des corps et des nuits tropicales, tout cela était fort alléchant. Oui mais voila, je suis resté de marbre. Limite, je me suis ennuyé.

Pour des amoureux passionnés, Chico et Rita manquent singulièrement d’âme. Difficile de s’attacher à eux, à leur parcours, à leur histoire commune. Le récit est lent, contemplatif par moments mais paradoxalement j’ai eu l’impression que tout allait trop vite. La Havane, New York, Hollywood, Paris, Las Vegas, les événements  s’enchaînent, se précipitent, s’emballent même, sans jamais m’avoir véritablement embarqué.

Il faut dire que parler de musique en BD, créer l’émotion en mettant la musique au cœur du propos, ce n’est pas évident. N’est pas Renaud Dillies qui veut. Pareil pour le dessin, auquel je n’ai pas accroché une seconde. Trop proche de l’animation, trop froid malgré les couleurs pétantes, manquant singulièrement de personnalité. Et puis là encore, quand on vient de voir la Havane dessinée par Berthet dans Perico, celle de Chico et Rita ne soutient pas la comparaison. Bon, tout n’est pas à jeter, entendons-nous. J’ai aimé par exemple la tirade de Rita devant son public sur sa condition de star noire à Vegas : « Je suis là devant vous ce soir, en train de chanter dans ce club fabuleux, cet hôtel merveilleux mais je ne peux pas y dormir, je dois dormir dans un motel en dehors de la ville. A Miami, ce fut encore pire. On m’a laissée rester, mais on a vidé la piscine pour m’empêcher de m’y baigner ! Malgré tout on ne cesse de me dire que je suis une star. Qu’en pensez-vous ? »

Pour autant, je dois reconnaître que ma rencontre avec Chico et Rita est un rendez-vous manqué, vraiment. J’en suis le premier déçu. Surtout que cet album est arrivé jusqu’à moi depuis La Réunion grâce à Unchocolatdansmonroman qui a eu la gentillesse de me le prêter. Mais peu importe, je tenais à le lire et je ne regrette pas une seconde de l’avoir découvert.


Chico et Rita de Javier Mariscal et Fernando Trueba. Denoël Graphic, 2011. 212 pages. 23,00 euros.

Les avis de Canel, Hélène et Unchocolatdansmonroman










lundi 19 mai 2014

La tour fantôme T1 - Taro Nogizaka

Le 23 juin 1952, à 23h53, Tatsu Fujimiya, 60 ans, fut sauvagement assassinée par sa fille adoptive, Reiko, 23 ans. On retrouva son corps les os brisés, attaché aux aiguilles du cadran d'une horloge au sommet d'une tour. Deux ans plus tard, Taïchi Amano est victime de la même agression mais il s'en sort in extremis. Une tentative de meurtre qui va l'entraîner dans une improbable chasse au trésor au cœur d'une bâtisse que tout le monde surnomme désormais la tour fantôme...

Longtemps que je n'avais pas lu de manga. Celui-ci m'a attiré parce qu'il n'avait à priori rien pour me plaire (oui, je sais, je ne suis plus à une contradiction prêt). Pensez-donc, un manga « à mi-chemin entre le récit horrifique et le roman d'enquête pour ados », c'est le genre de truc qui devrait me faire fuir. Et bien là pas du tout. C'est drôlement bien fichu. Fluide, simple à suivre, et les différents protagonistes se reconnaissent au premier coup d’œil (ce qui n'est pas toujours le cas et me pose parfois problème avec les mangas). Sans compter que la tension monte crescendo et que le final laisse le lecteur sur un suspens insoutenable !

Bon, on comprend vite que Taïchi n'est qu'un pion dépassé par les événements mais le plus intéressant ce sont les drôles de personnages qui gravitent autour de lui, tous plus inquiétants et mystérieux les uns que les autres. Surtout, ce tome d'introduction mets tous les éléments en place pour que la suite s'avère palpitante. En gros, je suis ferré, et pas qu'un peu. Et même si j'en suis le premier surpris, je n'ai aucune raison de le nier.


La tour fantôme T1 de Taro Nogizaka. Gl énat, 2014. 224 pages. 7,60 euros.


mercredi 14 mai 2014

Les temps mauvais : Madrid 1936 – 1939 - Carlos Giménez

« De 1936 à 1939, eut lieu en Espagne ce que certains historiens, versés en littérature, ont appelé « la dernière guerre romantique ». Pour ceux qui l’ont vécue, ce fut simplement la guerre. »

Madrid, de 1936 à 1939. Suite au putsch militaire de Franco, la ville est assiégée et les républicains tentent de résister au fascistes. Carlos Gimenez raconte la guerre civile à travers le quotidien d’une famille qui l’a vécue « de plein fouet ». Mr Marcelino, le père, est un socialiste modéré. Entouré de sa femme et de ses trois enfants, travaillant dans un atelier de confection, il va endurer les privations et vivre au milieu de l’horreur et du chaos. Arrestations et exécutions arbitraires, bombardements, famine, maladie, promiscuité, insécurité permanente, rien ne sera épargné aux madrilènes pendant trois ans, jusqu’à la défaite.

Cette intégrale regroupant quatre albums inédits en France se compose d’historiettes de quelques pages. Des tranches de vie  sidérantes de réalisme qui ne glorifient personne mais cherchent à montrer un conflit vécu à hauteur d’homme par une population terrorisée.

Dans un dossier très complet en fin d’ouvrage, l’auteur explique sa démarche : « Je voulais raconter la guerre du point de vue de ceux qui l’ont subie, ceux qui recevaient les bombes et ont connu la terreur, la faim, l’angoisse et la misère. Je voulais raconter la guerre en minuscules, la guerre du quotidien, celle des coulisses, celle de ceux dont on ne parle pas dans les journaux, ni dans les manuels d’histoire. »

Impossible selon moi d’avaler ce pavé d’une traite, il est préférable de procéder par étapes pour éviter l’indigestion et profiter au maximum de la richesse de l’ensemble.

Le dessin en noir et blanc serait davantage adapté à un registre humoristique mais plus on avance dans le recueil et plus on se dit qu’il colle parfaitement au propos. D’ailleurs, un trait plus réaliste aurait sans doute rendu les événements relatés à la limite du supportable.

Il faut aimer le genre, il faut aimer le sujet, il faut accepter d’être sacrément bousculé par l’atrocité du conflit. Mais il faut aussi reconnaître que c’est de la très grande BD historique, une somme d’une rare qualité que j’ai trouvé absolument passionnante.

Les temps mauvais : Madrid 1936 – 1939 de Carlos Giménez. Fluide Glacial, 2013. 240 pages. 35,00 euros.


Un album lu dans le cadre de l’opération « La BD fait son festival » organisée par Priceminister. Et puisqu’il me faut donner une note à ces « Temps mauvais », je leur accorde un 18/20 bien mérité.
















mercredi 7 mai 2014

Les vieux fourneaux T1 : Ceux qui restent de Lupano et Cauuet

Antoine, 77 ans, vient de perdre sa femme. Pierrot et Émile, les amis de toujours, sont là pour le soutenir le jour de l’enterrement. Mais quand il apprend le lendemain que son épouse bien-aimée a eu une relation extraconjugale une quarantaine d’années auparavant, il devient fou de rage. Surtout que l’amant n’était autre que son patron de l’époque, magnat d’un grand groupe pharmaceutique, aujourd’hui nonagénaire exilé par sa famille dans une villa toscane où il passe ses journées à sucrer les fraises, frappé de plein fouet par un Alzheimer dévastateur.

Décidé à venger son honneur, Antoine prend son fusil et saute dans sa voiture, direction l’Italie. Pour éviter le drame, Pierrot et Émile, accompagnés de Sophie, la petite-fille d’Antoine, s’embarquent à leur tour dans un périple mouvementé…

Un régal cet album ! Ces petits vieux sont attachants mais pas que. Ils fument et picolent parce qu’il n’y pas de raison de se priver de ces petits plaisirs, ils débordent d’énergie, ne sont certes pas dans la forme de leur vie mais ils sont prêts à déplacer des montagnes pour aider leur copain. En ces temps d’égoïsme, ils revisitent l’altruisme de façon magistrale. Et sans mièvrerie, avec un cynisme et un humour dévastateur. La réflexion politique n’est jamais loin, les dialogues, très travaillés, sonnent comme du Audiard mâtiné de Jean Rochefort. Même l’ex-patron est drôle malgré lui et finit par devenir attendrissant.

Et que dire de la confrontation savoureuse entre Sophie, digne représentante de la jeunesse actuelle, et ces vieillards qu’elle considère comme « la pire génération de l’histoire de l’humanité. » Un régal je vous dis !

Il faut reconnaître aussi que le dessin de Cauuet offre à ces papys des trognes inoubliables. De nombreuses choses passent dans leurs regards, leurs postures et leurs corps abîmés par les années, tout cela participe à rendre l'atmosphère de cet album assez unique.

Un premier tome en tout point excellent, rocambolesque à souhait, mélangeant avec bonheur le road trip improbable et la comédie sociale, on en redemande. Ça tombe bien, le second volume est déjà entièrement dessiné et devrait sortir en novembre. Une vraie bonne nouvelle !

Les vieux fourneaux T1 : Ceux qui restent de Lupano et Cauuet. Dargaud, 2014. 56 pages. 12,00 euros.

Une lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec Moka, Noukette et Yaneck.

L'avis d'Yvan






jeudi 24 avril 2014

Passe-passe - Delphine Cuveele et Dawid

Une grand-mère et sa petite fille sur un banc. Un papillon se pose sur le crâne de la grand-mère et le récit commence. Cinq moments clés de l’histoire commune de l’enfant et de la vieille femme vont marquer la disparition progressive de cette dernière.

La mamy perd peu à peu couleurs et vitalité pour les transmettre au papillon. Au final on assiste à une « évaporation graphique » tout en douceur, un tour de passe-passe magique, sans un mot, qui en dit bien plus que de longs discours.

Je suis toujours fasciné par la narration sans texte. Tout tient dans un découpage où la lisibilité de l’image est le seul maître mot. En jouant sur le cadrage, le mouvement, l’alternance entre les grandes cases, les illustrations pleine page et les plans resserrés, il faut parvenir à donner du rythme en gardant le propos parfaitement compréhensible. Un tour de force qui, lorsqu’il est réussi comme c’est le cas ici, émerveille.

Une façon magistrale d’aborder le deuil, le souvenir et le temps qui passe. La nostalgie n’est pas triste et l’absence est comblée par les joyeuses réminiscences. Il est finalement très lumineux cet album.

J’ai l’impression de me répéter à chaque fois que je présente un ouvrage des éditions de La gouttière mais je n’y peux rien si le catalogue de cet éditeur ne propose que des pépites, des BD jeunesse d’une qualité rare que j’ai envie de faire découvrir au plus grand nombre. Et celui-là ne fera évidemment pas exception à la règle.

Passe-passe de Delphine Cuveele et Dawid. Éditions de la gouttière, 2014. 36 pages. 9,70 euros. A partir de 6-7 ans.

Une lecture commune que je partage une fois de plus avec Noukette et Moka.

L’album sort aujourd’hui. Plus d’infos sur le site des éditions de la gouttière.

L'avis de Lunch






mercredi 23 avril 2014

L’assassin qu’elle mérite T1 et T2 - Corboz et Lupano

Vienne, 1900. Prenez un gamin des rues pur et innocent et plongez-le dans le luxe d’une maison close avec crédit illimité. Initiez-le aux charmes de l’oisiveté et de l’argent facile, donnez-lui accès à des choses qui lui sont inabordables puis coupez-lui les vivres sans crier gare. Tel est le projet d’Alec, jeune dandy capricieux, irresponsable et tête à claque voulant transformer un gavroche en ennemi public numéro 1. Le but ultime étant de le façonner comme une œuvre d’art, une œuvre d’art « subversive et véritablement décadente ». Victor sera la victime désignée d’Alec. Un gosse pas verni par la vie, maltraité par un père à la main lourde et dont la carrière de tailleur de pierres qui l’attend ne l’enchante guère. Avec Alec, il va découvrir un train de vie dont il ne soupçonnait même pas l’existence. Mais le choc est rude, trop rude. Et le pétage de plombs inévitable…

Pour ce scénario, Lupano s’est inspiré de « L’assassinat considéré comme un des beaux-arts » de Thomas De Quincey et surtout d’un passage de « A rebours » de Joris-Karl Huysman dans lequel l’auteur déclare vouloir changer brutalement la vie d’un homme pauvre afin de « créer un gredin de plus pour la société et lui donner l’assassin qu’elle mérite ». Entraîné dans quelque chose  qu’il ne maîtrise pas, dépassé par ce qui lui arrive, Victor va devenir incontrôlable, allant bien au-delà des espoirs placés en lui par son pygmalion.

Une série à l’atmosphère délicieusement sulfureuse. Lupano montre la bourgeoisie viennoise engoncée dans ses certitudes d’un autre temps, incapable d’anticiper les catastrophes à venir alors que la pauvreté, le chômage de masse et l’antisémitisme galopant transforment en profondeur la société. Avec Victor, il procède à une métamorphose violente. Une personnalité simple et neutre qu’Alec a besoin de totalement effacer pour la réécrire à sa guise. C’est une expérience sans filet, un mélange qui devient aussi dangereux qu’explosif…

Que dire du dessin de Corboz, si ce n’est qu’il représente à merveille la Vienne de l’époque. L’architecture, l’opéra, les brasseries, les quartiers populaires, tout est fidèlement resitué. Son trait réaliste campe avec conviction les différents personnages et affirme le caractère de chacun.

Une superbe série, tant sur le fond que sur la forme. Le troisième volume paraîtra le 21 mai, je vais me faire un plaisir de le dévorer dès sa sortie.

L’assassin qu’elle mérite T1 : Art nouveau de Corboz et Lupano. Vents d’ouest, 2010. 56 pages. 13,90 euros.
L’assassin qu’elle mérite T2 : La fin de l’innocence de Corboz et Lupano. Vents d’ouest, 2012. 56 pages. 13,90 euros.


Une lecture commune que je partage une fois de plus avec Noukette.



mercredi 16 avril 2014

Un petit goût de noisette - Vanyda

Dans ces nouvelles, il est question d’un écureuil qui essaierait d’attraper une trop grosse noisette. D’une étudiante amoureuse d’Esteban, qui en aime une autre. De Barnabé, pensant trouver l’amour en « sauvant » un colis qui ne lui était pas destiné. Mais il est aussi question, d’Eléonor, d’Aymeric, de Luna, de Margaux, de Benoît, d’Abderrazak, de Marlène, de Christophe et d’Azul.

Il n'est que question d'amour dans cet album. Des trajectoires qui se croisent, des vies en pointillés, des jeunes gens qui se cherchent, un arrière goût de solitude parfois. Des rencontres, des hésitations, des occasions manquées, des regrets, des histoires qui grandissent l'air de rien. Et quand l'évidence est là, l'alchimie fonctionne, envers et contre tout.

A première vu, tout cela a l'air très décousu. Mais plus on avance dans le recueil et plus on se rend compte que les histoires se font écho, que des protagonistes reviennent régulièrement, que certains servent même un peu de fil rouge à l'ensemble. On avance et on se dit que Vanyda a tricoté son ouvrage serré-serré, que la construction est bien plus fine qu'il n'y paraît.

Le dessin est assez dépouillé et va à l'essentiel. Le découpage est parfait et privilégie la lisibilité. Avec autant de personnages, on aurait pu craindre de s'emmêler les pinceaux mais les visages se reconnaissent au premier coup d’œil.

Un album tout en délicatesse où l'on saisit ces petits moments qui, parfois, font basculer une existence. C'est à la fois réaliste et plein de tendresse, ça ressemble à la vie comme elle est, joyeuse, triste,traversée par de l'attente, de l'espoir, des désillusions et de magnifiques rencontres. Une vraie réussite.

Un petit goût de noisette de Vanyda. Dargaud, 2014. 206 pages. 17,95 euros.

Une lecture commune que je partage avec Noukette.

Les avis de Marion et Stephie.