L’histoire est simple en effet. Domi accompagne des collègues en boîte. Tout le monde picole et s’éparpille, lui se rapproche d’une inconnue pour partager un verre. Elle lui écrit son adresse sur un paquet de clopes avant de monter dans un taxi. Il rentre chez lui mais au lieu de se coucher près de bobonne, il se change et repart avec son chien, prêt à tout quitter pour retrouver sa nouvelle conquête et l’emmener dans les Cévennes sur les traces de Stevenson voyageant avec son âne. Problème, Domi casse ses lunettes juste avant de sortir de son appart. La perte de ses lorgnons est si handicapante qu’il décide de passer à son bureau chercher une paire de rechange. Le voilà donc embarqué, bourré comme un coing et myope comme une taupe, dans une traversée nocturne de Paris aussi improbable que riche de surprenantes rencontres.
Si vous me connaissez un peu vous vous doutez que ce petit texte d’une centaine de pages avait avant le coup tout pour me plaire. Et ce fut le cas. Un bonheur ce Domi, loser magnifique s’il en est, couillon et poissard, fleur bleue tirant d’impossibles plans sur la comète. La mauvaise décision prise sur un coup de tête et les déboires inhérents à une randonnée pédestre alcoolisée, ça me parle !
Et puis le décor me plait, ce Paris du début des années 80 avec jeunes giscardiens en goguette désespérés par la victoire de Mitterrand, cabines téléphoniques en état de marche, cigarettes autorisées dans les lieux publics et gardiens de nuit taciturnes ou débonnaires rappelle une époque vraiment particulière.
Style insouciant, narrateur pince sans rire adepte de la dérision et faisant preuve d’inventivité lexicale (« coquetèles », « disque-joquet », « bloudjine », « ouiquende », etc.) l’écriture d’A.D.G, auteur culte du « néo polar » à la française mort en 2004, vaut vraiment le détour. J’ai aimé cette fausse désinvolture. Ne pas se prendre au sérieux et faire les choses sérieusement, c’est le genre de pratique que j’apprécie particulièrement. Le fond et la forme, il n’y a pour moi rien à jeter dans cette Nuit myope. Évidemment, ce ne sera pas le roman de tout le monde mais les adeptes de curiosités (de qualité) y trouveront leur compte, je vous le garantis.
La nuit myope d’A.D.G. La Table ronde, 2017. 108 pages. 5,90 euros.
Extrait :
« Le veilleur se trouvait être un personnage pitoyable : d’allure plutôt nunuche et de taille brève, des yeux jaunes veinulés d’incarnat, un nez cassé et rose à l’arête, le teint d’un sac de jute et l’haleine d’une charogne. Il picolait comme un boyard, égarant ses kils de rouge à tous les étages lors des rondes réglementaires et comme il était sujet également à une bronchite chronique, il se rinçait le gosier avec des sirops relativement opiacés, sans préjudice des tranquillisants qu’il croquait assidûment au motif d’une vie insignifiante ».
original en tout cas!
RépondreSupprimerCarrément, oui !
SupprimerMa foi, je peux essayer...
RépondreSupprimerça ne coûte rien ;)
SupprimerSuis-je une adepte de curiosités de qualité ? Vaste question...
RépondreSupprimerTu es la seule à pouvoir y répondre.
SupprimerOn commence à voir beaucoup cette nouvelle collection. Ou est-ce simplement une nouvelle maquette ?
RépondreSupprimerC'est la nouvelle maquette de la collection de poche "La petite vermillon".
SupprimerJ'adore l'atmosphère... "ce Paris du début des années 80 avec jeunes giscardiens en goguette désespérés par la victoire de Mitterrand, cabines téléphoniques en état de marche, cigarettes autorisées dans les lieux publics et gardiens de nuit taciturnes ou débonnaires rappelle une époque vraiment particulière." Toute ma jeunesse ! Je vais le lire. Merci !Et puis le titre,La nuit myope, est magnifique.
RépondreSupprimerC'est vrai que le titre est superbe.Et totalement raccord avec le contenu :)
SupprimerVu le prix, pourquoi se gêner, je note de suite
RépondreSupprimerC'est vrai qu'il n'est pas cher du tout.
SupprimerPas sûre de me lancer mais j'adore ce billet .
RépondreSupprimerMerci du compliment ;)
SupprimerEt bien sans mes lunettes je serais bien malheureuse et si je devais traverser Paris sans elles ...
RépondreSupprimerUn livre décalé c'est bien ;-)
Bisous
Moi j'y arriverais sans lunette. Il faut dire aussi que je ne suis pas myope^^
SupprimerJ'avais lu Kangouroad movie de cet auteur il y a plusieurs années et j'en garde encore un très très bon souvenir. Un auteur qui m'avait marqué car il détonne un peu dans le paysage des romans français des dernières décennies. Ah tu m'as donné envie de me repencher sur son cas !
RépondreSupprimerJe suis ravi de t'avoir rafraîchi la mémoire !
SupprimerRhaaaaaaaaaaaa j'ai eu un choc en voyant ton billet car j'ai bien connu A.D.G !!! A Nouméa, il était l'ami de mon copain de l'époque et il a souvent dîné chez moi, avec sa femme du moment !!! J'ai des photos quelque part ! C'est incroyable ça ! Et je n'ai lu que Le Grand Sud de lui...nous n'étions pas tout à fait ...en phase dans le discours mais il écrivait bien ce chameau ! Alain, il s'appelait et était très myope... (moment nostalgie là...)...
RépondreSupprimerLe monde est petit ! J'ai vu une ou deux photos de lui, il avait en effet de sacrées lunettes de myope^^
SupprimerUne lecture tentante, ne serait-ce que pour découvrir le personnage de Domi!
RépondreSupprimerBelle semaine à toi Jérôme
Ah ce Domi, c'est une perle dans son genre :)
SupprimerJ'adore le commentaire d'Asphodèle ! Cela dit, pas pour autant que je vais me précipiter sur cet OVNI, j'ai comme un doute sur le fait qu'il puisse me plaire...
RépondreSupprimerTe connaissant, tu fais bien de ne pas te précipiter je pense^^
SupprimerPourquoi pas !
RépondreSupprimerIl faut tenter !
SupprimerA priori pas trop tentée mais peut-être à découvrir.
RépondreSupprimerFranchement il mérite le coup d’œil.
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