El Souwaim © Phébus 2012 |
« Kasshi le cassé » est un enfant des rues de Khartoum. Né avec des moignons à la place des jambes, il vit parmi ces bandes de gosses mendiants, vendeurs à la sauvette, voleurs à la tire et sniffeurs de colle qui ont colonisé la capitale soudanaise depuis la fin de la guerre civile. Kasshi rampe sur les trottoirs ou s’accroche sur le dos de ses compagnons de misère. Il a fréquenté quelques temps une école coranique et a appris les rudiments des sciences occultes auprès d’un cheik véreux roi de l’arnaque. Il a connu les centres de redressement et la prison. Doté d’un sexe hors norme, sa réputation d’étalon lui attire beaucoup de faveurs féminines. Mais surtout, Kasshi est intelligent et a très tôt compris qu’il lui faudrait user de malice pour s’extirper de cette improbable cour des miracles.
Quel voyage ! Ces Souvenirs d’un enfant des rues narrent les tribulations d’un gamin hors du commun. Autour de lui gravite une tripotée de personnages hauts en couleur que le lecteur n’est pas près d’oublier. Les épisodes s’enchaînent sans temps morts, tantôt joyeux, parfois d’une infinie tristesse, souvent touchants. Mansour El Souwaim a l'intelligence de ne pas tomber dans le pathos dégoulinant de bons sentiments. Il endosse avec brio les habits du conteur oriental et force est de reconnaître que sa voix envoutante possède une rare musicalité.
Mais au-delà de ses qualités littéraires incontestables, ce roman finalement très moderne permet à son auteur de dénoncer la violence et la misère d’un pays en guerre perpétuelle ou encore de défendre le statut des femmes. Il n’oublie pas d’égratigner l’obscurantisme religieux et de se gausser de la crédulité d’une population refermée sur elle-même.
Un roman superbement construit, à la fois rude, drôle et, malgré les apparences, bourré d’optimisme. A découvrir et à faire découvrir !
Souvenirs d’un enfant des rues de Mansour El Souwaim, Éditions Phébus, 2012. 232 pages. 19 euros.
Ton billet est positif si bien qu'il est possible que je lise ce livre à mon tour mais spontanément je ne crois pas que ce récit m'aurait attirée. J'aurais craint le pathos.
RépondreSupprimerOui, le sujet peut faire craindre le pire mais l'auteur a su très joliment éviter l'écueil du pathos.
SupprimerCe roman semble complètement baroque !
RépondreSupprimerOui, baroque pourrait être le mot juste, même s'il ne m'était pas venu à l'esprit.
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