lundi 16 juin 2014

C'est pas moi, c'est la baleine ! - Pauline Pinson et Magali Le Huche

Buc le cochon lapin profite que sa mère est au téléphone pour multiplier les bêtises dans la cuisine. En découvrant les dégâts, sa maman, furieuse, lui demande ce qui lui a pris et là , la réponse fuse : « C'est pas moi, c'est la baleine ! ». Selon lui, il y a une baleine endormie dans le salon. Et quand elle s'est réveillée tout à l'heure, elle avait soif. Pour ça qu'il y a du jus d'orange renversé partout. C'est elle aussi qui a dessiné sur le mur, qui s'est fabriqué une écharpe en papier toilette et une coiffe d'indien avec les feuilles de la plante verte. Bref, tout ça, c'est la faute à la baleine, pas celle de Buc !

Ne pas assumer ses bêtises, c'est un grand classique (et à tout âge d'ailleurs...). Ici, la ficelle est un peu grosse et la maman n'est pas dupe, même si au fond elle admire le mensonge imaginé par son fiston pour ne pas se faire disputer.

Une histoire rigolote comme tout avec un personnage dont la mauvaise foi se révèle craquante. Les illustrations sont simples et dynamiques, très expressives. L'objet livre en lui-même est parfait pour les bambins avec sont petit format carré, ses pages cartonnées indéchirables et ses coins arrondis pour éviter les accidents malencontreux. Une réussite !


C'est pas moi, c'est la baleine ! De Pauline Pinson et Magali Le Huche. Tourbillon, 2014. 20 pages. 7,95 euros. A partir de 3 ans.





samedi 14 juin 2014

Langues de feu - Christopher Cook

Le titre pourrait faire penser à un mauvais porno des années 70 (ok, j'ai l'esprit mal placé) mais on en est loin. Langues de feu est le titre d'une des cinq nouvelles de ce recueil, un texte retraçant le destin de Nathan, un homme persuadé jusqu'à son dernier souffle de ne pouvoir être touché par l'esprit saint malgré sa foi. Dans les quatre autres on découvre un fait divers raconté selon trois points de vue différents (Trilogie de Tiger Ridge), on apprend l'histoire d'un célèbre brigand des bayous (Lafayette Dugas, desperado des bayous), on partage 24 heures de la vie d'une famille modeste à travers les yeux d'un enfant (La tourmente) et on écoute la confession d'un homme n'ayant pas voulu trahir un camarade en succombant aux avances de sa petite amie (Le code).

Toutes ces nouvelles se déroulent au fin fond de l'East Texas. Elles mettent en scène les vies minuscules de cow-boys des temps modernes tout sauf fringants. Des cow-boys descendus depuis longtemps de leurs chevaux pour devenir ouvriers sur des plate-formes pétrolières, traîner dans les bars ou chercher un emploi. Tous restent enfermés dans les traditions séculaires et bibliques qui régissent depuis toujours leur communauté. Des gens simples, violents, robustes et dignes pour qui la liberté reste la plus grande des richesses (« C'est comme s'il était mort, il a perdu sa liberté, il est plus bon à rien. »). Des taiseux ne se laissant pas aller à la sentimentalité. Des hommes habités par une certaine forme de solitude, comme en prend conscience le jeune garçon dans « La tourmente » : « Ainsi vivait-on dans le monde des hommes. On était seul. […] L'ostracisme et la solitude étaient son lot. Justes ou non, ils étaient siens et il leur appartenait. Ils étaient en lui par nature, pas disposition ou par acquisition, mais en lui, quoi qu'il advienne, et désormais indissociables de lui. »

Né au Texas, ayant connu une éducation ultra religieuse, Christopher Cook dépeint une région et des individus qu'il connaît parfaitement. Avec beaucoup de respect et de sollicitude, sans chercher à forcer le trait, il leur rend un hommage d'une grande sincérité dans une très belle langue.

Langues de feu de Christopher Cook. Rivages, 2014. 238 pages. 21,80 euros.

Un billet qui signe ma première participation au mois de la nouvelle de Flo.



vendredi 13 juin 2014

La coupe du monde des livres

Puisque je suis de tempérament plutôt joueur, je relève le défi proposé par Cajou, à savoir créer une équipe parfaite de 11 livres pour ce mois de Coupe du Monde.

Le principe est simplissime, on doit réunir pour notre équipe :

Un gardien de but : THE roman que vous voulez à tout prix lire, celui qui n'a pas le droit de passer à travers les mailles du filet des profondeurs de votre PAL.
Des attaquants : les 4 romans de votre PAL que vous voulez ABSOLUMENT lire.
Des milieux de terrain : les 3 romans de votre PAL que vous avez envie de lire juste après.
Des défenseurs : les 3 romans que vous n’avez pas encore dans votre PAL mais que vous voudriez vous offrir -sans attendre le Mercato- pour parfaire votre équipe.

Voila donc à quoi ressemble mon équipe idéale :




Mon gardien ne pouvait être que ce cher vieux dégueulasse. Je me suis gardé ce recueil sous le coude depuis janvier parce que passer les premiers jours d’été avec Buko, c’est un peu le rêve pour moi.

Parmi mes attaquants, Bulbul Sharma parce que je l’adore, Olivier Bleys, découvert il y a peu et dont je ne pouvais manquer le nouveau roman, Velibor Colic parce ce n’est pas un auteur à laisser traîner sur sa pal et David Thomas parce qu’après la claque de « On ne va pas se raconter d’histoire », impossible d’en rester là avec lui (et en plus c’est un cadeau de Noukette, on va le lire ensemble donc j’ai encore plus hâte de m’y lancer).

Mes trois milieux de terrain seront sont sans doute les livres que j’emmènerai à la plage cet été : le fameux Rebecca de Du Maurier que tout le monde m’a conseillé à corps et à cris après ma lecture de Ma cousine Rachel. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, un pavé que j’aurais le temps de lire les pieds dans l’eau et La maison où je suis mort autrefois, parce qu’il m’a été prêté par Manu et que je le séquestre depuis bien trop longtemps.

En défense, trois ouvrages qui seront bientôt miens, pas possible autrement. La boîte aux lettres du cimetière, repéré pas plus tard qu’avant-hier chez Hélène, J’appelle mes Frères parce qu’In cold blog en a trop bien parlé et Pietra Viva parce qu’à force de lire des billets très élogieux sur ce roman, je me dis qu’il est fait pour moi.

Voila, sans doute pas avec cette équipe que je gagnerai un jour la coupe du monde des livres mais c’est bien le dernier de mes soucis.



jeudi 12 juin 2014

Les nuits de San Francisco - Caryl Férey

D’un coté, il y a Sam. Un sioux. Un sioux des temps modernes, parqué dans une réserve. Son quotidien est le même que celui de ses semblables : pauvreté, désœuvrement, alcool, chômage… Une ado engrossée après une énième beuverie. La fuite. Quitter la réserve, partir sans véritable but. Las Vegas, les chantiers. La crise économique qui vous met à la rue. « La rue qui salit sans cesse, qui pue, qui vous agresse à coups de tessons de bouteille quand vous dormez d’un sommeil de plomb, la rue qui vous engloutit en quelques jours et vous recrache en morceaux. » Atterrir en lambeaux à San Francisco et se demander quel sera le bon jour pour mourir.

De l’autre coté, il y a Jane. Une enfance à Fresno, « ville la plus bête d’Amérique, autant dire du monde. » Un viol subit un soir de fête de fin d’année et un départ précipité pour San Francisco. Des cours de théâtre, du mannequinat pour faire bouillir la marmite, un coloc gay qui va l’entraîner dans la drogue. Le coup de foudre pour Jefferson, musicien d’un groupe de rock. La naissance de leur fils treize mois plus tard. Et puis l’accident. Terrible. Dévastateur. Une existence qui s’écroule et Jane se retrouve à errer dans le Golden Gate Park. C’est là que son chemin croise celui de Sam…

Un texte en miroir. Deux trajectoires tortueuses, deux vies cassées qui se font face. Deux destins reliés par la nuit et ses excès. L’Amérique d’hier, celle des indiens massacrés à Wounded Knee, humiliés en permanence depuis, et celle d’aujourd’hui, aussi abrutie que violente. Pas grand chose d'original dans cette histoire, c’est un fait. Mais la prose électrique de Caryl Ferey lui donne une autre dimension. Ce gars écrit avec une fluidité incroyable. Tout coule de source, les phrases s’enchaînent dans un mouvement limpide, sans accro. Une écriture tour à tour poétique, cruelle, directe. Court et dense, ce récit sans fioriture garde une forme d’émotion à fleur de peau. Et puis j’adore la fin. Je n’y peux rien si les tragédies m’ont toujours fasciné…


Les nuits de San Francisco de Caryl Férey. Arthaud, 2014. 120 pages. 10,00 euros.




mercredi 11 juin 2014

Le sourire de Rose - Sacha Goerg

Montréal, l’hiver. Wilson est au chômage et se bagarre avec son ex-compagne pour faire respecter son droit de visite et voir son fils Théo. Lorsque sa route croise celle de Rose, kleptomane poursuivie par un duo de receleurs auxquels elle a dérobé une inestimable relique, Wilson se retrouve embarqué dans une affaire qui le dépasse.

Une déception cet album. Graphiquement il est très beau. J’adore les aquarelles sans cadres aux couleurs douces et la représentation du frimât montréalais. Mais ça ne suffit pas. Bien sûr, l’histoire de Wilson et de Rose est celle d’une belle rencontre. Au départ douloureuse, leur relation évolue vite vers une jolie forme d’entraide. Rose la jolie fille un peu étrange va donner à ce père en perdition un coup de fouet bienvenu. Un retour à la vie salvateur, des dialogues bien menés et un scénario mélangeant action et bons sentiments qui se déroule d’une traite, c'est plutôt positif.

Le problème vient du fait que tout semble survolé, que tout va trop vite. J’ai ressenti un vrai manque d’épaisseur dans la psychologie des personnages, dans leurs rapports. Finalement le lecteur est comme eux, il patine sur un lac gelé sans craindre grande chose, il reste à la surface des choses alors que les profondeurs du dit-lac, sombres et froides, auraient amené bien plus de piquant à l'affaire.

Un album à l'esthétique imparable mais dont le contenu manque singulièrement d'originalité, d'intensité et d'aspérités. Vraiment dommage.


Le sourire de Rose de Sacha Goerg. Casterman/Arte, 2014. 102 pages. 17,00 euros.

L'avis d'Oliv






mardi 10 juin 2014

Le marchand de souvenirs - Ghislaine Biondi

C'est un drôle de magasin qui vient d'ouvrir près de chez Antoine. Lorsque ce dernier en franchit le seuil pour la première fois, il ne se doute pas qu'il vient d'entrer dans un magasin de souvenirs très particulier. En effet dans cette échoppe on trouve uniquement des objets magiques permettant de vivre des souvenirs de choses que l'on n'a pas vécues. Antoine a du mal à y croire alors le marchand va lui faire un cadeau. Le jeune garçon n'ayant jamais eu l'occasion de partir en vacances à la mer, il se voit offrir un galet. En le mettant au creux de sa main et en fermant les yeux, il va voir apparaître des images, des bouts d'histoires, et il va se construire de vrais et beaux souvenirs de moments passés sur la plage. Grâce à cette première expérience aussi étonnante que réussie, Antoine va comprendre qu'un vaste champ de possibles s'ouvre à lui...

Un très joli petit roman chargé d'ondes positives, loin de la littérature jeunesse anxiogène qui pullule en ce moment. C'est plein d'optimisme sans jamais être cucul, bien au contraire. Rêver sa vie, quel beau programme finalement ! Le propos est plus profond qu'il n'en a l'air et m'a rappelé à bien des égards Le miroir brisé de Jonathan Coe, notamment à travers cette capacité à se projeter vers une existence telle qu'elle pourrait ou devrait être.

Une lecture qui fait du bien en somme. Un roman « feel good » pour les 8-11 ans, c'est plutôt rare alors il serait dommage de s'en priver.

Le marchand de souvenirs de Ghislaine Biondi. Oskar, 2013, 55 pages. 6,95 euros. A partir de 8-9 ans.


Une lecture jeunesse que je partage comme chaque mardi avec Noukette

Les avis de Bouma et Faelys


dimanche 8 juin 2014

Un verger au Pakistan - Peter Hobbs

« J'ai passé quinze ans en prison. J'ai vingt-neuf ans. Mon corps est celui d'un homme bien plus âgé. Une relique que je connais trop intimement : ces cicatrices, cette silhouette brisée. Toutes ces années ! Elles m'ont tout pris. Ma santé et ma famille. Elles m'ont pris la personne que j'aurais pu être et m'ont rendu à la place la moitié d'un homme, une ombre. »

Nord du Pakistan. Après un long séjour derrière les barreaux, un jeune homme est recueilli avec bienveillance par un sage épris de livres et de poésie. Aidé de la fille de son hôte, il va consigner son histoire dans un cahier pour celle qu'il n'a jamais cessé d'aimer, celle dont il s'est épris et qui aura été malgré elle la cause de son malheur.

« Saba. Nous n'étions alors que des enfants, nous ne savions rien des frontières qui traversent le monde des adultes. Nous ne savions pas que le monde était constitué de murs et de barreaux, que les peuples étaient séparés les uns des autres. Les montagnes étaient poreuses, comment aurait-on pu y tracer des frontières ? Et si même les nations ne pouvaient être séparées, alors pourquoi deux personnes quelconques auraient-elles dû l'être ? Non, nous étions des enfants et ne savions rien de tout ça ; peut-être ne serons nous plus jamais aussi sages. »

Une lettre à l'absente, belle et déchirante. L'écriture fait œuvre de résilience, elle lui permet d'avancer malgré les épouvantables stigmates d'un douloureux passé. L'horreur de la prison côtoie le calme apaisant du verger de son enfance dans lequel il revient dorénavant chaque jour. Les épisodes sordides de sa vie en captivité sont précédés ou suivis de réflexions sur la beauté de la nature, du vol des hirondelles au goût suave de la grenade dont le jus fait frémir les lèvres. Sur le cahier, les mots apportent la lumière et aident à rester debout. C'est parfois poétique, à d'autres moment d'un réalisme qui fait frémir mais toujours d'une grande beauté. Un superbe texte, vraiment.

Une découverte que je dois à Marilyne. Elle a eu la gentillesse de me prêter ce livre, pensant qu'il pourrait me plaire. Comme d'habitude, elle ne s'est pas trompée.

Un verger au Pakistan de Peter Hobbs. Bourgois, 2013. 138 pages. 14,00 euros.

Les avis de Alex Mot-à-motsClara, Krol, Marilyne




vendredi 6 juin 2014

Hilda et le chien noir - Luke Pearson

Hilda rentre chez les scouts. Comme sa mère avant elle. Hilda va aussi croiser un énorme chien noir qui terrorise la région. Et puis Hilda va rencontrer un Nisse. Comment ça vous ne connaissez pas les Nisses ? Ce sont des esprits domestiques qui vivent dans les maisons. Ils occupent les places perdues, comme par exemple l’espace derrière les bibliothèques où les fentes entre les lattes du parquet. Tous ces espaces forment une pièce supplémentaire invisible aux yeux des humains et c’est là qu’habitent les Nisses. Bref, reprenons. Hilda, des scouts, un gros chien noir et des Nisses. Quel rapport entre tous ces éléments ? Je vous laisse le découvrir par vous-même.

Je suis fan de Luke Pearson. J’avais beaucoup aimé sa réflexion sur le couple dans Loin des yeux et j’adore sa petite Hilda, gamine rêveuse et pétillante, altruiste et pleine de bon sens. Et puis il y a chez Pearson cette faculté à introduire avec une facilité déconcertante des éléments surnaturels qui semble faire partie du quotidien. Sans explication particulière, le tout étant suffisamment bien amené pour que ce ne soit à aucun moment déstabilisant. C’est vraiment très fort. Chaque album est également porteur d’un message humaniste jamais plombant. C’est à la fois simple et profond, poétique et onirique et il se dégage du dessin et des couleurs beaucoup de douceur.

Papier mat, vernis sélectif sur la couverture, dos toilé… ce troisième tome est publié par Casterman mais le changement  d’éditeur ne nuit pas à la qualité de l’objet-livre, toujours aussi magnifique. Une série jeunesse incontournable ? Ce n’est pas moi qui dirais le contraire.

Hilda et le chien noir de Luke Pearson. Casterman, 2014. 60 pages. 15,50 euros. A partir de 8 ans.

jeudi 5 juin 2014

Un été en apnée - Max de Radiguès

Puisque les rendez-vous de la Bande dessinée d’Amiens approchent à grand pas et que je ne manquerais ça pour rien au monde, je vais vous parler BD jusqu’à la fin de la semaine. Après Rabaté hier, Radiguès aujourd’hui…

Louise plaque Simon juste avant les vacances. Sa cousine Manon, qui l’a plus qu’incitée à le faire, est ravie. A eux les beaux mecs de la plage ! Et évidemment, les choses ne traînent pas. Premier jour de farniente et première rencontre : Quentin et Luca. A peine le temps d’échanger quelques mots et les quatre ados se donnent rendez-vous le soir au cinéma en plein air. Manon a craqué pour Luca et Louise se retrouve « par défaut » avec Quentin. Le début d’une belle idylle ? Pas si simple…

J’aime beaucoup l’univers de Max de Radiguès. Dans Frangins et Orignal il mettait en scène avec une rare justesse des enfants en plein doute, des enfants malmenés et parfois poussés à de terribles extrémités (dans Orignal surtout !). Ici la trame est plus légère. Des jeunes filles en fleur, des vacances en bord de mer, un jeu de séduction qui se met en place et les interactions entre chacun déroulent la pelote de l’histoire. C’est simple et j’ai envie de dire efficace. Dessin un brin naïf typique de cet auteur, découpage ultra classique, couleurs pastel, rien d’exceptionnel graphiquement parlant mais l’ensemble est d’une grande lisibilité.

Au-delà de ça, les dialogues sonnent juste, les états d’âme et les comportements des uns et des autres sont parfaitement rendus. On pimente l’affaire en intégrant un troisième garçon un peu différent et le tour est joué. C’est sympa mais un peu lisse. Ou alors j’ai passé l’âge de lire un album sur une thématique purement adolescente. On va dire que ce n’est pas une BD pour les vieux croûtons dans mon genre. Et je pense sincèrement que cette histoire doit parler au public auquel elle s’adresse. Ma pépette n °1 est encore un peu jeune, dommage, j’aurais aimé tester sur elle ce scénario cousu main pour les 13-14 ans. Pas grave, je vais garder l’album au chaud dans la bibliothèque familiale. Son heure viendra…

Un été en apnée de Max de Radiguès. Sarbacane, 2014. 60 pages. 12,90 euros. A partir de 13 ans.











mercredi 4 juin 2014

La Marie en plastique (toute entière) - Prudhomme et Rabaté

Une famille lambda, où les grands-parents vivent chez leur fille mariée et maman de deux enfants. Le grand-père est un communiste de la première heure et la grand-mère une fervente croyante. Pour elle, son mari est un mécréant, un sale rouge. Pour lui, sa femme est une grenouille de bénitier. Ils ne s'épargnent aucune insulte, aucun coup vache, au grand dam de leur fille et de leur gendre. De retour de Lourdes, la mamy installe une vierge en plastique sur la télé. En réponse, le papy va accrocher juste derrière le portrait de Lénine. La coupe semble pleine, prête à déborder, et les menaces fusent : « Si vous saviez comme vous me fatiguez […] vous n'êtes que des vieux gâteux qui nous polluez la vie […] Si ça continue je vous fous en maison de vieux ». Et le jour où la vierge pleure sans raison des larmes de sang, tout le monde va basculer dans un tourbillon d'événements dont il sera difficile de se remettre.

J'ai reçu cet album regroupant en un seul les deux volumes du diptyque grâce à Lunch qui me l'a offert dans le cadre du loto BD et je me suis régalé. C'est Rabaté comme je l'aime, celui des petits ruisseaux ou des pieds dedans, parfaitement à l'aise pour croquer la France d'en bas, pour mettre en scène le quotidien d'anonymes dans des coins perdus de province. Ici c'est caricatural mais en même temps très réaliste. Caricatural parce que les portraits du représentant de la lutte des classes abonné à l'huma et de sa femme bigote sont tirés à l'extrême, comme celui du frangin bien beauf amateur de Ricard. Et très réaliste parce que chaque séquence sonne vrai, des engueulades aux dîners de famille, des discussions de couple aux jeux d'enfants. C'est touchant aussi sur la fin et puis drôle souvent, très souvent même. Les dialogues sont ciselés, la répartie de chacun donnant du sel à l'ensemble.

J'ai par contre eu beaucoup de mal avec le dessin particulièrement naïf et les couleurs pas folichonnes du tout. Mais on s'y fait assez vite et une fois à l'aise pour reconnaître chaque protagoniste, on se laisse davantage porté par l'histoire que par le graphisme.

 Au final, cette chronique familiale douce-amère est un régal de justesse et de drôlerie. Un bonbon sucré à déguster sans modération.

Merci Lunch, c'était un choix parfait pour moi !

La Marie en plastique (toute entière) de Prudhomme et Rabaté. Futuropolis, 2008. 118 pages. 20 euros.

L'avis d'Enna