dimanche 2 mars 2014

Des hommes en devenir - Bruce Machart

Regardez ces hommes. Celui-là vient de se faire larguer. Celui-ci est « le dernier à être resté en Arkansas » après la mort accidentel de son fils. Cet autre repense, 15 ans après, au jour où il est devenu veuf sur le parking d’un supermarché. Et lui. Son bébé est mort in utero, à sept mois de grossesse. Il se revoit tenant le petit corps sans vie pendant que sa femme hurlait ; « Alors, vous n’allez même pas faire sa toilette. Nettoyez-là, bon Dieu ! Qu’est-ce que vous attendez pour faire sa toilette ! »

Des hommes du Texas. Des « hommes rugueux et robustes, des hommes qui ont les mains calleuses comme du cuir, des hommes qui n’ont pas peur de garder un peu de tendresse dans leur poitrine et de l’exposer au grand jour quand la situation l’exige, quelle que soit la souffrance que cela implique ». Des hommes devant un vide vertigineux. Des hommes pour lesquels le terme « reconstruction » n’est pas un vain mot. « Des histoires d’hommes qui ont tous trois roues sur la route et une dans le fossé. »

Attention, grosse claque, énorme claque. Très longtemps que je n’avais pas lu un recueil de nouvelles d’une telle qualité. Bruce Machart m’avait déjà scié avec Le sillage de l’oubli. Ces nouvelles sont antérieures au roman mais elles montrent déjà que l’on a affaire à un grand écrivain. La puissance de son écriture est incroyable, tout comme sa science de la narration. Les écrivaillons voulant se lancer dans la nouvelle devraient lire ces textes. C’est une leçon magistrale. La quintessence du genre. Un vrai gros et beau coup de cœur (y avait longtemps !).

Des hommes en devenir de Bruce Machart. Gallmeister, 2014. 190 pages. 22 euros

« Quand la femme à laquelle vous êtes fiancé depuis cinq mois rentre à la maison après avoir bossé toute la journée […] quand elle est un peu nerveuse ; quand elle passe la porte et qu’elle vous trouve toujours en caleçon, en train de gribouiller votre dernière histoire sur un bloc-notes, alors que le journal est resté devant la porte d’entrée dans son emballage en plastique même pas ouvert, les petites annonces bien au chaud à l’intérieur, sans que la moindre offre d’emploi ait été encerclée ; et quand elle s’amène dans le couloir quelques instants plus tard, à moitié à poil et en fronçant les sourcils, le visage rouge, aussi impatiente de prendre sa douche que le serait une fermière après avoir saigné un porc, alors vous comprenez que pour elle, vous n’êtes plus que de l’histoire ancienne.»



Et avec un tout petit peu de retard, ce billet signe ma seconde participation au mois de la nouvelle de Flo.





samedi 1 mars 2014

La déclaration - Philippe Jalbert

Un album au titre étrange. Heureusement, la couverture dit tout et l’on comprend d’emblée que l’auteur ne va pas parler aux enfants des impôts sur le revenu. Il va plutôt leur parler d’un petit lapin amoureux qui décide de se lancer, un petit lapin qui va faire le grand saut. Pas facile d’oser une déclaration. Il faut se décider, trouver les mots, choisir un cadeau avec soin, rassembler son courage, etc. Vous avez peut-être déjà vécu ça ? Je vous le souhaite, c’est quelque chose de vertigineux et de grisant. Les papillons dans le ventre et les mains moites, le cœur qui s’emballe, la peur de l’échec, cette crainte que nos sentiments pour l’autre ne soient pas réciproques et, bien sûr, une conclusion idyllique, tout le monde devrait connaître ça au moins une fois dans sa vie.

Dans cet album, la déclaration se passe d’abord comme dans un rêve. A tel point que l’on se dit que c’est quand même un peu cucul. Mais en fait, non. Ce n’est pas cucul du tout. La fin réserve une grosse surprise, un gros éclat de rire aussi. Pour le coup, je n’avais rien vu venir. Chapeau bas monsieur Jalbert !

J’aime beaucoup les illustrations toute douces, les couleurs pastels, la bouille adorable de ce lapin finalement si touchant. Et j’adore cette conclusion un peu cinglante, ce dur retour à la réalité plein d’humour. Voila qui ressemble furieusement à un coup de cœur !

Pour tout vous dire, ce petit livre, on me l’a offert. Et je dois avouer que je ne savais pas trop comment le prendre au départ. Du moins avant de le lire. Parce qu’après, plus aucun doute, c’est juste le cadeau d’une amoureuse de littérature jeunesse à un amoureux de littérature jeunesse.  Et c’est peu de dire que c’est aussi une attention qui m’a particulièrement touché…

La déclaration de Philippe Jalbert. Seuil jeunesse, 2014. 28 pages. 12,90 euros. A partir de 4-5 ans.





vendredi 28 février 2014

Le radeau - Antoine Choplin


C’est un camion qui s’apprête à passer la Loire. En 1940. A son bord il y a Louis. Et une cargaison inestimable qu’il faut à tout prix protéger de la débâcle en cours. Il fait nuit. Dans la lumière des phares se dessine une silhouette. Celle d’une femme qui marche. Avec sa mission, Louis se dit qu’il ne peut pas s’arrêter. Respecter les consignes. Ne prendre aucun risque. Et pourtant il freine, se range sur le coté en laissant le moteur tourner. Attend la femme. Elle s’appelle Sarah et elle va prendre place coté passager. Le début de leur histoire. Le roman est très court et je n’ai pas envie d’en dire plus. Sachez juste que le texte se découpe en trois périodes bien distinctes : 1940 ; 1943 ; février 1944.  

D’Antoine Choplin, j’avais adoré « La nuit tombée ». Je retrouve ici avec plaisir son écriture sèche, ses phrases courtes, ses ellipses et ses silences. Un enchaînement de petits riens, presque des paragraphes indépendants les uns des autres. Mais si la première partie, celle de la rencontre entre Louis et Sarah, est franchement réussie, je suis beaucoup plus mitigé concernant la seconde, à laquelle j'ai eu du mal à trouver un véritable intérêt, en dehors de la magnifique scène ayant inspiré la couverture de cette édition de poche. Quant à la dernière, qui ne fait que trois pages, elle est parfaite de concision et d’intensité.

Un roman un peu bancal, donc. Il n'empêche, la plume de cet auteur a quelque chose d’envoûtant. Le coté elliptique fait que rien n'est donné au lecteur, les interprétations possibles sont nombreuses et j'aime ça. Au final, l'impression générale reste positive, c'est bien là le principal. 


Radeau d’Antoine Choplin. Points, 2013. 125 pages. 5,50 euros.

Qui dit Antoine Choplin dit lecture commune avec Noukette. Pas possible autrement. D'ailleurs, le recueil de nouvelles qu'il vient de sortir nous attend déjà. Ce sera pour bientôt...

Les avis d'Hélène et de Midola.


mercredi 26 février 2014

Pendant que le roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes ? - Zidrou et Roger

J’aime Zidrou pour ses prises de risque. J’aime qu’un auteur puisse passer de Ducobu à Lydie, de Boule à zéro au Beau voyage, de Tamara à La peau de l’ours. Je n’ai pas lu tous ses albums, loin s’en faut. Certains ne m’attirent d’ailleurs pas du tout (Tueurs de mamans par exemple), mais il est impossible de ne pas reconnaître en lui un touche-à-tout de grand talent. Et ce qui est fort, c’est qu’il utilise la notoriété acquise avec ses séries phares pour faire passer auprès des éditeurs des projets beaucoup plus casse-gueule. Comme cet album au titre à rallonge par exemple.  

Parce que mettre en scène un adulte handicapé mental et une mère entièrement dévouée à son bien être, fallait oser. Une mère qui n’hésite pas à déclarer quand on lui demande des nouvelles de son fils : « Il vit sa vie, quoi ! Avec ses petites misères et ses grandes joies. Et moi aussi… je vis sa vie. » Une mère qui va au vidéo club lui emprunter son DVD porno préféré, qui supporte ses lubies et ses crises, ses questions répétées cent fois. Une mère fragile sous l’apparente solidité, une mère à qui le poids des ans rappelle qu’elle ne sera pas toujours là pour veiller sur lui.

Et tout ça sans pathos. Sans surjouer. Avec un enchaînement de petites scènes du quotidien où le voyeurisme et le misérabilisme n’ont pas leur place. Toujours cette humanité en marche chez Zidrou, cette façon de vous toucher avec trois fois rien. L’émotion est là, palpable mais jamais envahissante. C’est vraiment fort.

J’avais apprécié le travail du dessinateur espagnol Roger sur la série Jazz Maynard. Ici son trait s’arrondit quelque peu, il est moins heurté, moins nerveux, et c’est une bonne chose par rapport à l’histoire. Par contre niveau couleur, ce n’est pas une réussite (longtemps que n’avais pas râlé contre la couleur !).

Au final, cela reste un album superbe, tout en sensibilité. Un grand merci et un gros bisou à la blogueuse qui a eu la gentillesse de me l'offrir pour mon anniversaire.


Pendant que le roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes ? de Zidrou et Roger. Dargaud, 2013. 56 pages. 15 euros.

Une lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec Anne.

Les avis de Choco ; LasardinemanU ; Noukette ; Yaneck ; Yvan


mardi 25 février 2014

Amorostasia - Cyril Bonin

Des amoureux frappés de plein fouet par une étrange maladie : « rigidité, inertie musculaire, mutisme… les victimes sont dans un état cataleptique ou catatonique. » Le virus est baptisé Amorostasia. Et si au départ il ne semble toucher que Paris, il se répand rapidement dans toute la France. Les médecins ne trouvant aucun remède, les autorités prennent des décisions radicales (et absurdes) pour endiguer la maladie, mais rien n’y fait. Olga, journaliste, est chargée d’enquêter sur le sujet. Elle va constater, chemin faisant, le néant de sa propre vie sentimentale…

Une belle idée. A quoi bon vivre sans amour ? Pourquoi chercher à guérir les malades, statufiés mais semblant parfaitement heureux ? Après tout, plus rien ne peut leur arriver dans leur « bulle ». J’ai apprécié les réflexions que suscite l’émergence de cette drôle de maladie. Olga, en couple, se demande pourquoi ni elle ni son homme n’ont été touchés alors que sa concierge et son mari, qui ne cessent de s’engueuler, ont été retrouvés pétrifiés, assis face à face devant leur assiette de soupe. Finalement, l’amorostasia sert de révélateur pour les amoureux et ceux qui ont l’illusion de l’être. Pour autant, certains prennent les choses avec philosophie. Les parents de la journaliste ont échappé au virus et je trouve leur explication pertinente : « nous avons dû admettre que nous n’étions plus amoureux. Mais en revanche, nous avons aussi constaté qu’il y avait une grande tendresse entre nous, une grande complicité… nous nous connaissons si bien, nous nous faisons confiance et sommes fidèles l’un à l’autre. Jamais nous ne voudrions nous faire de mal. Peut-être même est-ce mieux ainsi ? ». Finalement, l’amour peut prendre tellement de formes, de l’amour fusionnel à l’amour idéal, de l’amour romantique à l’amour vain en passant par l’amour filial et l’amour-amitié, un concept que j’ai découvert il y a peu… Bref, cet album questionne énormément et apporte bien peu de réponses, mais cela me convient parfaitement.

Je ne connaissais pas Cyril Bonin et je dois avouer que j’aime beaucoup son dessin. Ses cadrages variés et son découpage dynamique rendent la lecture des plus agréables. Je suis juste un peu sceptique par rapport à l’absence de couleur (pour une fois !), je trouve ces tons de gris un peu tristounet.

L'idée de départ est excellente et la fin parfaite, je trouve. Entre les deux, beaucoup de pistes sont lancées sans forcément être creusées, ce qui peut donner l'impression d'un certain manque de profondeur. Personnellement, je n'ai pas ressenti les choses ainsi et cet album me paraît au contraire très abouti. Une vraie belle découverte ! 


Amorostasia de Cyril Bonin. Futuropolis, 2013. 128 pages. 19 euros.

Une lecture un peu particulière aujourd'hui, d'une part parce que je la partage avec Cristina (et je crois bien que c'est notre première LC), et d'autre part parce que cet album m'a été offert par quelqu'un de très cher. Une BD qui compte donc un peu (voire beaucoup) plus que d'autres...


Les avis de Cristie, Lasardine, MarionMoka, Natiora, Noukette,  Sandrine et Yvan.



lundi 24 février 2014

Les lectures de Charlotte (2) : Hier, je t'ai...

« Hier, je t’ai...
désiré
espéré
attendu
découvert
nourri
consolé
dorloté
supporté
porté
écouté
encouragé
laissé t’envoler »


On m’a chuchoté le titre de ce livre au creux de l’oreille. On m’a précisé, « ça devrait parler à ton cœur de papa ». Et bien c’est tout à fait ça. Dans cet album, une maman raconte sa naissance à son enfant. Elle dit les moments tendres, les étapes clés de leur vie commune.

Un mot par page, accompagné en vis-à-vis d’une magnifique illustration. Des volatiles et leurs petits dessinés aux pastels et à la craie. L’émotion naît de la liaison entre le texte et l’image. Tout est là, l’amour d’une mère déroulé mot à mot. C’est doux et c’est beau, ça va vous faire fondre.

Je dois avouer que quand j’ai vu ma femme le lire à Charlotte, ça m’a fait un petit quelque chose. Mon cœur de gros dur tatoué n’est peut-être pas si sec que cela finalement... Un album à offrir à toutes les mamans, celles qui le sont déjà et celles qui vont le devenir.

Hier je t'ai... de Mies van Hout.Minedition, 2013.28 pages. 14.20 euros.










dimanche 23 février 2014

L’homme qui avait soif - Hubert Mingarelli

1946. Le Japon est sous occupation américaine. Hisao, démobilisé depuis peu, se rend en train à Hokkaido pour épouser Shigeko, qu’il n’a jamais vue. Mais Hisao est possédé par un mal étrange : la soif. Une soif surgissant à n’importe quel moment, une soif incontrôlable. Lorsque le train s’arrête en rase campagne, Hisao en descend pour aller boire. Et quand il entend le sifflement annonçant le redémarrage de la locomotive, il ne peut se résoudre à abandonner le point d’eau qui l’abreuve. Le train repart sans lui. Dans le wagon qu’il occupait, le futur marié a laissé sa valise contenant le cadeau pour Shigeko, un superbe œuf de jade. Commence alors pour Hisao un long chemin, une course folle afin de retrouver cette satanée valise et son précieux présent.

J’avais tellement aimé Un repas en hiver que je me régalais d’avance de retrouver Hubert Mingarelli. Malheureusement, et ça me coute de l’avouer, la magie n’a pas fonctionné.  Il propose pourtant ici un joli roman initiatique, une allégorie faisant de la soif un démon incontrôlable qui engendre des souffrances tant physiques que psychiques. Les allers retours de la narration entre le présent d’Hisao et son passé de soldat ayant participé à la terrible bataille de la montagne de Peleliu donnent du souffle au récit. Tout comme les nombreuses rencontres que fait le jeune homme au cours de  son périple. La langue est belle : phrases courtes, une pointe de poésie et de lyrisme venant chahuter un ton dans l’ensemble très réaliste. Pourtant je suis resté à l’écart, incapable de développer la moindre empathie pour Hisao. A vrai dire, je me suis ennuyé. C’est terrible de devoir parfois reconnaître que l’on est passé à coté d’un texte qui avait pourtant tout pour nous plaire, un texte dont la qualité est indéniable.

Dommage, vraiment dommage. Mais on se retrouvera Mr Mingarelli, je n’ai aucun doute là-dessus.


L’homme qui avait soif d’Hubert Mingarelli. Stock, 2014. 155 pages. 16 euros.





vendredi 21 février 2014

Une lecture à l’aveugle, ça vous dit ?

Vous savez peut-être à quel point j’ai été ravi par l’expérience de lecture à l’aveugle à laquelle j’ai été soumis il y a peu par une blogueuse. Comme beaucoup d’entre vous ont souligné à quel point ils trouvaient le principe « génial », je vous propose de créer une page ici même où seront consignées les règles du jeu et, si vous le souhaitez, les liens vers les billets présentant vos livres-mystères. Entendons-nous, il ne s’agit aucunement d’un défi ou d’un challenge de plus. Disons simplement, comme l’a écrit Aaliz, que c’est le concept de The Voice adapté à la lecture.



Le principe est simplissime, je vous propose juste quelques règles de base.

Pour l’expéditeur :

1) Envoyer un livre que l’on a particulièrement aimé, voire même un coup de cœur serait l’idéal. S’appliquer à cacher tous les indices permettant de l’identifier (nom de l’auteur, titre, éditeur, année d’édition et 4ème de couverture) en le recouvrant entièrement d’un papier opaque, sans oublier de dissimuler les premières et dernières pages, souvent porteuses d’informations qui pourraient mettre le lecteur sur une piste. Ne pas oublier non plus que sur certains ouvrages, le titre est repris sur chaque haut de page (c’est un détail loin d’être anodin puisque si tel est le cas, il vous sera quasiment impossible d’assurer l’anonymat de votre livre).

2) S’il le souhaite, l’expéditeur peut choisir de ne pas dévoiler son nom, cela ajoutera un peu de piment à l’affaire.

Pour le destinataire :

1) Jouer le jeu, c’est la règle fondamentale !!!!  Ne pas arracher la couverture dès que l’on reçoit le livre. Ne pas chercher sur g**gle et compagnie des informations qui permettraient d’identifier le livre en deux secondes. Au cas où l’expéditeur serait connu, ne pas chercher à savoir s’il en a parlé sur son blog. En cas de non respect de ces consignes le destinataire se verra sévèrement châtier et contraint d’enchainer jusqu’à la fin des temps les lectures les plus barbantes possibles.

2) Rédiger un billet présentant l’ouvrage alors que l’on ne connait toujours  pas le titre et l’auteur (sauf si bien sûr on les a découverts au cours de la lecture). Révéler au grand public, disons le lendemain, l’identité du livre en exprimant si possible son ressenti au moment de la « révélation ». Éventuellement ajouter le logo ci-dessus à votre billet et éventuellement venir laisser votre lien ici-même. Je m’engage à tenir à jour cette page en y ajoutant tous les liens qui me seront fournis, ce qui permettra en quelque sorte de synthétiser l’ensemble des livres-mystères reçus.

Alors, vous êtes partant ? J’ai surement omis certaines choses, des questions évidentes que j’ai oublié de me poser ou encore des points à préciser. N’hésitez pas à m’en faire part dans vos commentaires.

Juste pour info, j’ai ouvert le bal en étant le premier à me lancer dans une lecture à l’aveugle mais depuis je suis passé à la vitesse supérieure puisque j’ai moi-même expédié cette semaine deux livres-mystères…

Dernière chose mais pas des moindres, je précise que le contenu de cette page a été rédigé avec la blogueuse mystérieuse qui a inventé le concept. Si elle souhaite garder l’anonymat, je ne pouvais pas de mon coté ne pas lui rendre les honneurs qu’elle mérite.

Edit du 21/02 à 21 h :  Au vu des commentaires laissés ici et ailleurs, je vous propose d’affiner un peu les choses. En gros, si vous le souhaitez, je veux bien synthétiser les demandes des expéditeurs, récupérer les adresses de chacun et les prévenir si quelqu’un a déjà pensé à leur destinataire (pour éviter qu’un même destinataire se retrouve avec 3 ou 4 livres mystère). Mais je ne créé pas de binôme moi-même, le jeu c’est de faire plaisir et de surprendre une personne à qui on a pensé, je ne veux surtout pas choisir à votre place. Et pas la peine de me donner le titre du livre que vous envoyez, je n’en ai pas besoin. Pas la peine non plus d’essayer de me corrompre, je ne donnerai aucune des informations qui me seront transmises.

Vous pouvez m’envoyer les informations ici : dunebergealautre@gmail.com

Les participants : 

Aaliz
Achille49
A girl from earth
Alex Mots-à-Mots a reçu "La vie devant ses yeux" de Laura Kasischke de la part de Mirontaine
Amis-lecteurs
Asphodèle
Athalie a reçu Tokyo de Mo Hayden de la part de Ingannmic
Beberoots
Blablablamia
Bourgeaon Créatif
Canel a reçu "Mon amour, ma vie" de Claudie Gallay de la part d'Edéa
Cajou
Cécile
Céline
Chachou
Chicky Poo
Choco
Claudialucia
Cristina
Edéa a reçu "L'arbre des pleurs" de Naseem Rakha de la part de Canel
Estelle Calim
Evalire
Faelys a reçu "Orgueil et désir" de Myriam Thibault la part de Zazy
Galéa a reçu "Mal de pierre" de Milena Agus de la part de Sandrion
Ingannmic
Jérôme a reçu « L’amour, Béatrice » de Janine Boissard de la part de ? "Quatrième étage" de Nicolas Ancion de la part de Noukette et Vénus et Adam de la part de Stephie 
Juliette a reçu "Les sœurs Ribelli" de Corinne Atlas de la part de Sandrine (Mes promenades)
Lasardine
Laurie Lit
Le Bison 
Lectriceinthetrain
Leiloona
Liliba a reçu "Les amandes amères" de Laurence Cossé de la part de Martine Littérauteurs, Le café de l'Excelsior de Philippe Claudel de la part d'Asphodèle
Marion a reçu "L’avant-dernière chance" de Caroline Vermalle de la part de Faelys
Marjorie
Martine
Martine Littérauteurs a reçu "Portaits d'automne" de Roger Wallet de la part de Jérôme
Merquin
Mirontaine a reçu "Qu'avons nous fait de nos rêves" de Jennifer Egan de la part de Zazy
Moka
Nahe
Natiora
Noukette a reçu « Les joueurs » de Stewart O’Nan de la part de Jérôme
Praline 
Samlor
Sandrine (Mes promenades)
Sandrine (SD49) a reçu "La désobéissance d'Andréas Kuppler" de Michel Goujon de la part de Saxaoul
Sandrion a reçu "Rue des boutiques obscures" de Patrick Modiano de la part de Galéa
Saxaoul a reçu "La patiente" de Jean-Philippe Mégnin de la part de Sandrine (SD49)
Sido
Sophie/Vicim a reçu "La porte" de Magda Szabo de la part d'Evalire
Sophie Hérisson
Syl a reçu "Mangez-moi" d'Agnès Desarthe de la part d'Unchocolatdansmonroman
Unchocolatdansmonroman a reçu "Des vents contraires" d'Olivier Adam de la part de Faelys
Véronique
XL
Zazy a reçu "La dame à la camionnette" d'Alan Bennet de la part d'Alex Mots-à-Mots







jeudi 20 février 2014

Le jour du slip / Je porte la culotte - Anne Percin et Thomas Gornet

L’espace d’une journée, Corentin devient Corinne et Corinne devient Corentin. Le cauchemar, vous imaginez bien. Vêtements, loisirs, attitude en classe, comportement avec les copains/copines, tout est à revoir ! En changeant de sexe, ces élèves de CM1 découvrent un monde nouveau. D’abord effrayant, forcément, mais auquel ils vont peu à peu s’adapter. A tel point qu’à la fin de la journée, le cauchemar ne sera plus qu’un simple rêve. Et pas désagréable en plus…

Alors voila donc l’objet du délit. Un livre subversif au possible. A brûler en place public parmi tant d’autres, parait-il. Une fille et un garçon qui échangent leur corps, un scandale ! Soyons sérieux. C’est gentillet et drôle, les situations sont bien amenées et le système des deux histoires en miroir (le livre se présente tête bêche) est original.

On aborde ici la question du regard que les enfants portent les uns sur les autres. C'est un texte qui peut ouvrir à la discussion et permettre d'échanger sur les rapports filles/garçons en dédramatisant le problème. Bref, c'est un livre utile. Si de tels ouvrages sont subversifs et corrompent la jeunesse au point qu'il faille les retirer des écoles et des bibliothèques, alors nos pauvres bambins n'auront bientôt plus grand chose à lire.  

Le jour du slip / Je porte la culotte d’Anne Percin et Thomas Gornet. 65 pages. 6,50 euros. A partir de 8 ans.

Une lecture commune géante, une lecture commune pour défendre ce texte et ses auteurs attaqués de façon ignoble sur la toile. Une lecture commune dont vous retrouvez tous les participants chez Stephie.


mercredi 19 février 2014

Annie Sullivan et Helen Keller - Joseph Lambert

Incroyables destins que ceux d’Helen Keller et d’Annie Sullivan. La première est née en 1880 dans l’Alabama. A 19 mois, elle a contracté une maladie inconnue qui l’a rendue aveugle et sourde. La seconde est née en 1866. A cinq ans, cette fille d’immigrée irlandais fut victime d’une infection oculaire et perdit presque la vue.  Abandonnée par son père, elle fut recueillie avec son petit frère dans un hospice. En 1880 elle entra à l’institut Perkins, une institution chargée de fournir assistance et éducation aux personnes aveugles ou malvoyantes. A 20 ans, sortie diplômée de l’institut et major de sa promotion, elle accepta un poste de préceptrice auprès d’Helen Keller.

L’album raconte comment Annie a pu domestiquer et éduquer Helen, une gamine
sauvage et incontrôlable ne supportant aucune contrariété et aucun contact. De leurs luttes épiques, du combat quotidien mené par la préceptrice pour inculquer à son élève les règles de vie les plus élémentaires et la maîtrise du langage, va naître une relation quasi fusionnelle. Le face à face entre ces deux écorchées vives est parfaitement rendu. Les flash back dans la jeunesse d’Annie permettent de comprendre pourquoi cette jeune femme tient tant à réussir l’éducation d’Helen. Son acharnement sans faille apparaît à certains moments effrayant mais l’auteur montre à quel point le chemin menant la petite fille aveugle et sourde vers le savoir fut long et douloureux.

Niveau dessin, j’avoue que je ne suis pas fan du trait de Joseph Lambert. Son gaufrier de 15 ou 16 cases par planches est hyper répétitif mais il était je pense nécessaire pour détailler longuement chaque scène-clé de l’album. De toute façon, le lecteur n’est pas là pour prendre une claque visuelle. Il est là pour découvrir comment les liens se tissent, comment l’obstination sans faille et la certitude dans les méthodes pédagogiques déployées par Annie ont porté leurs fruits.

Une double biographie poignante et maîtrisée qui ne se laisse à aucun moment déborder par un trop plein d’émotion. Il aurait pourtant été facile de tomber dans le larmoyant mais Joseph Lambert évite ce piège avec brio.

Un album offert par Valérie dans le cadre du loto BD de Loula. Un choix pertinent, je me suis régalé.
Et une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Sandrine.


Annie Sullivan et Helen Keller de Joseph Lambert. ça et là, 2013. 94 pages. 22 euros.

Les avis de Valérie et Yvan.






mardi 18 février 2014

Rien qu’un méchant loup - Sylvie Poillevé et Virginie Sanchez

Mea culpa. J’ai péché. J’ai présenté ici même il y a quelques jours un ouvrage pas très catholique. Un album pour enfants abordant la question de l’identité sexuelle. Scandaleux ! Alors pour expier ma faute je vais vous parler aujourd’hui d’un livre bien sous tous rapports. Un livre qui ne peut susciter aucune polémique. Un livre de droite, 100% UMP. De ceux que Mr Copé et les siens pourront lire à leurs chères têtes blondes le soir au coin du feu.

Dans ce livre on découvre le prince Degrangarou. Un loup à particule, un aristocrate. Un loup tout blanc, « venant d’un pays tout blanc », nous précise-t-on. Un loup aryen, quoi. Ce loup vient d’emménager dans une
coquette demeure. De l’autre coté de sa barrière, il y a une chaumière. Comme ce loup est bien élevé, et poli, il décide d’aller se présenter à ses voisins. Des voisins qui ne sont autres que trois petits cochons sales et ronchons. Des cochons en basket-casquette qui jouent à la console, boivent du soda et mangent n’importe quoi. Des cochons qui vont lui claquer la porte au nez après l’avoir insulté. Il est choqué le grand loup blanc ! Mais sa mère lui a appris les bonnes manières alors il persévère et retourne voir les garnements avec un petit cadeau. L’accueil est tout aussi glacial. Obstiné, le loup les invite à dîner. Mais une fois dans la place, les trois sales gosses vont saccager sa belle maison et se montrer menaçant. Ni une, ni deux…

Voila, voila. Un loup bourgeois, blanc comme neige, à l’attitude irréprochable. De la racaille en basket-casquette sans éducation. A la fin l’honneur est sauf. Le gentil loup bourgeois boulotte les trois vilains cochons. Et oui, l’honneur est sauf, le raffinement prend le dessus sur la chienlit. En quelque sorte, l’accomplissement d’un vieux rêve frontiste où les bonnes gens distingués boutent hors de chez eux et de façon définitive une racaille aussi incontrôlable qu’envahissante. Il est magique cet album !

Bien sûr vous allez me dire que j’interprète, que j'extrapole, que j'affabule, que je vois le mal partout. Certes. Mais nous le faisons tous il me semble. Et je ne vois pas pourquoi je n'aurais pas autant le droit que d'autres de le faire. Non mais !

Rien qu’un méchant loup de Sylvie Poillevé et Virginie Sanchez. Père Castor, 2005. 32 pages. 5,50 euros. A partir de 4 ans.

lundi 17 février 2014

Mon livre mystère - ????????

Il y a quelques semaines je recevais d’une blogueuse que j’apprécie particulièrement un livre mystère. Un livre de poche, entièrement recouvert de papier. Impossible de lire le titre ni la 4ème de couverture. Impossible de connaître l’auteur. La page de titre (à l’intérieur du livre) était elle-même cachée sous les rabats de la couverture. Ce livre, d’après elle (et elle me connaît bien), je ne l’aurais jamais ouvert si je savais de quoi il parlait et qui l’avait écrit. Elle me proposait de lire les premières pages à l’aveugle pour le découvrir sans préjugés. J’ai fait mieux, je l’ai lu de la première à la dernière page sans jamais arracher le papier qui le recouvre. Et au moment où je rédige ce billet, je ne connais toujours pas son titre et son auteur. Quitte à jouer le jeu, autant le faire jusqu’au bout.

Ce roman, qui raconte l’histoire de Jean et Béatrice, est un roman épistolaire. Jean a vu Béatrice monter sur l’estrade lors d’un congrès sur l’enfance maltraitée. Bénévole dans une association qui accompagne les filles-mères souhaitant confier leur nouveau-né à l’adoption, elle est venue témoigner de son expérience. Sa prise de parole a électrisé le public. Sur un coup de tête, il a décidé de lui écrire. Quelques jours plus tard, elle lui a répondu.

Lui est psychiatre. C’est un vieux garçon, un ours dont la tanière se trouve dans le centre de la France. Elle est parisienne, mariée et a une fille de 18 ans, Camille. De lettres en lettres, ils vont s’ouvrir l’un à l’autre. Enfin, c’est surtout Béatrice qui se livre. Un mariage tout sauf heureux, un mari tyrannique qui la tient sous sa coupe depuis des années. Jean écoute, conseille, réconforte. Il devient le confident et peu à peu, bien plus. Dans une de leurs premières lettres, ils se sont engagés à ne jamais se rencontrer. Béatrice voudrait briser ce pacte, mais Jean refuse obstinément...

Avant de vous dire ce que j’ai pensé de ce roman, laissez-moi vous préciser à quel point j’ai vécu une expérience étrange. Se lancer dans un livre sans aucun indice permettant de l’identifier a quelque chose de déstabilisant. Privé de mes repères habituels (titre, auteur et 4ème de couv), je me suis senti un peu tout nu face au texte. Finalement, c’est plutôt une bonne chose et j’ai vraiment eu l’impression de défricher une terre vierge, non polluée par mes à priori sur l’écrivain ou les éventuels avis laissés par ceux qui l’auraient lu avant moi. Et je dois avouer que je me suis régalé des deux premiers tiers. Je me suis attaché à ces personnages qui se découvrent, à leurs échanges tout en retenu où le rapprochement se fait avec autant de lenteur que de certitudes, comme une évidence. Il y avait quelque chose de délicieux à découvrir l’évolution du ton de leur correspondance. Malheureusement le dernier tiers a quelque peu gâché mon plaisir. Les révélations qui tombent les unes après les autres sont vraiment « too much » et tirent selon moi artificiellement sur la corde sensible, c’est bien dommage.

Mais à la limite peu importe ma déception finale, ce fut une super expérience de lecture. Et puis l’air de rien, chère blogueuse, tu m’as ni plus ni moins fait plonger dans une bonne vieille romance et nul doute que si j’avais vu la couverture et le résumé avant de l’ouvrir je l’aurais placée tout en bas de ma pal. Bien sûr, avec un tel livre mystère, il faut jouer le jeu sinon ça n'a aucun intérêt mais en tout cas je suis partant pour renouveler l’opération dès que possible. A bon entendeur...

XXXXX de ?????? – 250 pages.

PS : si vous avez reconnu le roman dont je parle, n’hésitez pas à me le dire, je suis prêt à lever le mystère.

Edit du 17/02 à 22h00 : j'ai retiré le papier qui recouvrait le livre, je connais enfin son auteur et son titre. L'auteur ne me dit rien mais punaise, ce titre et cette photo de couverture m'auraient fait fuir si je les avais vus avant de l'ouvrir !!!!










samedi 15 février 2014

Histoire de Julie qui avait une ombre de garçon - Christian Bruel et Anne Bozellec

L’édition de 1976
Parce que la censure qui en train de se mettre en place de manière abominable autour de certains ouvrages de littérature jeunesse m’est insupportable, j’ai envie de vous présenter le premier album pour enfants ayant abordé le thème de l’identité sexuelle. Un album de 1976 réédité en 2009 et malheureusement à nouveau épuisé aujourd’hui, l’éditeur ayant mis la clé sous la porte.

« Julie n’est pas polie. Julie n’est pas très douce, elle n’aime pas les peignes et se cache sous la mousse pour ne pas qu’on la baigne. Julie sait ce qu’elle veut, elle en parle à son chat, ils ont de drôles de jeux que ses parents n’aiment pas… mais elle voudrait qu’on l’embrasse quand même. »

Julie est un garçon manqué, son père n’arrête pas de lui répéter. Si bien qu’un matin elle se réveille avec une ombre de garçon. Julie est perturbée par cette ombre étrange qui mélange tout et la dérange : « Allez, laisse moi tranquille, je ne suis pas comme toi, moi ! Je suis une fille ! » Julie ne sait plus qui elle est, elle ne sait plus à qui elle ressemble, elle voudrait être toute petite, se cacher dans un trou.

La réédition de 2009
Une très belle histoire sur la quête d’identité d’une petite fille. Le texte est poétique et dit la souffrance, l’incompréhension. Un album resté incroyablement moderne, qui interpelle et ça fait du bien. Un album dont certains passages vont heurter la sensibilité des culs serrés, et ça aussi ça fait du bien : « Ce soir, Julie est découragée… Et si c’était l’ombre qui avait raison… Elle n’est peut-être qu’un garçon… manqué en plus, avec cette fente entre les cuisses qu’elle aime bien toucher doucement… ».  Un album à recommander chaudement, donc. Si vous fréquentez une médiathèque municipale et que ce titre fait partie de son fonds, n’hésitez pas à l’emprunter, vous allez faire une sacrée découverte.

« Les gens disent que les filles, ça doit faire comme filles, les garçons, ça doit faire comme les garçons !
On n’a pas le droit de faire un geste de travers…
Tiens, c’est comme si on était chacun dans son bocal !
- Comme pour les cornichons ? 
- Oui, comme pour les cornichons…
Les cornifilles dans un bocal, les cornigarçons dans un autre, et les garfilles, on ne sait pas où les mettre !
Moi je crois qu’on peut être fille et garçon, les deux à la fois si on veut… Tant pis pour les étiquettes… On a le droit ! »

Histoire de Julie qui avait une ombre de garçon de Christian Bruel et Anne Bozellec. Etre, 2009. 48 pages. 18,50 euros. A partir de 6 ans.







vendredi 14 février 2014

Love Songs

J’ai beau être un gros dur tatoué, j’ai aussi un petit cœur tout mou. Alors puisqu’aujourd’hui c’est la St Valentin, je vous offre la playlist de mes chansons d’amour préférées. Bon, c’est pas du joyeux-joyeux, l’amour, je ne l’aime pas tout miel, je le préfère douloureux, quand il gratte un peu. D’ailleurs, avant de passer à la musique je vous propose un poème de Verlaine que j'adore !

LASSITUDE

De la douceur, de la douceur, de la douceur !
Calme un peu ces transports fébriles, ma charmante.
Même au fort du déduit, parfois, vois-tu, l’amante
Doit avoir l’abandon paisible de la sœur.

Sois langoureuse, fais ta caresse endormante,
Bien égaux tes soupirs et ton regard berceur.
Va, l’étreinte jalouse et le spasme obsesseur
Ne valent pas un long baiser, même qui mente !

Mais dans ton cher cœur d’or, me dis-tu, mon enfant,
La fauve passion va sonnant l’oliphant
Laisse-la trompetter à son aise, la gueuse !

Mets ton front sur mon front et ta main dans ma main,
Et fais-moi des serments que tu rompras demain,
Et pleurons jusqu’au jour, ô petite fougueuse !




















jeudi 13 février 2014

Ce qui ne nous tue pas - Antoine Dole

Antoine Dole m’avait tellement impressionné avec « Á copier 100 fois » que je me suis lancé avec une certaine gourmandise dans son tout nouveau roman.

« Je m’appelle Lola, et c’est à peu près tout ce qu’il y a à savoir. Á peu près au moment où les choses ont commencé à mal tourner entre mes parents, j’ai découvert sur internet que mon prénom vient de l’espagnol Dolores, qui signifie « douleur ». La mauvaise graine dans la mauvaise terre, la mauvaise fille pour les mauvais parents. »

Lola trimballe avec elle une colère permanente. Contre ses profs, contre ses camarades de classe, contre ses parents qui ont décidé de se séparer. Contre la terre entière en fait. Une goutte d’eau et le vase déborde. Lola fugue. Elle erre et se retrouve par hasard chez Colette, vieille dame vivant seule dans un appartement insalubre. Colette perd la boule, elle baptise Lola Anna, la considère comme une invitée ou comme une intruse. Peu à peu, Lola et Colette vont s’apprivoiser. Malgré une cohabitation peu évidente, des échanges parfois confus et une vraie difficulté à communiquer, la mamie et l’adolescente basculent peu à peu vers ce que l’on pourrait sans crainte appeler de la tendresse.

Deux femmes en crise, deux femmes désorientées, deux solitudes. Le récit alterne les chapitres à la première personne où Lola remonte le fil des événements l’ayant conduit chez la vieille dame et ceux à la troisième personne dans le huis clos de l’appartement. Phrases courtes, rage au ventre et au cœur, le lecteur navigue entre la voix intime de Lola et une narration extérieure permettant de prendre un certain recul.

L’ensemble est percutant mais ne tient pas vraiment la comparaison avec « Á copier 100 fois ». Je trouve que l’on insiste trop lourdement sur la douleur de Lola, que l’on enfonce le clou de son mal être avec de gros sabots ce qui, au final, dessert le propos. En fait j’aurais aimé un texte plus ramassé sur lui-même, plus elliptique peut-être. Un effet coup de poing, quoi, un uppercut qui vous laisse groggy. Là, j’ai l’impression qu’il y a des mots en trop, que l’on cherche à tout prix à faire vibrer la corde sensible mais sans finesse. Et pourtant l’écriture d’Antoine Dole garde une patte, une identité qui me plait beaucoup. C’est juste que, sur ce coup-là, trop de pathos tue l’émotion.

Ce qui ne nous tue pas d’Antoine Dole. Actes Sud junior, 2014. 115 pages. 11,00 euros. A partir de 13 ans.


Une lecture commune que je partage une fois de plus, et pour mon plus grand plaisir, avec Noukette et Stephie.




mercredi 12 février 2014

Le jardin d’hiver - Dillies et La Padula

« On ne choisit pas toujours qui on adopte et par qui l’on peut être adopté ».

Une ville grise et terne, un temps de chien, un temps à s’ouvrir les veines. Sam vivote dans un apart minable. Il bosse dans un troquet sans âme et traîne une mélancolie dont rien ne semble pouvoir le débarrasser. Même s’il y a Lili, la danseuse qu’il rejoint certains soirs avec plaisir. Il croit qu’il l’aime et se demande si c’est réciproque. Sam navigue dans un quotidien bien rôdé, tellement bien rôdé qu’il en a depuis longtemps perdu tout intérêt. Un quotidien empli de solitude et d’indifférence. Il faudra une rencontre avec son voisin du dessus pour qu’une porte s’ouvre. Le vieil homme le prend pour son fils. Il va surtout lui faire comprendre qu’une douce folie est nécessaire pour embellir la vie, pour faire en sorte que les rêves puissent s’accomplir.

Pour une fois Dillies n’est pas aux pinceaux mais sa petite musique résonne toujours aussi fort. On se dit au départ que le récit va être d’une insondable tristesse, une « ode » à la déprime que l’on devine dès la couverture. Mais cette fois-ci il y a de la lumière, beaucoup de lumière. Une jolie forme d’humanité alliée à une tendre poésie. Des corps et des esprits cabossés qui reprennent des couleurs. A la fin, la pluie a cessé, c’est un signe qui ne trompe pas.

De prime abord, le dessin anguleux de l’italienne Grazia La Padula interpelle. Mais sous l’apparente (et fausse) impression d’une certaine maladresse se cache un vrai talent graphique capable de créer une atmosphère servant à merveille le scénario.

Du bon Dillies, de l’excellent Dillies même. J’ai le sentiment de redire toujours la même chose à propos de cet auteur mais il est tellement rare de construire une œuvre sans faire la moindre fausse note que cela mérite d’être répété encore et encore.


Le jardin d’hiver de Dillies et La Padula. Paquet, 2009. 66 pages. 15,50 euros.

Une lecture commune que j'ai l'immense plaisir de partager avec Moka

Les avis  de Choco, Loo, MarionNoukette et Yaneck.








mardi 11 février 2014

L’ombre de chacun - Mélanie Rutten

Des mois que cet album est posé sur mon bureau. Comme tant d’autres. En souffrance. Attendant que je me penche sur son cas. Et puis samedi dernier Moka a publié un avis sur ce titre. Un avis enthousiaste. Un peu plus que ça même. Quand elle a un tel coup de cœur, je la suis toujours les yeux fermés et je ne suis jamais déçu. L’ombre de chacun ne fera pas exception à la règle.

C’est l’histoire d’un Cerf et d’un petit Lapin qui vont devenir tout l’un pour l’autre.


« Est-ce qu’on sera toujours ensemble ? »
- Oui
- Toujours, toujours ?
- Un jour tu grandiras…
- Mais on sera quand même ensemble !
- Tu seras toujours dans mon cœur.
- Est-ce que tu vas mourir ? 
- Pas maintenant.
- Mais un jour…
- Un jour… c’est normal.
- Et est-ce que je serai toujours dans ton cœur alors ? 
- Je serai toujours dans le tien…
- alors on ne sera pas toujours ensemble… » dit le petit Lapin.

Mais c’est aussi l’histoire d’un Soldat en guerre, d’un Chat qui fait toujours le même rêve, d’un Livre qui veut tout savoir et d’une Ombre. C’est une histoire d’amitié et d’amour, d’altruisme et de solidarité. Affronter ensemble les épreuves, ses propres craintes. Se soutenir, aider l’autre sans condition. Une leçon de vie, quoi.

C’est un album qui se mérite, traversé par une certaine forme d’exigence. La polyphonie, les ellipses, une chronologie des événements par forcément évidente à reconstruire, c’est tout ce qui fait la richesse du récit. L’implicite a aussi une part importante dans ce texte. Une part fondamentale même. C’est l’interprétation, les interprétations possibles qui en font sa richesse. Si la littérature a à voir avec la beauté, et si ce qui crée la beauté c’est le style alors cet album est sacrément littéraire.

Et puis il y a dans la relation entre le Cerf et le petit Lapin quelque chose qui résonne fortement en moi. Des petits lapins, j’en ai trois à la maison. Des petits lapins qui vont grandir et partir un jour. C’est logique et c’est tant mieux parce que de toute façon je ne serai pas toujours là. Alors je suis un peu comme le Cerf, je les encourage à grandir mais en même tant mon cœur me dit : « Pas trop vite, pas trop vite ! »

Bref, à mon tour de crier au coup de cœur. C’est beau, c’est fort, tellement plein d’émotion. Si cet album arrive un jour entre vos mains, ne le laissez  pas traîner sur votre bureau pendant des mois, il mérite tellement, tellement mieux que ça.

L’ombre de chacun de Mélanie Rutten. Memo, 2013. 52 pages. 17 euros.

L'avis de Moka






lundi 10 février 2014

Le goût sucré des pommes sauvages - Wallace Stegner

Wallace Stegner (1904-1993) était un total inconnu pour moi avant que Marilyne me propose cette lecture commune. Il est pourtant considéré comme la principale source d’inspiration des écrivains du Montana et reste LA référence absolue pour Jim Harrison. Prix Pulitzer 1972, il a également remporté le National Book Award. Une pointure de la littérature américaine, quoi.

Cinq nouvelles en tout dans ce recueil. Les deux premières abordent le registre de la nostalgie, du temps qui passe et sont traversées par une certaine forme de mélancolie. Je les ai malheureusement trouvées trop courtes. A peine le temps de s’y installer qu’il fallait déjà en sortir. La troisième est plus intéressante et met en scène un cocktail mondain, un pianiste retors et un narrateur à l’ironie mordante dans une ambiance digne de Gatsby le magnifique. La quatrième est sans conteste la plus faible et est surtout sans aucun intérêt selon moi.

J’étais donc pour le moins dubitatif avant d’attaquer le dernier texte. Pas vraiment emballé par ce que j’avais lu, je me demandais bien pourquoi on faisait de Stegner un des plus grands écrivains de l’Ouest. Mais cette nouvelle a tout changé. 130 pages de pure Nature writing où des cowboys traversent avec leur troupeau la plaine du Saskatchewan (Canada) en plein hiver 1906, un des plus rudes du 20ème siècle. On trouve dans ce mini-roman d’initiation une écriture inspirée, des descriptions magnifiques, des relations entre les personnages très travaillées et un scénario au cordeau. Bref, c'est un récit âpre et tendu, qui tient le lecteur en haleine. La volonté farouche des hommes face aux éléments déchaînés est parfaitement rendue. Le froid, la promiscuité, les efforts terribles à fournir pour continuer à avancer malgré le blizzard, la neige et les vêtements qui gèlent à en devenir cassant comme de la glace, etc. Formidablement évocatrice, la prose de Stegner se dévore littéralement.  

Un recueil qui mérite donc d’être lu, essentiellement pour cette magistrale dernière nouvelle. J’ai maintenant hâte de découvrir un de ses romans.

Le goût sucré des pommes sauvages de Wallace Stegner. Points, 2009. 300 pages. 8,50 euros.


Une lecture commune que j’ai une fois de plus le plaisir de partager avec Marilyne et une première participation au mois de la nouvelle de Flo.





samedi 8 février 2014

Quand ma pal BD grossit à vue d’œil

Début janvier, je faisais le point sur ma pal BD en me disant que la situation n’avait rien d’alarmiste : une grosse trentaine d’albums en souffrance pas de quoi s’affoler. Oui mais voila, depuis une dizaine de jours une véritable pluie de BD m’est tombé dessus, pour mon plus grand plaisir. Petit tour d’horizon de ces nouveaux arrivants sur mes étagères :

Les achats compulsifs (ceux auxquels je ne peux pas résister et surtout auxquels je n’ai pas envie de résister) :















Les albums offerts par deux adorables blogueuses (qui se reconnaîtront) pour mon anniversaire :


























Les albums gagnés dans le cadre des lotos BD organisés par Loula et Valérie :

















Douze nouveaux albums en quelques jours, une véritable avalanche. La question maintenant est : avec lequel vais-je commencer ? Et si vous êtes partant(e) pour une lecture commune, n’hésitez pas à me faire signe.



jeudi 6 février 2014

Baignade surveillée - Guillaume Guéraud

C’est l’histoire d’Arnaud et d’Estelle. Ils partent en vacances au camping du Cap-Ferret avec Auguste, leur fils de 9 ans. Un couple en lambeaux, en bout de course : « On ne baisait plus que tous les 36 du mois alors on ne comptait plus les nuits sans, la fréquence de nos emboîtements étaient de plus en plus faible et ça ne leur faisait pas pour autant gagner en intensité, merde, à quoi ça tenait, j’en sais rien, l’usure, le linge sale, les mauvaises habitudes, les remarques déplacées et les yeux qui se fermaient pendant que tout rabotait les angles qui nous imbriquaient l’un dans l’autre. » C’est aussi et surtout l’histoire de deux frangins. Arnaud est l’ainé, docker à Marseille, encarté à la CGT et fier de l’être. Max est le cadet, un voyou qui enchaîne les séjours en prison et trempe en permanence dans des combines malsaines. Entre Arnaud et Max, les relations sont tendues. Et quand ce dernier débarque sans crier gare au camping, le grand frère se doute qu’il y a anguille sous roche…

J’aime quand Guillaume Guéraud fait du Guillaume Guéraud. Une noirceur totale, une écriture nerveuse, sèche comme un coup de trique, sans chichi ni envolée lyrique. On reste à hauteur d’homme, on ne donne pas dans la psychologie de bazar et surtout on ne juge pas. Jamais. Les faits parlent d’eux-mêmes, ils vous électrisent et vous laissent groggy. Bien sûr c’est très sombre, bien sûr il y a comme un malaise et ça peut déranger, je le comprends tout à fait. Maintenant, lorsqu’un auteur sait aller à l’essentiel sans prendre de gants, ça me botte, et pas qu’un peu.

La construction du récit est efficace et alterne entre le présent des vacances au camping et des chapitres en flash-back revenant sur les événements tragiques qui ont poussé Max à rejoindre son frère. Des dialogues ciselés, des moments de tension et d’autres beaucoup plus légers avec parfois une vraie pointe d'émotion, des personnages sacrément malmenés... du grand art, quoi.

Baignade surveillée de Guillaume Guéraud. Le Rouergue, 2014. 125 pages. 13,80


Une nouvelle lecture commune que j’ai l’immense plaisir de partager avec les drôles de dames Moka, Noukette et Stephie.