jeudi 17 avril 2014

Un peu de tendresse dans un monde de brutes...

Je ne sais pas si c’est le printemps ou quoi mais j’ai comme des envies de câlins et de douceur en ce moment. Du coup je vais vous parler de deux albums doudous, des albums tendres, sucrés et moelleux comme un chamallow.

Cet album est une merveilleuse déclaration d’amour qui se déroule au fil des pages. "Comment te dire… je t’aime". C’est simple et poétique. Ça pourrait tomber dans le très cucul mais ce n’est pas du tout le cas parce que le texte dégage une vraie musicalité et se lit un peu comme une seule, longue et belle phrase.

Les illustrations sont douces, colorées et particulièrement évocatrices. C’est un album à lire à ses enfants bien sûr, mais ça ferait aussi un magnifique cadeau pour celui ou celle qui occupe toute la place dans notre cœur. Bien plus touchant selon moi qu’un bouquet de fleurs ou une boîte de chocolats…

Comme te dire ? d’Edwige Planchin et Anne Cresci. Fleur de ville, 2014. 32 pages. 12,90 euros. A partir de 3 ans.





Un câlin ? Pour quoi faire ?

Parce qu’on se sépare, parce qu’on se retrouve, parce qu’on a du chagrin, parce qu’on est tombé, parce qu’on est fatigué, etc. Surtout, un câlin parce que c’est bien. Parce que c’est doux, parce qu’on peut l’accompagner d’un bisou et d’une caresse dans les cheveux, parce que pendant un câlin on est seuls au monde, dans une bulle, intouchables et sereins. Parce que les câlins sont nécessaires, que l’on soit petit ou grand. C’est vital un câlin, l’air de rien. C’est une preuve d’amour, un besoin d’être avec l’autre. Un câlin c’est aussi un instant de complicité partagée. Et puis pour les plus grands, il y a les câlins coquins, j’aime bien aussi, mais je m'égare…

Bref, j'ai beau être un gros dur tatoué, ça ne m'empêche pas d'être fan des câlins. Pas avec n'importe qui, hein, entendons-nous. Et je dois dire que je suis privilégié parce qu’à la maison tout le monde aime ça. Même ma collégienne vient souvent faire un câlin à son papounet. Et ne parlons pas de bébé Charlotte. Quand vous la sortez de son lit et qu’elle niche sa tête contre votre épaule, c’est indescriptible. Et puis maintenant elle commence à faire des bisous et là, je fonds complètement. Ok, je suis gaga… j’assume.

Cet album très épuré est un bijou de douceur. Un bonbon fondant à partager avec vos petits bouts, pour passer avec eux un vrai beau moment de tendresse. Juste incontournable...

Un câlin de Malika Doray. MeMo, 2014. 28 pages. 15 euros. A partir de 2 ans.











mercredi 16 avril 2014

Un petit goût de noisette - Vanyda

Dans ces nouvelles, il est question d’un écureuil qui essaierait d’attraper une trop grosse noisette. D’une étudiante amoureuse d’Esteban, qui en aime une autre. De Barnabé, pensant trouver l’amour en « sauvant » un colis qui ne lui était pas destiné. Mais il est aussi question, d’Eléonor, d’Aymeric, de Luna, de Margaux, de Benoît, d’Abderrazak, de Marlène, de Christophe et d’Azul.

Il n'est que question d'amour dans cet album. Des trajectoires qui se croisent, des vies en pointillés, des jeunes gens qui se cherchent, un arrière goût de solitude parfois. Des rencontres, des hésitations, des occasions manquées, des regrets, des histoires qui grandissent l'air de rien. Et quand l'évidence est là, l'alchimie fonctionne, envers et contre tout.

A première vu, tout cela a l'air très décousu. Mais plus on avance dans le recueil et plus on se rend compte que les histoires se font écho, que des protagonistes reviennent régulièrement, que certains servent même un peu de fil rouge à l'ensemble. On avance et on se dit que Vanyda a tricoté son ouvrage serré-serré, que la construction est bien plus fine qu'il n'y paraît.

Le dessin est assez dépouillé et va à l'essentiel. Le découpage est parfait et privilégie la lisibilité. Avec autant de personnages, on aurait pu craindre de s'emmêler les pinceaux mais les visages se reconnaissent au premier coup d’œil.

Un album tout en délicatesse où l'on saisit ces petits moments qui, parfois, font basculer une existence. C'est à la fois réaliste et plein de tendresse, ça ressemble à la vie comme elle est, joyeuse, triste,traversée par de l'attente, de l'espoir, des désillusions et de magnifiques rencontres. Une vraie réussite.

Un petit goût de noisette de Vanyda. Dargaud, 2014. 206 pages. 17,95 euros.

Une lecture commune que je partage avec Noukette.

Les avis de Marion et Stephie.







mardi 15 avril 2014

Charlie - François David

Luce a 13 ans. Une gamine comme les autres, à une chose près : son meilleur ami fait la manche assis sur un carton, devant un magasin. Il s’appelle Charlie et chaque jour elle le rejoint pour passer de longues heures à ses cotés. Une amitié forte, incroyable même. Si ses parents, compréhensifs, ne lui mettent pas de bâtons dans les roues, le regard porté par les autres n’est pas aussi bienveillant, loin de là. Mais Luce s’en contrefiche, ce qui compte pour elle, c’est d’être avec Charlie : « Avant Charlie, il n’y avait personne […] dans ma vie. Un jour, il a été là, avec ses deux cartons, et, pour moi,  à l’instant, plus rien n’a été pareil. »

Une histoire difficile à croire. Comment une jeune fille peut s’attacher à ce point à un SDF ? Comment ses parents peuvent la laisser faire avec autant de facilité alors qu’ils ne savent rien de cet homme ? Et pourtant cette histoire est vraie. En fin d’ouvrage, une interview de la « véritable » Luce (qui se prénomme en réalité Laure) menée par l’auteur lui-même permet d’éclairer chaque point du récit et remet l’ensemble en perspective. Et Laure le reconnaît sans peine : « J’imagine que tout n’est pas si évident à comprendre et il me semble que je m’en apercevais déjà à l’époque dans certains regards croisés avec des personnes qui passaient devant le magasin. […] Il y avait tellement de choses qui nous séparaient. Nous avons, il me semble, lui et moi, su faire abstraction de ces différences pour que notre histoire soit une vraie rencontre d’amitié et de partage. »

Compréhensible ou pas, peu importe. Cette relation amicale incongrue dégage des ondes positives. L’attention aux autres, une forme d’altruisme sans contrepartie, la prédominance de l’être sur le paraître, voila ce dont il est question ici. Et puis j’ai beaucoup aimé la fin qui évite, comme je le craignais, de tourner au neuneu ou de laisser le lecteur en plan en montrant Charlie et Luce au même point qu’à la première page.

Encore un texte engagé des éditions Le Muscadier. Engagé mais intelligent et sans gros sabots. Comme d’habitude, quoi.

Charlie de François David. Le Muscadier, 2014. 68 pages. 6,90 euros. A partir de 9 ans.

Une lecture commune que je partage comme chaque mardi avec Noukette mais aussi cette semaine avec Stephie. Plus on est de fous...

lundi 14 avril 2014

Pan’Pan Panda, une vie en douceur T2 - Sato Horokura

En présentant le premier tome de cette série, j’avais qualifié Pan’pan d’un peu cucul. Panpan cucul, la vanne était pourrie et le jugement assez injuste je dois dire. Parce qu’après tout, Pan’pan Panda est un manga destiné aux jeunes enfants, il est donc logique que ses thématiques soient plutôt légères.

Au menu de ce second volume on retrouve Panetone le panda et la petite Praline, au moment de la nouvelle année. Nous les suivons au fil du calendrier et découvrons avec eux la Saint Valentin nippone (au Japon, ce jour-là, ce sont les femmes qui offrent des gâteaux et des confiseries aux hommes) et son pendant masculin le White Day (célébré le 14 mars, il permet aux garçons d’offrir aux filles un cadeau en remerciement des présents reçus un mois plus tôt), sans oublier le
fameux pique-nique sous les cerisiers en fleurs pour fêter l’arrivée du printemps (l’hanami). C’est tout l’intérêt de ce manga, présenter aux jeunes lecteurs des fêtes traditionnelles et de nombreuses références culturelles à travers le quotidien d’une petite fille et de son ami le panda.

Le vocabulaire spécifique n’est parfois pas simple à comprendre (mochi, umani, karuta, o-zoni, saisen-bako, etc.) mais un lexique explique clairement chaque mot nouveau. D’ailleurs, les autres petits bonus placés en fin d’ouvrage ajoutent un vrai plus. Niveau dessin c’est toujours aussi kawaï, simple, frais et coloré.

Un manga à lire à partir de 7 ans, ce n’est pas si courant. Et puis c’est un support idéal pour découvrir en douceur le mode de vie d’une famille japonaise.

Pan’Pan Panda, une vie en douceur T2 de Sato Horokura. Nobi nobi, 2014. 112 pages. 9,45 euros. A partir de 7 ans.




samedi 12 avril 2014

Le vertige danois de Paul Gauguin - Bertrand Leclair

Gauguin débarque à Copenhague en 1885 pour y rejoindre sa femme Mette et ses cinq enfants. Il vient de lâcher son emploi de courtier en bourse à Paris et débute une carrière de vendeur de bâches. Mais c’est la peinture qui l’obsède. Bien avant Pont Aven et Tahiti, les débuts sont difficiles. La reconnaissance tarde à venir, les soucis financiers s’accumulent, la vie danoise l’éreinte et les relations avec sa femme et sa belle-famille deviennent insupportables.

La peinture comme refuge. La peinture qui seule, « lui rend le présent habitable, [...] lui est tout à la fois la clé de l’avenir et ce qui permet d’en suspendre un instant le couperet. » La peinture qui, également, scellera la fin de son couple : « La peinture n’est plus un prétexte aux agressions ou aux rapprochements amoureux, elle est réellement devenue le nom de ce qui les sépare, irrévocablement, cela même qui bloque le balancier conjugal en position d’hostilité perpétuelle. »

Larguer les amarres. Gauguin va y consentir après moult hésitations. Une décision brutale, un couperet qui tombe d’un seul coup. Il part subitement pour la France avec son fils de 6 ans, Clovis, abandonnant les siens : « Il s’est sauvé du soir au matin, peut-être, et avec lui la peinture, comme le voudrait la légende, aussi bien sur son versant doré (l’homme qui a tout sacrifié à sa passion irrépressible pour la peinture) que sur son versant noir (l’homme qui a abandonné femme et enfants pour propager la syphilis en Polynésie au nom de l’art). »

Et parce qu’il manque une lettre, la première adressée par Gauguin à sa femme après leur séparation, on ne saura jamais les véritables raisons de ce départ brutal. Alors Bertrand Leclair interprète. Il déduit à partir des lettres suivantes, il imagine. Et sans doute parce qu’il est en empathie totale avec l’artiste, il a bien du mal à lui donner tort. Pour lui c’est le mépris de sa belle-famille danoise qui l’a poussé à partir. Gauguin ne serait donc pas un salaud ayant abandonné les siens et son départ était la seule solution, la seule réponse à cette question radicale vers laquelle son expérience danoise l’avait mené : peindre ou se pendre ?

Un séjour à Copenhague douloureux mais nécessaire pour la maturation de l’œuvre à venir. L’artiste s’est construit dans cette épreuve, face aux jugements des autres mais aussi face à sa propre culpabilité de mari et de père incapable d’entretenir sa famille. Les doutes, les hésitations face à cette volonté de larguer les amarres en butte aux conventions sociales et à la bien-pensance, tout cela est parfaitement restitué dans le récit de Bertrand Leclair. La langue est belle, d'un lyrisme contenu. Un superbe texte qui éclaire d'un jour nouveau un épisode peu connu et pourtant essentiel de la vie de Gauguin.


Le vertige danois de Paul Gauguin de Bertrand Leclair. Actes sud, 2014. 182 pages. 19 euros.






vendredi 11 avril 2014

Guerres - Timothy Findley

 Alice Ferney pose parfaitement les enjeux de ce texte dans son avant-propos : « Voici un roman sur 14, publié en 1974, écrit par un auteur qui n’était pas né au moment des faits. C’est un livre de l’après. […] Timothy Findley se trouve dans cette posture fondatrice de la littérature : écrire ce que l’on n’a pas vécu, écrire ce qu’ont fait les autres, et, pour ce faire, transformer une expérience extérieure (celle des autres) en expérience intérieur. »

Guerres est le récit des quelques mois passés par le soldat canadien Robert Ross sur le front belge, entre décembre 1915 et juin 1916. Ross, engagé volontaire après le décès de sa sœur, sera très vite promu officier. En charge d’une petite compagnie, il va monter au front et se heurter de plein fouet à l’horreur et à la violence des combats. De l’infernale traversée entre le Canada et l’Angleterre à l’arrivée sur le continent en passant par la découverte des tranchées, de la mort, de la peur, de la lâcheté, du retour à la vie civile le temps d’une permission et enfin de cet événement de trop qui rend votre condition de soldat insupportable et vous pousse à la désobéissance, le lecteur suit un parcours qui s’avérera des plus douloureux…

J’ai mis beaucoup de temps à lire ce roman, pourtant loin d’être un pavé, ce qui n’est jamais bon signe. Plusieurs choses m’ont freiné. J’ai trouvé les passages se déroulant à l'arrière, pendant les permissions, très barbants. J’ai aussi eu quelques difficultés à visualiser certaines scènes sur le front, comme si les descriptions n’étaient pas d’une grande clarté. Enfin, et c’est sans doute le plus gros hic, je n’ai développé aucune empathie particulière pour Robert, restant un observateur totalement extérieur et peu concerné par les tragédies qui l’ont frappé. Seule la fin, crépusculaire, magnifique d’évidence face au sort réservé à ceux qui, en vain, ont voulu s’opposer à la guerre, résister d’une façon ou d’une autre à la folie destructrice des hommes, m’a bouleversé.

Beaucoup considèrent ce texte comme une des plus beaux romans jamais écrits sur la première guerre mondiale. Je veux bien les croire, même si en ce qui me concerne, je reste loin du coup de foudre.


Guerres de Timothy Findley. Phébus, 2014. 252 pages. 22 euros.




Et voici ma seconde participation au challenge de Stephie





mercredi 9 avril 2014

Le train des orphelins T1 : Jim - Charlot et Fourquemin

Dans les années 20, à New York, un train s’apprête à partir pour un long voyage. A son bord, des orphelins qui vont être « distribués » aux familles en mal d’enfants de l’Ouest et du Middle West. Dans chaque ville où le train s’arrête, c’est un peu la foire aux bestiaux. Et pour les enfants, c’est la roulette russe avec, coté pile, la chance de tomber sur des adoptants aimants et généreux ou, coté face, de sombres énergumènes cherchant de la main d’œuvre bon marché voire même de la chair fraîche…

Ce premier tome s’attarde sur la situation de Jim, Joey et de leur petite sœur Anna. Une fratrie solidaire qui risque la séparation à chaque étape du train. Leur chemin croisera celui d’Harvey, gamin débrouillard et pragmatique : « Ce qu’il faut, c’est trouver une bonne famille… des parents pleins aux as… et après… la belle vie… ». Leur périple sera marqué du sceau de l’amitié et de l’entraide, malgré les coups durs.

Basée sur une histoire vraie, cette série revisite un pan méconnu de la conquête de l’ouest. 250 000 enfants embarquèrent de New York entre 1850 et 1929 vers des régions en mal de population jeune et travailleuse. Si le placement d’enfants des rues relève d’une démarche louable, le philanthropisme de façade se lézarde rapidement lorsque l’on découvre les méthodes employées. Le placement se fait sans aucune vérification préalable, les enfants sont simplement étiquetés comme des animaux et offerts à la première personne qui se manifeste. Sans compter les petits trafics menés par les adultes encadrant le voyage qui réservent à l’avance les « plus belles pièces » contre de confortables rémunérations. De fait, mieux valait être blond et en bonne santé pour trouver preneur. Le programme ne prenait par ailleurs pas en charge les enfants noirs (« Que voudriez-vous que nous fassions de négrillons… nous sommes une institution caritative mais il y a des limites à tout").

Le train des orphelins revient donc sur la plus grande migration d’enfants de tous les temps. Une migration nécessaire pour arracher à la misère des gamins abandonnés mais dont la mise en œuvre souffrit de nombreuses dérives. Alors que le quatrième tome vient tout juste de sortir, je n’ai qu’une hâte, savoir ce que vont devenir, Jim, Joey, Anna et Harvey…  


Le train des orphelins T1 : Jim de Charlot et Fourquemin. Grand Angle, 2012. 48 pages. 13,90 euros.

Un grand merci un Choco qui m'a offert cet album dans le cadre du loto BD. Un très bon choix !

Les avis de Choco et Hérisson.






mardi 8 avril 2014

Le miroir brisé - Jonathan Coe

Claire, huit ans, découvre dans une décharge un morceau de miroir en forme d’étoile. Pour la jeune fille, la trouvaille se révèle extraordinaire puisque ce miroir reflète non pas la réalité mais « des choses deux fois plus passionnantes et cent fois plus magiques que le quotidien prosaïque qui l’entoure de toutes parts. » Alors non, Claire ne basculera pas, tel Alice, de l’autre coté du miroir. Mais cet objet, qui l’accompagnera des années durant, va lui donner à voir une réalité bien plus douce que celle qu’elle doit affronter. Une réalité qu’il lui sera peut-être un jour possible de connaître…

Pour sa première incursion en littérature jeunesse, Jonathan Coe se contrefout des modes et déroule son histoire avec un grand classicisme formel. Loin des productions actuelles anxiogènes et ultra pessimistes, il propose un roman jeunesse à l’ancienne, à contre courant. Pas niais ni ringard, loin de là. Mais le texte offre la part belle à une forme d’utopie que beaucoup d’auteurs n’osent plus forcément défendre. C’est un texte aux valeurs positives n’éludant pas pour autant les maux de nos sociétés occidentales. Finalement, au-delà de l’aspect fantastique du départ, le propos est avant tout philosophique. L’injustice, les inégalités sociales, la surconsommation, le règne du paraître, tous ces sujets sont abordés en filigrane et poussent l’air de rien à la réflexion. Le miroir joue le rôle d’un guide, il embellit la réalité quotidienne mais il indique aussi une voie à suivre : « au lieu de nous montrer le monde comme il est, il nous le montre comme il devrait être. » Et surtout, comme il est possible de le rendre si chacun décidait d’y mettre du sien.

J’adore par ailleurs les illustrations un peu désuètes aux couleurs criardes de l’italienne Chiara Coccorese. Un plus d’être un excellent roman jeunesse, ce miroir brisé est également un fort joli objet-livre. Bref, c’est une très belle réussite.

Le miroir brisé de Jonathan Coe. Gallimard Jeunesse, 2014. 114 pages. 12,50. A partir de 10 ans.


Une lecture commune que je partage comme chaque mardi avec Noukette.

lundi 7 avril 2014

L’histoire de la chauve-souris qui voulait se faire des amis - Sarah Dyer

Charlie la chauve-souris se désole de ne pas être aussi populaire que les autres animaux du zoo. Pour ne plus passer inaperçue, elle décide d’aller faire un tour chez ses voisins les pingouins pour voir si elle pourrait exécuter les mêmes acrobaties qu’eux. Mais plonger dans l’eau glacée et manger du poisson, ce n’est pas son truc. Chez les gorilles, l’épouillage ne l’emballe pas, comme la sieste à longueur de journée chez les lions. Et les oiseaux quant à eux font bien trop de bruit. Bref, la pauvre Charlie rentre chez elle en se disant qu’elle n’a pas sa place parmi les animaux qui attirent les foules...

Encore un album en randonnée. Charlie rencontre les différents pensionnaires du zoo les uns après les autres avant le final très réussi réunissant tout le monde. L’intérêt majeur tient dans le fait que l’on découvre chaque nouvelle espèce à travers le point de vue de la chauve-souris, c'est-à-dire à l’envers ! Il faut donc retourner l’album pour voir les illustrations « dans le bon sens ». Une petite manipulation rigolote et répétitive qui plaira forcément aux enfants.

Les illustrations un tantinet naïves possèdent un charme un peu désuet qui fait mouche. Voila un album sans prétention mais très réussi qui aborde la question de l’amitié et de la différence d’une manière « renversante ».  


L’histoire de la chauve-souris qui voulait se faire des amis de Sarah Dyer. Circonflexe, 2014. 26 pages. 13,00. A partir de 4 ans.






vendredi 4 avril 2014

Un yankee à Gamboma - Marius Nguié

Au milieu des années 90, la République du Congo est ravagée par à une guerre civile entre sudistes et nordistes. A Gamboma, une petite ville du nord, les partisans du président Lissouba règnent en maître. Benjamin est l’un deux. Ce trentenaire, qui a commis de nombreuses exactions, se fait appeler "Sous-off" par la population et sème la terreur partout où il passe. Il fascine aussi. Beaucoup. Notamment Nicolas, le narrateur, un gamin de 14 ans bien sous tous rapports. Bon élève, bon camarade et bon fils d'une mère qu'il admire, Nicolas déambule avec Benjamin dans les rues de Gamboa et apprend à ce dernier les codes et les usages d'une ville jadis paisible en proie à la violence et à l'arbitraire.  

Une chronique douce amère, sans doute très autobiographique, dont la légèreté peut paraître surprenante eu égard au sujet. Le quotidien d’une population en proie à la guerre civile n’a à la base rien de réjouissant. Mais le traitement à hauteur d’ado apporte une certaine fraîcheur et la multiplication des personnages secondaires dynamise l’ensemble. Personnellement je retrouve dans ce texte le coté savoureux et un peu nonchalant propre à nombre de romans africains ou à la littérature caribéenne. La filiation avec Alain Mabanckou, Raphaël Confiant ou Dany Laferrière est également perceptible dans l’inventivité linguistique dont font preuve les Gabomais.

Malgré quelques passages dérangeants et des scènes difficiles, surtout celles concernant le traitement réservé aux femmes, je ne peux m’empêcher de trouver ce premier roman plein de vitalité. Maintenant je comprends aussi qu’il puisse être déroutant pour plus d’un lecteur. Question d’habitude sans doute. Mais si vous voulez découvrir un jeune auteur congolais prometteur et une littérature quelque peu singulière, c'est le livre idéal.

Un ouvrage ramené du salon du livre avec Noukette. C'est donc en toute logique que je partage avec elle cette nouvelle lecture commune. 


Un yankee à Gamboma de Marius Nguié. Alma, 2014. 84 pages. 12 euros.



mercredi 2 avril 2014

Max Winson T1 : La tyrannie - Jérémie Moreau

Max Winson est un phénomène. Le seul tennisman de l’histoire à avoir remporté tous ses matchs. N°1 mondial depuis 7 ans, 24 titres en grand chelem et 94 tournois gagnés d’affilée. Un gamin au physique de colosse qui ne se pose pas de question, une sorte de robot, programmé pour gagner, cornaqué par un père tyrannique ne lui laissant rien passer. Pourtant le jeune homme semble traîner une mélancolie persistante, une fragilité difficile à cerner.
Il va d’ailleurs suffire d’une interview télé catastrophique pour ébranler le mythe. Le paternel en fait une attaque et Max doit trouver un nouvel entraîneur. Ce sera Andy, un inconnu aux méthodes très particulières qui va le préparer au match le plus compliqué de sa jeune carrière….  

Avec ce diptyque, Jérémie Moreau (Le singe de Hartlepool) a voulu faire un shonen à l’envers. Dans Dragon Ball ou Naruto, le héros, chétif, honnête et un poil naïf, devient le plus fort de tous en franchissant les paliers petit à petit alors qu’ici, Max Winson est au sommet dès le départ et il voudrait descendre de son piédestal. En filigrane l’auteur dénonce avec une certaine finesse les méfaits du sport spectacle, de sa médiatisation et de sa proximité avec la pire forme de libéralisme économique. Mais le cœur du propos reste la compétition à outrance qui caractérise notre société, ce besoin d’être meilleur que les autres et cette violence de la victoire qui galvanise les foules. C’est d’ailleurs le reproche que fait une journaliste à Max : « Tu incarnes la compétition sauvage. Pour s’en sortir, il faut écraser son voisin. Il faut être plus fort, plus performant, plus endurant, et pire… impitoyable. »

Par rapport au singe de Hartlepool le trait est ici plus relâché, plus nerveux, plus dépouillé. Quelque chose de brut et d’instinctif qui rappelle par moments Bastien Vives. Autant dire que je ne suis pas fan… Par contre, le noir et blanc est sympa et le découpage est super dynamique, avec quelques effets vraiment astucieux et risqués mais toujours très lisibles.

Une bonne surprise. Avec ce premier album solo, Jérémie Moreau s’est lancé sans filet pour dénoncer un modèle social faisant de la recherche de la réussite notre seule raison d’être. Le tout sans passer pour un donneur de leçon rabat joie. Chapeau !


Max Winson T1 : La tyrannie de Jérémie Moreau. Delcourt, 2014. 158 pages. 15,95 euros.


L'avis d'Yvan






mardi 1 avril 2014

Le premier mardi c'est permis (25) : Les cadeaux de Stephie

J’ai eu la chance de croiser Stephie au salon du livre. La grande prêtresse des 1ers mardis coquins m’avait préparé un colis spécial « Mille et une frasques », autant vous dire que j’ai été particulièrement gâté. Tout m’a plu dans ce colis : les friandises (même si certaines ne m’étaient pas destinées), le mug, le livre mystère (et oui parce qu’il y en avait un), les romans et les trois petites choses dont je vais vous parler aujourd’hui.


Commençons avec un tour du monde du Kama Sutra. 80 positions dans 80 régions ou pays différents. La mise en page est simple : une illustration, un descriptif de la position et une proposition de jeu sexy pour pimenter l’affaire. Le problème c’est que les dessins sont affreux et pas émoustillants pour deux ronds. Et puis entre les positions impossibles à réaliser (Nouvelle-Zélande ou Madagascar par exemple) et celles déjà vues cent fois, il n’y a pas grand-chose à tirer de ce petit guide. Le texte ne vole pas bien haut non plus. Comme les noms trouvés à chaque position d'ailleurs (position du trèfle en Irlande, de la tulipe aux Pays-Bas, de la moule en Belgique, etc.). Bref, c’est très, très léger…  


Avec le sexy quiz des éditions de la Musardine, on passe dans un tout autre registre. Un recueil de questions et de tests pour savoir si votre homme est un bon coup. En théorie j’aurais dû laisser madame s’en charger, mais elle est tellement peu objective que j’ai préféré le faire moi-même. Je ne vais évidemment pas vous infliger tout le questionnaire mais juste en balayer les grandes lignes.
voyons ce que donnerait mon portrait chinois :
S’il était un genre cinématographique, il serait… Une comédie romantique (je préfère ça au film X, à la comédie déjantée ou au film « à la Tarentino »).
S’il était un vêtement, il serait… Un jean moulant !
S’il était un animal, il serait… Oublions le lapin, je dirais plutôt un cerf (le taureau fait trop bourrin et trop prétentieux)
S’il était un personnage de BD, il serait… Superman !
S’il était un groupe de Rock, il serait…. Les Rolling Stone (punaise, il y avait Tokyo Hotel et les Bee Gees parmi les autres propositions !) 
Résultat des courses, je vous le donne en mille : « c’est un véritable partenaire sexuel doué pour le partage des émotions fortes. Attention à ne pas vous le faire voler ! ». Ce n’est pas moi qui le dis…
Quiz suivant : « Est-il un grand romantique ? ». Même pas besoin de répondre aux questions, la réponse est forcément oui.
On a aussi droit à : « Est-il le roi des fantaisies érotiques ? ». Verdict : Pas loin du couronnement (en toute modestie bien sûr).
A la question « Un libertin ? Lui ? » je n’ai pas à remplir le questionnaire, je sais que la réponse est non. Pas nécessaire de faire non plus celui qui s’intitule « Est-il influencé par le porno ? » puisque la réponse est aussi négative (jamais au grand jamais de porno chez moi voyons !).
Franchement je ne suis pas certain, mesdames, que vous ressortiez de ce petit bouquin avec des certitudes concernant les compétences sexuelles de votre homme. Mais c’est dans l’ensemble plutôt frais et rigolo, surtout si on répond aux questions à deux. Une jolie découverte.


Le cahier de vacances érotiques propose quant à lui un nombre incalculable d'activités dans tous les domaines : littérature, grammaire, vocabulaire, arts plastiques, cinéma, musique, philo, maths ou sciences naturelles, il y en a pour tous les goûts.
On suit les tribulations de Léo et Léa, un couple libre qui se sépare le temps des vacances. Léa la coquine s'envole vers des contrées ensoleillées et multiplie les aventures tandis que Léo reste à Paris pour jouer les séducteurs urbains, sans grand succès. Alors que je m'attendais franchement au pire, j'ai été surpris par la richesse et la diversité du contenu qui s'avère particulièrement instructif. Un outil idéal pour approfondir de façon très ludique sa culture érotique, je vais m'attacher à répondre à tous les exercices proposés.

Stephie, je te remercie chaleureusement  pour tous ces cadeaux et pour les petites attentions dont je ne  parlerais pas ici. C'est vraiment un plaisir de te connaître !





    








lundi 31 mars 2014

Plume le lutin - Laurence Puidebois et Nicolas Lacombe

Plume est un lutin bienveillant et altruiste. Chaque fois qu’il croise la route d’un animal, il cherche à lui venir en aide grâce à la plume qui orne son chapeau. C’est ainsi qu’il chatouille l’élan pour lui redonner le sourire, qu’il caresse le crapaud en mal de câlin, qu’il permet à l’hermine d’écrire à son amoureuse ou encore qu’il rafraîchit la tortue en lui faisant du vent.

Chaque rencontre s’étale sur deux doubles pages, dans un petit format à l’italienne confortable et simple à manipuler. Une histoire en randonnée classique pleine de bons sentiments, au final assez surprenant.


Mais le charme de cet album tient sans conteste aux incroyables illustrations de Nicolas Lacombe. Je dis incroyables parce que j’ai eu l’occasion de le voir à l’œuvre lors du dernier salon du livre et je n’en suis toujours pas revenu. Pour donner vie à Plume et aux animaux, il n’utilise ni stylo, ni pinceau, ni tablette graphique. Il a juste besoin d’un rouleau de scotch, d’un cutter et de catalogues ou de magazines. Avec ces trois ingrédients, il a réalisé l’ensemble de l’album. J’étais avec Noukette quand nous lui avons demandé un dédicace et il nous a expliqué qu’il était le seul a utilisé ce procédé. Avec le scotch, il prélève la couleur puis découpe la forme souhaitée au cutter et colle le bout de scotch sur la feuille. La trace laissée par ses doigts sur l’adhésif donne un relief particulier à l’œuvre qui prend forme petit à petit. C’est juste bluffant.

Une petite vidéo extraite de son blog :



Plume le lutin de Laurence Puidebois et Nicolas Lacombe. Balivernes, 2014. 30 pages. 9,00 euros. A partir de 4-5 ans.

Une lecture commune que je partage évidemment avec Noukette.




samedi 29 mars 2014

Le tort du soldat - Erri De Luca

Deux narrateurs dans ce court récit de mon écrivain italien préféré. Le premier s’est rendu à Aushwitz et Birkenau 50 ans après la shoah et en est revenu totalement bouleversé. A tel point qu’il a décidé d’apprendre le Yiddish, une langue moribonde : « Le Yiddich a été mon entêtement de colère et de réponse. Une langue n’est pas morte si un seul homme au monde peut encore l’agiter entre son palais et ses dents, la lire, la marmonner, l’accompagner sur un instrument à cordes ». Alors qu’il est en train de travailler à la traduction en italien d’une nouvelle d’Israel Joshua Singer, frère du prix Nobel Isaac Bashevis, son regard croise celui d’une femme et d’un homme, attablés dans le même restaurant que lui. Une fille et son père. Elle sera la narratrice de la seconde partie du récit et expliquera que son père est un criminel de guerre nazi caché depuis des années sous un uniforme de facteur autrichien. Un criminel qui, en voyant dans le même lieu que lui une personne lisant des feuilles couvertes de caractères hébraïques, va se sentir menacé...

Encore et toujours la plume sensible et délicate de De Luca. Elliptique aussi, le texte se présentant sous forme de courts paragraphes, comme autant de petites touches qui composeront le tableau final. Un tableau dont la mémoire et la responsabilité sont à l’évidence les thèmes centraux.

La voix de la jeune femme est d’une justesse bouleversante. Elle raconte son histoire, ce père qu’elle a longtemps cru être son grand-père et avec lequel elle vit depuis toujours. Le vieux nazi n’a qu’un seul regret, celui d’avoir perdu ; « je suis un soldat vaincu, tel est mon crime. Le tort du soldat est la défaite. »  De son coté, elle voit les choses aussi simplement que sincèrement : « Je n’avais rien à voir avec sa vie d’homme caché, je m’étais simplement occupé de lui. »

Mais une telle vie aura forcément influencé sa relation aux hommes : « Je crois avoir été une bonne fille. J’ai pris soin d’un vieux père. J’ai respecté sa vie cachée, je ne l’ai pas dérangé par un mariage. Je n’ai pas été une religieuse, je n’ai pas pratiqué la chasteté. J’ai attendu des hommes les mains qui, enfant, m’allégeaient en me mettant sur un lit d’eau et de doigts. Aucun ne m’a comblée. Ils pénétraient par poussées, plongeaient en moi qui nageais sur le dos sous le lest de leur corps. [...] Aucun garçon, aucun homme n’avait atteint la surface où battent mes palpitations. Ils avaient plongé leurs corps dans mes entrailles, ils m’avaient creusée par leurs étreintes. Mais ma vie était sur ma peau, mon sens majeur était le toucher, qui a son siège partout entre la tête et les pieds. »                           

Un long extrait qui souligne la beauté de la prose de De Luca. Je ne suis pas objectif parce que je suis fan de cet écrivain, tout à fait fan. Mais avouez quand même que sa petite musique laisse en bouche un goût délicieux...

Le tort du soldat d’Erri De Luca. Gallimard, 2014. 90 pages. 11,00 euros.

L’avis de Marilyne




vendredi 28 mars 2014

Bordel - Sophie Bonnet

Un bordel. En suisse. Un truc officiel, dans les règles. Quinze chambres, une vingtaine de filles. Le client fait son choix dans un menu sur lequel sont affichés les prestations et les tarifs. Il paie à l’avance et s’il veut rajouter des prestations par la suite, il peut le faire depuis la chambre.

« Les filles se présentent aux clients plus de douze heures par jour et sortent très peu du salon. La plupart travaillent la nuit. Elles arrivent dans l’après-midi et se préparent lentement. Dès 18 heures, elles sont habillées, coiffées, maquillées, mais beaucoup semblent écrasées de fatigue. Levées depuis quelques heures à peine et pourtant complètement éteintes. Elles attendent, affalées sur les fauteuils en cuir de la salle commune. Les premières sonneries de client vont donner le signal du départ. Le business commence. »

La plupart de ces filles arrivent de France. Elles sont très jeunes, entre 18 et 22 ans. Rares sont celles de plus de 30 ans. Beaucoup sont des maghrébines venant de cités sensibles. Elles sont là 3 ou 4 jours par semaine et rentrent incognito dans leurs familles. Elles peuvent toucher jusqu’à 15 000 euros par mois. « L’impossibilité d’évoquer l’argent gagné et de partager leur réussite matérielle avec leurs proches les pousse à faire disparaître les sommes gagnées. » Bijoux, drogues, fringues, chaussures, sacs à main de luxe, elles claquent tout. Seules quelques unes ont l’intelligence de garder une partie de leur salaire pour des projets concrets comme l’achat d’une voiture ou d’un appartement. Entre elles, c’est au pire une compétition sans pitié, au mieux une cohabitation forcée. Jamais elles ne donnent leur véritable identité et certaines disparaissent du jour au lendemain. Le turnover est important et la « gérante» de la maison clause reçoit chaque jour de nouveaux CV.

Sophie Bonnet, journaliste d’investigation pour l’agence Capa, a enregistré, avec leur accord, les conversations tenues par les filles. Le résultat est effarant, tant les banalités s’enfilent comme des perles. De celle qui se plaint de ne plus avoir de Red bull (une boisson qu’elles ingurgitent à longueur) aux défilés de mode improvisés pour montrer aux copines les derniers achats en date en passant par les chamailleries dignes d’une cour de récré et les réflexions philosophiques à deux balles, on reste au ras des pâquerettes. On a aussi droit à quelques entretiens d’embauche pas piqués des hannetons où les postulantes cochent dans une grille les prestations qu’elles acceptent de faire : « Tu fais la sodomie ? » ; « Tu suces ? » ; « Tu embrasses ? ». « Oui, ils adorent embrasser. Moi ça me dégoûte un peu, mais bon, je le fais quand même parce que aujourd’hui on n’a plus vraiment le choix. En suisse, tu ne peux plus travailler dans un seul salon si t’embrasse pas. De toute façon, tu leurs suces bien la bite, donc embrasser, après tout, c’est moins gênant. »  (perso je ne suis pas certain de ça, mais bon…)

Les filles passent aussi leur temps à dire du mal des clients (ce que je peux comprendre) et les gérants en font autant à propos de leurs "employées" (ce qui est déjà beaucoup plus lamentable). Du glauque, du glauque, du glauque… et une petite nausée qui vous monte au fil des pages. Le gros problème c’est qu’il n’y a rien de passionnant là-dedans, tout sonne creux à part les premiers chapitres expliquant le fonctionnement du bordel, l’origine et la motivation des filles (bon en fait, soyons clair, la motivation c’est l’argent et rien d’autre. Aucune, absolument aucune ne fait ça pour le plaisir. Je précise juste au cas où certains en douteraient encore).

Bref, après ma lecture de « Pornstar », ce « Bordel » confirme une évidence : le commerce du sexe est un milieu en tout point sordide.


Bordel de Sophie Bonnet. Belfond, 2014. 212 pages. 18 euros.


L'avis de Canel


mercredi 26 mars 2014

Clair-obscur dans la vallée de la lune - Mongermont et Alcante

1998. José est guide touristique sur les hauts plateaux chiliens. D’habitude il encadre des groupes mais il se retrouve pour la première fois avec une seule et unique cliente, Joan, jeune femme insouciante et pleine de peps. Cette américaine à la chevelure flamboyante agace José autant qu’elle le trouble. Lui est un homme taciturne, torturé par un passé que l’on sent particulièrement douloureux. Ensemble, José et Joan vont peu à peu s’apprivoiser et les rôles s’inverser, le guide n’étant pas forcément celui que l’on croit.

Une très belle histoire. Je vous arrête tout de suite : non, Joan et José ne vont pas tomber amoureux l’un de l’autre, c’est beaucoup plus fin. Il est torturé par la haine et la vengeance et ne peut se libérer des terribles souvenirs laissés par la dictature de Pinochet. Elle, derrière le sourire et la bonne humeur de façade, porte les stigmates d’un drame personnel effroyable. Leur rencontre aura un effet cathartique et permettra à chacun, enfin, d’imaginer une possible reconstruction.

Si l’album est aussi somptueux, c’est parce que le dessin est à la hauteur du texte. Quels décors, quelle lumière, quelles couleurs ! Il se dégage de l’ensemble une vraie poésie douce-amère, où les silences en disent bien plus que de longs discours.

Un récit sensible qui avance par petites touches et amène de la clarté dans des existences meurtries. Une totale réussite !

Clair-obscur dans la vallée de la lune de Mongermont et Alcante. Dupuis, 2012. 64 pages. 15,50 euros.

Un album offert par Cristina. Je la remercie pour cette gentille attention et pour la pertinence de son choix.

Les avis de Cristina et Yvan.



mardi 25 mars 2014

Un de perdu - Gilles Abier

D’un coté Mélanie, une maman inconsolable depuis la disparition de son fils Clément pendant les fêtes de la ville de Bègles. C’était il y a cinq ans. De l’autre Enzo, un enfant en souffrance, victime d’une terrible forme de maltraitance que j’appellerais « l’indifférence parentale ». Des parents qui selon lui ne le méritent pas, des parents face auxquels il a l’impression d’être de trop. Enzo a douze ans, l’âge qu’aurait Clément. En voyant la photo de ce dernier affichée dans le hall de la gare de Périgueux, il découvre avec surprise qu’il lui ressemble de manière frappante. Je vous laisse imaginer la suite…

Pour tout vous dire, j’ai eu peur, très peur. Peur que tout cela ne tienne pas debout, que les grosses ficelles soient bien trop apparentes. Une impression qui a d’abord eu tendance à se confirmer mais qui, au fil du texte, s’est évaporée. Parce que Gilles Abier tricote son intrigue serrée-serrée, évitant les faux pas. Il vous ballade un peu, il alterne entre la rencontre Mélanie-Enzo et les  jours qui ont précédé. La mayonnaise prend davantage à chaque page et au moment de conclure, alors que l’on pense voir le soufflé retomber, le récit gagne en intensité et la fin est parfaitement trouvée selon moi.

Une thématique forte et un texte dense, voila un petit roman ado qui rentre parfaitement dans le cadre du nouveau rendez-vous que nous souhaitons vous proposer Noukette et moi. Et je peux déjà vous dire que l’on a d’autres cartouches sous le coude pour les semaines à venir…

Un de perdu de Gilles Abier. Sarbacane, 2013. 64 pages. 6,00 euros.

Les avis de Noukette et de Sophie/Hérisson

lundi 24 mars 2014

Mon salon du livre...

Je vais vous la faire courte parce qu'il est impossible de résumer de façon exhaustive une telle journée (et c'est tant mieux). Alors en vrac et en résumé, mon salon a consisté à :



Récupérer sur le stand des éditions du Rouergue un badge que je vais porter à longueur de journée.








Avoir, en compagnie de Stephie et Noukette, une jolie discussion avec Antoine Dole à propos de son dernier roman jeunesse que nous n'avions pas épargné sur nos blogs et qui a pris la chose avec plus ou moins de philosophie (mais aussi beaucoup d'humour, ce qui est le principal).







Trouver chez Gründ un parfait petit livre pour Charlotte et y rencontrer la charmante Caroline.









M'asseoir quelques minutes à coté d'Angela Morelli et repartir avec une bien belle dédicace pour "Jérôme chouchou".









Faire un détour le stand de la région Picardie pour saluer les éditions de la Gouttière et Isabelle de Liroli qui m'a promis de m'amener dans la semaine son nouveau recueil d'Haïkus dédicacé pour pépette n°2.








Dénicher le tout petit stand de Monsieur Toussaint Louverture et échanger avec lui à propos de Mailman et de la collection La belle colère (Dieu me déteste).










être fasciné par le travail de Nicolas Lacombe, le seul illustrateur qui réalise ses albums entièrement au scotch. Il faut le voir pour le croire mais la dédicace ci-contre a été faite uniquement avec du scotch et un cutter.
(Ses albums sont publiés par Balivernes)







Aller comme tous les ans faire un coucou à mon éditeur chouchou et découvrir le regard plein d'esprit et de finesse porté par une attachée de presse sur les blogs et leur "utilité" (Anne-Charlotte, encore merci pour la pertinence et l'intelligence de votre discours).




Passer un moment avec Stephie et recevoir un colis "Mille et un Frasques" qui, comment l'avouer simplement, m'a enchanté à tout point de vue. Et non, je ne vous dirais pas ce qu'il y avait sous ces papiers cadeau mais sachez que :
1) sa réputation de grande prêtresse des premiers mardis coquins n'est pas usurpée.
2) il y avait dans le lot un livre mystère !


Croiser plus ou moins longtemps Aifelle, Laurie et Sophie et constater une fois de plus que les blogueuses sont toutes plus gentilles les unes que les autres.

Et comment ne pas finir ce très court compte rendu sans remercier ma chère Noukette, avec laquelle j'ai arpenté en long et en large les allées du salon et qui a, comme d'habitude, été une partenaire idéale. Pour ne rien gâcher, on a fait ensemble de belles trouvailles et vous pensez bien que l'on va se concocter quelques lectures communes dans les semaines qui viennent.





dimanche 23 mars 2014

Les bonnes gens - Laird Hunt

1911. Ginny est une vieille femme blanche au service de Lucious Wilson depuis des années. Elle se rappelle qu’avant d’arriver dans l’Indiana, elle fut mariée à Linus Lancaster, un petit cousin de sa mère. Un homme qui l’emmena au fin fond du Kentucky, dans une ferme surnommée « le paradis ». Elle s’y installa au début des années 1850 alors qu’elle n’avait que 14 ans. Dans ce « paradis », Linus exploitait sans vergogne des porcs et quelques esclaves, les premiers étant bien mieux traités que les seconds. Parmi eux deux sœurs, Zinnia et Cleome, à peine plus âgées que Ginny. Deux sœurs qui formèrent sa seule compagnie et qui, le jour où le maître alla les rejoindre dans leur lit, devinrent d’abord des ennemis, puis des souffres douleur. Se mettant au diapason de son terrible époux, Ginny se transforma peu à peu en monstre de cruauté. Mais lorsque le règne du tyran s’acheva dans le sang, les esclaves endossèrent les habits du bourreau et les rôles s’inversèrent…

Il se dégage de l’écriture de Laird Hunt une impression de puissance assez exceptionnelle. Une grande maîtrise de la narration aussi. L’enchevêtrement des époques, la sincérité des différentes voix qui s’expriment, la violence, à la fois suggérée et terriblement réelle, tout cela donne un texte aussi riche qu’hypnotisant.

L’inversement des rôles, le passage des victimes en bourreaux, relève quelque part de la métaphysique. La quatrième de couverture parle de « partition sans fin de la redoutable réversibilité du mal » et je crois que c’est exactement de cela qu’il s’agit. La vengeance se fait sans aucun plaisir et sans véritable haine, elle découle simplement d’une forme d’évidence. Une obsession douloureuse à laquelle Zinnia et Cleome ne peuvent se soustraire. Une obsession que finalement Ginny trouve logique. Et le lecteur de plonger avec fascination et dégoût au cœur de l’abomination.

Un roman d’une rare intensité dont on ne ressort pas indemne. Tout ce que j'aime !


Les bonnes gens de Laird Hunt. Actes sud, 2014. 245 pages. 20,80 euros.

Une lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec Valérie.






vendredi 21 mars 2014

Dieu me déteste d’Hollis Seamon

Encore un bouquin sur des gamins cancéreux. A croire que c’est devenu une mode. Perso, ça fait mon troisième après « Nos étoiles contraires » et la BD « Boule à zéro ». Heureusement, à  chaque fois la qualité était au rendez-vous et ce « Dieu me déteste » ne dérogera pas à la règle. C’est pourtant sacrément casse-gueule comme thématique. Si on veut faire pleurer dans les chaumières, rien de plus facile. Mais si on choisit d’être davantage dans la finesse, d’amener un regard décalé sans nier l’aspect dramatique de la situation, les choses se compliquent.

Le narrateur se prénomme Richard, il aura bientôt 18 ans et il est cloîtré dans le service des soins palliatifs de l’hôpital Hilltop, à New York. Quand on rentre aux soins palliatifs, c’est qu’il n’y a plus rien à faire. Trente jours maximum avant de « tirer le rideau ». Richard se sait condamné mais il va ruer dans les brancards. Parce qu’avant d’être un malade en fin de vie, c’est surtout un ado. Un ado qui voudrait profiter au maximum du peu de temps qui lui reste, quitte à foutre un sacré merdier dans un service d’habitude si policé. Pas qu'il soit un perturbateur né, loin de là. C'est juste qu’il ne supporte pas le carcan irrespirable dans lequel on l’enferme. Et puis il voudrait aussi se rapprocher de Sylvie, la patiente de la chambre 302. Sylvie a 15 ans. Une vraie complicité les unit, et un peu plus que ça même. Sylvie, elle est comme lui, elle veut choper tous les jours qui lui restent comme une acharnée. Et ensemble, ils vont tout faire pour mener à bien la mission amoureuse qu’ils rêvent de voir aboutir…

« Dieu me déteste » est la chronique impertinente d’un gamin indocile et pétillant, drôle et lucide. Un gamin qui souffre, et pas qu’un peu, mais je trouve que la maladie n’est pas le sujet principal. Leur vraie guerre, Richard et Sylvie la mènent contre des adultes surprotecteurs et rabat-joie. Parce que même si le corps les lâche, il leur reste suffisamment d’énergie et de vitalité pour chercher à assouvir ce désir qui les titille. Il y a dans leur comportement une sorte d’acharnement, et leur obstination relève d’une urgence bien compréhensible. Mais les obstacles qui se dressent devant eux sont innombrables. Heureusement, ils vont aussi trouver quelques complices bienveillants comme l’oncle Phil, la grand-mère de Richard ou quelques membres du personnel hospitalier. L’intérêt du roman tient d’ailleurs pour beaucoup dans la richesse des personnages secondaires qui gravitent autour de nos tourtereaux.  

Ça peut sembler étrange mais on ressort revigoré d’une telle lecture. Je ne peux pas nier que j'ai eu la gorge serrée par moments mais au final, j'ai trouvé que ces Roméo et Juliette modernes nous offraient une sacrée leçon de vie. Une belle leçon d'optimisme aussi. Et ce n'est pas du luxe par les temps qui courent.


Dieu me déteste d’Hollis Seamon. La belle colère, 2014. 285 pages. 19,00 euros.

Une lecture commune que je partage avec Karine, Liliba, Noukette et Stephie.


Les avis de Clara et La Sardine.