mardi 16 avril 2013

Yellow birds - Kevin Powers

« Je vous promets, […], je vous promets que je vous le ramènerais. » Une promesse que Bartle n’aurait jamais dû faire. Une promesse intenable à laquelle la mère de Murph va croire dur comme fer. Mais la réalité sera tout autre. Une fois arrivés en Irak, les frères d’armes Murph (18 ans) et Bartle (21 ans), ne pourront affronter l’horreur en restant soudés. Rendu fou par l’insoutenable violence quotidienne, Murph va disparaître. Bartle ne le ramènera pas sain et sauf à sa mère. Il ne le ramènera pas tout court… Pour le jeune soldat, le constat est amer : « Je ne veux pas être responsable. […] En fait je ne suis pas un héros, pas un garçon exemplaire, j’ai eu de la chance de m’en sortir vivant en un seul morceau. J’étais prêt à échanger n’importe quoi contre ça, telle était ma lâcheté. »


Kevin Powers a combattu en Irak. Au réalisme documentaire il a préféré le prisme d’une fiction empreinte d’un certain lyrisme. La vision qu’il donne de la guerre a un coté hallucinatoire, porté par des couleurs où dominent le jaune poussiéreux et le rouge sang. La toile qu’il peint au fil de ces 250 pages est souvent trouble et possède une évidente teinte surréaliste. Son narrateur alterne entre l’impuissance et la culpabilité. La perte des repères est pour lui terrible : « Nous n’avions même plus conscience de notre propre violence : les passages à tabac, les coups de pied décochés aux chiens, les fouilles, la parfaite brutalité de notre présence. Chacun de nos actes correspondait à une page de notre manuel que l’on appliquait sans réfléchir. Je m’en moquais. »

La construction du roman, sans être follement originale, est très efficace : les chapitres alternent entre la guerre et l’après guerre et la structure, tout en flash-back, entretient la tension pour ne révéler le plus monstrueux que dans les dernières pages. Si je devais comparer Yellow birds avec Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn, je dirais que seul le thème de la guerre en Irak rapproche les deux textes. Pour le reste, à l’esprit picaresque, grotesque et violemment comique de Ben Fountain, Powers oppose une vision poétique beaucoup plus introspective. Une « beauté triste » où l’on découvre la lente décomposition d’un engagé volontaire et son impossible retour à la vie civile. Une étude menée sur les vétérans revenus du front irakien a montré qu’au cours de l’année 2007, en moyenne, dix-sept d’entre eux se seraient suicidés chaque jour. A travers la figure de Bartle, Powers relate la violence de l’expérience intérieure engendrée par la guerre. Il décrit l’écho d’un ébranlement intime qui transforme ces hommes rentrés au pays en morts-vivants.

Un premier roman que j’ai trouvé en tout point sublime.
   
Yellow birds de Kevin Powers. Stock, 2013. 250 pages. 19,00 euros.

Une lecture commune que j’ai le plaisir de partager avec Noukette, Leiloona et Cryssilda. Filez-vite découvrir leurs avis.

L'avis de Clara ; L'avis de Saxaoul






samedi 13 avril 2013

Contrée indienne - Dorothy M. Johnson

En ce temps là, les pionniers subissaient des attaques indiennes aussi rapides que violentes. Des femmes et des enfants étaient enlevées, des hommes scalpés. Les tuniques bleues devaient traverser des territoires hostiles avant de rejoindre leur fort, les guerriers Sioux étaient en quête de vision. Dans les rues poussiéreuses des villes champignons, les duels se réglaient à coup de colts. Un monde dur dans lequel l’instinct de survie représentait la seule qualité valable. Dorothy M. Johnson restitue brillamment cette ambiance mythique du far-west à travers les onze histoires regroupées dans cet ouvrage.

J’ai aimé ce livre parce qu’il contient des nouvelles et que j’aime les nouvelles. Parce que c’est Gallmeister et que j’aime Gallmesiter. Parce que c’est du western et que j’aime le western. Mais au-delà de ces considérations passe-partout, le vrai plaisir de lecture, je l’ai trouvé auprès de la plume de Dorothy M. Johnson. Cette femme a l’art de trousser un texte court. Quelques lignes lui suffisent pour poser le décor. Son style est dense, très visuel, riche de dialogues et de descriptions. Pas pour rien que deux des textes de cette Contrée indienne (Un homme nommé Cheval et L’homme qui tua Liberty Valance) ont inspiré des films à John Ford et Elliot Silverstein. Les situations qu’elle présente sont criantes de vérité et les personnages qu’elle met en scène sont incarnés avec un réalisme sidérant. Sans compter qu’il y a dans ces pages quelques beaux portraits de femmes, des pionnières pas épargnée par la rudesse de la vie dans l’ouest mais qui restent fières, libres et battantes.  Au final ce fut un vrai plaisir de découvrir ce monde plein de cow-boys, d’indiens, de paysages sauvages, de rêves, de croyances et d’espoirs déçus… Donnez-moi donc un cheval que je traverse la prairie au grand galop !  

Bien sûr le western est un genre particulier. Il faut aimer. Tout comme il faut aimer les nouvelles. Mais si ces deux conditions ne représentent pas un frein pour vous, vous pouvez foncer les yeux fermés, impossible de ne pas apprécier cet excellent recueil.

Contrée indienne de Dorothy M. Johnson. Gallmeister, 2013. 246 pages. 10 euros. 

L'avis d'Hélène







vendredi 12 avril 2013

Lumières : l’encyclopédie revisitée

On célèbre cette année les 300 ans de la naissance de Diderot. Pour fêter l’événement, les éditions L’édune ont proposé à onze illustrateurs contemporains de revisiter la fameuse encyclopédie. Chacun d’eux s’est emparé d’un thème particulier (Agriculture - Histoire naturelle - Anatomie & Chirurgie - Sciences - Métiers de bouche - Beaux-Arts – Transports - Écriture & Imprimerie - Armes & Soldats – Mode - Artisanat) dont il a détourné, recomposé, actualisé et personnalisé à sa manière les planches originales. Frank Prévot signe les textes qui commentent et relient entre elles chacune des planches.

Le résultat est absolument somptueux. Un album au grand format cartonné (25 x 35 cm) dans lequel se succèdent des univers graphiques à la fois riches et modernes. Parmi les illustrateurs réunis, quelques-uns m’enchantent particulièrement, notamment Régis Lejonc, Charles Dutertre, Rascal ou encore Tom Schamp qui avait signé le superbe Fabuleux amour d’Aucassin et Nicolette.  Les autres noms me sont inconnu mais je vous les donne quand même avec plaisir : Martin Jarrie, Jean-François Martin, Julia Wauters, Clotilde Perrin, Vincent Pianina, Albertine, Janik Coat. Chaque thème s’organise de la même façon. D’abord les textes correspondant à chaque planche revisitée, puis les planches elles-mêmes et enfin quelques planches originales de l’encyclopédie du 18ème siècle. Les articles rédigés par Frank Prévot sont plus fantaisistes qu’informatifs. Très variés, ils allient légèreté et humour. Surtout, ils permettent au lecteur de développer une compréhension fine du lien texte/image : redondant, complémentaire, contradictoire, décalé… 

Cette encyclopédie revisitée est un objet-livre dont le caractère précieux (dans le sens culturel du terme) saute aux yeux. Un objet-livre où les arts s’expriment, où les univers graphiques se télescopent, se combinent et se rejoignent, où le texte et l’image donnent à voir et à réfléchir. Un objet-livre tout simplement incontournable, à lire, à faire lire et à offrir.  

Pour découvrir davantage d’illustrations, rendez-vous sur le site www.lumieres-encyclopedie.fr        
 
Lumières : l’encyclopédie revisitée de Frank Prévot. Coédition L’édune / CRDP de Reims, 2013. 128 pages. 24,90 euros.

PS : le CRDP de Reims a réalisé un livret pédagogique pour les enseignants de cycle 3 (CE2-CM1-CM2) qui souhaitent utiliser cette encyclopédie revisitée en classe. Les activités sont proposées sous la forme de plusieurs séquences (étude du siècle des lumières, exploitation de l’album en cours de français, articulation entre production d’écrits et productions plastiques, utilisation de l’album pour construire des programmes géométriques). Le livret coute 5 euros et peut se commander sur la librairie en ligne de l’éducation.
 






jeudi 11 avril 2013

Mélodie en sous-sol - Sophie Bénastre

Jeannette a disparu. Au départ la police a pensé à une simple fugue. Mais il a fallu se rendre à l’évidence, cette disparition était tout sauf volontaire. De précieuses heures perdues et pas la moindre piste. Malgré les affiches placardées dans le quartier, la mobilisation des camarades de classe et des proches, Jeannette reste introuvable. Pour sa mère qui l’élève seule depuis la mort accidentelle de son mari, l'espoir des premières recherches laisse vite place à l'abattement. Il faut dire que les statistiques parlent d’elles-mêmes : « sur 641 enlèvements d’enfants qui se sont terminés par un homicide […] 44% des enfants ont été tués dans la première heure… 74% dans les trois heures et 91% dans les vingt-quatre heures suivant l’enlèvement. » Mais les meilleurs amis de Jeannette refusent de baisser les bras...

Une bien belle surprise que ce roman. A vrai dire je ne m’attendais pas à grand-chose tant les polars jeunesse publiés chaque année à la pelle sont rarement emballant (du moins pour moi qui ne suis pas spécialement fan du genre). Et là pour le coup j’avoue que j’ai été bluffé. Par la construction imparable qui rend bien compte de l’évolution de l’état d’esprit de la mère, de la montée progressive de son angoisse, des différents points de vue de chaque personne vivant le drame et par l’écriture nerveuse et réaliste qui fait que tout sonne très juste. Les chapitres sont courts, le lecteur plonge en apnée dans les méandres de cette disparition et de la difficile avancée des recherches. Les dialogues sont également bien menés, les protagonistes, nombreux, sont quant à eux parfaitement crédibles. Bref, vous l’aurez compris, je ne vois pour ainsi dire aucune fausse note dans cette sombre mélodie.          
 
Mélodie en sous-sol de Sophie Bénastre. Oskar, 2013. 150 pages. 12,95 euros. A partir de 10 ans.

Les avis de Bouma ; Pépita

mercredi 10 avril 2013

La petite famille - Loïc Dauvillier et Marc Lizano

Dans la petite famille il y a les parents, le grand frère, la petite sœur, le tonton et surtout Pépé et Mémé. Mémé, elle est super. « Avec Pépé, c’est pas facile de savoir s’il est en colère ou content. Maman dit que Pépé, c’est comme un ours… Il râle… Il ronchonne… Mais il est pas méchant. Il est tout doux. » Et puis quand on part à la pêche avec Pépé c’est toute une aventure. Finalement, Pépé aussi il est super. C’est pour ça que le jour où il tombe malade, difficile de ne pas être inquiet…


Cet album est la réédition intégrale des trois volumes publiés entre 2004 et 2006 aux éditions Carabas. Loïc Dauvillier et Marc Lizano m’avaient déjà enchanté avec Hugo et Cagoule et L’enfant cachée (a tel point que j’ai mis cette BD dans les mains de 1500 élèves de mon département cette année, mais c’est une autre histoire…). Ils récidivent dans un autre registre tout en gardant cette « patte » si particulière qui les caractérise. J’ai déjà eu l’occasion de dire à quel point la petite musique de Loïc Dauvillier me parle. Ses scénarios sont pétris de finesse et d’intelligence. Sans avoir l’air d’y toucher, son propos dégage beaucoup de douceur. Ici, la voix du narrateur enfant sonne juste et chaque fois que l’émotion affleure, elle reste tout en retenue, délicate. Pour preuve la façon très digne avec laquelle il traite la scène finale, sans pathos, en restant à l’écart de toute mise en scène volontairement larmoyante. Le bonheur des moments de complicité partagée entre enfants et grands parents est quant à lui restitué avec une simplicité qui fait mouche. Pour beaucoup d’adultes (dont je fais partie) cette lecture apporte un joli souffle de nostalgie. Les vacances chez les grands parents, ça reste un moment fort de mes souvenirs d’enfance.

De son coté Marc Lizano propose toujours ce trait que l’on reconnait au premier coup d’œil et que j’aime tant. Il s’autorise régulièrement des dessins pleine page qui magnifient les moments les plus importants du récit. La douceur des couleurs de Jean-Jacques Rouger joue par ailleurs énormément sur l’ambiance sereine et réconfortante qui se dégage de l’ensemble.

Une chronique tendre et chaleureuse, sans la moindre trace d’amertume malgré l’événement douloureux vécu par toute la famille. Un album que j’ai vraiment quitté à regret. C’est toujours bon signe…

PS : ma fille de 10 ans a dévoré cette intégrale hier soir et elle a adoré. Je pensais que la fin lui tirerait une petit larme, et ben même pas. Cette petite a décidément le même cœur de pierre que son père.

La petite famille de Loïc Dauvillier et Marc Lizano. Éditions de la Gouttière, 2013. 104 pages. 19 euros.

Une lecture commune que j’ai une nouvelle fois l’immense plaisir de partager avec Noukette et un grand merci à Flavie des éditions de la Gouttière pour l’envoi de cet album.









mardi 9 avril 2013

Pauvre Stupidon / Une fourmidable surprise - Maureen Dor

Dor et Lamenthe © Clochette 2013

Nous sommes le 14 février, c’est un grand jour pour les angelots. Armés de leurs arcs et de leurs flèches, ils filent vers la terre où les attendent leurs futures cibles. Tous ces gens que l’on va aider à tomber amoureux, n’est-ce pas un job de rêve ? Sauf peut-être pour le maladroit Stupidon. C’est sa première St Valentin et le pauvre angelot va multiplier les gaffes. Grâce à lui un loup va tomber amoureux d’un agneau, un croque-mort va s’emmouracher d’une clown et un lion va fondre pour une jolie gazelle. De retour sur son nuage, Stupidon va subir les moqueries de ses camarades. Mais après tout, même si les couples qu’il a formés semblent mal assortis, peu importe. Ils s’aiment, c’est bien là l’essentiel !


Dor et Lamenthe © Clochette 2013

Dor et Bossrez © Clochette 2012

Chez les fourmis, la reine pond des œufs renfermant des larves qui auront chacune un rôle bien précis : la fourmi-guerrière défendra la fourmilière, la fourmi-nounou s’occupera des nouveau-nés et la fourmi-ouvrière fera des réserves pour toute la communauté. Mais le jour où la reine pond une un œuf contenant une fourmi inutile, les choses se compliquent. Baptisée Driim, cette petite fourmi ne trouve sa place nulle part. Son seul talent ? Faire de la musique avec un brin d’herbe. Qu’à cela ne tienne, la reine fera d’elle un chef d’orchestre en pondant des larves de fourmi-musiciennes !

Dor et Bossrez © Clochette 2012


Une très belle surprise que ces petits albums carrés au texte enlevé et aux illustrations colorées à souhait. Stupidon et Driim sont des personnages atypiques qui, en sortant du cadre bien établi de leur communauté, vont transformer leur différence en richesse. Sous ses abords simplistes, le propos interpelle et pousse à la réflexion. Bonus non négligeable, il est fort agréable de découvrir les histoires racontées par la douce voix de Maureen Dor sur les cd-audio joints à chaque livre. Une jolie découverte donc, qui ravira à coup sûr les enfants dès 4-5 ans.

Pauvre Stupidon de Maureen Dor et Pélagie Lamenthe. Édition Clochette, 2013. 26 pages + 1CD-audio. 14,95 euros. A partir de 4-5 ans.

Une fourmidable surprise de Maureen Dor et Élodie Bossrez. Édition Clochette, 2012. 26 pages + 1CD-audio. 14,95 euros. A partir de 4-5 ans




dimanche 7 avril 2013

Un notaire peu ordinaire - Yves Ravey

Ravey © Minuit 2013
Après quinze ans passés derrière les barreaux pour viol, le cousin Freddy réapparait dans la vie de Mme Rebernak. Cette veuve qui élève seule ses deux enfants refuse d’accueillir l’ex-taulard. Elle n’a jamais oublié que la victime de Freddy était une camarade d’école de sa fille Clémence. Cette dernière s’apprête à passer le bac et fréquente Paul, le fils de maître Montussaint, le notaire. Son avenir s’annonce radieux et il est impensable pour Mme Rebernak de laisser un prédateur sexuel comme son cousin rôder dans les parages. Surtout que l’on a aperçu Freddy à plusieurs reprises devant le lycée à l’heure de la sortie des classes… 
      
Un petit livre croisé par hasard sur la table des nouveautés de la médiathèque. J’aurais pu m’abstenir. Déjà, le titre en dit trop. Une fois la situation initiale posée, on se doute très vite que le méchant n’est pas celui que l’on croit. Et puis les turpitudes de la bourgeoisie provinciale, très peu pour moi. Ce roman est un drame prévisible à l’écriture plutôt plate et aux dialogues dignes d’un téléfilm made in TF1. La tension finale monte doucement puis retombe sans surprise. Les personnages relèvent trop de la caricature (la mère inquiète et pleine de préjugés, le repris de justice qui est en fait un vrai bon gars, la lycéenne en crise, le notaire pervers…) et manquent singulièrement d’épaisseur pour que l’on s’y attache. En gros ça sonne faux et je suis passé totalement à coté. Je vais me dépêcher de retourner chez les auteurs américains parce que les français que je croise en ce moment me laissent sur ma faim, c’est le moins que l’on puisse dire. En plus, dernier détail qui m’agace prodigieusement, la quatrième de couverture, qui tient en cinq lignes, a à l’évidence été rédigée par quelqu’un qui n’a pas lu le texte. Parce qu’affirmer que Mme Rebernak décide de parler de son cousin Freddy à maître Montussaint en espérant qu’il lui vienne aide, c’est totalement faux ! Bref, vous aurez compris que ce n’est pas vraiment un coup de cœur…       
        
J’ai découvert cette semaine que ce titre faisait partie de la sélection du prix du Livre Inter 2013. Euh, comment dire… j’ai du mal à comprendre…

Un notaire peu ordinaire d’Yves Ravey. Éditions de Minuit, 2013. 108 pages. 12,00 €.

samedi 6 avril 2013

Prix sorcières 2013 catégorie albums : mon palmarès à moi




Grâce à Libfly j’ai pu découvrir les 5 albums de la sélection du prix Sorcières 2013. Les résultats seront proclamés le 12 avril lors de l'inauguration de la fête du livre jeunesse de Villeurbanne.  
En attendant je vous donne mon palmarès à moi^^

Un formidable album sur la mémoire et le temps qui passe, aussi beau que touchant. Gros coup de cœur !       








 Très drôle, d’une grande liberté graphique et qui donne vraiment envie de dessiner un mille-pattes. Une vraie belle surprise alors que je m’attendais à quelque chose d’assez plan-plan.








Les lettres de l’ourse
Un album plein de belles lettres d’amour avec des illustrations magnifiques, tout en douceur. 









Akim court
J’ai beaucoup aimé mais le sujet est dur et cet album peut difficilement entrer dans le cadre d’une lecture plaisir. Il me semble en tout cas indispensable d’accompagner les enfants qui découvrent ce titre. 






Le facteur Quifaiquoi
La grosse déception de la sélection. Pas accroché au graphisme, pas accroché au texte. Un album juste loufoque qui s’oublie très vite.








Voila, c’est mon petit palmarès rien qu’à moi. La maison en petits cubes me paraît clairement au dessus du lot. J’espère que les membres du jury seront du même avis. Affaire à suivre…

vendredi 5 avril 2013

Le mille-pattes - Jean Gourounas

Gourounas © Rouergue 2012
Pas simple de faire un mille-pattes. Au départ ça roule tout seul, il suffit de dessiner une saucisse. Pour les pattes, quelques traits suffisent. Le problème s’est qu’il faut bien accorder la couleur de la saucisse et celle des pattes. On commence par la queue et on déroule le corps, tout droit. Mais si on veut vraiment mettre toutes les pattes il va falloir gagner de la place et tordre un peu la saucisse sinon « on n’aura jamais assez de pages ». Et si l’envie nous prend de changer de couleur en cours de route ? Pourquoi pas après tout. Pareil avec les pattes, si à un moment donné on veut lui mettre des chaussures à notre insecte, on a bien le droit. Ce qui compte, c’est de ne pas oublier une seule de ses mille pattes. Pour le reste, la liberté est totale.

Un excellent album, très ludique, où l’on découvre au fil des pages que l’humeur du dessinateur influe beaucoup sur le rendu final de son « œuvre ». C’est drôle, enlevé, très intelligemment construit et surtout ça donne aux enfants l’envie irrésistible de se saisir d’une feuille et d’un crayon pour réaliser leur propre mille-pattes. C’est en tout cas ce qui s’est passé chez moi. Il y a maintenant deux insectes très colorés en forme de saucisse accrochés à la porte du frigo…            
 
Le mille-pattes de Jean Gourounas. Rouergue, 2012. 28 pages. 13,40 euros. A partir de 3-4 ans.

Gourounas © Rouergue 2012








jeudi 4 avril 2013

La robe froissée - Maram al-Masri (poésie inside)

al-Masri © Bruno Doucet 2012
Ce recueil est le fruit d’une résidence d’écriture organisée en 2009 sur le territoire d’Artois et la commune de Béthune. La poétesse syrienne Maram al-Masri a arpenté les rues de ces villes du Nord de la France noyées dans la brume où les maisons se serrent les unes contre les autres comme si elles cherchaient à se tenir chaud. Elle a découvert les fêtes foraines, les grandes places où bat le cœur de la cité, les jeux des enfants, les bistrots, la pauvreté et la chaleur humaine. Elle a posé sur les gens et les choses un regard plein de douceur et d’universalité car, comme le dit si bien son éditeur, la poésie ne connait pas de frontières.

Très très longtemps que je n’avais pas lu de poèmes. Il aura fallu une journée d’études à laquelle j’ai assisté la semaine dernière pour que l’envie me reprenne. Il aura surtout fallu que j'y vois Maram a-Masri et que je l’entende susurrer ses textes en arabe de sa voix de velours pour que mon petit cœur d’artichaut fasse boum. Quand elle a pris le micro et qu’elle s’est lancée, j’avoue, j’ai eu les poils au garde à vous. En plus elle est belle Maram, vraiment belle ! Et quand elle « étale ses souvenirs et expose les épices de sa nostalgie, odeur de cumin et de menthe », difficile de ne pas fondre. Alors forcément en sortant je me suis précipité pour acheté un de ses livres. Je n’ai pas pu assister à la séance de dédicaces qui a suivi mais ce n’est pas plus mal. Je me connais, je serais resté planté devant elle la bave aux lèvres, incapable d’articuler le moindre mot… mon image de marque (déjà pas très reluisante) en aurait pris un sacré coup. 

Soyons honnête, il serait injuste de s’arrêter uniquement sur le charme de cette sublime poétesse. Les textes de Maram Al-Masri sont ciselés. J’aime cette poésie en prose à hauteur d’homme, sans boursouflure et sans ostentation. J’aime cette délicatesse, cette belle musicalité, le propos à la fois simple et imagé, toujours parfaitement compréhensible. Chaque poème a d’abord été écrit en français puis traduit en arabe par l’auteur. L’ouvrage est donc en version bilingue, arabe sur la page de gauche et français sur la page de droite.

La robe froissée est un magnifique recueil que j’ai dégusté avec gourmandise. Comme quoi il suffit parfois de pas grand-chose pour faire de belles rencontres livresques et reprendre goût à la poésie.

« En ce matin nordique
le soleil essuie ses vitres de la poussière de la nuit

en écartant les nuages épais

Il lâche ses cheveux qui tombent avec douceur 

sur les épaules de la ville noyées de brume 

comme un châle de dentelle 

tissé par les femmes de l'usine 
et les grands-mères »

   
La robe froissée de Maram al-Masri. Éditions Bruno Doucet, 2012. 90 pages. 13,20 euros.