Sabela débarque dans un minuscule village de montagne. Elle
cherche des informations sur son grand-père, un ancien marin qu’elle n’a pas
connu et dont on aurait perdu la trace près de Cuba mais qui pourrait avoir eu
des liens avec certains habitants du coin. Au café local, on lui conseille d’aller
voir Fidel, vieux monsieur un peu simplet surnommé « le naufragé » qui
aurait navigué dans les caraïbes à l’époque de son grand-père. Mais Sabela va
vite constater que Fidel, vieillard fantasque et attachant, a la mémoire pour
le moins défaillante…
« Je voulais proposer au lecteur un univers en bascule
entre rêve, réel et fantastique, comme dans la littérature sud-américaine dite
de réalisme magique. » (Miguelanxo Prado)
Un album ambitieux, fortement imprégné d’onirisme et dans
lequel viennent s’intercaler des coupures de presse, des témoignages de
scientifiques ou des documents juridiques. Difficile de faire le tri dans les souvenirs
de Fidel. Sa mémoire s’effiloche, elle s’efface et invente des souvenirs. C’est
un labyrinthe dont les contours sont difficiles à cerner. L’ardalén est un vent
chaud et humide qui arriverait sur le sud ouest de l’Europe après avoir
traversé l’océan atlantique depuis les côtes américaines. Fidel aime aller écouter
le bruit que fait ce vent dans la forêt d’eucalyptus derrière chez lui. Métaphoriquement,
il lui transmet des souvenirs arrachés ici ou là. Tout se mélange dans l’esprit
du vieil homme : sa propre vie, celle des autres, les histoires qu’on lui
a raconté et celles qu’il a lues. Pas évident de s'y retrouver dans ces bribes
qu’il tente d’assembler, pas simple de discerner les amis et les amantes qu’il
a vraiment connus parmi ces fantômes qui ressurgissent du passé. Sabela va
beaucoup s’attacher à Fidel mais elle va se rendre compte que les informations
qu’il fournit ne sont pas à prendre au pied de la lettre. Jusqu’au jour où…
Niveau dessin, c’est de toute
beauté. Il aura fallu trois ans à Miguelanxo Prado pour réaliser les 256
planches de l’album en couleur directe à la peinture acrylique. Du très grand
art, un esthétisme rarement vu en BD même si les visages sont souvent figés et
possèdent une texture proche du bois qui pourra dérouter plus d’un lecteur.
J’ai embarqué Mo’ dans cette
lecture commune en lui présentant ce titre comme l’album de l’année. Je ne sais
pas pourquoi mais je m’imaginais quelque chose, certes fort différent, mais au
moins aussi emballant que Daytripper. Le problème c’est que je suis constamment
resté à distance de l’univers de Fidel. Et pour le coup si l’on ne parvient pas
à rentrer dans son monde, impossible d’apprécier le récit. Pour tout dire, je
me suis ennuyé. Les derniers chapitres, plus ancrés dans le réel, m’ont
davantage accroché mais cela ne suffit pas à faire de cette lecture un vrai
grand moment de plaisir. C’est pourtant une très jolie réflexion sur la mémoire
qui s’efface et le temps qui passe. Beaucoup de poésie, d’émotion et de
mélancolie. Malgré tout je suis passé à coté et je le regrette vraiment. Mon
petit doigt me dit que Mo’ y a plus trouvé son compte. Tant mieux, filez vitedécouvrir son avis !
Ardalén : Vent de mémoires de Miguelanxo Prado. Casterman,
2013. 256 pages. 24 euros.