Gaby je t’aime. Pas parce que tu es un fieffé salopard, un enfoiré de première même. Encore moins parce qu’on se ressemble, en fait toi et moi on se ressemble autant qu’une chaise et une tasse à café. Je crois que je t’aime parce qu’à travers toi j’ai l’impression de regarder le monde comme il est, les gens comme ils sont. Sans filtre. Forcément c’est pas beau à voir. Mais je t’aime parce que tu n’en rajoutes pas, tu n’en fais pas des caisses et surtout tu ne te mets pas au-dessus de la mêlée. Ok, les syndicalistes et les patrons sont des cons, ta N+1 est une conne, les rugbymen sont des cons, les bobos sont des cons, ton ex est une conne, on est tous des cons, c’est une évidence et tu n’oublies pas de t’inclure dans le lot. Du coup tu es dans l’autodérision, tu frôles le néant niveau estime de soi et tu n’as aucun amour propre. Et là j’avoue que, sur ces points précis, on se ressemble pas mal.
Je t’aime aussi parce que quand tu tombes dans un plan à trois, ça vire minable et la chair devient triste, parce que la pauvre fille que tu compares à une otarie, tu te la tapes sans remords ni regrets, parce que tes problèmes d’aérophagie te mettent dans l’embarras au pire moment, parce que quand ton père meurt, tu ne la joues pas drama queen, parce que la seule fois où tu baisses la garde, où tu fends l’armure et tu mets ton cœur à nu, tu prends le taquet du siècle. Je t’aime parce que t’es athée, célibataire endurci, misanthrope, parce que tu te fous de tout, tu picoles, tu écris comme je parle, tu donnes dans le vulgaire, mais du vulgaire qui s’assume sans forcer le trait, sans artifices inutiles et gratuits, sans sombrer dans l’outrance.
Finalement je crois que je t’aime parce que je te comprends et parce que tu as tout compris. T’es un résigné lucide, tu ne dénonces pas, tu constates, et tu ne te fais pas la moindre illusion. Ta haine, tu la transformes en humour grinçant. Et puis tu es un pur produit de notre époque où l’individualisme est roi. A ce titre, j’ai adoré la façon dont ton histoire se termine. Je n’ai rien vu venir. Je me suis dit, le baiseur va finir par se faire baiser, pas possible autrement. Que va-t-il nous rester si à la fin la bien-pensance ne triomphe pas ? Et bien il nous reste un pur concentré de cynisme d’une noirceur absolue, amorale, qui se révèle paradoxalement d’une totale et incontestable limpidité.
Je conclurais en saluant l’audace (l’inconscience !) de La fosse aux ours. Que l’éditeur de Thomas Vinau et Antoine Choplin (entre autres) sorte de sa « zone de confort » et ose publier un roman aussi politiquement incorrect, aussi « invendable », aussi « détestable », je trouve cela courageux et j’admire sans réserve cette prise de risque.
Voilà. C’était ma petite déclaration d’amour de la rentrée littéraire. Pas certain pour autant de vous avoir donné envie de découvrir Gaby. Pas grave, je le garderais pour moi et rien que pour moi, mon Gaby.
Mauvais coûts de Jacky Schwartzmann. La Fosse aux ours, 2016. 198 pages. 17,00 euros.
Très belle déclaration en effet, mais je ne suis pas certaine que ce livre soit pour moi ... ;-)
RépondreSupprimerA toi de voir ;)
SupprimerEt le pire c'est qu'il m'attend ! 😂
RépondreSupprimerC'est plutôt une bonne nouvelle je trouve :)
SupprimerC'est un livre assez culotté que j'ai bien aimé.
RépondreSupprimerTrès culotté même.
Supprimereuh, pas sûr que ce soit pour moi ! je te laisse ton Gaby
RépondreSupprimerPas grave, je le garde pour moi avec plaisir !
SupprimerJoelle semble avoir aimé aussi. Mais j'attendrais d'autres avis (un peu frileuse sur ce coup-là)
RépondreSupprimerJe comprends que tu hésites :)
SupprimerAh oui, c'est original par rapport au style "Fosse aux ours" ! Ton avis m'éclaire suffisamment, je ne crois pas que j'aimerais, mais ça a le mérite d'exister !
RépondreSupprimerSi Gaby n'existait pas, il faudrait l'inventer :p
SupprimerMe tente bien, ce bouquin... Mais il risque de me déprimer au centuple !
RépondreSupprimerPerso, il m'a plutôt donner la pêche :)
SupprimerJe ne sais pas si j'ai envie de replonger dans l'univers du boulot. J'en ai connu des comme Gaby !!
RépondreSupprimerune déclaration d'amour comme celle-là, ç ne se trouve pas tous les jours
L'amour, ça ne s'explique pas^^
SupprimerJ'aime bien ta déclaration d'amour !
RépondreSupprimerMerci !
SupprimerBah oui, Gaby, c'était clair que tu ne pouvais que l'adorer.;-) L'humour grinçant, je suis preneuse aussi, après, ce type de personnage peut m'énerver aussi au bout d'un moment parce que c'est un peu facile quand même, le cynisme. Mais je pourrais m'y risquer.:-)
RépondreSupprimerC'est bien plus que du simple cynisme, je ne suis pas un homme facile qui tombe amoureux facilement tu sais ;)
SupprimerMoa, je crois bien que c'est toa que j'aime <3
RépondreSupprimerRhoooo, je rougis là !
SupprimerCe n'est pas forcément le style de livre que j'aime, mais je sais pas, cemui-ci, il me tente!
RépondreSupprimerTu m'en vois ravi !
SupprimerExcellent ton billet! Elle est belle cette déclaration.
RépondreSupprimerJ'ai essayé de m'appliquer ;)
SupprimerÀ première lecture de ta lettre de je t'aime, je te dirais que je l'aimerais sans doute moi aussi ce Gaby, parce qu'une vie pareille a le mérite de ne jamais sombrer dans l'ennui! Mais oui, ils me plaisent bien les marginaux! :D
RépondreSupprimerJe suis exactement comme toi ;)
SupprimerTu piques ma curiosité. Une bien jolie lettre.
RépondreSupprimerMerci Edea.
SupprimerJe viens de le retenir à la bib. Son nouveau livre n'y est pas
RépondreSupprimerIl vient tout juste de paraître, c'est sans doute pour cela.
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