mercredi 21 décembre 2016

Je, François Villon T3 : Je crie à toutes gens merci - Luigi Critone

Trop tôt orphelin, il a été recueilli et élevé par un généreux chanoine. Etudiant au quartier latin, il a vite abandonné l’université pour fréquenter les catins et les tavernes. Devenu le poète officiel des sanguinaires coquillards de Colin de Cayeux après avoir commis un vol et un meurtre, il suit la bande d’écorcheurs dans un périple sauvage en Alsace où son quotidien est fait d’assassinats, de viols et de pillages. Au moment où commence ce troisième volume, François Villon, après avoir quitté les coquillards, tombe entre les griffes du terrible évêque d’Orléans Thibaut d’Aussigny, celui-là même qui avait condamné à mort ses parents.

Conclusion de l’adaptation du roman de Jean Teulé, cet album signe la perte de l’insouciance et de la légèreté qui jusqu’alors guidaient les pas de Villon malgré l’horreur de ses agissements. Son passage dans les geôles de l’évêque et entre les mains des bourreaux le marque au fer rouge. C’est un homme brisé qui rentre à Paris pour découvrir sans fierté à quel point il est resté une légende, un mythe intouchable pour la jeunesse éprise de folie et de liberté. Le poète, affaibli et malade, constate que ses jours s’en sont allés trop vite. Il rédige son ultime testament, prêt à attendre la mort sans lutter. Mêlé malgré lui à un nouveau fait-divers, il échappe par miracle à la pendaison mais doit quitter la ville et ne plus y revenir pendant dix ans. Un statut de banni qui ouvre une nouvelle page de son histoire dont personne ne saura jamais rien…

Un final crépusculaire, terriblement sombre et mélancolique. Luigi Critone restitue à merveille les tourments d’une âme qui s’éteint à petit feu après avoir brûlé la chandelle par les deux bouts. Une âme qui a traversé comme une comète trente années de l’histoire de son temps et dont les textes continuent à fasciner le public aujourd'hui encore.

Une trilogie sans fausse note, dont le dessin n’a cessé de s’améliorer à chaque album. A l’occasion des fêtes, un superbe coffret regroupant les trois tomes est proposé par l’éditeur. Une idée cadeau à glisser sous le sapin pour ravir les amateurs du plus célèbre des poètes maudits.


Je, François Villon T3 : Je crie à toutes gens merci de Luigi Critone. Delcourt, 2016. 72 pages. 15,50 euros.






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mardi 20 décembre 2016

Romans jeunesse : Coups de cœur 2016

Premier bilan de l’année, il concerne évidemment les romans jeunesse puisque nous sommes mardi et que chaque mardi ou presque depuis bientôt trois ans je partage une pépite avec ma chère complice Noukette. En 2016, nous avons présenté 37 pépites. Des textes souvent courts, généralement aux thématiques fortes et toujours d’une belle qualité littéraire. Certains auteurs ont eu droit à deux pépites (Anne Loyer, Bertrand Santini, Gille Abier, Cécile Roumiguière et Sandine Beau). Il faut dire qu’ils sont un peu (beaucoup) nos chouchous et que pour rien au monde nous ne raterions une de leurs parutions.

Et s’il me fallait en choisir cinq titres parmi ces trente sept, les premiers qui me viendraient à l’esprit, sans ordre de préférence, seraient :


Un roman doudou qui fait un bien fou. Tout m’a plu dans cette histoire sensible et drôle aux personnages extrêmement fouillés. La suite m’attend, elle fera partie de mes lectures de Noël.











Écriture virtuose, narration ambitieuse, histoire dérangeante, comme d’habitude Cécile Roumiguière trousse un roman fort, exigeant, percutant. Tout simplement inoubliable.










Le roman de la maturité pour Bertrand Santini. Toujours une inventivité folle doublée d’un humour ravageur et une capacité à aborder des sujets profonds avec un sens de la formule assez unique. Ben oui, je suis fan, ça se voit tant que ça ?









Réécrire Eugène Onéguine de Pouchkine en vers libres en plaçant les personnages dans un contexte actuel, il fallait oser. J’adore l’idée, j’admire la prise de risque et le résultat est tout simplement bluffant.




Un roman engagé et enragé. L'écriture percutante de Marion Brunet sert à merveille les portraits réalistes et touchants de ses enfants de la révolte.















Et en cadeau bonus la liste complète de nos pépites de l'année :










dimanche 18 décembre 2016

Sombre aux abords - Julien D’Abrigeon

Des rapports difficiles au père, des jeunes couples en quête d’argent facile, la ville, la nuit, les voitures, la France des zones commerciales aux ronds points encerclés de McDo, la solitude, les petites gens et leurs petites vies, fatigués, usés avant l’heure, sans illusions. L’amour qui n’est plus, celui qui ne sera jamais, l’attente du crépuscule, l’aube brumeuse qui annonce un nouveau jour triste. Sombre aux abords, le passage vers l’âge adulte n’annonce rien de bon, il confirme surtout la perte définitive de l’innocence.

Un recueil de nouvelles bâti comme un hommage à l’album Darkness on The Edge of Town de Bruce Springsteen. Découpé en deux parties (Face A et beside), chaque texte est présenté à la manière d’une chanson. L’écriture se veut aussi très musicale. Tempo lent, rythmique traînante comme un vieux blues lancinant, rock puissant et énervé… Le résultat est surprenant, déstabilisant, assumé. Comme dans tout album, l’ensemble est inégal, les hits en puissance côtoient des morceaux moins réussis, proches de l’anecdotique. Après, chacun aura son titre préféré, le mien s’intitule « Cimenterie » et raconte une vie de prolo, d’ouvrier du petit jour qui enfile son bleu de travail et se met au turbin, vaincu par la machine, par l’usine et le grand capital, comme ses camarades d’agonie.

De la littérature française contemporaine qui sort des sentiers battus, un auteur de nouvelles construisant son recueil comme un « concept album », c’est original et ça fait du bien.


Sombre aux abords de Julien D’Abrigeon. Quidam éditeur, 2016. 140 pages. 15,00 euros.




vendredi 16 décembre 2016

La faim blanche - Aki Ollikainen

Elle a laissé son homme mourant dans leur lit et a quitté la ferme avec ses deux enfants. Poussée par la faim dans le froid et la neige, Marja veut rallier Saint-Pétersbourg à pied. Ce but ultime, bien qu’inatteignable, est la seule motivation qui la pousse à avancer. Rejoignant la cohorte de mendiants jetés sur les routes par la famine et la rudesse de l’hiver, la mère de famille ne peut compter que sur la bienveillance de bonnes âmes croisées en chemin qui lui offriront une nuit à l’abri et un bouillon clair. Un maigre répit dans un océan de souffrance dont il sera bien difficile de sortir indemne.

 Un premier roman qui rappelle de façon effroyable la terrible disette qui frappa la population rurale de Finlande en 1867. Chassés de chez eux par le manque de vivres, les paysans affluèrent vers les villes dans l’espoir d’y trouver refuge et nourriture pendant que les politiques, impuissants, assistaient au désastre en pensant, non sans cynisme, que « peut-être que le destin de ce peuple, c’est de se battre pour son existence et de s’endurcir. »

A travers le parcours de Marja et de ses enfants, Aki Ollikainen touche à l’universel. Son texte est une ode à la survie, à la détermination de l’être humain face à une situation désespérée. L’écriture possède une force d’évocation saisissante, elle dit avec puissance la neige, la glace, les ventres vides, les paysages silencieux baignés par le soleil hivernal. Elle dit la folie et la mort qui rôdent autour de chacun et elle montre les effets hallucinogènes de la faim, les rêves délirants et enfiévrés venant terrasser les corps et les esprits épuisés. Le tout avec une certaine poésie mais sans esthétisation excessive, sans se perdre dans des descriptions où le romantisme viendrait prendre le pas sur la réalité la plus insupportable.

Un roman qui dérange, fascine et interroge sur notre capacité à rester debout et à continuer notre route malgré les épreuves. Il subsiste au final une note d'espoir, un rayon de lumière au cœur de ce sombre tableau. Pour souligner que les sacrifices ne sont jamais tout à fait vains, que la vie se poursuit envers et contre tout.

La Faim blanche d'Aki Ollikainen. Editions Héloïse d'Ormesson, 2016. 152 pages. 16,00 euros.




mercredi 14 décembre 2016

Le crime qui est le tien - Philippe Berthet et Zidrou

« L’ignorance est un luxe. On ne le découvre – hélas ! – que quand la vie vous crache ses quatre vérités au visage. »

Accusé du meurtre de sa femme volage et recherché par toutes les polices du pays depuis près de trente ans, Greg vit reclus dans une ferme au fin fond du bush australien où il élève des moutons. Apprenant que son frère atteint d’un cancer a reconnu le crime sur son lit de mort, le berger quitte son troupeau et retourne dans sa ville natale. Accueilli par le shérif qui n’a eu de cesse de le traquer, il découvre des habitants s’excusant du bout des lèvres d’avoir fait de lui un paria. Depuis que le vrai coupable est connu, la belle-sœur et la nièce de Greg, considérées comme des proches du « monstre », vivent un véritable enfer. Il faut dire que la victime avait été retrouvée lardée de soixante-sept coups de ciseaux à bois, à tel point que son corps avait « plus de blessures que de chair intacte ». Au fil des jours, Greg trouve son statut d’innocent de plus en plus pesant. Hanté par la présence permanente de sa femme défunte, conscient qu’il lui sera impossible de retrouver sa place parmi les hommes après tant d’années de solitude et détenteur d’une vérité qu’il est le seul à connaître, il lui semble préférable de disparaître à nouveau…

Un album où l’on convoque les fantômes, les secrets de famille et la lâcheté ordinaire, où l’ambiance délétère d’une petite localité de Nouvelle-Galles du Sud devient davantage poisseuse à chaque page. Le bal des faux-culs et le poids de non-dits entraînent chacun vers sa perte. Avec une mécanique narrative sans faille, Zidrou amène ses personnages au bord du gouffre, aussi lentement que sûrement, tout en proposant une réflexion complexe et profonde sur la notion de culpabilité.

Graphiquement, dans cette Australie des années 60 aux faux airs de Texas, la brutalité affleure en permanence sous le calme apparent. Une atmosphère parfaitement retranscrite par le trait élégant et les couleurs lumineuses d’un Berthet en très grande forme. Un récit noir à l’esthétique Old School qui démontre s’il en était encore besoin que chacun de nous possède une face cachée, une part sombre qu’il serait préférable de ne jamais mettre en pleine lumière. « Les hommes, ils font ce qu’ils peuvent les hommes ! ». Pour le meilleur et pour le pire.

Le crime qui est le tien de Philippe Berthet et Zidrou. Dargaud, 2015. 64 pages. 15,00 euros.



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mardi 13 décembre 2016

Un jour il m’arrivera un truc extraordinaire - Gilles Abier

« Je n’ai pas la force de quitter mon lit. Aucune envie de me lever. J’aimerais dormir toute la journée, un mois entier, une année. Que tout s’arrête. Que ça revienne comme avant. Je suis prêt à me contenter de l’ordinaire. Être un gamin quelconque, un brin malingre, pas trop idiot, qui vise la périphérie. À quoi bon vouloir se tenir au centre, au-dessus de la mêlée ? C’est bien une vie rangée. On est moins déçu quand on rêve de ce qu’on peut atteindre. »

Elias est persuadé qu’il lui arrivera un jour un truc extraordinaire. En attendant il s’invente des histoires : dompteur de tigre du Bengale, chanteur de R&B, créateur de jeux vidéo à succès, champion de judo, pâtissier de génie ou illustrateur dont les galeries d’art s’arrachent les œuvres. En vrai il est maigrichon et pâlot, à 13 ans il en paraît 9. En vrai il habite avec sa mère et son beau-père et ce n’est pas la joie. En vrai, il va devoir arrêter de ne vivre que dans sa tête et regarder la réalité en face. Sauf que depuis peu, il rêve qu’il est un oiseau. Et il constate à chaque réveil que son corps se transforme en celui d’un corbeau. Pour de vrai…

Ah, Gilles Abier ! Plonger dans un de ses romans est décidément une expérience à part, une expérience dont il est difficile de se remettre. Depuis « La piscine était vide » j’admire sans réserve sa capacité à dire les maux de l’enfance avec une distance, une retenue et une finesse qui ne cesse de me surprendre. Il s’amuse à semer des petits cailloux comme autant d’indices sur le chemin du lecteur avant de brouiller les pistes, il se garde d’annoncer les choses « frontalement » pour mieux rester dans la suggestion, il sait merveilleusement ménager ses effets et cultive un art de la chute qui me laisse à chaque fois sans voix. Ici, il oscille entre rêve et réalité, joue sur le registre de la folie et de l’hallucination, flirte avec le fantastique pour revenir à un pragmatisme qui fait froid dans le dos et nous cloue sur place dans les dernières pages.

Je n’ai pas envie d’en dire plus, c’est un roman qui se vit plutôt qu’il se raconte, c’est une plongée aussi intime que touchante dans le quotidien d’un garçon perdant peu à peu pied, perdant peu à peu le contrôle de lui-même. Du grand art.

Un jour il m’arrivera un truc extraordinaire de Gilles Abier. La joie de lire, 2016. 156 pages. 14,00 euros. A partir de 11-12 ans.


Une pépite jeunesse que partage une fois encore avec Noukette.


samedi 10 décembre 2016

Les lectures de Charlotte (29) : Gloups ! J’ai avalé Cornebidouile ! - Pierre Bertrand et Magali Bonniol

J’espère que vous connaissez tous Cornebidouille. Si ce n’est pas le cas il faut réparer cette erreur au plus vite tant cette affreuse sorcière gagne à être connue.

Appelée par les parents de Pierre pour le forcer à manger sa soupe, elle ne parvient jamais à ses fins et subit systématiquement une déroute aussi pathétique qu’humiliante. Dans le premier volume, elle finissait emportée par la chasse d’eau des toilettes, dans le second elle était transformée en citrouille et dans le troisième, après s’être dédoublée, elle se voyait jetée à la poubelle. Au début de cette nouvelle histoire, Cornebidouille, devenue aussi petite qu’un grain de poussière, saute dans la bouche de Pierre qui l’avale d’une traite. Une fois dans son ventre, elle met à exécution un plan diabolique qui devrait enfin lui permettre de se venger. Sauf que le garçon a plus d’un tour dans son sac et qu’il va, comme d’habitude, retourner la situation à son avantage et punir chèrement sa « meilleure » ennemie.

Pierre et Cornebidouille, c’est le duo préféré de Charlotte. Elle adore leurs disputes, leurs joutes verbales piquantes, le bagout du garçon, jamais impressionné par son adversaire. Tout simplement, je crois qu’elle admire Pierre le malicieux et sa répartie cinglante bien cachée sous ses lunettes de premier de la classe. Il suffit de l’entendre éclater de rire lorsque l’insolence du garçon offusque la sorcière pour comprendre à quel point il lui fait de l’effet. Exemple :

- « Même pas peur, grosse momoche à vapeur ! Vous n’êtes qu’une margoulette en jupette. »
- « Comment ! »
- « Une triplette de vieille biquette à sonnette ! »
- « Comment ! »
- « Une mémé poulette qui pue et qui pète »
- « Comment ! »



Ce genre d’échange est la marque de fabrique de la série, ce sont des passages que Charlotte finit par connaître par cœur. Au-delà du texte, le dessin hyper expressif de Magali Bonniol participe grandement à l’atmosphère déjantée qui rythme l’histoire. Et puis chaque album s’ouvre sur la situation embarrassante  dans laquelle s’est empêtrée Cornebidouille à la fin du précédent, c’est une mécanique narrative qui fidélise le lecteur car elle lui permet de retrouver les personnages où il les a laissés.   

Bref, la recette fonctionne à merveille et le duo Pierre/Cornebidouille emporte une fois de plus tout sur son passage.  Vivement le prochain épisode !


Gloups ! J’ai avalé Cornebidouile ! de Pierre Bertrand et Magali Bonniol. L’école des loisirs, 2016. 32 pages. 12,20 euros. A partir de 4-5 ans.    





vendredi 9 décembre 2016

Felix Funicello et le miracle des nichons - Wally Lamb

New London, Connecticut, 1964. Kennedy a été assassiné, les Beatles sont à leur sommet et les Funicello vivent le rêve américain. Les parents tiennent le buffet de la gare routière, leurs deux grandes filles sont au lycée et Felix, le petit dernier, attaque son année de CM2 à l’école Saint-Louis de Gonzague. Catholiques pratiquants, bien installés dans leur communauté, ils ont tout pour être heureux. Mais Felix s’ennuie à mourir en classe où, cerise sur le gâteau, la redoutable sœur Dymphna fait régner la terreur. Une sombre histoire de chauve-souris va pousser cette dernière au repos forcé. Sa pétillante remplaçante Mlle Marguerite, québécoise, laïque et surtout bien plus sympa, va lui redonner le sourire. Un sourire renforcé par l’arrivée peu après d’une nouvelle élève venue de Russie qui va faire connaître au garçon ses premiers émois sexuels. Car derrière son accent chantant et sa répartie, Zhenya fait rapidement comprendre à chacun qu’elle n’a pas froid aux yeux.

Un roman frais, léger et sympathique proposant un récit d’enfance qui joue sur le registre de l’humour en appuyant sur quelques points douloureux de l’éducation catholique à l’américaine (bigoterie excessive et sans nuance, rigidité des apprentissages, passage obligatoire à confesse, spectacle de Noël mettant en scène des tableaux biblique, etc.). Felix porte un regard naïf sur les événements tandis que les situations cocasses et pour le moins embarrassantes s’enchaînent, provoquant le sourire.

Après, tout dépend de ce que l’on cherche mais la légèreté possède son revers. La veine enfantine présentée ici manque singulièrement de profondeur. Impossible de ne pas penser au Petit Nicolas en découvrant Felix et ses camarades. Loin de moi l’idée de considérer cette référence comme négative mais en ce qui me concerne, une jeunesse italo-américaine dans l’Amérique de l’après-guerre me ramène davantage au Bandini de John Fante. Et pour le coup le personnage de Wally Lamb ne tient pas la comparaison une seconde. Bien trop mièvre, bien trop gentillet, bien trop lisse. Comble du comble, les nichons annoncés dans le titre ne pointent pas le bout de leurs tétons et laissent au final en bouche un arrière-goût de tromperie sur la marchandise.

Sympa sans plus, donc. Il me semble que Wally Lamb a écrit des romans bien meilleurs, je vais donc me pencher de près sur sa bibliographie, je penser y trouver des choses plus à même de me convenir.

Felix Funicello et le miracle des nichons de Wally Lamb. Belfond, 2016. 245 pages. 18,00 euros.









mercredi 7 décembre 2016

Kodhja - Thomas Scotto et Régis Lejonc

Le garçon arrive devant les remparts de Kodhja. Il franchit la lourde porte et s’avance. Un enfant à la voix grinçante l’accueille. Le garçon lui explique qu’il est là pour voir le roi, seule personne à même de répondre à ses questions. L’enfant lui répond qu’il veut bien l’accompagner mais que le chemin sera long car « Kodhja est un vrai casse-tête ». Ensemble, ils commencent alors un voyage étrange au cœur d’un improbable labyrinthe.

Étrange, c’est le premier mot qui vient à l’esprit quand on tourne les pages de cet album aussi impressionnant par sa taille que par son contenu. Un album que m’a offert Moka samedi dernier à Montreuil, parce qu’elle l’a adoré et qu’elle tenait absolument à me le faire découvrir. Tout en me précisant d’emblée que, connaissant mes goûts, ce serait du quitte ou double. Tout en sachant aussi que j’ai une tendresse particulière pour le travail de Régis Lejonc et que je ne suis pas insensible à la poésie des textes de Thomas Scotto. Bref, elle me connait bien, très bien même, et les risques étaient calculés malgré ses précautions d’usage.

J’ai donc suivi les pas du garçon et de l’enfant. Avec eux j’ai monté d’immenses escaliers, découvert trois curieuses personnes assises dans un renfoncement, longé des rues étroites, admiré une majestueuse fontaine et « la façade de granit d’une maison immense et sans porte ». Je suis tombé dans un trou, j’ai mis fin à une dispute, j’ai vu des créatures hideuses et traversé un champ de cailloux avant d’arriver enfin face à la tour du roi.

J’ai retrouvé dans cet album l’esprit des ouvrages de Mélanie Rutten. Un propos qui peut apparaître au premier abord obscur mais qui se révèle au final d’une totale limpidité. Un livre qui se mérite, où le lecteur est acteur, où il doit en permanence être actif, donner du sens. Un récit initiatique bourré d’implicite et ouvert aux multiples interprétations pour les jeunes lecteurs, c’est rare et précieux. Kodhja, c’est un condensé d’enfance où règnent l’imagination, les hésitations, la colère, les chagrins, les souvenirs, la mémoire. Kodhja, c’est autant d’épreuves à franchir pour continuer sereinement sa route, pour ajouter une nouvelle pierre à notre édifice et « apprendre le reste de la vie ».

Rarement texte et dessins auront dégagé une telle osmose, ne cessant de se répondre, de se compléter, de se sublimer. Le trait de Régis Lejonc me fascine depuis ma découverte du Phare des sirènes. Une impression confirmée avec La promesse de l’ogre et renforcée ici, où le format XXL magnifie chaque illustration. Entre ombre et lumière, couleurs chaudes et douces, illustrations pleine page et gaufrier de petites cases, le voyage graphique se révèle d’une infinie richesse.

Exigeant, poétique et profond. Sublime, quoi. Et un album forcément spécial pour moi puisqu’il m’a été offert au cours d’une bien belle journée, par une bien belle personne ❤


Kodhja de Thomas Scotto et Régis Lejonc. Thierry Magnier, 2015. 44 pages. 20,50 euros.



Les avis de Bouma, Moka et Noukette



mardi 6 décembre 2016

Le vrai sexe de la vraie vie - Cy

Ce mois-ci, j’étais parti pour lire ça. Une femme, prix Goncourt, qui annonce « Un petit traité d’éducation lubrique », je m’en régalais à l’avance. Sauf que j’ai vite déchanté. En fait j’ai pas compris le but recherché. C’est bien écrit, il y a un vrai sens de la formule et des tas de citations littéraires mais au final le plat servi est bien fade. Quand je me lance dans une telle lecture et que je passe mon temps à piquer du nez plutôt que de me redresser du gland, il y a un vrai problème. Du coup, ni une ni deux, j’ai abandonné à la moitié. Pas pour moi, tout simplement. Et pas la peine d’insister.

Petit traité d'éducation lubrique de Lydie Salvaire. Points, 2016. 120 pages. 10,00 euros.



J’ai donc changé mon fusil d’épaule pour plonger dans cette BD qui m’a bien plus intéressé et accessoirement fait bien plus d’effet, ce qui n’était pas très difficile cela dit. Au moins ici le titre n’est pas trompeur. Le vrai sexe de la vraie vie, c’est un plan à trois pas folichon, c’est ta femme qui te surprend en train de t’astiquer le manche, c’est l’échangisme, c’est le sexe pendant la grossesse, c’est l’amour en mer, pas aussi glamour et excitant qu’on l’avait imaginé, c’est les anecdotes les plus embarrassantes partagées entre amis, c’est l’achat du premier sextoy en boutique. C’est du vrai plaisir et des expériences moins réussies. Protection, complicité, connivence, consentement, désir et amour restent les maîtres mots d’une sexualité qui, même si elle n’est pas forcément épanouie, se vit sans stress et avec simplicité.

Les situations présentées ne sont que des exemples parmi tant d’autres. J’ai d’ailleurs beaucoup aimé la démarche de Cy par rapport à la question. Elle est consciente de ne montrer qu’une infime partie des variations possibles autour du sexe, des « échantillons » comme elle dit. Pas question de rechercher une quelconque universalité, « parlons de sexe, montrons le sexe, et surtout découvrons des sexualités au pluriel, accordées à tous les genres ou à aucun, selon une palette infinie et sans se limiter à seulement cinquante nuances ».  Voila un beau programme auquel j’adhère à 100% !




Du sexe sans complexe et sans contraintes, loin des conventions sociales et des tabous que l’on voudrait nous imposer. Une excellente BD, entre pédagogie et coquineries. Comme quoi, l’alliance des deux est possible.

Le vrai sexe de la vraie vie de Cy. Editions Lapin, 2016. 224 pages. 18,00 euros

Et puisqu'aujourd'hui chez Stephie c'est permis, je partage cette lecture commune avec Noukette (comme chaque mardi ou presque^^).









lundi 5 décembre 2016

Les lectures de Charlotte (28) : Boris : Mon petit manuel de politesse

Boris est le chouchou de Charlotte en ce moment. Pensez donc, il mange ses crottes de nez, rote sans dire pardon, se balade le kiki à l’air et le papier toilette à la main après avoir fait caca en demandant qui veut l’essuyer, se plaint d’avoir trop peu de cadeaux à noël et remet les bonbons dans le paquet après les avoir lécher s’ils ne sont pas à son goût. Entre autres. En gros, il est incontrôlable. Et transgressif, terriblement transgressif même. Il l’a fait rire aux éclats, elle aime son coté colérique et râleur. Les rebelles, c’est son truc je crois.

Dans ce petit manuel de politesse, Mathis voudrait inculquer à Boris quelques bonnes manières. Autant dire que ce n’est pas gagné. Comportement avec les copains ou en famille, vivre ensemble, propreté, les thématiques s’enchaînent et le petit ours ne fait rien comme il faudrait. Par exemple, quand sa mère lui demande de laisser sa place à une personne âgée dans le bus, il lui répond « Non, je suis fatigué moi ». En bas de la page quelques lignes expliquent quel aurait été la bonne attitude à adopter. Le modèle se répète pour chaque « leçon » de politesse et souligne le fossé abyssal entre ce que les règles de bienséance exigent et la conduite totalement inadaptée du chenapan. Fous-rires assurés !

Le trait minimaliste de Mathis va à l’essentiel. Simple et efficace, il se révèle au final très parlant. Ok, j’avoue, j’ai un faible pour Boris moi aussi. Ce n’est pas le genre de personnage que l’on croise souvent dans les histoires pour tout-petits et ce vent de fraîcheur fait un bien fou. Il fallait oser un tel registre, sans tomber dans une vulgarité facile et un peu gratuite. Pari réussi haut la main. Accessoirement, depuis que ce sale gosse est devenu le chouchou de Charlotte, on ne lit plus les histoires gnangnan du trop propre sur lui T’Choupi et franchement, je ne lui en serais jamais assez reconnaissant !

Boris : Mon petit manuel de politesse de Mathis. Thierry Magnier, 2016. 44 pages. 14,50 euros. A partir de 3 ans.



Et puisque j'ai eu la chance de rencontrer Mathis samedi à Montreuil, Charlotte a eu droit à une belle dédicace.





samedi 3 décembre 2016

L’arbragan - Jacques Goldstyn

« Moi, je suis ce qu'on appelle un solitaire.
Je fais les choses tout seul.
Et n'allez pas croire que ça m'embête.
Bien au contraire.

Parmi toutes les choses que j'aime faire,
ce que je préfère,
c'est grimper dans mon arbre.
 »

J’ai rencontré un petit bonhomme qui m’a fait fondre comme neige au soleil. Un petit bonhomme à part, un peu excentrique, qui n’a besoin de personne pour s’occuper et qui se fiche du regard des autres. Un petit bonhomme qui fait des gâteaux, joue aux échecs tout seul et fait du skate, la nuit, dans les cimetières.

J’ai aussi rencontré Bertolt. Bertolt est un chêne centenaire. Entre Bertolt et le petit bonhomme, c’est le grand amour. Bertolt est un camarade de jeu, un refuge, un poste d’observation, une cachette, un labyrinthe, une forteresse. C’est une maison habitée par des cigales, des abeilles des corbeaux, des écureuils et même un hibou.

J’ai enfin rencontré Jacques Goldstyn, un illustrateur canadien qui m’était jusqu’alors totalement inconnu. Un illustrateur dont le trait m’a par moments rappelé Sempé, et à d’autres le Bone de Jeff Smith. Deux belles références s’il en est. Un illustrateur qui a imaginé qu’un jour, alors que le printemps revient, que tous les arbres se couvrent de feuilles, de fleurs ou de bourgeons, Bertolt reste désespérément nu. Pour le petit garçon, pas besoin de nier l’évidence, Bertolt est mort. Et cette mort soulève en lui bien des questions. « Quand un chat ou un oiseau meurt, je sais quoi faire. Mais pour Bertolt, je fais quoi ? »

Prix Sorcières 2016, Prix du livre jeunesse des Bibliothèques de Montréal 2016, Prix TD de littérature pour l'enfance et la jeunesse 2016, Prix des libraires du Québec jeunesse 2015, une tonne de récompenses méritées pour cet album épuré tout en sensibilité offrant un moment de pure poésie, et dont le titre de prime abord si mystérieux prend sens à la toute dernière page. Sous son apparente simplicité, le propos apparaît à la fois frais, drôle et profond.

Un bonheur de lecture dont je dois la découverte à l’adorable Nadine qui a eu la gentillesse de m’offrir cet ouvrage après l’avoir fait dédicacé lors du dernier salon du livre de Montréal . Merci Nadine, tu ne peux pas savoir à quel point tu as fait mouche avec ce livre ! Je t’embrasse pour la peine.


L’arbragan de Jacques Goldtyn. La Pastèque, 2015. 96 pages. 16,00 euros. A partir de 6 ans.


L'avis de Nadine






vendredi 2 décembre 2016

Cambouis - Geoffroy de Pennart

Tom Beltruf, Ross et Gladys Nonosse, Nasty et Snicky, Jean Toutou et Marie Pompon, Madame Poildur, Lady Wawa et Bobby Beaupoil, autant de personnages à mettre en scène pour parler d’un orphelin mécanicien hors pair, de sa famille d’adoption qui l’exploite et fait tout pour détruire ses rêves, de deux frères stupides et odieux, d’un concours de chant, d’une obligation de rentrer à minuit, d’un soulier perdu et d’une course poursuite…


Geoffroy de Pennart et ses réécritures de contes, c’est toujours de l’or en barre ! Cendrillon en garagiste maltraité par ses parents adoptifs devenant une star de la chanson, il fallait oser ! La version qu’il offre ici est forcément inattendue, aussi décalée que rock’n roll. Je retrouve avec le même plaisir la richesse de sa langue, son lexique recherché et l’élégance de son trait reconnaissable au premier coup d’œil. C’est drôle, pêchu et extrêmement malin, comme d’habitude quoi.



Un album jubilatoire de plus pour ce grand monsieur qui reste un des auteurs les plus étudiés dans les écoles élémentaires et maternelles françaises, un auteur dont l’œuvre gigantesque est restée depuis ses débuts d’une totale cohérence, c’est suffisamment rare pour être souligné.




Cambouis de Geoffroy de Pennart. Kaléidoscope, 2016. 40 pages. 13,00 euros. A partir de 5-6 ans.




jeudi 1 décembre 2016

Qu’est-ce que vous faites monsieur l’architecte ? - Kunihiko Aoyama


La salon de Montreuil a ouvert ses portes hier, je vais donc consacrer les jours à venir à vous parler de littérature jeunesse. On commence avec un album japonais très réussi.


Il était une fois un vieux nain, architecte de talent, qui décida de se construire « une nouvelle bâtisse, avec un grand belvédère pour admirer le paysage ». Il se mit au travail mais il constata vite qu'il n’avait pas les capacités physiques pour mener à bien son projet. Un ours lui proposa son aide, réclamant en échange une chambre dans le futur logis. Quand l’ours et le nain arrivèrent à la charpente, des singes vinrent participer aux travaux, contre la promesse d’avoir eux-aussi leur propre chambre dans la maison. Puis ce fut au tour du sanglier et des écureuils de prêter main forte, bientôt suivis par « des créatures de tout poil » accourant de toute part, chacun y allant de son exigence et complexifiant les plans établis par le nain. Désabusé, celui-ci constata au final, que son joli logis n’avait plus rien à voir avec son souhait initial : « Je voulais juste une maison rien qu’à moi… Avec un belvédère et une vue dégagée… »

Qu’il est beau cet album ! Diplômé d’architecture, Kunihiko Aoyama déploie son savoir-faire au fil des pages et permet de suivre la construction étape par étape, avec à chaque fois davantage de détails. Le nain bourru et râleur est drôle et attachant tandis que les animaux, aussi altruistes qu’intéressés, animent chaque illustration de leur activité débordante. Le fourmillement est rendu de manière magistrale et la bâtisse se monte avec une précision quasi chirurgicale, du grand art !



Une histoire en randonnée originale et extrêmement travaillée à l’ambiance graphique bluffante. Et une belle découverte d'un auteur japonais de talent, traduit pour la première fois en France. J’espère bien que ce ne sera pas la dernière.

Qu’est-ce que vous faites monsieur l’architecte ? de Kunihiko Aoyama. Nobi nobi, 2016. 40 pages. 12,50 euros. A partir de 3 ans.





mercredi 30 novembre 2016

Notre Amérique, premier mouvement : Quitter l’hiver - Maël et Kris

12 novembre 1918. Max Brunner, alsacien enrôlé par les allemands, rend les armes et retourne à la vie civile. Il monte à bord d’une voiture de l’état-major que le soldat français Julien Varin doit ramener à Paris. Dans un bistrot de la capitale, Max présente Julien à ses amis anarchistes. Le groupe se rend ensuite à Rouen pour s’emparer d’un cargo battant pavillon mexicain arraisonné par les anglais. Ils souhaitent prendre possession du bateau pour livrer les milliers de fusils cachés dans les cales aux révolutionnaires spartakistes qui tiennent le port d’Hambourg. Mais une passagère clandestine aussi dangereuse que déterminée va les embarquer vers une toute autre destination, plein ouest, cap sur l’Amérique.

C’est avec une émotion non feinte que j’ai retrouvé Maël et Kris, un duo ayant signé précédemment la splendide et crépusculaire saga « Notre mère la guerre », une histoire se déroulant entre 1914 et 1918. Après les années noires de la première guerre mondiale, ils nous entraînent cette fois vers le « nouveau monde », sur les traces des guérilleros mexicains en lutte contre l’armée régulière du président Carranza. Un prolongement logique qui permet à Maël de sortir son pinceau de la boue des tranchées  pour lui offrir les grands espaces nord-américains. Je suis toujours sous le charme de ses aquarelles aux tons oscillant entre le bleu et le marron clair relevées de quelques touches de rouge et d’ocre dès que la tension monte.

Après, ce premier album d’une série de quatre reste un tome d’introduction, il ne fait que poser les bases d’une histoire riche de promesses. Les personnages sont bien campés et, connaissant le talent de Kris pour densifier un récit tout en lui gardant une parfaite lisibilité, il ne fait aucun doute que la suite sera à la hauteur de mes espérances. Une mise en bouche idéale donc, reste à espérer que le second volume viendra rapidement car il me tarde déjà de retrouver Max et Julien.  

Notre Amérique, premier mouvement : Quitter l’hiver de Maël et Kris. Futuropolis, 2016. 60 pages. 16,00 euros.



La BD de la semaine, c'est chez Moka








mardi 29 novembre 2016

Mon grand frère tombé du ciel - Sandrine Beau

Vicky, dix ans, est fille unique. Enfin c’est ce qu’elle croit. Jusqu’au jour où son père lui annonce qu’elle a un frère. Un enfant qu’il a eu vingt ans avant elle. Avec une autre femme que sa mère. Cette femme l’a quitté et est partie vivre en Afrique, emportant leur bébé. Depuis, il n’avait jamais eu de nouvelles de son fils.

Aujourd’hui, ils ont renoué le contact. Sébastien arrive de Côte d’Ivoire dans trois semaines. Avec son épouse Fatou et sa petite fille Aya. Pour Vicky, c’est un coup de massue. Ce frère tombé du ciel, elle ne va pas le supporter. Surtout qu’une fois arrivé, son père n’a d’yeux que pour lui. Devenue invisible, Vicky se replie sur elle-même et rumine en silence, accumulant une rancœur qui finira par exploser.

Amertume, jalousie, il suffit d’un bouleversement dans le quotidien bien rangé d’une pré-ado pour provoquer un traumatisme plus profond qu’il n’y paraît. « Je savais bien au fond de moi que ce n’était pas vrai mais je ne pouvais pas m’empêcher de me sentir délaissée, abandonnée, négligée ». De grands mots pour exprimer ce qu’elle considère comme une injustice, même si au fond elle sait que son ressenti est exagéré par rapport à la réalité. Pour éviter de se laisser submerger, il lui aurait fallu se confier, s’ouvrir en toute franchise au lieu d’emmagasiner une colère injustifiée. Pas simple, surtout quand on a dix ans.

Un petit roman qui souligne l’incompréhension pouvant se développer entre parents et enfants par manque de communication. Sandrine Beau trouve le ton juste pour montrer l’évolution des sentiments de Vicky. Rien n’est surjoué et le final en happy end où l’esprit de famille et la bienveillance l’emportent offre une petite touche positive bienvenue. Sans prétention mais rondement mené, une lecture qui fait du bien.

Mon grand frère tombé du ciel de Sandrine Beau. Alice, 2016. 80 pages. 12 euros. A partir de 9 ans.


Une lecture commune que j'ai évidemment le plaisir de partager avec Noukette.











lundi 28 novembre 2016

Cher Père Noël

Cher Père Noël,

Comme tous les ans je t’envoie ma petite liste en sachant pertinemment que tu ne pourras pas tout transporter dans ta hotte et qu’il faut laisser de la place pour les cadeaux des enfants au pied du sapin. Sache néanmoins que j’ai été particulièrement sage cette année et qu’il me semble avoir mérité quelques petites douceurs. Je ne te donne aucun ordre de priorité, fais au mieux, je serai quoiqu’il arrive ravi d’ouvrir mes paquets le 25 décembre (je dis quand même « mes » paquets parce qu’un seul, ce serait franchement pas suffisant, faut pas pousser non plus).


L’ours Barnabé est une star à la maison. Tout le monde lit ce rafraichissant cocktail d’humour, de poésie, d’absurde, de non sens et de philosophie aux multiples niveaux de lecture. Le quatrième volume de son intégrale classieuse au dos toilé devrait donc tout naturellement venir prendre place aux cotés des trois autres sur les rayonnages de notre bibliothèque. A bon entendeur Père Noël…






J’ai offert mes deux exemplaires de ce merveilleux diptyque l’an dernier, la sortie de cette intégrale est l’occasion de me replonger dans cette histoire oscillant entre récit d’aventure et carnet de voyage, le tout porté par les somptueux dessins de Benjamin Flao. Un must !  









J’ai été sévère avec Tardi à propos de son dernier album mais il reste un de mes auteurs préférés, surtout lorsqu’il donne dans l’adaptation de roman. Non seulement avec le Nestor Burma de Léo Malet mais aussi et surtout avec les polars sans concession de Manchette. Autant vous dire que Noël ou pas, cette intégrale sera mienne un jour ou l’autre, c’est une évidence.







Tout Murena en un seul volume de près de 500 pages. J’ai acheté les trois premiers tomes et emprunté les autres à la médiathèque. Avec cette intégrale, je vais pouvoir retourner parcourir les ruelles sombres et les palais de la Rome antique de Néron, le pied !









Mon héros de manga préféré. Le personnage est une sorte de Bukowski nippon, pauvre hère sans le sou, alcoolique, obsédé sexuel, cumulant les pires galères et refusant de se tuer au travail. L’antithèse du japonais modèle, un loser pathétique férocement drôle malgré lui.









Celui-là je l’ai déjà, mais dans une ancienne et vieille édition trouvée en brocante. Cette nouvelle couverture me fait craquer, et puis ce cher Jim mérite d'apparaître sous son meilleur jour sur les étagères de ma bibliothèque. En plus je suis certain que ça m’encouragera à relire ce roman que je considère comme son chef d’œuvre.









Et pour celles et ceux qui cherchent quelques idées cadeaux, je ne saurais trop leur conseiller la réédition en deux magnifiques fourreaux des incontournables diptyques Abélard et Alvin de Régis Hautière et Renaud Dillies. Rien de moins que de la poésie en bande dessinée, du bonheur assuré pour les veinards qui auront la chance de les trouver sous le sapin.













samedi 26 novembre 2016

L’arabe du futur T3 (1985-1987) - Riad Sattouf

1985. Riad a sept ans et il vit dans un petit village près de Homs, en Syrie. Sa mère, enceinte d’un troisième enfant, s’ennuie à mourir et n’en peut plus de leur existence sans le moindre confort. Elle presse son père, professeur à l’université de Damas, de rentrer en France mais lui continue à penser que le meilleur est à venir et que la famille coulera bientôt des jours heureux et surtout fastueux. Riad de son côté commence à trouver sa place. A l’école, auprès de ses copains de classe, de la famille de son père. Il découvre le poids des traditions (ramadan, circoncision) et rêve devant un Goldorak géant ou la force de Conan le barbare. Il comprend aussi que les rapports entre adultes ne sont souvent qu’hypocrisie et que l’idéalisme paternel se noie dans les compromissions et les petits arrangements entre amis.


Forcément un bonheur de retrouver le petit Riad, sa candeur et son regard à hauteur d’enfant. Un regard qui évolue, gagne en maturité et devient plus critique. C’est toujours drôle et cruel, la Syrie rurale, un monde dominé par l’ignorance crasse et la violence, plonge le lecteur entre rire et effroi. On a reproché à Sattouf de flatter à travers cette autobiographie certains stéréotypes occidentaux sur les arabes, je n’ai personnellement jamais eu ce ressenti et il suffit dans ce tome de s’attarder sur le séjour breton du garçon et de sa mère pour constater que l’auteur est aussi sévère avec les paysans du Cap Fréhel qu’avec les villageois syriens.

Un travail de mémoire mené avec pertinence et malice, sans complaisance ni parti pris. Et l'auteur ne cède pas à la facilité qui consisterait à donner des jugements de valeur d'adulte d'aujourd'hui, c'est ce qui fait le charme, la fraîcheur et la force de la série.

Un troisième album tout aussi réussi que les précédents qui souligne l’éveil, même balbutiant, de la conscience d’un enfant commençant à comprendre le monde qui l’entoure. Évidemment indispensable.

L’arabe du futur T3 (1985-1987) de Riad Sattouf. Allary édition, 2016. 150 pages. 20,90 euros.



Je me suis efforcé de rédiger un billet d'une exemplaire sobriété car je suis accompagné dans cette lecture par Framboise et Julia, les deux plus grandes fans de Riad qu'il m'ait été donné de rencontrer. Des fans tout à leur folie et à leur excentricité avec lesquelles il m'aurait été impossible de rivaliser. Alors ne traînez pas plus longtemps ici et filez lire leurs avis, ça en vaut vraiment la peine !