Laferrière © Grasset 2012 |
1976. Dany Laferrière fuit la dictature haïtienne et atterrit à Montréal : « J’ai vingt-trois ans aujourd’hui et je ne demande rien à la vie, sinon qu’elle fasse son boulot. J’ai quitté Port-au-Prince parce qu’un de mes amis a été trouvé sur une plage la tête fracassée et qu’un autre croupit dans une cellule souterraine. Nous sommes tous les trois nés la même année, 1953. Bilan : un mort, un en prison et le dernier en fuite. » Sans amis, sans toit et sans emploi, il découvre la ville : « Je marche toute la nuit dans la nouvelle cité. Je ne connais pas encore les quartiers qu’on ne doit pas traverser ni les filles qu’il est dangereux d’aborder. Dans un mois j’aurai perdu cette innocence. » Le choc des civilisations est parfois difficile à affronter : « Chacun muré dans son univers. J’ai quitté une capitale de bavards invétérés pour tomber dans une ville de mordus du silence où les gens préfèrent regarder la télévision plutôt que de s’adresser à leur voisin. La distance qui les sépare semble parfois infranchissable et cela se reflète dans cette agitation pour esquiver le regard de l’autre.» Le jeune homme du sud trouve un emploi à l’usine et surtout, il doit traverser son premier hiver dans une ville du nord. Une épreuve terrible ! Heureusement, la littérature, l’alcool et les femmes lui permettront de mieux affronter l’exil...
J’ai découvert Dany Laferrière en l’an 2000, avant un séjour estival à Montréal. Je voulais absolument lire des écrivains du cru avant de partir et j’étais tombé sur son premier roman, Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer, dans la très jolie collection Motifs du Serpent à plumes. Un vrai coup de cœur pour ce texte audacieux, drôle et sans concession. Depuis, j’ai lu tous ses ouvrages sortis en France. Il me manquait cette Chronique de la dérive douce publié au Canada en 1994. Un roman d’initiation à la prose poétique et précise qui relate à la fois une entrée dans la ville et une entrée dans la vie. J’y ai retrouvé avec plaisir ce narrateur faussement candide qui pose un regard plein de fraîcheur sur la mégalopole qu’il découvre. J’ai aimé son apologie de l’oisiveté, une prise de position dans laquelle je me retrouve totalement à l’heure où on nous bassine avec la valeur travail comme seul accomplissement possible pour l’être humain. J’ai aimé les références littéraires toujours aussi présentes, j’ai aimé ce personnage qui passe son temps à lire et à regarder les filles passer (deux activités dans lesquelles je me retrouve aussi totalement !), bref j’ai passé un excellent moment de lecture, comme d’habitude avec cet auteur !
Chronique de la dérive douce, de Dany Laferrière, Grasset, 2012. 220 pages. 16 euros.
Je ne connaissais pas du tout. Je le note.
RépondreSupprimerJe ne sais pas si le style de Laferrière conviendra à tes goûts plutôt classiques mais j'aimerais bien savoir ce que tu en penses.
SupprimerComme toi j'ai apprécié, billet à venir cette semaine!
RépondreSupprimerJ'irai lire ton avis avec plaisir.
SupprimerCa fait un moment que je me dis que je dois découvrir cet auteur. Le titre du premier roman que tu as lu m'intrigues suffisamment pour que je finisse par le choisir.
SupprimerLaferrière aime les titres qui intriguent. Il a notamment publié "Cette grenade dans la main du jeune nègre est-elle une arme ou un fruit ?".
Supprimerj'aime beaucoup cet auteur et je suis contente de mettre un lien vers ton blog
RépondreSupprimerpour moi ce n'est pas son meilleur livre
Luocine
Je suis d'accord, ce n'est pas son meilleur livre, mais j'aime toujours autant cet auteur.
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