samedi 16 novembre 2013

Quatre ans, quatre gagnant(e)s

C’est peu de dire que j’ai été surpris par les nombreux témoignages laissés suite à mon billet anniversaire. Je vous adresse donc un énorme merci, vous n’imaginez pas à quel point vos petits mots gentils m’ont touché. L’an dernier j’avais glissé 26 noms dans le chapeau. Cette année j’en ai mis 72 !  Allez, point de suspens, roulement de tambour et en route pour le tirage au sort.


La première à sortir du chapeau fut :

Leiloona

En second :

Yueyin

La troisième gagnante :

Mirontaine

Et enfin la dernière :

Laurie

Quatre femmes, donc. En même temps vous étiez très majoritaires mesdames. Comme convenu, vous choisissez parmi les livres présentés ici cette année celui que vous souhaitez recevoir. Prenez tout votre temps, rien ne presse. En cas de rupture chez l'éditeur ou de difficulté à récupérer un exemplaire, je vous préviendrais afin que vous sélectionniez un autre titre. Pour me signifier votre choix et me donner votre adresse, il suffit de passer par le formulaire de contact.

Encore merci à tous d'avoir participé, j’en profite pour vous annoncer qu’il devrait y avoir quelques livres à gagner par ici avant Noël...   






vendredi 15 novembre 2013

Fun Home - Alison Bechdel

Un abandon. Le genre de truc qui ne m’arrive jamais avec la BD mais là, pas moyen. J’avais emprunté cet album à la médiathèque pour accompagner Mo’ dans une lecture commune.  En même temps c’est encore de l’autobiographie dessinée, comme Quatre yeux qui m’était tombé des mains il y a peu. J’aurais dû me douter.

Premier chapitre, je suis surpris par la gravité du ton. On n’est pas là pour rigoler, Alison Bechdel donne dans l’autobio sérieuse (qui a dit chiante ?), sa vie est loin d’être une comédie. Elle décrit avec force détails sa relation complexe au père, un homme qui soumet les siens à une effroyable dictature esthétique et transforme le manoir familial en reproduction à l’identique d’une maison gothique du 19ème siècle. Un papa à la fois distant et très proche, qui mourra à 44 ans, écrasé par un camion et dont on ne saura jamais si la disparition relève de l’accident ou du suicide. Puis elle revient sur son entrée à la fac, la découverte de son homosexualité, qu’elle qualifie d’abord de « purement théorique ». Suivront quelques pages sur son passage aux travaux pratiques avec Joan, une poétesse féministe « pro-matriarcat ». La suite, je ne sais pas parce que j’en suis resté là.

Pas moyen d’accrocher à cette écriture boursouflée, faussement littéraire, et à cette narration confuse. Alison Bechdel cite Fitzgerald, Camus, ou Joyce, elle en fait des caisses autour de son « éducation livresque » et accouche au final d’un texte aussi intello qu’imbuvable, froid et prétentieux. Quand je lis une phrase telle que « Sans doute ma froide distance esthétique traduit-elle, mieux que n’importe quelle comparaison littéraire, le climat arctique de notre famille » j’ai envie de me sauver en courant. C’est ce que j’ai fait d’ailleurs.

Graphiquement, le dessin est passe-partout, sans aucun charme. Les cases sont petites, assez surchargées et presque toujours surmontées de récitatifs donnant l’impression de peser de tout leur poids sur l’image, comme s’il était nécessaire d’alourdir encore le propos.

Un album qui relève pour moi de la branlette intellectuelle. Et je ne suis vraiment pas adepte du genre. Pour Time Magazine c’est une « brillantissime autobiographie en bande dessinée. » La presse américaine dans son ensemble a crié au génie et a comparé Fun Home au Maus de Spiegelman (ne me dites pas que c’est vrai sinon jamais je n’ouvrirai Maus !). Pour nombre de critiques professionnels, c’est un chef d’œuvre. Pour moi simple lecteur lambda, c’est une BD somnifère et pompeuse. Je veux bien être traité d’indécrottable ignare incapable de reconnaître une éblouissante œuvre d’art mais je n'en démordrais pas, je trouve ça très mauvais.

Fun Home d’Alison Bechdel. Denoël  Graphic, 2013. 236 pages. 24 euros. La première édition en français date de 2006 (c’est celle que j’ai eu entre les mains). 

Bon je ne suis pas mécontent de constater qu’In Cold Blog (une référence pour moi) n’a pas lui non plus été convaincu. Évidemment il le dit bien mieux que je ne le fais. (Son avis)
De son coté Mango a adoré (je ne lui veux pas pour autant^^). Et Mo’, elle en a pensé quoi ?

L'avis de Marguerite



jeudi 14 novembre 2013

Niak - Carl Hiaasen

Pour ses fans, Derek Blair n'est pas que l’animateur vedette de l’émission Expédition Survie, c'est un héros. Son credo : être lâché en milieu hostile avec un couteau suisse et une paille, le tout sous l’œil des caméras. Le bonhomme parvient toujours à s’en sortir, n’hésitant pas à bouffer tout cru la première bestiole qui lui tombe sous la main. En réalité, l’émission est une arnaque totale, le pseudo-aventurier n’affronte que des animaux dressés et inoffensifs et il termine chaque jour de tournage dans un hôtel luxueux. Pour le prochain numéro devant être tourné dans les marais de Floride au milieu des crocodiles, la production fait appel à Mickey Cray et à son fils Wahoo dont la ménagerie regorge de sauriens et de reptiles que Derek va pouvoir affronter en toute sécurité. Seulement le bonhomme possède un ego surdimensionné et il décide que cette fois-ci il va se frotter à des bêtes sauvages au cœur des Everglades. Wahoo et son père sont alors engagés pour assurer la sécurité de Derek et le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils vont ne pas être au bout de leur peine…

On est dans un roman jeunesse alors forcément Hiaasen ne lâche pas les chevaux comme il peut le faire quand il s’adresse aux adultes. Il n’empêche que l’air de rien, il balance pas mal. Sur la téléralité bien sûr, sur ces émissions où l’aventure semble régner en maître mais qui sont en fait bidonnées à 100%. Il taille un costard XXL à la star du programme mais aussi à son assistante, au producteur et même au public qui gobe tout ça sans jamais se poser la moindre question. Entre deux il vous parle d’enfance maltraitée, de pauvreté, de parents alcooliques et violents, de ces Américains sans toit qui vivent dans des camping car et squattent les parkings des supermarchés. Et puis il y a la Floride qui lui est si chère et dont il défend farouchement les espaces naturelles et sauvages de plus en plus menacés. Au final on apprend pas mal de choses intéressantes sur la faune et la flore des Everglades. Bref, ça a beau être de la littérature jeunesse, ça reste engagé et sans concession.

Et pour ce qui est de l’humour, l’auteur de Pêche en trouble est toujours au sommet. Il a l’art de croquer des personnages aussi ridicules que crédibles. Ici son Derek Blair est un abruti de première dont il se moque (et nous avec) sans fioriture. Mais « Mr Blaireau » n’est pas le seul à en prendre pour son grade et chacun, à un moment ou un autre, a droit à quelques lignes dont il ne ressort pas grandi.

Un roman jeunesse intelligent, pêchu et drôle, ça ne court pas les rues. A dévorer dès 11-12 ans.

Niak de Carl Hiaasen. Gallimerd jeunesse, 2013. 295 pages. 13,50 euros.


Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Hélène

mercredi 13 novembre 2013

Ma révérence - Lupano et Rodguen

Quand la lecture de « Crime et Châtiments » déclenche une idée de braquage, ça pourrait donner quelque chose de flamboyant. Malheureusement, si le braqueur est aussi rompu à la grande délinquance qu’un footballeur professionnel aux arts lyriques, le résultat ne peut qu’être catastrophique. Pourtant Vincent est persuadé que son plan est imparable. Il veut faire un braquage social, non violent et altruiste. De l’atypique, du jamais vu. Un coup d’éclat avant de tirer sa révérence et de partir pour l’Afrique où l’attend la belle Rana et son fils. Problème, il a dégoté en Gaby un acolyte alcoolique et pas fiable pour deux ronds, encore plus bras cassé que lui. Un gars jamais sorti des années cinquante, gominé à la Dick Rivers, raciste, homophobe et qui a le « Gabriel » de Johnny comme sonnerie de portable. Forcément ça ne va pas le faire, forcément, le fiasco est proche, forcément, leur révérence, ils vont la tirer la queue entre les jambes…

Une lecture que je dois à Noukette. Son billet enthousiaste m’avait convaincu que cet album était fait pour moi. Parce que j’ai un gros faible pour les losers et que Vincent et Gabriel sont des spécimens rares dans leur genre. Des losers mais pas que. Ce sont des gars finalement très humains, cabossés et sacrément paumés. Vincent surtout m’a beaucoup touché. Un peu fragile, un peu lâche, un peu rêveur, très amoureux, très poissard, pas du tout sûr de lui mais parfaitement lucide. Je me suis retrouvé dans ce personnage sur bien des points (je vous laisse rayer les mentions inutiles, par certain qu’il y en ait beaucoup d’ailleurs).

La narration de Lupano est nerveuse à souhait et son écriture très orale, pleine de gouaille, ne pouvait que me plaire. Niveau dessin, ça tient aussi la route. Rodguen bosse depuis 18 ans pour les studios Dreamworks en Californie et il signe ici sa première BD. Son trait est souple, tout en mouvement. Il est surtout très fort pour exprimer un maximum de sentiments à travers les visages. Ça n’a l’air de rien mais les mimiques qu’il parvient à croquer en disent bien plus que de longs discours.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser « Ma révérence » n’est pas un polar. C’est plutôt un récit d’initiation mâtiné de tragi-comédie qui tire par moments vers la satire sociale. Mais c’est avant tout un excellent album, pêchu et jubilatoire, drôle, pétri de finesse et d’intelligence. Décidément, après le formidable Singe de Hartlepool Lupano s’affirme comme un des plus brillants scénaristes actuels.

Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Moka.

Ma révérence de Wilfried Lupano et Rodguen. Delcourt, 2013. 126 pages. 17,95 euros.

L'avis d'Yvan



mardi 12 novembre 2013

Exauce-nous - Pierre Makyo et Frédéric Bihel

Dans cette petite ville de province il y a Karim, le régisseur du théâtre, Frank, le scénariste en mal d’inspiration, Ernest le luthier, Phil, le vendeur de cailloux, Macha, René, Victorine et bien d’autres encore. Mais il y aussi et surtout Léonard. Léonard le simple d’esprit. Léonard qui demande à ceux qu’il croise s’ils n’ont pas vus celle qu’il cherche en vain depuis des lustres. Léonard que tout le monde apprécie mais dont personne ne semble connaître l’histoire. Frank le scénariste va se pencher sur son passé. Il va comprendre qu’un drame épouvantable est la source de ses maux. Mais il va aussi découvrir que Léonard possède un don, qu’il peut accomplir des miracles...

Cet album m'est précieux car il m’a été offert par Moka. C’est, avec l’incontournable Abélard, l’une de ses BD préférées. Le fait qu’elle ait souhaité partager avec moi un coup de cœur comme celui-là me touche évidemment beaucoup. En plus il contient deux dédicaces, l’une rédigée par ses soins et l’autre de Frédéric Bihel. Et je suis désolé de vous dire Mr Bihel que si votre dédicace est magnifique, c’est la première que je préfère.

Un ouvrage tombé à point nommé après les lectures particulièrement éprouvantes des romans de Valentine Goby et Julien Blanc. J’avais besoin d’une petite douceur, d’un bonbon doux et sucré avec une petite pointe acidulée. Quelque chose de délicat et de croquant mais garanti sans guimauve. Et bien Exauce-nous, c’est exactement cela. C’est une histoire qui fait du bien, qui met du baume au cœur. Des petites vies, des petites gens de province pour qui la fraternité n’est pas un vain mot. On passe avec plaisir du temps ensemble, au troquet ou ailleurs, on se soutient, on s’intéresse les uns aux autres en toute sincérité. Au cœur de cette chronique attachante, il y a bien sûr Léonard. Avec lui, « ça se passe ». Son innocence, sa simplicité désarmante, sa bonté permanente irradie à chaque page. C'est un personnage lumineux, il fait partie de ceux (rares) qu’un lecteur ne pourra jamais oublier.

Pour couronner le tout, l’alchimie entre le dessin et le récit est parfaite. Le trait réaliste de Frédéric Bihel est d’une grande élégance et les couleurs sont somptueuses.

Un album remarquable, apaisant et, je me répète, qui fait du bien. Vraiment.
Merci Moka, ton choix était parfait.

Exauce-nous de Pierre Makyo et Frédéric Bihel. Futuropolis, 2008. 102 pages. 19,50 euros.


Les avis de CristieLuocine ; Mo' ;  MokaOliv

lundi 11 novembre 2013

Confusion des peines - Julien Blanc

La vie de Julien Blanc est un roman d’une infinie tristesse. Né en 1908 de père inconnu, sa mère décède alors qu’il n’a que sept ans. Orphelinats, institutions religieuses, maisons de correction, familles d’accueil… il passe sa jeunesse ballotté d’un lieu à l’autre, renvoyé systématiquement des établissements qu’il fréquente pour mauvaise conduite. Fugueur, voleur, un temps SDF, multipliant les petits boulots qu’il ne parvient pas à garder par manque de motivation, il s’engage dans l’armée en désespoir de cause, persuadé que la grande muette sera la seule capable de donner un sens à son existence. Mais incapable de supporter la moindre autorité, il déserte. Arrêté, condamné, emprisonné, le premier volume de cette trilogie autobiographique le laisse en 1931, alors qu’un tribunal militaire vient de décider de l’envoyer purger sa peine dans les bataillons disciplinaires d’Afrique à Biribi.

Qu’est-ce que j’aurais voulu aimer ce livre ! A la base, il avait tout pour me plaire. Un écrivain autodidacte, digne représentant de la littérature prolétarienne que je chéris tant depuis mes études de lettres et ma découverte d’Henry Poulaille. Un écorché vif, gamin maltraité par les salauds d’adultes entre les mains desquels il aura passé toute son enfance. Un révolté, un réfractaire, un esprit aussi libre qu’incontrôlable, bref le genre de personnage qui me fait particulièrement kiffer comme disent les jeunes. Las, je n’ai pas été séduit le moins du monde par cette autobiographie.

L’ensemble est tellement misérabiliste. A coté de Confusion des peines, Sans famille est une gentille comédie. Le problème c’est que les malheurs de Julien Blanc s’enchaînent dans une suite ininterrompue et finissent par perdre toute force d’évocation. A la longue on frôle l’overdose. Et puis le jeune homme ne m’a pas touché. Il n’a certes pas eu une vie facile (c’est le moins que l’on puisse dire) mais on se rend compte qu’il n’a pas non plus fait grand-chose pour s’en sortir, notamment en rechignant à la tâche à chaque fois qu’on lui proposait un emploi. Surtout, l’écriture est d’une grande platitude. La révolte devrait selon moi  aller de pair avec une certaine forme d’éructation verbale. Le hurlement d’un homme face à l’injustice d'une jeunesse ruinée par sa condition sociale et le comportement inadmissible des adultes, Louis Calaferte en a fait un chef d'oeuvre avec « Le requiem des innocents ». Là, pour le coup, on en est loin, très loin même.

Dommage, j’attendais beaucoup de cette lecture, j’en sors d’autant plus déçu. Le second volume de la trilogie de Julien Blanc attend sagement dans ma pal depuis un certain temps. Il risque d’y rester encore longtemps.

Confusion des peines de Julien Blanc. Libretto, 2013. 280 pages. 9,70 €  

samedi 9 novembre 2013

Pan’Pan Panda, une vie en douceur - Sato Horokura

Panettone, que tout le monde appelle Pan’Pan, est un panda. C’est aussi le gardien de la résidence Kanda, où il vit avec une petite fille prénommée Praline. Chaque histoire de ce manga est une chronique de la vie quotidienne. Du choix d’un foulard à l’arrivée d’une nouvelle locataire, d’une amitié naissante à la préparation du repas de Noël, on découvre la tendre relation qui unit Pan’Pan à Praline mais aussi quelques traditions et habitudes typiquement japonaises.

Bon, si je me laissais aller je tomberais dans la vanne pourrie en écrivant que Pan’Pan est cucul (désolé j’aime bien les vannes pourries, on ne se refait  pas). Ça a vraiment été mon premier sentiment en refermant ce manga, je l’ai trouvé assez niais. Et puis pépette n°2 l’a lu et elle a adoré. Du coup j’ai dû revoir ma position. Parce qu’après tout ce livre ne s’adresse pas à moi, adulte aigri et un poil cynique, mais bien à nos chères têtes blondes. Je l’ai donc à nouveau parcouru avec mes yeux d’enfant et je dois dire que je comprends pourquoi ça a fonctionné avec pépette.

C’est frais et léger, mignon comme tout, plein de douceur. Et puis habiter avec un panda tenant plus de la peluche géante que de l’animal sauvage, avouez que ça fait rêver. En plus ce manga est entièrement en couleurs et publié dans le sens de lecture occidental, ce qui facilite grandement les choses pour les petits bouts qui découvrent le genre pour la première fois. De mon coté j’ai beaucoup aimé le bonus final proposant un lexique intéressant, une postface, un jeu et une fort jolie galerie de croquis.

Une série prévue en 8 tomes, pétrie en bons sentiments et qui constitue une entrée idéale dans l’univers du manga pour les plus jeunes. Personnellement, je ne suis pas certain de lire la suite mais j’en connais une qui va me la réclamer à corps et à cris. Et comme je ne refuse jamais le moindre livre aux pépettes…


Pan’Pan Panda, une vie en douceur T1 de Sato Horokura. Nobi nobi, 2013. 110 pages. 9,45 euros.  

Les avis de Leiloona et Mya Rosa


vendredi 8 novembre 2013

Quatre ans... et c'est tout !

Le titre de ce billet pourra paraître obscur à certains d’entre vous mais il fait écho à celui publié l’an dernier à la même date et intitulé « Trois ans, trois enfants ». J’y parlais, entre autres, de la future arrivée de la pépette n°3 et comme cette année je n’ai rien de tel à annoncer (faut pas pousser non plus !) je me contente de ce petit clin d’œil.

Quatre ans donc que ce blogounet existe. Quatre ans qu’il grandit grâce à vous qui passez ici régulièrement (ou pas). Quatre ans que je m’amuse à parler de mes lectures en toute simplicité, sans me prendre au sérieux, à me balader d’une berge à l’autre en ne m’interdisant presque aucun genre (non, la chick lit, la bit lit et les thrillers ne passeront pas par moi) et surtout quatre ans que je partage, que je découvre, que j’échange et que je prend énormément de plaisir à fréquenter la blogo. Parce que si j’aime beaucoup publier mes avis, j’adore aussi découvrir les vôtres, j’avoue même que je ne pourrais plus me passer de mon petit tour quotidien chez les uns et les autres.

Il y a eu quelques événements importants au cours de cette 4ème année de blog. D’abord bien sûr le bébé annoncé et tant attendu est arrivé le 5 février. Charlotte a aujourd’hui 9 mois et elle fait le bonheur de ses parents et de ses grandes sœurs (si je vous dis que je l’adore je pense que vous n’aurez aucun mal à me croire). Autre évolution majeure, je suis passé du virtuel au réel avec certaines d’entre vous. L’air de rien, connaissant mon coté « ours des cavernes », ce n’est pas anodin. Chacun de ces rares moments a été absolument délicieux (du moins pour moi) et j’en suis venu à la conclusion que toutes les blogueuses sont d’adorables personnes  (ou alors c’est juste que je suis bien tombé…). En tout cas maintenant que j’y ai goûté, je compte bien renouveler ces rencontres "en vrai" dès que possible.

Allez trêve de bavasseries, fêtons comme il se doit cet anniversaire avec un petit concours. On va faire simple alors si vous souhaitez participer il suffit de laisser un commentaire ci-dessous. Vous avez jusqu'au jeudi 14 novembre à minuit. Passé cette date, je mets tous les participants dans mon chapeau magique, je le secoue bien fort et les quatre qui en sortent choisissent le livre qu'ils veulent parmi ceux que j'ai présentés ici depuis le début de l'année. Ça vous va ? Les belges, les suisses, les Dom-Tom et les québécois sont les bienvenus.

Je vous laisse, je vous remercie pour tout et je vous fais un gros bisou qui pique :










jeudi 7 novembre 2013

Kinderzimmer - Valentine Goby

Mila a rendu quelques services à la résistance. Mais Mila a été dénoncée puis arrêtée. Direction Ravensbrück. 40 000 femmes dans le camp. Mila est une déportée parmi tant d’autres. Sauf que Mila est enceinte. Mila porte en elle la vie, dans ce lieu où la mort mène la danse. Mila veut que sa grossesse reste invisible. A ses compagnes d’infortunes, à ses geôliers, à elle-même.

Lorsque l’enfant paraît, il se retrouve dans la Kinderzimmer, la pouponnière. De pouponnière, l’endroit n’a que le nom. C’est un bloc comme les autres où les nourrissons s’entassent et finissent par mourir, de faim ou d’autre chose. Pas de biberon, pas de lait, pas de change, d’habit ni de chauffage. Les bébés ressemblent à des vieillards, ridés et maigres, le corps glacé. La cause semble désespérée mais Mila survit pour son enfant, elle s’accroche à cette vie nouvelle, symbole d’ultime espoir dans un environnement qui a tout de l’enfer.

Le texte est au présent et plonge le lecteur au cœur du camp. Valentine Goby décrit l’indicible avec une étonnante justesse. Elle raconte la transformation des corps et des âmes dans le huis clos des barbelés et des miradors, elle trouve les mots justes pour dire la maladie, la promiscuité, la fatigue, la faim, la peur permanente. Sensations, images, odeurs et douleurs sont restituées dans toute leur horreur sans jamais franchir la barrière du déballage purement gratuit.

Pour Mila, la maternité est un indéfinissable bouleversement intérieur. Comment porter la vie lorsque l’on est soi-même un cadavre ambulant ? Mais l’évidence est là, le bébé s’accroche et lorsqu’il naît rien ne lui manque : « une tête, deux oreilles, deux bras, deux mains […] deux yeux, deux narines, une bouche. » Par la suite elle découvrira la solidarité et le courage de ses sœurs de souffrance. Le gant en caoutchouc que l’on vole au péril de sa vie pour faire une tétine, les morceaux de tissu ramenés incognito au bloc et cousus le soir pour confectionner des habits, le sein donné à un enfant que l’on ne connait pas parce que le nôtre vient de mourir…

Un roman âpre, douloureux. Longtemps que je n’avais pas vécu une lecture aussi éprouvante. Mais la langue est magnifique, crue et limpide, elle résonne avec force, c’est très impressionnant. Et puis ce livre m’est précieux parce qu’il m’a été offert, et pas par n’importe qui, alors pour toutes ces raisons, Kinderzimmer restera comme l’une de mes plus belles découvertes de l’année.


Kinderzimmer de Valentine Goby. Actes Sud, 2013. 220 pages. 20 euros.

Une lecture commune que j'ai une fois de plus le plaisir de partager avec des blogueuses que j'apprécie particulièrement, à savoir et par ordre alphabétique Noukette, Sandrine, Saxaoul, Sophie/Hérisson et Valérie.

Les avis de Clara, JosteinNatiora, PhilisineStephie









mercredi 6 novembre 2013

Mauvais genre - Chloé Cruchaudet

Paul Grappe et Louise Landy viennent à peine de se marier que la première guerre mondiale éclate. Envoyé sur le front, Paul ne supporte pas l’horreur des combats. Il s’automutile, passe quelques temps à l’hôpital puis, refusant l’idée de retourner dans les tranchées après sa convalescence, il déserte. Caché dans une chambre de bonne avec Louise, il vit difficilement le confinement imposé par sa condition de déserteur et finit par trouver une solution radicale devant lui permettre de sortir incognito : se déguiser en femme. Pendant plus de dix ans, Paul va devenir Suzanne et mener une vie où le travestissement va peu à peu devenir sa seule raison d’être.

Incroyable destin que celui de Paul, incroyable histoire d’amour également, magnifique, brûlante et tragique. La relation entre Louise et son mari bascule de la tendresse vers la violence mais reste avant tout guidée par la passion. Louise joue d’abord le rôle de mentor. C’est elle qui le pousse à se transformer, lui montre les techniques d’épilation et l’initie au monde des femmes en le faisant embaucher dans son atelier de couturière. Mais c’est elle aussi qui le jalouse lorsqu’il devient la coqueluche de l’atelier puis du bois. Paul, tellement « habité » par son rôle, enivré par son succès grandissant auprès des femmes, sombre dans la folie. C’est un personnage complexe, fragile, fascinant. Lorsque la supercherie est révélée après l’amnistie des déserteurs, il assume avec plaisir le statut de bête de foire que lui donne la presse. Il aime être dans la lumière et quand les journalistes se lassent de son histoire, le retour à l’anonymat signe le début de sa déchéance.

Chloé Cruchaudet met en scène cette histoire aussi surprenante que véridique avec une maîtrise impressionnante. La narration est solide, parfaitement construite. Elle donne à Paul des traits imprécis et garde volontairement, notamment avec son énorme nez, des détails qui trahissent sa masculinité. Elle utilise aussi la couleur avec parcimonie, pour donner du sens. Ainsi le rouge est le plus souvent symbole de passage vers la féminité. Un mot également sur les scènes de cauchemar renvoyant Paul dans les tranchées qui sont magnifiquement réalisées.

Un album mené de main de maître. Du travail d’orfèvre et un vrai régal pour le lecteur. Tout simplement somptueux.

Mauvais genre de Chloé Cruchaudet. Delcourt, 2013. 160 pages. 18,95 euros.

Une lecture commune que j'ai le plaisir de partager aujourd'hui avec Lunch, Marion, Moka, Noukette et Mo'. Rien que ça !