mardi 27 janvier 2015

High Line - Charlotte Erlih

« De là où je suis, il ne reste rien de l’agitation de la ville, du fouillis des vies qui y grouillent ni des ordures qui souillent les rues. Rien des passions des uns ni des désespoirs des autres. Rien des visages fatigués de ceux qui partent suer une énième journée dans des lieux qu’ils exècrent, ni des visages encore plus las de ceux dont personne n’attend la sueur aujourd’hui, ni demain, ni aucun jour à venir. Rien non plus des corps abîmés de ceux qui viennent de passer une nouvelle nuit dehors. De là où je suis, la souffrance et la saleté sont invisibles. La terre doit être belle pour un dieu. »

Un gamin sur un fil, marchant entre deux immeubles, à cent mètres de haut. Il n’a aucune protection, aucune attache. Sous lui le vide, devant lui, une sangle d’à peine deux centimètres de large et six ou sept minutes de traversée, à devoir poser un pied devant l’autre sans trembler. « Libre ! Entièrement et résolument libre ! Le jour et la nuit par rapport aux sensations que j’ai avec un baudrier qui m’entrave et un leash qui me retient à la ligne… Tout est décuplé. Intensité extrême. Plus de limite. Mon corps et le vide. L’air et le ciel. Du tout pur. Un shoot d’absolu en barre. Je ne me suis jamais senti aussi puissant. »

La voix de cet ado dont on ne connaîtra jamais le prénom résonne. Le lecteur entre dans son esprit avant et pendant le périlleux exercice auquel il se plie. Ses doutes, ses certitudes, sa motivation. Le vide comme un symbole, celui d’une quête d’identité, d’un chemin vers l’avenir : « ça y est, j’ai dépassé la moitié. A présent, tout retour en arrière serait plus long que de poursuivre droit devant. Peut-être un jour me dirai-je cela aussi de ma vie : j’aurai fait le plus gros, donc autant continuer. Et je serai de plus en plus impatient et de plus en plus inquiet de voir le trajet s’achever. » Le narrateur n’est pas sur un bateau, il n’a pas de coup de barre à donner pour changer de cap. Il est face à un gouffre, sans filet. Face à lui-même aussi. Franchir le pas et aller de l’avant. Ou chuter. Définitivement.

Phrases courtes, très descriptives, monologue intérieur qui remue et laisse pantelant, Charlotte Erlih respecte à la lettre l’ADN de la collection « d’une seule voix ». Une réussite, indiscutablement.

High Line de Charlotte Erlih. Actes sud Junior, 2015. 92 pages. 9,00 euros. A partir 14 ans.


Une nouvelle pépite jeunesse du mardi que je partage avec Noukette.







20 commentaires:

  1. Je disais à Noukette que cette collection, j'allais finir par la commander dans son intégralité ! ;) Celui là , me fait envie aussi !

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    1. Je pense que bientôt, elle et moi, on l'aura lu dans son intégralité cette collection ;)

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  2. Encore un titre jeunesse à noter en ce mardi.

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  3. Hou Hou, si le p'tit duc doit se mettre à lire un titre jeunesse autant commencer par une réussite... Ta chronique attire mon attention, merci. @bientôt, Grybouille.

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  4. Une réussite que je lirai indéniablement :)

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  5. belle mise en bouche!
    mais je ne sais pas trop s'il peut plaire à ma jeune génération.

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  6. Avec un tel sujet il fallait arriver à maintenir l'attention... et c'est réussi ! On lit ce texte en apesanteur, j'ai beaucoup aimé !

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    1. En apesanteur, sur un fil, en apnée... il est très sensoriel ce texte.

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  7. J'aime beaucoup cette collection. Des textes courts et percutants

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  8. Rien que de lire les extraits, j'ai le vertige mais aussi un frisson...

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    1. Ce sont des sensations très proches de ce que j'ai moi-même ressenti à la lecture.

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  9. L'impatience et l’inquiétude de voir le trajet de la vie s'achever. Un texte touchant de vérité à découvrir

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  10. Par son exigence de qualité, cette collection a un grand respect des jeunes lecteurs. Je n'avais pas encore eu d'échos de ce titre, je ne peux maintenant que noter.

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    1. Pour moi d'ailleurs, c'est une collection qui peut également plaire aux adultes.

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