Fontenaille © Le livre de poche 2012 |
Le Downtown Eastside est le pire quartier de Vancouver. « Un quartier à haut risque en plein centre ville, un trou noir entre Chinatown et le quartier des affaires, un maelström urbain. » Les filles y vendent leurs corps pour payer leurs doses de crack et d’héroïne. Les premières disparitions datent des années 80. Des filles qui semblent se volatiliser et dont on ne retrouve jamais aucune trace. Les bad dates, les clients violents, elles en ont toutes rencontrées. Certaines sont parfois battues à mort mais au moins on retrouve les cadavres. Les disparitions, c’est autres chose. Le problème c’est que la police ne s’intéresse pas à ces filles. La plupart sont des indiennes qui ont fugué de leur réserve, des anonymes dont personne n’a cure.
En 2002 pourtant, un concours de circonstances va permettre d’élucider l’affaire. Le pire serial killer d’Amérique du Nord est arrêté le jour où l’on retrouve six têtes de femmes dans son congélateur. 69 prostituées en tout sont tombées entre ses griffes. Lorsque l’affaire est révélée, l’onde de choc est monumentale. Pour l’opinion publique, la sentence est indiscutable et résonne comme un slogan : « honte au Canada ». L’inaction des élus et des forces de l’ordre est pointée du doigt. « Un quart des canadiens ont du sang indien dans les veines, les trois quarts restants ont du sang indien sur les mains. »
Le procès s’est tenu de mai à décembre 2007. Le coupable a été condamné à 25 ans de prison. « Depuis l’affaire, Vancouver se sent souillée, honteuse, meurtrie ». Même la tenue des jeux Olympiques d’hiver en 2010 n’a pas permis d'apaiser les tensions.
Elise Fontenaille a choisi de rester au niveau de la simple chronique. Il y aurait pourtant eu matière à concocter une enquête beaucoup plus dense et fouillée en disséquant notamment la personnalité du tueur et la réalité sociologique du Downtown Eastside. Elle a préféré retracer les événements de ce terrible fait divers par le petit bout de la lorgnette en se focalisant sur l’histoire de Sarah, l’une des victimes. Un choix discutable qui me convient parfaitement et qui lui permet de rendre à ces filles l’hommage et la dignité qu’elles méritent. Son récit est aussi un cri de rage poussé contre le traitement réservé aux femmes indiennes. Les premières pages sont superbes, comme scandées entres deux sanglots. On pourra toujours reprocher à l’auteur de survoler la réalité des faits mais son témoignage m’est apparu émouvant et terrible, douloureux et nécessaire. Le lecteur en sort fortement secoué, révolté et ému. C’est simple, ce petit texte m’a bouleversé.
Les disparues de Vancouver d’Elise Fontenaille, Le livre de poche, 2012. 140 pages. 6 euros.
Oh, il faut que je prenne enfin le temps de lire celui-ci, j'apprécie bien le style de Elise Fontenaille ( j'avais adoré son roman de rentrée littéraire Le palais de mémoire, envoûtant, rien à voir !! )
RépondreSupprimerMoi j'avais beaucoup aimé en jeunesse "Le garçon qui volait des avions." C'est un peu comme Gudule, elle écrit beaucoup, tout ne se vaut pas mais on trouve dans sa bibliographie quelques titres de qualité.
SupprimerJe l'avais repéré, j'attendais un avis. Merci Jérôme !
RépondreSupprimerJe ne sais pas si mon avis est convaincant. En tout cas c'est typiquement le type d'ouvrage qui ne laisse pas insensible. On aime ou on déteste, il n'y pas de place pour l'entre deux.
SupprimerUn texte qui me tente mais qui me fait un peu peur en même temps.
RépondreSupprimerC'est sûr que ce texte secoue pas mal. Après c'est sans doute une question de sensibilité...
SupprimerC'est un livre qui m'a aussi beaucoup touchée, surtout que je connaissais l'histoire avant de le lire mais qu'on en parlait peu vu que les victimes n'étaient pas "médiatiques" ! Et le quartier de Vancouver qui est décrit n'a pas tellement changé depuis malheureusement !
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas du tout cette histoire, ça a été pour moi un vrai choc !
SupprimerMerci Jérôme ! ( Elise
RépondreSupprimerPas de quoi Elise ;)
SupprimerJ’y ai resté (à Vancouver, pas dans ce quartier-là…) et je confirme, le Downtown Eastside est assez lugubre comme endroit. À lui seul, comme tu le dis si bien, s’il s’agit d’un cri de rage poussé contre le traitement réservé aux femmes indiennes, je ne peux qu’approuver cette démarche de l’auteur. Je crois que je serais aussi terriblement émue par cette lecture…
RépondreSupprimerUne lecture incontournable pour toi, alors !
Supprimer