Le roman relate une journée de septembre 2006 où ces deux hommes se croisent à nouveau. Une journée où ils vont remonter le temps. Prenant tour à tour la parole, ils laissent affleurer les souvenirs. 1966-1970-1971. Tommy, battu par son père, va être séparé de ses trois sœurs et placé en famille d’accueil. Jim, vivant seul avec une mère bigote, sera le confident, le soutien permanent, le complice indéfectible. L’époque des certitudes, mais aussi des premiers doutes :
- On est amis depuis combien de temps, Tommy ?
- Depuis toujours. On a toujours été amis.
- Autant que je m’en souvienne, oui, dit Jim.
- Je crois que ça durera jusqu’à la fin de notre vie. Tu ne crois pas ?
- On changera tous les deux. Avant, on se ressemblait plus que maintenant.
Tout est dit dans ce dialogue. L’éloignement, inévitable, pointe en sourdine. Un micro-événement, un grain de sable viendra mettre un terme à leur histoire.
Bon, je vais être clair, j’ai adoré ce roman. On navigue entre le passé et le présent et on comprend pourquoi les choses ont pu en arriver là. La trajectoire de chacun a fluctué en fonction des aléas. Comment peut-on tirer un trait sur une telle amitié ? C’est simple, banal, c’est juste la vie, le temps qui nous sépare et nous éloigne les uns des autres, même de ceux avec lesquels on pense rester connecté à jamais. Le propos me parle, sans doute parce que je m’y suis retrouvé. Le temps passe et fracasse tout sur son passage, « on oublie facilement que les choses sont différentes quand on est jeune ; l'univers est plus beau et on a la vie devant soi. Et puis ça se gâte, tout fout le camp, le monde vole en éclat du jour au lendemain. »
Dans ce récit polyphonique, Per Petterson met en scène des hommes qui s’écroulent. Dans tous les sens du terme. Des hommes seuls, désorientés, en plein doute. Des hommes fragiles, qui pleurent et se cherchent. Des hommes lucides, sachant pertinement qu’il est impossible de regarder en même temps en avant et en arrière si l’on veut avancer. Mais ont-ils encore envie d'avancer ? A un moment, Tommy se demande si le temps n’est pas qu’un sac dans lequel on peut enfouir ce que l’on veut. En cette journée de septembre 2006, il va ouvrir le sac et remonter le fleuve du temps, luttant contre un courant qui l’emporte. C’est beau, fort, poignant. La fin ouverte est parfaite, en suspens, elle nous laisse le choix, un peu comme dans un roman de Modiano. Le mien est le plus pessimiste. On ne se refait pas…
Je refuse de Per Petterson. Gallimard, 2014. 270 pages. 19,50 euros.
PS : J’aime ce titre. Ces deux mots sont prononcés par un personnage secondaire. Sur son lit d’hôpital, il refuse de mourir. Un vœu pieux, forcément.
PS bis : « Je refuse » sera ma première pépite de la rentrée chez Galéa. Une pépite sans doute trop personnelle et intime pour emporter l’adhésion d’une majorité d’autres lecteurs, j’en ai bien conscience. Mais j’assume, évidemment.
Très étrangement, il est des livres et des films auxquels nous nous identifions. Ils deviennent alors notre propriété exclusive. Nous sommes même un peu jaloux que d'autres les lisent et les aiment. Je pense que "Je refuse" en fait partie
RépondreSupprimerJe ne serais pas du tout jaloux si quelqu'un d'autre le lisait et l'appréciait mais je l'ai adoré pour des raisons très personnelles, je ne peux pas le nier.
SupprimerVoilà donc ta pépite de la rentrée .. ça ne parle que d'hommes, ou il y a des femmes quelque part ? Ce que tu en dis me tente bien, les extraits aussi.
RépondreSupprimerIl y a des femmes, je te rassure. Il y en a même une dont la voix se mêle à la polyphonie et qui est très importante (celle de Siri, une des sœurs de Tommy).
SupprimerJ'avais été surprise d'aimer autant "Pas facile de voler les chevaux" dans lequel j'entrais presque à reculons... Tu penses bien que je note celui-ci, car rien de ce que tu en dis ne me rebute.
RépondreSupprimerC'est une totale découverte pour cet auteur. Mais je compte bien lire ses autres romans maintenant.
SupprimerTu me donnes envie de découvrir ce roman. L'amitié qui s'étiole au fil du temps, un thème parlant.
RépondreSupprimerIl me semble que l'on a tous plus ou moins connu ça, non ?
SupprimerChouette ! J'hésitais un peu à le lire ce titre de peur d'être déçue après avoir adoré "Pas facile de voler des chevaux" ... J'ai bien l'impression, en te lisant, qu'on retrouve ici les mêmes thèmes et la même douce amère solitude qui y étaient si bien évoquée ...
RépondreSupprimer"Pas facile de voler des chevaux" sera ma prochaine lecture de cet auteur. Et je ne vais pas traîner je crois !
SupprimerCelui-ci, tu l'as aimé. Comme quoi, les lectures se suivent mais ne se ressemblent pas. Heureusement.
RépondreSupprimerOui, comme tu dis, heureusement !
SupprimerSans doute un peu trop déprimé/déprimant pour moi, mais j aime beaucoup et la billet et le titre du roman...
RépondreSupprimerJe ne l'ai pas trouvé déprimant. Disons qu'il y a une forme de mélancolie qui dégage beaucoup de charme et d'émotion.
SupprimerTrès tentée !
RépondreSupprimerJ'en suis ravi !
SupprimerEn tout cas, tu le vends vraiment bien ! J'aime beaucoup les romans qui parle du temps qui passe, qui emporte et qui ne nous épargne pas. Je pense que ça pourrait me plaire.
RépondreSupprimerC'est une thématique infinie mais ici le récit est particulièrement bien mené.
SupprimerJ'avais été agréablement surprise par "Pas facile de voler les chevaux", j'avais été lire un peu sur cet auteur qui a connu un drame dans son enfance-adolescence et je me suis promis de le relire, ta pépite m'enchante, je note ! Une histoire "d'hommes" qui peut se mettre au féminin vu l'universalité du thème...
RépondreSupprimerLa thématique est clairement universelle. Et les femmes jouent aussi un rôle important dans ce texte.
SupprimerJe suis passée totalement à côté de cette sortie, mais maintenant il me faut, car j'avais adoré Pas facile de voler des chevaux, sorte de Nature writing à la norvégienne.. si en plus tu fais une pépite de celui-ci...
RépondreSupprimerEt moi je viens d'emprunter "Maudit soit le fleuve du temps" à la médiathèque. Il faut que je lise tous les romans de cet auteur !
SupprimerJe ne vois pas trop comment résister si tu le classes dans les pépites ...
RépondreSupprimerEt moi je ne vois pas pourquoi tu résisterais ;)
SupprimerIrresistible ! c'est le mot. Je rajoute à ma pile et je pense très raisonnablement qu'il va griller la priorité sur d'autres lectures qui attendront encore ! Merci !
RépondreSupprimerC'est ce qui est arrivé chez moi, il a grillé la priorité à tous les autres, qui étaient pourtant là depuis bien plus longtemps !
SupprimerAprès un tel billet, je suis curieuse, je note !
RépondreSupprimerJe m'en réjouis !
SupprimerJe trouve ton billet touchant, c'est bien souvent ce qui nous parle intimement qui nous fait aimer un livre... cela me donne envie de noter ce titre !
RépondreSupprimerIl est vrai que les livres qui nous touchent résonnent toujours plus fort.
SupprimerJ ai lu avec grand intérêt ton billet et je note tout de suite
RépondreSupprimerTant mieux !
SupprimerRhoooo un nouveau Per Petterson et je ne le savais pas !! Je note, je note !
RépondreSupprimerTu as l'air de le connaitre et de l'apprécier dis donc !
SupprimerOooh ben tu viens de me donner une idée de lecture pour le challenge UE, catégorie Norvège !! Parfait, je cherchais justement un roman dans ce rayon qui vale vraiment le détour. Je pense que ce roman me parlera aussi !
RépondreSupprimerAvec celui-là, je pense que tu peux y aller les yeux fermés !
SupprimerL'idée de base me tente terriblement, en fait Et si tu as adoré, ya plus qu'à!
RépondreSupprimerVoila, yapluka !
SupprimerTon billet est vraiment très émouvant, je pense que nous pouvons être nombreux à être touchés par ce type de problématiques (surtout dans ces temps automnaux). Je vais le lire celui-là.
RépondreSupprimerEt je te remercie encore de participer aux pépites, c'est un rendez-vous blogosphérique qui me réjouit , c'est toujours un bonheur de lire le billet d'un lecteur touché aux tripes.
Bon dimanche Jérôme
On peut être nombreux à être touchés par ce texte à partir du moment où l'on a passé un certain âge je pense. Et je pense aussi, avec tout le respect que je te porte, que tu fais partie du bon public ;)
SupprimerTu me flattes Jérôme ;-)
SupprimerPas mon genre ça, voyons !
SupprimerTon enthousiasme est très tentant !
RépondreSupprimerJ'ai essayé en tout cas de le rendre tentant !
Supprimera priori cela ne me dit rien, mais je te fais une confiance aveugle ! :-) (et puis j'avais beaucoup aimé "Monde sans Oiseaux" l'an dernier, lu sur tes conseils!)
RépondreSupprimerTu sais, ce n'est pas forcément de me suivre aveuglément, mais j'apprécie cette marque de confiance ;)
SupprimerD'accord !
RépondreSupprimerJe t'ai convaincue ? Chouette !
SupprimerAlors, là, j'ai très envie de le lire !!! ta critique et puis j'avais beaucoup aimé Pas facile de voler des chevaux... Deux bonnes raisons pour ne pas passer à côté !
RépondreSupprimerJe serais ravi que tu ne passes pas à coté ;)
SupprimerJ'ai très envie de lire ce livre :)
RépondreSupprimerC'est une bonne nouvelle !
SupprimerCelui ci je le note. De toute façon je les note tous chez toi!
RépondreSupprimerTu es trop gentille ;)
SupprimerJ'apprécie la confiance que tu me portes et j'espère ne jamais la décevoir, bonjour la pression !
N'est ce d'ailleurs le principe d'une pépite qu'elle soit si personnelle que d'autres ne peuvent y avoir accès?
RépondreSupprimerJe n'ai jamais lu cet auteur, tu me donnes très envie de me pencher sur ce qu'il a écrit.
Je crois que tu as raison, c'est le principe d'une pépite. En tout cas je viens d'emprunter deux autres romans de cet auteur à la médiathèque...
SupprimerBon. Message reçu... Il me le faut. Et d'urgence !
RépondreSupprimerC'est mon premier coup de cœur de la rentrée en tout cas ;)
SupprimerOh, oh !! je note tout de suite, Jérôme, et vais voir de ce pas s'ils l'ont à la bibli.
RépondreSupprimerS'ils n'ont pas celui-là, ils auront peut-être ses plus anciens.
SupprimerJe garde un beau souvenir de "Pas facile de voler les chevaux". Je pense que celui-ci me plaira aussi, surtout si je peux inventer une fin un brin optimiste :-)
RépondreSupprimerLa fin peut être très optimiste si on le veut ;)
SupprimerLivre admirable, et beau billet.
RépondreSupprimerUn livre admirable, oui. Et merci pour le compliment ;)
SupprimerSalut Jérôme ! Depuis mon commentaire d'octobre dernier j'ai fini par l'emprunter ce livre que je n'avais pas oublié ! J'ai adoré... c'est fort et poignant. Il y a un 2e personnage qui dit "je refuse", c'est Berit à la fin, qui refuse de rester une minute de plus avec son mari. Donc un refus positif et réalisable ;)
RépondreSupprimerC'est vrai que le refus est multiforme. Tu as adoré et crois-moi, j'en suis plus que ravi !
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