jeudi 26 juin 2014

Journal d’un manœuvre - Thierry Metz

Le manœuvre sur un chantier, c’est l’arpète, le grouillot. Celui qui est constamment au service des différents corps de métier, qui pousse la brouette, manie la pioche, la pelle et le marteau-piqueur.

A la fin des années 80, Thierry Metz, recruté comme manœuvre par une agence d’intérim, passe huit mois à « transformer une fabrique de chaussures en résidence de luxe ». Suite à ce chantier, il décide d’écrire un journal relatant cette expérience pendant la période où il perçoit des indemnités de chômage. Il décrit la fatigue, la répétition des gestes, les relations avec les autres ouvriers, les jours de repos, le soulagement quand s’en vient le vendredi (« La pioche est moins bavarde le vendredi. On sent dans les reins qu’on a porté du poids toute la semaine. On sent qu’on approche. Ce sont les derniers mètres avant la halte, avant de retrouver le livre d’images dans le poing fermé du dormeur ») et la dure réalité du lundi (« Le lundi est une eau froide, une pluie glacée. On s’y risque à petits pas comme des oiseaux traversant une flaque, en sautillant. Nos gestes, encore engourdis, ne déplacent pas plus d’une brindille à la fois »). Il parle du caractère abrutissant de son activité, insiste sur les silences dans lesquels il s’enferme pour mieux supporter la tâche (« Tout devient geste. On n’entend plus que nos pelles qui raclent l’inépuisable. Ici, après neuf heures, on ne pense plus à rien »).  Le journal se compose de courts textes, parfois réalistes, à d’autres moments beaucoup plus poétiques.

C’est pas un scoop, j’aime quand la littérature salit ses mains auprès des sans grades, quand elle traîne avec les ouvriers et se place à hauteur d’homme. Ici, la forme ultra-courte et les phrases sèches donnent à l’écriture le coté « taciturne » qui convient parfaitement au propos. Pas un mot de trop pour traduire de l’intérieur le ressenti de celui qui aura vécu le chantier de A à Z, entre souffrance, incrédulité et lucidité.

Thierry Metz a multiplié les emplois manuels : bâtiment, entrepôts, abattoirs, terrassement, etc. Parallèlement, il a commencé à écrire des poèmes et a obtenu le prix Voronca en 1988. En 1996, rongé par l’alcoolisme, il décide de se soigner en demandant à être interné dans un asile psychiatrique. Il se suicide le 16 avril 1997, à 41 ans… Sa voix restera une voix à part, celle d’un ouvrier poète, d’un digne représentant de la littérature d’expression populaire, de cette « littérature prolétarienne »  que j’aime tant.

Journal d’un manœuvre de Thierry Metz. Folio, 2004. 125 pages. 7,90 euros.

Extraits :

« 4 août - On a posé vingt-sept poutrelles de six mètres. Dans la journée. D’une traite. Sans regarder la montre. Sans penser que c’était lourd et difficile. Sans le dire. Sans compter.
Nous nous sommes avancés loin dans le chantier. Mais ce soir on a des enclumes au bout de nos bras. Nos visages en disent long. Impossible de cacher le dormeur qui s’accroche à nous.
Tout ce que nous pouvons faire maintenant : c’est bâtir une chambre autour de lui. Pour l’écouter. Pour finir ce que nous avons commencé là-bas. Sans lui.
C’est le peu qui nous reste.
Un souffle
Une image.
C’est pour cela qu’on est venu nous chercher. »


« 20 août - Le chef roule sa cigarette. Manuel chahute avec Ahmed. Antoine regarde une fille. Louis s’est assis sur un parpaing, au soleil. Alain ne dit rien. Les gens passent. Il fait chaud. Nos mains s’étaient engourdies pendant le repas. On était bien parti pour faire une sieste...
Mais le chef regarde sa montre :
- On y va ?
On se lève. Il y a beaucoup de choses à faire. Et on n’a pas beaucoup de temps. Alors on se tait parce que, soudain, tout devient utile.
 »




mercredi 25 juin 2014

Blankets - Craig Thompson

Blankets, c’est le manteau de neige. Celui qui recouvre chaque hiver la petite bourgade du Wisconsin où a grandi Craig Thompson. Métaphoriquement, c’est aussi celui qui recouvre d’une chape d’ignorance et d’intolérance les familles ultra-chrétiennes du coin. Né dans une de ces familles, Thompson est élevé à coups de Bible, dans un environnement ultraconservateur n’autorisant aucune fantaisie. Ce pavé de 600 pages est l’autobiographie à peine romancée de son adolescence.  

A l’école, Craig est un élève dont la sensibilité à fleur de peau lui vaut d’être malmené par ses camarades. A la maison, son attirance pour le dessin et les activités artistiques est inacceptable. Dans un camp de vacances religieux (« Pendant une semaine, notre liberté cessait sous prétexte de partager, autour du Christ, des activités récréatives avec d’autres jeunes chrétiens »), il rencontre la belle Raina dont il va tomber amoureux fou. Avec elle il découvre la joie des plaisirs charnels mais aussi les remords et la culpabilité. Difficile de s’écarter des préceptes du Nouveau Testament quand on vous les inculque comme des mantras depuis l’enfance. Craig est mal dans sa peau, il ne parvient pas à s’affirmer dans un environnement violent, dans cette Amérique profonde repliée sur elle-même. Il se cherche, supporte difficilement la transformation de son corps (« je n’admettais pas que l’âme enfermée dans mon corps d’enfant puisse être transplantée dans un corps grotesque d’adolescent ») et parvient à couper le douloureux cordon le liant à sa communauté en partant pour la ville peu après son vingtième anniversaire.

Récit d’initiation, histoire d’amour, confidence autobiographique aux vertus cathartiques, Blankets est une œuvre colossale dans tous les sens du terme, aussi intime que pudique. La capacité de Craig Thompson à se dévoiler aussi subtilement est absolument remarquable. Visuellement son noir et blanc est d’une rare élégance et les trouvailles graphiques disséminées au fil des pages, notamment pour retranscrire les émotions, montrent à quel point ce dessinateur peut faire preuve d’inventivité.

Que du positif donc. Sauf que je m’attendais à être totalement bouleversé par cet album et que ça n’a pas été le cas. Je n’ai pas été touché par l’histoire, je n’ai développé aucune empathie pour le personnage, me contentant de voir les choses de loin, avec un certain détachement. Peut-être est-ce trop autofictionnel, peut-être que les trop nombreuses (et pourtant indispensables) références religieuses ont fini par me lasser. J’ai du mal à analyser le pourquoi du comment mais je ne peux pas me mentir et crier au chef d’œuvre alors que je me suis pas mal ennuyé au cours de cette lecture. Une question de ressenti avant tout car en en ce qui concerne la qualité du travail de Craig Thompson, il n’y a vraiment rien à redire.

Blankets de Craig Thompson. Casterman, 2012 (édition spéciale à l’occasion des 10 ans de la collection « Écriture »). 590 pages. 29,50 euros.

Les avis de Bouma, Canel, DidiMango, Mo', Moka, Noukette, Valérie









mardi 24 juin 2014

M comme… - Yaël Hassan

M comme Mylène, la narratrice de l’histoire. Mylène qui vit avec sa Maman dans un HLM. Mylène amoureuse de Mathieu et en guerre avec Mona. Mylène soutenu par son ami Mamadou lorsqu’elle doit faire face à la Méchanceté, aux Moqueries et à la Médisance. Mylène qui va se lancer dans la Médiation pour apaiser les tensions régnant dans son collège...

Encore un joli roman de Yaël Hassan. Un texte positif sans être niais qui met sous les projecteurs le concept de médiation par les pairs, une méthode de résolution des conflits par la non-violence très présente aux États-Unis et qui commence à se faire une place dans certains établissements français. Pour autant le texte n’est pas une leçon plombante sur la question. Le sujet est amené naturellement et l’histoire de Mylène ne se résume pas à son apprentissage de la médiation, loin de là. On la suit au quotidien, entre le divorce pas simple de ses parents, sa première vraie histoire d’amour, ses doutes quant à l’amitié indéfectible de ses copines, ses soucis au collège, etc. C’est varié, vivant, les dialogues sonnent justes et les chapitres ultra courts donnent beaucoup de rythme au récit.

Yaël Hassan sait toucher ses lecteurs en ancrant son texte dans une réalité parfaitement crédible et en créant des personnages et des situations auxquels les enfants peuvent facilement s’identifier. L’air de rien, c’est un vrai défi à relever et nombre d’auteurs jeunesse n’y parviennent pas malgré leur évidente bonne volonté. Tout ça pour vous dire que Yaël Hassan est une valeur sûre, que je dévore chacun de ses nouveaux romans avec un vrai plaisir et que celui-là ne déroge pas à la règle.

M comme… de Yaël Hassan. Casterman junior, 2014. 116 pages. 7,85 euros. A partir de 10 ans.

Une nouvelle lecture commune du mardi que je partage avec Noukette.

Les avis de Canel, Hérisson et Lasardine

dimanche 22 juin 2014

Haut Vol - Olivier Bleys

Dans sa roulotte tirée par un cheval famélique, l'acrobate Samson Vaillant broie du noir. En cette fin de 19ème siècle, son numéro n'attire plus les foules et l'homme a bien du mal à nourrir sa famille. Samson est un colosse à l'épaule fragile, un hercule qui a grandi en apprenant à briser des chaînes et tordre des barres de fer. Venu à l'acrobatie sur le tard, il se rend compte, à 49 ans, que son corps n'a plus l'agilité d'antan. En dernier recours, il s'adresse à Tiburce Lefranc, imprésario à la réputation sulfureuse et âpre en affaires. Tiburce lui propose un numéro inédit de voltige aérienne à l'aide d'une montgolfière. L'affaire est tentante, la rémunération alléchante, mais l'exercice particulièrement périlleux...

Un roman qui sort des sentiers battus. Point d'autofiction, point de réflexion sur des couples en perdition, la maladie où les maux de notre époque. Un roman hors du temps et des modes. De la littérature populaire dans le sens noble du terme. Olivier Bleys décrit avec beaucoup de tendresse le monde du cirque traditionnel, celui des forains à roulotte, nomades dans l'âme. Son écriture, classique sans être ampoulée, est d'une grande sensibilité. C'est un régal de retrouver ici l'atmosphère des champs de foire d'autrefois, de se laisser emporter par les descriptions pleines de poésie du vent et de la pluie, de l'avancée brinquebalante de la roulotte sur les pavés et dans la boue.

Un roman d'ambiance, délicieusement suranné, hommage sincère aux saltimbanques, à leur mode de vie et à leur code d'honneur si particulier qui poussera Samson et les siens à constater avec amertume que l'on n'échappe pas à son destin. J'ai vraiment passé un excellent moment de lecture et je constate, après Concerto pour la main morte, qu'Olivier Bleys est décidément un auteur de talent aux registres multiples et à l'univers totalement insaisissable.  


Haut Vol d'Olivier Bleys. Gallimard, 2014. 212 pages. 18,00 euros.




vendredi 20 juin 2014

La Petite-Fille de Menno - Roy Parvin

La Petite-Fille de Menno, tirée du recueil  « La Forêt sous la Neige », a été adaptée au cinéma par Claude Miller sous le titre « Voyez comme ils dansent ». Dans cette longue nouvelle on suit la trajectoire de Lindsay, 40 ans, dévastée depuis que son mari aujourd’hui décédé l’a quittée pour une autre. Profitant d’un long voyage en train à travers les États-Unis pour aller rendre visite à ses parents, Lindsay va s’arrêter au cœur du Wyoming, dans la bourgade où vécurent son ancien époux et sa nouvelle compagne. Une tempête de neige bloquant le train pendant plusieurs jours sera l’occasion pour elle de rencontrer sa « rivale ».

Le long trajet ferroviaire qui l'attend va permettre à Lindsay de faire le point. Revisiter son mariage chaotique, repenser à Whit, un mari buveur et violent, écrivain de talent qui l’abandonna du jour au lendemain pour une autre et finit par se suicider. Le voyage ne se fait pas que sur les rails, il touche à l’intime, est empreint de tristesse et de nostalgie. Mais il sera aussi le déclencheur d'un début de métamorphose, d’une prise de conscience libératrice. « Elle se souviendrait toujours de ce moment où la vie s’est remise debout pour reprendre sa marche en avant. »

Très beau texte, très beau portrait de femme, très beau voyage intérieur tout en pudeur et en retenu. Et puis les descriptions des grands espaces traversés par le train et des éléments naturels déchaînés pendant la tempête sont tout simplement somptueuses. Je n’avais jamais entendu parler de cet auteur avant de découvrir l’avis de Manu il y a quelques mois. Un grand merci à elle pour la découverte !

La Petite-Fille de Menno de Roy Parvin. Phébus (Libretto), 2011. 106 pages. 6,60 euros.


Les avis de Manu et Theoma


Un billet qui signe ma seconde participation au mois de la nouvelle de Flo.

jeudi 19 juin 2014

Traîne-Savane : vingt jours avec David Livingstone - Guillaume Jan

C’est l’histoire  vraie d’un aventurier en tongs qui traverse un bout d’Afrique avec sa dulcinée congolaise. Les tourtereaux vont improviser leur mariage sur un coup de tête dans un village pygmée après avoir passé des jours à déambuler dans la forêt. Guillaume Jan nous prend par la main et nous raconte son périple avec tendresse et désinvolture. Il crie son amour pour Belange, sa princesse bantoue au corps de liane. Il s’insurge contre la situation catastrophique de cette république démocratique en perdition, contre cette misère s’abattant sur le peuple alors que les ressources naturelles, notamment en métaux et minerais précieux, devraient faire du Congo un des pays les plus riches du monde. Pour autant, son propos ne sombre pas dans un infini pessimisme. Sa description de l’hallucinant quotidien de la population, notamment dans la tentaculaire capitale Kinshasa, reste empreinte de légèreté et d’humour. De beaucoup d'affection et d’admiration aussi pour ces hommes et ces femmes faisant face à l’adversité avec une forme de nonchalance qui force le respect.

Si le mariage avec Belange constitue la trame narrative principale du livre, l’auteur dessine en parallèle le portrait du docteur Livingstone, sans doute le plus célèbre aventurier du 19ème siècle. Un écossais fantasque qui aura passé trente ans, soit la moitié de sa vie, auprès des indigènes. On découvre un Livingstone rêveur, maladroit, lunatique, pitoyable meneur d’hommes, antiesclavagiste convaincu, piètre missionnaire n’ayant jamais évangélisé le moindre autochtone et surtout explorateur calamiteux. Un Mundélé (blanc) fou d’Afrique, happé par ce continent au point de demander à ce qu’on y enterre son cœur.

En entremêlant son épopée avec celle de Livingstone, Guillaume Jan crée un récit aussi instructif que vivant dans une langue savoureuse. Après Sylvain Tesson et Julien Blanc-Gras je découvre un nouveau travel-writer français pétri de talent, drôle, lucide, plein d’humilité, prenant le temps de s’émerveiller devant les personnes et les paysages et qui a simplement « envie de voyager comme on a envie de faire l’amour ». Un bien joli programme, n’est-il pas ?


Traîne-Savane : vingt jours avec David Livingstone de Guillaume Jan. Intervalles, 2014. 305 pages. 19,90 euros.






mercredi 18 juin 2014

Anuki T4 : Duel dans la plaine - Sénégas et Maupomé

Il y a eu les poules, puis les lapins et enfin les castors. Chaque fois qu’Anuki a croisé la route d’un animal, il a connu bien des soucis. Dans cette quatrième aventure, on ne change pas les bonnes habitudes et c’est un poney pour le moins indomptable qu’il va devoir affronter. Parce que comme tout indien qui se respecte, Anuki se doit d’avoir une monture. Mais pour traverser la plaine sur un fidèle destrier, encore faut-il parvenir à l’attraper. Et l’affaire se corse quand entre en scène un rival iroquois ayant jeté son dévolu sur le même poney que lui. L’union pourrait faire la force mais les choses ne sont pas si simples. Surtout quand, pour amadouer ledit poney, on vole les carottes d’un vieillard et qu’il vous surprend en plein chapardage…

La recette est connue. Éprouvée. Et approuvée depuis belle lurette. Anuki l’indien un brin poissard est toujours aussi craquant. Dans cet album, il passe par toutes les émotions : la surprise, la joie, la colère, la peur, la douleur, etc. Et à chaque fois ses mimiques sont d’une rare expressivité. On suit ses cavalcades et ses rencontres le sourire aux lèvres. Pas de temps mort, du mouvement à chaque page, des courses poursuites trépidantes, des personnages secondaires inoubliables (avec une mention spéciale pour le poney) et bien sûr, comme toujours, aucun texte. C’est fluide, d’une grande lisibilité, et il faut le relire plusieurs fois pour ne rater aucun détail.

Déjà quatre albums et aucune lassitude. Les auteurs parviennent à renouveler leur univers en gardant un niveau de qualité constant, ce qui n’est pas la moindre des gageures. Et les enfants continuent d’adorer Anuki, sans doute parce que ce gamin facétieux est le genre de copain que l’on rêverait d’avoir.

Anuki T4 : Duel dans la plaine de Sénégas et Maupomé. Éditions de la Gouttière, 2014. 37 pages. 9,70 euros.


Et comme d’habitude, qui dit Anuki dit lecture commune avec Noukette.







lundi 16 juin 2014

C'est pas moi, c'est la baleine ! - Pauline Pinson et Magali Le Huche

Buc le cochon lapin profite que sa mère est au téléphone pour multiplier les bêtises dans la cuisine. En découvrant les dégâts, sa maman, furieuse, lui demande ce qui lui a pris et là , la réponse fuse : « C'est pas moi, c'est la baleine ! ». Selon lui, il y a une baleine endormie dans le salon. Et quand elle s'est réveillée tout à l'heure, elle avait soif. Pour ça qu'il y a du jus d'orange renversé partout. C'est elle aussi qui a dessiné sur le mur, qui s'est fabriqué une écharpe en papier toilette et une coiffe d'indien avec les feuilles de la plante verte. Bref, tout ça, c'est la faute à la baleine, pas celle de Buc !

Ne pas assumer ses bêtises, c'est un grand classique (et à tout âge d'ailleurs...). Ici, la ficelle est un peu grosse et la maman n'est pas dupe, même si au fond elle admire le mensonge imaginé par son fiston pour ne pas se faire disputer.

Une histoire rigolote comme tout avec un personnage dont la mauvaise foi se révèle craquante. Les illustrations sont simples et dynamiques, très expressives. L'objet livre en lui-même est parfait pour les bambins avec sont petit format carré, ses pages cartonnées indéchirables et ses coins arrondis pour éviter les accidents malencontreux. Une réussite !


C'est pas moi, c'est la baleine ! De Pauline Pinson et Magali Le Huche. Tourbillon, 2014. 20 pages. 7,95 euros. A partir de 3 ans.





samedi 14 juin 2014

Langues de feu - Christopher Cook

Le titre pourrait faire penser à un mauvais porno des années 70 (ok, j'ai l'esprit mal placé) mais on en est loin. Langues de feu est le titre d'une des cinq nouvelles de ce recueil, un texte retraçant le destin de Nathan, un homme persuadé jusqu'à son dernier souffle de ne pouvoir être touché par l'esprit saint malgré sa foi. Dans les quatre autres on découvre un fait divers raconté selon trois points de vue différents (Trilogie de Tiger Ridge), on apprend l'histoire d'un célèbre brigand des bayous (Lafayette Dugas, desperado des bayous), on partage 24 heures de la vie d'une famille modeste à travers les yeux d'un enfant (La tourmente) et on écoute la confession d'un homme n'ayant pas voulu trahir un camarade en succombant aux avances de sa petite amie (Le code).

Toutes ces nouvelles se déroulent au fin fond de l'East Texas. Elles mettent en scène les vies minuscules de cow-boys des temps modernes tout sauf fringants. Des cow-boys descendus depuis longtemps de leurs chevaux pour devenir ouvriers sur des plate-formes pétrolières, traîner dans les bars ou chercher un emploi. Tous restent enfermés dans les traditions séculaires et bibliques qui régissent depuis toujours leur communauté. Des gens simples, violents, robustes et dignes pour qui la liberté reste la plus grande des richesses (« C'est comme s'il était mort, il a perdu sa liberté, il est plus bon à rien. »). Des taiseux ne se laissant pas aller à la sentimentalité. Des hommes habités par une certaine forme de solitude, comme en prend conscience le jeune garçon dans « La tourmente » : « Ainsi vivait-on dans le monde des hommes. On était seul. […] L'ostracisme et la solitude étaient son lot. Justes ou non, ils étaient siens et il leur appartenait. Ils étaient en lui par nature, pas disposition ou par acquisition, mais en lui, quoi qu'il advienne, et désormais indissociables de lui. »

Né au Texas, ayant connu une éducation ultra religieuse, Christopher Cook dépeint une région et des individus qu'il connaît parfaitement. Avec beaucoup de respect et de sollicitude, sans chercher à forcer le trait, il leur rend un hommage d'une grande sincérité dans une très belle langue.

Langues de feu de Christopher Cook. Rivages, 2014. 238 pages. 21,80 euros.

Un billet qui signe ma première participation au mois de la nouvelle de Flo.



vendredi 13 juin 2014

La coupe du monde des livres

Puisque je suis de tempérament plutôt joueur, je relève le défi proposé par Cajou, à savoir créer une équipe parfaite de 11 livres pour ce mois de Coupe du Monde.

Le principe est simplissime, on doit réunir pour notre équipe :

Un gardien de but : THE roman que vous voulez à tout prix lire, celui qui n'a pas le droit de passer à travers les mailles du filet des profondeurs de votre PAL.
Des attaquants : les 4 romans de votre PAL que vous voulez ABSOLUMENT lire.
Des milieux de terrain : les 3 romans de votre PAL que vous avez envie de lire juste après.
Des défenseurs : les 3 romans que vous n’avez pas encore dans votre PAL mais que vous voudriez vous offrir -sans attendre le Mercato- pour parfaire votre équipe.

Voila donc à quoi ressemble mon équipe idéale :




Mon gardien ne pouvait être que ce cher vieux dégueulasse. Je me suis gardé ce recueil sous le coude depuis janvier parce que passer les premiers jours d’été avec Buko, c’est un peu le rêve pour moi.

Parmi mes attaquants, Bulbul Sharma parce que je l’adore, Olivier Bleys, découvert il y a peu et dont je ne pouvais manquer le nouveau roman, Velibor Colic parce ce n’est pas un auteur à laisser traîner sur sa pal et David Thomas parce qu’après la claque de « On ne va pas se raconter d’histoire », impossible d’en rester là avec lui (et en plus c’est un cadeau de Noukette, on va le lire ensemble donc j’ai encore plus hâte de m’y lancer).

Mes trois milieux de terrain seront sont sans doute les livres que j’emmènerai à la plage cet été : le fameux Rebecca de Du Maurier que tout le monde m’a conseillé à corps et à cris après ma lecture de Ma cousine Rachel. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, un pavé que j’aurais le temps de lire les pieds dans l’eau et La maison où je suis mort autrefois, parce qu’il m’a été prêté par Manu et que je le séquestre depuis bien trop longtemps.

En défense, trois ouvrages qui seront bientôt miens, pas possible autrement. La boîte aux lettres du cimetière, repéré pas plus tard qu’avant-hier chez Hélène, J’appelle mes Frères parce qu’In cold blog en a trop bien parlé et Pietra Viva parce qu’à force de lire des billets très élogieux sur ce roman, je me dis qu’il est fait pour moi.

Voila, sans doute pas avec cette équipe que je gagnerai un jour la coupe du monde des livres mais c’est bien le dernier de mes soucis.