mercredi 14 septembre 2016

Au fil de l’eau - Juan Diaz Canales

Dans un Madrid en plein marasme économique, le vieux Niceto et ses amis arrondissent leurs fins de mois en vendant à la sauvette des objets « tombés du camion ». L’octogénaire et ses comparses ne font de mal à personne mais lorsqu’un des leurs est retrouvé mort la nuque brisée, l’inquiétude les gagne. Une inquiétude qui s’amplifie le jour où un second membre de la bande est assassiné. Quand Niceto se volatilise sans laisser de traces, son fils Roman et de son petit-fils Alvaro partent à sa recherche et découvrent quelques secrets pour le moins inattendus.

J’ai d’abord cru à un remake des Vieux Fourneaux, surtout après la sortie anticléricale d’un des vieillards dans une église pendant un enterrement, mais finalement ça n’a rien à voir, essentiellement parce qu’il n’y a aucune dimension humoristique dans cet album. Ensuite, si j’ai bien saisi qu’on avait affaire à une sorte de polar, j’avoue que je n’ai pas tout compris à cette partie de l’intrigue, notamment le mobile qui pousse le tueur à agir. Mais peu importe car cette histoire m’a emporté à travers la réflexion menée sur la vieillesse et le temps qui passe : les trois générations d’une même famille (le grand-père qui n’a plus beaucoup d’années devant lui, le père à l’aube de la retraite et le fils bientôt papa pour la première fois), les liens tissés depuis des décennies avec des copains eux aussi en bout de course, ces rêves restés à jamais inaccessibles et ces fautes passées que l’on traîne comme un fardeau. Il y a aussi la mise en lumière de la crise frappant de plein fouet la société espagnole et poussant un nombre toujours plus important de personnes vers la précarité.

Pour le dessin, Juan Diaz Canales, scénariste de la cultissime série Blacksad, s’en sort admirablement avec son noir et blanc semi-réaliste digne de son confrère Carlos Gimenez ou des maîtres argentins Risso et Munoz. La surprise est d’autant plus belle qu’il est quand même rare de voir un scénariste se mettre aux pinceaux (l’inverse étant beaucoup plus courant).

Un album dont la profonde dimension sociale m’aura bien plus marqué que l’aspect « polar ». Sombre et lucide, jamais complaisant, triste et pétri d’humanité, ce « Fil de l’eau » s’annonce comme une des belles surprises de cette rentrée BD.

Au fil de l’eau de Juan Diaz Canales. Rue de Sèvres, 2016. 104 pages. 17,00 euros.


Une lecture commune que j'ai le plaisir de partager avec mes complices Mo et Noukette.

Les avis de Mylène et Stephie














30 commentaires:

  1. Aucune dimension humoristique ? Aaargh ! Et en plus, on ne comprend pas tout... Mais bon, c'est Juan Diaz Canales de Blacksad quand même, je suis obligée de noter, en plus ça pourrait quand même me parler côté thématique.

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    1. Tu vas enfin baisser ton bouclier ! (je l'espère du moins^^)

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  2. (Ah. Tu as prononcé le mot interdit: "polar".)
    Bon, même si ce n'est pas son aspect majeur, je ne vais pas me précipiter sur ce titre.
    En revanche, tu m'as l'air un poil plus enthousiaste que tes charmantes chroniqueuses du mercredi. ^^

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  3. Justement, le mobile, il est là ! Ne pas divulguer ce qu'ils ont compris un beau matin devant leur miroir, tous...

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  4. Du plaisir à lire malgré quelques contrariétés. Pareil ici. Il m'a manqué quelques éléments, notamment sur ce qui s'est passé pendant la guerre d'Espagne. Je bloque là-dessus. J'aurais vraiment aimé en savoir plus, qu'ils sortent de leurs silences et de leurs tabous afin de prendre un peu plus la mesure de ce qui se joue dans l'intrigue

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    1. Il y a un petit coté nébuleux que l'on n'a pas pu éclaircir, c'est quand même dommage.

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  5. J'aimerais beaucoup découvrir cette BD, le style du dessin me plait :)

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  6. Elle me fait de l'oeil cette BD depuis le billet de Stéphie et vais me la faire héhéhéhé même si pas d'humour, même si qques réserves ! G pas peur ;-)
    Bisous jeune homme

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  7. Finalement, comme je le disais chez Mo', je crois que j'aime ces zones d'ombre, chacun peut les combler à sa façon et y mettre le sens qu'il désire ;-)
    Et tu as raison, on risque d'en entendre parler de cet album, à juste titre !

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  8. j'ai bien aimé aussi mais je me suis parfois perdue un peu dans l'intrigue (j'ai relu deux fois pour comprendre davantage la fin surtout :D )

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    1. On peut rapidement s'y perdre, je suis d'accord avec toi.

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  9. J'avais cru aussi que c'était un peu une "copie" des vieux fourneaux. J'attends de le croiser à la bibliothèque.

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    1. Au final ça n'a rien à voir avec Les vieux fourneaux

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  10. Les Vieux Fourneaux ont un ton bien à eux, difficile de les copier mais la dimension sociale dont tu parles pourrait me plaire... A suivre !

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  11. Décidément, vous vous y mettez à trois ;-) malgré votre impression commune qu'on ne comprend pas tout ;-) tu finis de me persuader que ce n'est pas grave, il y a déjà beaucoup dans cet album ; il est noté, je croise les doigts que la médiathèque l'achète!

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  12. Tu le vends bien! Plus je lis vis avis, plus je suis tentée. C'est cette approche de la vieillesse qui me fait de l'oeil sans doute.

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    1. C'est une thématique qui parle à beaucoup de monde.

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  13. Comme tu dis, si l'histoire t’a emporté vers des réflexions sur la vieillesse, c'est déjà beaucoup. C'est un sujet qui me touche souvent...
    Ah je n'avais pas fait le lien avec le scénariste de Blacksad, série que j'avais adorée!

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  14. Une très belle découverte de mon côté aussi (même si comme toi, je m'attendais au début à plus léger, dans l'esprit des Vieux Fourneaux ;) )

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