mardi 16 juin 2015

Comment je me suis débarrassé de ma mère - Gilles Abier

Cinq nouvelles faisant voler en éclat l’image d’Épinal de la maman aimante et pleine de tendresse. Cinq nouvelles à chute dont l’amertume vous reste longtemps en bouche. Oui, il est possible de faire interner une maman trop possessive. Oui, une maman d’athlète de haut niveau, prête à tout pour la carrière de sa progéniture, n’est jamais loin de dérailler. Oui, un enfant peut avoir honte de sa mère trop moche, trop bête et trop pauvre, au point de vouloir se faire adopter. Et non, il ne faut jamais accepter sa mère comme amie sur Facebook. Surtout quand elle est prête à déballer votre intimité sans retenue.

Les narrateurs sont ici les enfants. Des enfants sans pitié, plein de rancœur, prêts à tout pour se débarrasser d’une génitrice qui, selon eux, les empêche de grandir et de se construire. Je dis bien selon eux car Gilles Abier ne jettent pas en pâture au lecteur des mères  au comportement « indéfendable ». Point ici de manichéisme, au-delà des apparences, les victimes ne sont pas forcément celles que l’on croit. Du moins pas toujours. Les ados qui s’expriment ici sont à un point de rupture dans la relation avec leur mère. Problème de communication, d’aspirations devenues tellement différentes que le fossé s’étant creusé semble ne jamais pouvoir être comblé.

Un texte en particulier m’a mis mal à l’aise. Pas celui où une fille traite sa mère de salope, ni celui où une autre la considère comme « vicieuse et perverse », mais celui qui a pour titre « Trois raisons ». Sans doute parce qu’il est trop plein de mépris, de dédain, de moqueries gratuites. Parce qu’avoir aussi peu de considération pour celle qui vous a donné la vie est difficile à accepter, même si cette nouvelle, comme toutes les autres, sonne affreusement juste.

C’est incisif, sans fioriture. Abier maîtrise l’art de la nouvelle, il va à l’essentiel et ne s’embarrasse pas de précautions inutiles. Il cogne et ça fait mal, mais c’est ça qui est bon ! Dérangeant et réaliste, ce recueil vous marque au fer rouge, profondément.

Comment je me suis débarrassé de ma mère de Gilles Abier. Actes sud junior, 2015. 125 pages. 12,00 euros. A partir de 13 ans.

Une pépite jeunesse que je partage cette semaine encore avec Noukette.















44 commentaires:

  1. Un magnifique billet! Ce recueil a vraiment tout pour me plaire. Merci pour la découverte. Je serais passé à côté.

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  2. J'ai justement envie de bosser sur les portraits de parents. Du coup, je note, surligne et ne tarderai pas à l'acheter.

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  3. Ahahaha ! J'adore ! Voilà qui a tout pour me plaire ;-)

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  4. Pauvres mômans ! :( ça a l'air sacrément dur ce bouquin... disons qu'il frappe sur les points sensibles... Les mères ne sont pas toutes parfaites mais elles n'ont pas le rôle le plus facile non plus. Je ne suis pas sûre du tout de vouloir lire ce règlement de compte !! Le cordon n'est simple à couper pour personne...

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    1. Ce n'est pas un simple règlement de compte, c'est beaucoup plus fin. Et heureusement d'ailleurs, ce serait trop facile sinon.

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  5. Figure-toi que j'ai rencontré Gilles Abier dans le cadre du Salon du livre pour la jeunesse d'Albi ! Il a parlé à nos élèves (qui avaient lu "la piscine était vide") et il nous a lu des extraits de ce recueil !! le texte qu'il nous avait lu était vraiment génial... Et l'auteur est très sympa !

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    1. Il faut que tu le lises alors (et "La piscine était vide" est aussi un super texte !).

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  6. Peut-être un peu trop cru, et dans les mots et dans les sous-entendus.

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    1. Pas pour moi en tout cas, je n'y ai rien trouvé de gratuitement vulgaire.

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  7. Haa j'aime cette collection et je pense que cela pourrait me plaire :) !

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    1. Il y a beaucoup de pépites dans cette collection.

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  8. J'aime quand la littérature bouscule comme ça. Alors oui, ça égratigne sacrément, mais tout n'est pas tout blanc ou tout noir, et ça, c'est drôlement bon !

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  9. Je le note tout de suite celui-là !!!

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  10. J'avais beaucoup aimé La piscine était vide. Et le sujet m'intéresse bien. Je vais le mettre en haut de ma liste à lire...

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  11. j'aime bien l'écriture de GIlles Abier (j'ai un très bon souvenir de "accros"), ces nouvelles devraient me plaire !

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  12. Glaçant ! je ne pense pas que cela soit pour moi, alors je passe et je te souhaite une bonne semaine.

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    1. Tu es une maman trop sensible je pense pour un tel sujet ;)

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  13. A 11 ans, le mien est peut-être encore un peu jeunot pour que je lui offre, non ?

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  14. Je ne suis habituellement pas fan du format nouvelles, mais là, c'est Gilles Abier quoi... Je vais faire une exception.

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    1. Les exceptions, il n'y a rien de meilleur ;)

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    2. Ça y est, je l'ai lu et du coup j'ai relu ta chronique avec un éclairage nouveau. La nouvelle Trois Raisons m'a dérangée autant que toi, et exactement pour les mêmes raisons. Quel petit con cet ado... !

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    3. Je n'ai pas vu les choses comme vous. Ado con certes, mais à cet âge... Je travaille en milieu scolaire, c'est peut-être pour cette raison que ça ne me choque plus que ça. Les ados sont capables de dire des choses abominables, entre eux ou pas d'ailleurs. J'ai senti une exaspération franche (et tellement réaliste en fin de compte). La fin de la nouvelle est intéressante d'ailleurs aussi bien du côté de la mère (qui réagit de façon étonnante) que du côté de son fils qui, malgré tout ce qu'il rumine au sujet de sa mère, réalise certaines choses.

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  15. Je ne lis pas de littérature jeunesse mais ce titre attise la curiosité.

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    1. Il y a des choses exceptionnelles en littérature jeunesse tu sais ;)

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    2. Je confirme, j'ai d'ailleurs du mal à en sortir maintenant. J'avoue...

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    3. Il n'y a pas forcément de raisons d'en sortir en même temps ;)

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  16. heuuuu, alors là tu vois je ne suis pas sûre du tout...je crois que ça fait partie de mes vieux tabous éducatifs, on ne vomit pas sur sa mère, je ne pourrais pas lire ça sereinement; et j'aurais trop peur de me retrouver dans l'une des mères décrites ici....

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    1. Je comprends tes réticences mais je suis certain que tu ne te retrouverais dans aucune des mères présentées dans ce recueil.

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  17. Noté, surligné, je vérifie s'il est dans ma librairie favorite ! :)

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  18. Je ne connais pas cet auteur mais je sens que ça va changer bientôt. Le sujet est plutôt intéressant dans son approche. L'excès n'a rien de mauvais si le ton est juste comme tu le soulignes. J'aime bien quand la littérature bouscule un peu. Le fait de donner la parole aux enfants plutôt qu'à un narrateur extérieur doit donner encore plus de force aux récits.

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    1. Le ton est très juste, je te le confirme. Et ce recueil bouscule, je te le confirme aussi ;)

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  19. Bonjour Jérome,
    Je sors de ce recueil et je viens de lire les critiques sur Babelio (ce que je fais toujours dans cet ordre) d'où mon apparition ici.
    Le billet est parfait APRES la lecture du bouquin, surtout pas avant (J'en aurais pleuré, je déteste les spoils :). Cela dit, les aventuriers qui lisent les critiques avant de lire un bouquin s'exposent gravement à ce genre de petits désagréments.
    En tout cas, je partage ton ressenti même si ce recueil n'est pas mon préféré. Je le relirai quand même, pour me remettre dedans.
    Je tiens à préciser que Gilles ABIER est mon idole !!! (en terme d'écriture). J'ai été scotchée par La piscine était vide (que je relis souvent) et je suis allée me procurer la panoplie Abier. du coup. Pour moi (sans spoils :-) ) Accrocs est the best of the best. L'écriture est comme d'habitude décapante mais ce qui m'a vraiment vraiment plu dans le bouquin, ce sont les personnages. Hallucinants dans leur façon d'être, de parler, de nous raconter leurs péripéties. Tout est tellement crédible et criant de vérité.
    Et il y a un petit plus dans le bouquin qui le rend génial... (non je ne dirai rien).
    J'espère lire ton avis sur le blog puisqu'il est dans ta PAL :) (C'est peut-être déjà le cas, je n'ai pas encore pris le temps de le visiter).
    PS : je lis Amour mortel en ce moment :)

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    1. J'aime bien spolier de temps en temps ;)
      Oui, Accrocs m'attend depuis un petit bout de temps maintenant, il va falloir que je m'y mette !

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