mercredi 6 avril 2011

Walking Dead T1

Rick est un policier qui s’est fait tirer dessus au cours d’une intervention. Lorsqu’il sort du coma, il découvre que des zombies ont envahi notre monde, pourchassant les derniers humains pour se repaître de leur chair. Rick s’enfuit en direction d’Atlanta, espérant retrouver dans cette ville sa femme et son fils…

Un pitch qui tient sur un post it pour un des plus incroyables comics de ces dernières années. Personnellement, je pensais que Walking Dead était dans la lignée des films de morts-vivants de série B de Robert Romero ou Georges Rodriguez. Pas du tout mon truc en fait. C’est en lisant le mois dernier une interview du dessinateur dans l’excellente revue Casemate et en découvrant dans le classement hebdomadaire de Livres Hebdo que le 13ème volume de la saga était entré directement à la première place des ventes de BD en France que je me suis dit que je passais peut-être à coté de quelque chose. Car voila une série qui a connu un succès que l’on peut qualifier de phénoménal. Ce nouveau tome, tiré à 30 000 exemplaires, a été épuisé dès sa mise en place en librairie, nécessitant une réimpression de 20 000 exemplaires. Et tout ça sans aucun artifice promotionnel particulier. Les libraires constatent juste que les nouveaux lecteurs qui achètent le tome 1 reviennent rapidement acquérir la suite. Une sorte d’addiction dont j’ai moi-même été victime puisqu’après avoir lu ce premier tome, je suis retourné le lendemain chercher les deux suivants.

L’intérêt majeur réside dans le fait que le récit est avant tout post apocalyptique et s’intéresse essentiellement aux relations humaines dans un contexte désespéré. Les zombies ne sont ici qu’un prétexte. La question majeure est plutôt : vous vous réveillez un matin et votre univers est complètement bouleversé. Plus rien ne sera jamais comme avant. Vous êtes en permanence en danger de mort. Comment réagiriez-vous dans une telle situation ? Le génie du scénariste Robert Kirkman tient dans cette mise en scène ultra crédible des attitudes humaines dans des conditions de crise extrême : comportements totalement nouveaux, nerfs à fleur de peau, rôle joué par la faim et la fatigue, tension extrême à l’intérieur du groupe de survivants, introduction homéopathique de nouveaux personnages qui donnent à chaque fois davantage d’épaisseur à l’ensemble… S’il y a des passages très gores, ils ne sont jamais gratuits. Par ailleurs, la toile de fond sur laquelle repose la série est sombre mais elle laisse aux personnages un soupçon d’espoir pour ne pas tomber dans un nihilisme qui ferait fuir les lecteurs.

Visuellement, le noir et blanc renforce les aspects tragiques de la situation. Le dessinateur a changé après le tome 1 mais le style réaliste est resté quasi identique avec un superbe travail sur l’expression et les attitudes des zombies.

Walking Dead, c’est un peu le Seuls des adultes. Pour Charlie Adlard (le dessinateur), cette série est « un fichu voyage en enfer ». Pour ma part, je dirais que c’est un fichu bon comics qui mérite largement le succès qu’il connaît chez nous.

Walking Dead T1 : passé recomposé de Robert Kirkman, Tony Moore et Charlie Adlard, Éditions Delcourt, 2007. 142 pages. 13.50 euros.



L’info en plus : La saga Walking Dead a été adaptée à la télé dans une mini-série de six épisodes, actuellement diffusée en France sur la chaîne Orange Cinéchoc. Au États-Unis le succès de la première saison a été tel qu’une seconde de 13 épisodes est en cours d’écriture. Les zombies ont décidément la cote, aucun doute là-dessus !



Le challenge Pal sèche de Mo'



dimanche 3 avril 2011

L'Aphrodite profanée : Une enquête de Kaeso le prétorien

Rome en 33 ou 34 après JC. Des enlèvements d’enfants dans la haute société se succèdent. La garde prétorienne chargée de mener l’enquête est ridiculisée à chaque demande de rançon. Son chef Kaeso, très irrité par la situation, doit en plus subir les foudres de son supérieur Macro, préfet du prétoire. Envoyé par ce dernier surveiller un banquet chez Claude, l’oncle de Caligula, il ne peut empêcher le vol d’une inestimable statuette du grand sculpteur grec Praxitèle. Hors de lui, Kaeso se jure de retrouver la statuette et les kidnappeurs afin de mettre un terme à ces échecs à répétition.

Je me faisais un plaisir de retrouver le beau Kaeso pour une troisième aventure après Les mystères de Pompéi et Meurtres sur le Palatin. Les principaux personnages des romans précédents sont toujours là : Concordia, Caligula, Donar, Io le léopard, Hildr, Matticus… On découvre aussi comme d’habitude et avec intérêt les détails parsemés le long du texte éclairant le fonctionnement de la société romaine de l’époque. La rigueur et les connaissances historiques de Cristina Rodriguez donnent toujours autant de crédibilité aux situations décrites. Bref, les ingrédients qui ont fait le succès des deux premiers opus de la série sont de nouveau intelligemment exploités. Et pourtant, cette lecture s’est révélée décevante. Les deux enquêtes menées parallèlement par Kaeso sont plutôt « fades ». Certes on apprend que le trafic d’œuvres d’art existait déjà à l’époque, mais il n’y a là rien de bien palpitant. Et contrairement à Meutres sur le Palatin, la plèbe est totalement absente du roman. Tout se déroule dans les villas cossues des patriciens, entre sénateurs et grandes familles bourgeoises. Pas de grands complots politiques, pas de scènes d’action trépidantes ni d’orgies débridées. Sans compter que les relations entre les personnages évoluent très peu : Concordia toujours amoureuse transie de son cousin Kaeso, Caligula le bon copain magnanime, Matticus le fidèle second… Une sorte de ronronnement qui traverse tout le texte et finit par engendrer un certain ennui. J’ai refermé l’ouvrage en me disant : tout ça pour ça !

Une déception donc, qui tient essentiellement au choix de l’intrigue et au manque d’évolution de la psychologie des personnages. Mais la description scrupuleuse de l’époque et les précisions historiques disséminées au fil du texte justifieraient presque à elles seules la lecture de cette Aphrodite profanée. J’espère seulement que la suite des aventures de Kaeso réservera son lot de rebondissements et donnera un nouveau souffle à cette série qui mérite d’être suivie avec attention.

L’Aphrodite prophanée, de Cristina Rodriguez, Éditions du Masque, 2011. 280 pages. 17,00 euros.

L’info en plus : Pour tout connaître sur Kaeso et son époque, je vous recommande la visite de l’excellent site dédié à la série : http://www.kaesolepretorien.com/. Une mine d’informations indispensable pour les fans.

PS : Ce billet signe ma première participation au challenge Au coeur de la Rome antique de Soukee.




vendredi 1 avril 2011

Le garçon qui volait des avions

Vous vous souvenez de Colton Harris-Moore ? Cet adolescent américain a défrayé la chronique l’an dernier au moment de son arrestation. Surnommé le bandit aux pieds nus, il vivait de rapines dans les demeures cossues servant de maison de campagne aux riches habitants de Seattle. Pendant deux ans, il a nargué les forces de police, se cachant dans les bois, toujours en mouvement, insaisissable. Sa « carrière » a commencé lorsqu’il avait huit ans, le jour où il a cambriolé son école. Par la suite, ce furent des glaces, des pizzas, des consoles et des jeux vidéo chez les voisins. A dix ans, on le plaça en foyer. Il s’évada presqu’aussitôt pour passer à la vitesse supérieur : vol de voitures, de bateaux et, pour finir en beauté, les avions. Uniquement des Cessna, qu’il parvenait à faire décoller sans jamais avoir pris un cours de pilotage.

Colton Harris-Moore le sauvageon, honni par la population locale, est devenu une star adulée par des ados du monde entier et ayant des dizaines de milliers de fans sur Facebook. On imprima même des Tee-shirt à son effigie ! Sa cavale éperdue prit fin le 11 juillet 2010 après une spectaculaire poursuite en bateau dans un port de l'île des Bahamas.

Élise Fontenaille imagine les derniers jours de liberté du « héros ». Optant pour le mode choral, elle donne successivement la parole à la mère de Colton, à la policière censée l’avoir arrêté, à l’éducatrice qui l’a accueilli au foyer ou encore aux voisins qui se sont organisés en véritable milice pour traquer ce sale gosse venant piller leur congélateur. Le gamin s’exprime lui aussi. Il raconte son enfance très perturbée dans la caravane familiale. Une mère alcoolique, un père qui a tenté de l’étrangler lorsqu’il était bébé. Il parle de ses nuits passées seul dans les bois. Cette fatigue engendrée par le fait de devoir toujours se tenir aux aguets. Et la certitude que tout cela allait prendre fin un jour, peut-être pour son plus grand soulagement.

L’auteur prend parti et ne s’en cache pas. Son texte est un docu-fiction qui fait de Colton une victime, un héros : « Colton ressemble un peu à mon fils Rémi, qui, justement, pose en couverture du Garçon qui volait des avions. Bref, Colton m’a mis dans sa poche. Il avait toutes les forces de police des États-Unis à ses trousses, alors qu’il n’avait jamais agressé personne ! Personne ne l’avait jamais vu. Il ne volait que les riches (il entrait dans les belles maisons de vacances où l’on ne va jamais) et vivait dans les bois, seul, sans l’aide de quiconque, à quinze ans… ça aussi, ça m’épatait. Comme des milliers d’ados dans le monde entiers, et quelques adultes aussi, je suis devenue une fan de Colton sur Facebook, priant pour qu’il ne se fasse jamais prendre. Le jour où on l’a attrapé et jeté en prison en juillet 2010, j’ai écrit Le Garçon qui volait des avions en trois jours et trois nuits » (extrait du Making off du roman).

Le parti pris peut être discutable mais l’auteur l’assume avec franchise et lucidité. Pour le coup, l’exercice est parfaitement maîtrisé et nul doute que ce tout petit roman fera vibrer les lecteurs, petits ou grands, qui ont gardé une âme de sauvageon.

Le garçon qui volait des avions d’Élise Fontenaille, Le Rouergue, 2011. 60 pages. 8,00 euros. A partir de 13 ans.

mercredi 30 mars 2011

Mémoires d'un guerrier

Miguel est un vieil homme taciturne qui passe ses journées assis sur un banc face à la mer. Un soir, alors que son petit fils vient le chercher pour diner, Miguel lui demande de venir près de lui. Alors qu’il ne lui parle pour ainsi dire jamais, alors qu’il ne se souvient même pas de son prénom, le grand père lui raconte ses souvenirs de jeunesse : « A l’époque, le monde était très différent, beaucoup plus dur. Seuls les plus acharnés, les plus féroces, pouvaient prétendre survivre. » Miguel a chassé des géants, il a été l’homme de main du caïd de la ville, il a recherché un trésor sur le territoire des orcs, bref, il a vécu dangereusement et intensément. Aujourd’hui, les grandes guerres d’épuration ont fait de l’homme la race supérieure et ont exterminé toutes les autres espèces. Les choses ne sont décidément plus ce qu’elles étaient. Miguel égraine ses souvenirs et son petit fils semble s’en contrefoutre. Mais le vieil homme ne s’interrompt pas pour autant. Après tout, c’est avant tout à lui-même qu’il s’adresse…

Jean-Louis Marco s’est lancé dans un étrange projet. Il met en scène le crépuscule de l’héroïc fantasy à travers le récit d’un des derniers aventuriers à avoir connu son âge d’or… Miguel a besoin de ressasser ses aventures de jeunesse pour ne pas oublier à quel point sa vie a valu la peine d’être vécue. L’attitude du petit fils est d’une grande modernité. Il n’est pas dans la posture d’idolâtrie que l’on retrouve en général lorsqu’un grand guerrier raconte ses exploits aux plus jeunes. Le discours de son grand-père l’ennuie profondément et il ne s’en cache pas.

L’ouvrage relate trois histoires totalement différentes. Les deux premières relèvent de la pure aventure alors que la troisième m’a fait penser aux Contes du Korrigan publiés chez Soleil. Loin des rondeurs que l’on retrouve généralement dans le franco belge classique, le trait est ici très aiguisé : nez pointus, cheveux hérissés, visages en lame de couteau... Les couleurs, où le gris vert et l’ocre dominent collent  parfaitement aux ambiances forestières et montagneuses où l’action se déroule.

Un album étrange, presque expérimental. Entre héroïc fantasy classique et modernité du propos, difficile de classer ces Mémoires d’un guerrier dans un genre bien précis. Une agréable découverte en tout cas.

Mémoires d’un guerrier de Jean-Louis Marco, Gallimard, 2011. 92 pages. 16 euros.



L’info en plus : Jean-Louis Marco est l’auteur de Rosco le rouge, une série jeunesse en trois tomes publiée aux éditions Le cycliste et racontant les aventures loufoques d'une bande de pirates qui ne respectent pas souvent les règles et préfèrent suivre leur instinct.



Le challenge PAL sèche de Mo'


lundi 28 mars 2011

La Merditude des choses

Ils sont affreux, sales, mais pas vraiment méchants. Alcooliques plutôt, et pas qu’un peu. Ils, ce sont les Verhuslt, quatre frères vivant chez leur mère. Ils, ce sont les trois oncles et le père de Dimitri, le narrateur. Le jeune garçon déroule ses souvenirs d’enfance dans cette famille de soiffards invétérés, entre virées aux cafés, bagarres d’ivrognes, visites des huissiers et des services sociaux. L’action (si on peut dire !) se déroule à Reetveerdegem, un trou perdu de la Belgique profonde.

Ces gens là, comme le chantait Brel, sont des marginaux irrécupérables. Ils ne travaillent quasiment jamais, préférant boire la maigre pension de leur mère et multiplier les ardoises dans tous les troquets du village. Ils organisent des tours de France éthyliques ou participent à des courses de vélo nudistes. Le père de Dimitri va même tenter la cure de désintoxication, un échec total, évidemment. Le petit assiste en spectateur aux excès familiaux. Il porte un regard tendre sur ces cas sociaux qui l’ont élevé. Jamais moqueur, jamais révolté par ce qu’il a subit durant sa jeunesse, il oscille plutôt entre mélancolie et nostalgie. Dans les derniers chapitres, c’est le Dimitri adulte qui s’exprime. On comprend que grâce aux placements en foyer et en famille d’accueil, il a pu s’extraire d’un milieu qui le condamnait à une marginalité certaine. Mais ce n’est pas pour autant qu’il cloue au pilori ces oncles n’ayant pas changé d’un iota leur mode de vie depuis la mort de son père. Tout juste constate-t-il lorsqu’il retourne les voir : « Je ne suis plus l’un d’eux mais je voudrais encore l’être, pour montrer ma loyauté, ou mon amour, qu’importe le nom qu’on donne à ces sentiments. »

Je m’attendais à un roman franchement drôle, mais ce n’est pas du tout le cas. Certes, les premiers épisodes relatés font sourire et relèvent de la chronique d’enfance à la Cavanna des Ritals ou à la John Fante de Bandini. Mais par la suite, le ton devient beaucoup plus amer, notamment les passages où le Dimitri adulte s‘exprime. La négation de sa condition de père est d’une violence inouïe alors que les derniers moments qu’il passe avec sa grand-mère sont d’une insondable tristesse. Loin d’être une simple pochade, La Mertidude des choses est une réflexion assez profonde sur l’évolution d’un homme étant parvenu à s’extraire de son milieu sans pour autant y avoir gagné un équilibre définitif.

La Merditude des choses, de Dimitri Verhulst, Éditions Denoël, 2011. 238 pages. 18,00 euros.

L’info en plus : La Merditude des choses a été adapté au cinéma par Félix Van Groeningen et a remporté le prix Art & Essai au festival de Cannes 2009.

mercredi 23 mars 2011

WEST, cycle 1 : 1901

La première victime s’appelait William Burns, gouverneur adjoint de l’état de New York. Retrouvé pendu dans son salon. Le second était le procureur Edward Goldsmith. Condamné pour détournement de fonds publics, il s’est défoncé le crâne contre les murs de sa cellule. Puis ce fut au tour de George Coolidge, professeur de philosophie à Harvard. Il s’est immolé par le feu. Enfin, le magnat de l’armement Harvey Dawson, après avoir tué sa femme d’un coup de fusil, a retourné l’arme contre lui. Ces hommes ne se connaissaient pas et aucun n’était destiné à commettre de tels actes. Seul point commun, un symbole aperçu sur chaque cadavre qui a disparu une fois le corps arrivé à la morgue.

Pour résoudre ces morts mystérieuses, le gouvernement fait appel à la Weird Enforcement Special Team, une équipe de choc dont les membres ont chacun une spécialité bien particulière (tueur à gage, tireur d’élite, psychiatre, exorciste...). Très vite, la WEST découvre que ces suicides touchant les personnalités les plus influentes de la société américaine sont téléguidés par un personnage diabolique qui menace dorénavant le président de la république en personne...

Théorie du complot, western, surnaturel... La confusion des genres n’est pas loin, mais c’est ce qui fait tout le sel de cette série originale et percutante. Un conseil tout de même avant de vous lancer : installer vous confortablement, sans pollution sonore à proximité et en étant certain que votre lecture ne sera pas troublée par quelque perturbation que ce soit. Beaucoup de texte, beaucoup de cases, beaucoup de personnages et quelques problèmes de différenciation : le scénario de ce premier cycle demande de la concentration si l’on ne veut pas perdre le fil. Les auteurs ont d’ailleurs reconnu que l’histoire des deux premiers albums était touffue et compliquée et qu’il aurait été préférable qu’elle s’étire sur trois tomes. Il n’empêche. Une fois que tous les protagonistes ont été clairement identifiés, ont arrive à suivre les événements sans trop de difficulté.

Mêler du fantastique dans les codes du western, voila qu’elle était l’intention de départ. Une toile de fond ésotérique sur laquelle viennent se fixer des éléments touchant à la psychiatrie ou au paranormal pour, au final, donner une explication rationnelle. Mais attention, cette explication ne doit pas être complètement satisfaisante afin de laisser une part de doute.

Niveau dessin, c’est du tout bon. Christian Rossi campe à merveille l’Amérique du début du vingtième siècle. Les couleurs, où le ton bistre domine, rappellent les westerns de John Wayne. Rossi conçoit son récit comme un opéra : ouverture, mouvement d’ensemble, passages plus intimes... Son découpage est une leçon pour tous les dessinateurs voulant se lancer un jour dans le style réaliste.

WEST est une série à grand spectacle qui vaut le détour. Un divertissement bourré d’action mettant en scène des enquêteurs de l’étrange dans une Amérique en pleine construction, on ne trouve pas cela tous les jours.

WEST, cycle 1 : 1901, de Dorison, Nury et Rossi, Dargaud, 2011. 2 volumes de 58 pages. 13,95 euros.


L’info en plus : Dargaud profite de la sortie du 6ème tome pour rééditer le premier cycle dans un fourreau contenant les deux albums au prix de 13.95 € au lieu de 28,90 €. Une belle occasion de découvrir la série dans une présentation classieuse et à moindre coût.



Le challenge Palsèche de Mo'

lundi 21 mars 2011

Trois hommes, deux chiens et une langouste

Mitch, Doug et Kevin. Trois garçons poissards comme c’est pas permis. Le premier s’est fait virer de la grande surface dans laquelle il venait de trouver une place. Le second, cuistot, a trouvé un matin la porte de son restaurant fermé, le patron s’étant fait la malle avec la caisse. Quant, au troisième, à peine sorti de prison pour avoir cultivé de l’herbe dans sa cave, il vivote en promenant des chiens pour de riches particuliers. Difficile de s’en sortir dans ce petit bled de Pennsylvanie sans tremper dans quelques magouilles. Les trois amis vont d’abord voler une télé écran plat dans l’ancien magasin de Mitch. Ensuite, l’objectif sera de s’emparer d’une Ferrari pour un commanditaire prêt à les payer grassement. L’opération va être un fiasco total. Mais les graines de délinquants n’abdiquent pas aussi facilement. Et si, finalement, la chance finissait par sourire…

Iain Levison relate avec délectation et bonhomie les aventures improbables de ses hilarants pathétiques losers. Des gamins oisifs, fumeurs de shit invétérés mais aussi complètement paumés face à la crise économique qui frappe leur pays de plein fouet et ne leur laisse que très peu de possibilités d’avenir. S’ils se lancent dans des coups foireux, c’est bien parce qu’ils ont besoin d’argent pour vivre. Mitch s’adressant à Doug : « Moi, je me tracasse tout le temps. Pour les putains de factures, pour le loyer, parce que je peux rien me permettre. Je peux aller nulle part, je peux rien faire. Merde, pas même ce que les gens font dans les pubs pendant les matchs de foot. Faire du VTT, voyager, aller à la plage, au concert, en vacances. C’est comme si il y avait cet immense univers là-dehors, plein de tout ça, et nous, on n’en fera jamais partie. On peut même pas y goûter un peu, tu comprends ? ».

Un roman furieusement drôle, sans cynisme ni méchanceté. Les dialogues sont ciselés et quelques scènes ne s’oublieront pas de sitôt. Bref, si vous aimez Donald Westlake et le cinéma des frère Coen, jetez-vous sans tarder sur les pérégrinations de ces Pieds Nickelés modernes, vous ne devriez pas être déçus.

Trois hommes, deux chiens et une langouste, de Iain Levison, Éditions Liana Levi, collection Piccolo, 2011. 268 pages. 10,00 euros.

L’info en plus : Le tout nouveau roman de Iain Levison vient de sortir et il s’intitule Arrêtez-moi là. L’histoire d’un chauffeur de taxi embarqué malgré lui dans un implacable engrenage judiciaire auquel il ne comprend strictement rien.

samedi 19 mars 2011

Concours Vous avez dit Girly : les résultats



Le concours s’est terminé hier soir et les 3 gagnants sont connus.

Il y a eu 45 participants et 44 ont correctement répondu. Les comptes sont vite faits : 44 pour 4 BD, vous aviez une chance sur onze de gagner !

Afin de réaliser le tirage au sort le plus neutre et le plus équitable possible, j’ai comme d'habitude utilisé le logiciel The Hat. Ci-dessous la liste des participants. Je réalise le tirage en une seule fois et je capture les écrans à chaque fois qu'un nom s'ajoute à la liste.

La liste complète des participants


Avant de donner le verdict, voici d’abord les bonnes réponses aux 3 questions :

Quel est le nom de famille de la petite Sara ?

a) Oleson
b) Neige
c) Crewe (je précise que contrairement à ce que certains m'ont fait remarqué, il n'y a pas de faute dans l'othographe du nom. Dans la BD, Sara s'appelle Crewe avec un "e" à la fin)


Comment s'appelle l’amoureux de Karine dans Les Nombrils ?

a) John John
b) Dan
c) Murphy


Ce chat roux a pour nom…

a) Orange
b) Clémentine
c) Pamplemousse

Et maintenant, roulement de tambour… Les quatre gagnants sont :






Comme c'est Valdeleur qui est sortie la première du chapeau, elle va pouvoir choisir sa BD parmi les 4 titres proposés. Une fois qu'elle m'aura fait connaître son choix, je contacterai  Elodesings pour lui dire quels sont les 3 titres restant puis Virginie D qui n'aura plus le choix qu'entre deux titres. Chantal E se verra attribuer la dernière BD restante. J'espère que c'est clair pour tout le monde, mais ça ne devrait poser aucun problème.

Comme d'habitude, un grand bravo aux gagnants, un grand merci à tous les participants et rendez-vous au mois de mars pour un nouveau concours !

vendredi 18 mars 2011

Félicien Moutarde, tome 2 : Deuxième fois qui pique

Enfin, Félicien est de retour ! Près d’un an après sa naissance mouvementée, il revient, toujours aussi irrésistible. Comment ça vous ne connaissez pas Félicien Moutarde ? Pourtant, c’est un phénomène qui gagne à être connu. Pas encore né, il était déjà aigri, certain d’hériter de tous les défauts de la terre à cause de ses parents n’ayant strictement aucune qualité.

Après avoir voulu assassiné Bambi et être tombé amoureux au jardin d’enfants, le garnement est persuadé que sa dulcinée le déteste. C’est sans doute parce qu’il est le plus vilain de tous les enfants de la ville. Il ne voit qu’un moyen pour remédier à la situation : kidnapper sa mère, demander une rançon à son père et avec les sous se payer une opération de chirurgie esthétique. Mais difficile de mettre en œuvre un tel plan quand on n’a pas encore deux ans ! D’ailleurs, plus son anniversaire approche et plus Félicien a le cafard. Il va même se payer une petite régression en faisant caca dans son slip du vendredi...

Vous l’aurez compris, avec les aventures de leur moutard psychotique et désabusé, Fabrice Melquiot et Ronan Badel ne font pas dans la dentelle. Atypiques, irrévérencieuses, politiquement incorrectes, les aventures de Félicien détonnent dans le milieu plutôt policé de la littérature jeunesse. C’est bien simple, pour moi, ce gamin est un anti Petit Nicolas ou, si on cherche une référence plus récente, un Pico Bogue trash. Après, il n’est pas certain que les enfants comprennent toutes les réflexions corrosives du bambin et apprécient son attitude borderline (j’ai essayé de le faire lire à ma fille de 8 ans et elle n’a pas aimé du tout). Finalement, peut-être que cette série, sous ses airs faussement enfantins, est davantage destinée aux plus grands.

Voila en tout cas un ouvrage inclassable, entre album et roman graphique, où le trait nerveux des illustrations s’accorde parfaitement avec l’acidité et la drôlerie du texte. Personnellement, j’adore. Mais j’ai constaté en le faisant lire à d’autres adultes que tout le monde ne partage pas mon opinion, loin de là. Alors si vous avez l’occasion de le découvrir, n’hésitez pas à passer par ici pour me donner votre avis, j’aimerais beaucoup savoir ce que vous en pensez.

Félicien Moutarde, tome 2 : Deuxième fois qui pique, de Fabrice Melquiot et Ronan Badel, Éditions L’élan Vert, 2011. 78 pages. 13 euros. A partir de 9 ans.



L'info en plus : Pour conclure, quelques morceaux choisis afin de vous mettre dans le ton :

"On roule vers Genève dans la vieille voiture de mon père Michel. Elle est toute pourrie. C’est un monospace : à l’intérieur, y a de la place pour une seule personne. Nous, on est trois, serrés comme des merlans dans une boîte de sardines."

"[Dans la voiture] Maman mange des chips et se coupe les ongles des pieds en même temps. Des fois, elle confond."

"[Toujours dans la voiture] Mon père n’a aucun sens des réalités. Pour penser à autre chose, je jette mes crottes de nez dans les cheveux de Maman. Ça lui servira de barrette, c’est bien pratique."

"J’ai tous les défauts du monde sauf que, peut-être, je suis génial. Ça me consolerait d’avoir le génie comme seul qualité."

mercredi 16 mars 2011

Sous l'eau, l'obscurité

A la fin des années 80, Min-Sun, huit ans, est une petite coréenne comme les autres. Dans un pays en plein expansion économique, elle doit, comme sa grande sœur Min-Jin, devenir une battante. Poussées par leur mère, les deux enfants enchaînent les cours du soir et les séances de soutien scolaire pendant les vacances. Au programme, mathématiques, anglais, piano et surtout natation. Min-Sun déteste la piscine, au contraire de Min-Jin qui est la meilleure nageuse du quartier. Étouffée par cette éducation à la dure, la petite fille subit sans broncher l’autorité maternelle, l’agressivité des professeurs et l’étrange amitié de certaines copines. Une jeunesse tout sauf heureuse, loin s’en faut.

Yoon-sun Park sonne une charge implacable contre une société coréenne où la rigidité de l’éducation défendue par certains parents peut être vécue comme un véritable traumatisme. Le personnage de la mère est d’une froideur effrayante. Elle ne dispense à ses enfants aucun signe d’affection. Son seul souci est de préparer ses filles à affronter un monde du travail ultra-concurrentiel où seuls les plus forts survivent. Une intention certes louable mais qui, à l’évidence, trouble grandement sa cadette.

Je ne peux m’empêcher de comparer ce titre avec la série Marzi de Marzena Sowa et Sylvain Savoia. Cette série retrace la jeunesse d’une petite fille dans la Pologne des années 80 qui s’interroge sur l’évolution de son pays et dont la mère est autoritaire et très peu affectueuse. La différence, c’est que Marzi est une enfant curieuse, vive, qui s’extasie, s’indigne ou se révolte. Elle exprime clairement ses sentiments, ce qui la rend touchante. Min-sun ne fait que subir une situation qui l’affecte mais qu’au final elle trouve normale. Son quotidien est, comme celui de Marzi, terriblement difficile. Cependant, on ne ressent aucune empathie à son égard. Sans doute est-ce dû à une certaine pudeur, une volonté de ne pas afficher ses états d’âme. Le problème, c’est que ce manque de sensibilité ne m’a pas permis de rentrer véritablement dans le récit. J’ai parcouru les événements sans jamais me sentir vraiment concerné.

Il faut dire aussi que le dessin ne m’a pas du tout inspiré. Le trait est souple mais sans âme. Les personnages ressemblent à des poupées de chiffon aux membres élastiques. La bichromie de bleu et de gris renforce le coté froid de l’ensemble et les décors manquent de relief et de détails. Bref, voila un ouvrage qui m’a laissé de marbre.

Sous l’eau, l’obscurité de Yoon-Sun Park, Sarbacane, 2011. 160 pages. 19.50 euros.

L’info en plus : Ayant conscience d’être sans doute passé à coté de l’essentiel (j’ai lu plusieurs critiques très positives dans des revues spécialisées), je propose de faire ce titre une BD voyageuse. Je pense en effet qu’elle mérite d’autres avis car j’ai l’impression de ne pas l’avoir appréciée à sa juste valeur. Si vous êtes intéressé(e), contactez-moi : dunebergealautre@gmail.com, je vous la ferais parvenir dans les plus brefs délais.





lundi 14 mars 2011

Pfff d’Hélène Sturm

Ils sont huit, cinq garçons et trois filles. Tous habitent dans le même quartier. Certains vivent en couple, sont voisins, se croisent au café, s’observent dans la rue. Ils se cherchent, se tournent autour. Figure centrale de cette petite bande, Odile est lectrice dans une maison d’édition. Cette célibataire tout ce qu’il y a de plus banal décide un jour de se prendre en main. Elle va faire tomber dans son escarcelle Beaufils, Legendre et Walter et rendre jalouse Anna et Yolande, deux tenancières de troquet, sous le regard tendre de Jaboulier et Chapoutet, les homos qui vivent dans l’appartement au-dessus du sien.

Tout ce beau petit monde va se lier d’amitié, partager des moments festifs et d’autres beaucoup moins. Les couples vont se former et le temps va passer, impitoyable…

Pfff est un premier roman ambitieux. De prime abord, on a l’impression que les paragraphes s’enchaînent sans véritable fil conducteur. On passe d’un personnage à l’autre, on saute du coq à l’âne, un peu comme si on écoutait une énorme impro de jazz sans savoir vraiment où le musicien veut nous emmener. Mais sous ces airs nonchalants se cache un récit à l’évidence très structuré. L’évolution des relations entre les acteurs de cette tragi-comédie est parfaitement construite.

L’écriture est elle aussi faussement relâchée. Les phrases sons souvent longues, pleines de virgules semblant vouloir retenir un flot incontrôlable. Langage soutenu et vulgarité s’entrechoquent sans crier gare. L’humour est aussi très présent et on sourit souvent. Mais un peu plus de simplicité aurait été bienvenue et aurait débarrassé le texte de quelques scories inutiles. Et puis cette coquetterie consistant à changer les noms de certains personnages au cours du roman m’a paru sans intérêt et m’a beaucoup agacé.

Il faut dire que j’ai eu un peu de mal à suivre. L’intérêt justement, c’est ce qui m’a le plus manqué. Déjà, j’ai péniblement terminé le premier chapitre (90 pages) ne m’y retrouvant que difficilement entre tous ces noms et prénoms auxquels rien d’intéressant n’arrive. Par la suite, ayant bien identifié les différents membres du groupe, la lecture est devenue un peu plus agréable. Il faut dire aussi qu’il se passait enfin quelque chose de clairement compréhensible (Walter et Odile au Portugal, la réconciliation de Jaboulier et Chapoutet…). Il n’empêche que je n’ai jamais vraiment trouvé mon compte dans ce texte. Beaucoup d’ennui et trop peu de satisfaction, voila ce que je retiendrais. Je dois quand même reconnaître que pour un premier roman, Hélène Sturm montre de belles dispositions, c’est juste que personnellement, je suis passé complètement à coté. D’ailleurs le titre de cet ouvrage, c’est un peu le soupir de soulagement que j’ai poussé en tournant la dernière page, c’est dire !

Pfff d’Hélène Sturm, Éditions Joëlle Losfeld, 2011. 254 pages. 18 euros.

Un ouvrage lu dans le cadre d’un partenariat entre Blog-o-book et les éditions Joëlle Losfeld. Merci à eux pour cette découverte !

vendredi 11 mars 2011

Cousa

Pour son premier jour de vacances, Cousa s’ennuie. Les garçons ne veulent pas jouer avec elle, le chat reste perché sur l’horloge et grand-mère fait la sieste. La petite fille finit donc par sortir dans le jardin. Elle trouve un passage sous la haie, s’y engouffre et se retrouve au bord de la rivière. Les pieds dans l’eau, elle voit les buissons s’agiter juste à coté d’elle. C’est alors que surgit…

Voila un album charmant, épuré, minimaliste. Une toute petite phrase sous chaque énorme illustration, c’est parfois plus parlant qu’un long discours. La lecture invite à l’observation, l’explication, la discussion. Cinq minutes à peine, c’est le temps qu’il vous faudra pour parcourir toutes les pages. L’enfant ouvrira des grands yeux, son attention n’aura pas le temps de faiblir avant le dénouement. Et il se souviendra sans doute longtemps de cette première journée de vacances extraordinaire vécue par la petite Cousa.

Adrien Albert a trouvé le ton juste pour parler, tout en finesse et sans avoir l’air d’y toucher, de solitude et d’indépendance. Un bien bel album pour une lecture complice avec les bouts de chou dès trois ans.

Cousa d’Adrien Albert, L’école des loisirs, 2011. 24 pages. 12,00 euros. A partir de 3 ans.

jeudi 10 mars 2011

Concours Vous avez dit Girly ? - 4 BD à gagner

Ce mois-ci, je vous propose de gagner le premier tome d’une série jeunesse Girly. Girly vous avez dit ? Ben oui, il existe depuis quelques années des BD créées spécifiquement pour les filles. Le Magazine en ligne gratuit Zoo y a consacré un excellent dossier dans son numéro du mois de novembre 2010 (http://zoo-bd.typepad.com/zoo-le-mag/magazines/ZOO-28-BD.pdf). Je me permets de reprendre ici un extrait de l’édito de ce numéro spécial filles qui résume parfaitement ma pensée concernant de cette « mode » : « N’en déplaise à certains qui trouveront ce sujet réducteur, voire sexiste, il existe bien des bandes dessinées plus particulièrement destinées aux femmes, que ces BD aient été conçues à dessein ou pas. Par ailleurs, certaines font un malheur auprès du lectorat masculin également. Cela valait bien que l’on se penche un peu dessus. »

Voila donc en ce joli mois de mars la possibilité de faire quelques découvertes autour de titres jeunesse Girly. Il y a en tout quatre albums à gagner : Princesse Sara T1 (j’en parle ici) ; Les nombrils tome 1 (j’en parle ici) ; Chats T2 (j’en parle ici) ; Sybil la fée cartable T1 (j’en parle ici).

Le premier nom qui sortira du chapeau choisira le titre qu’il préfère. Le second devra piocher dans les trois titres restant, le troisième n’aura plus que deux choix possibles et le dernier n’aura plus de choix du tout !

Comme d'habitude, 3 petites questions, 3 petites réponses et le tour est joué.

Quel est le nom de famille de la petite Sara ?

a) Oleson
b) Neige
c) Crewe


Comment s'appelle l’amoureux de Karine dans Les Nombrils ?

a) John John
b) Dan
c) Murphy


Ce chat roux a pour nom…

a) Orange
b) Clémentine
c) Pamplemousse



Vous avez jusqu'au jeudi 17 mars 2011 à minuit pour participer. Les réponses sont à envoyer à l'adresse suivante : dunebergealautre@gmail.com

Les belges, les suisses, les québécois, les habitants des Dom/Tom et tous les membres de l'union européenne peuvent participer.

 Bonne chance et rendez-vous le 18 mars pour les résultats.

mercredi 9 mars 2011

Achab T1 à 4

Sur l’île de Nantucket (Massachusetts), au début du 19ème siècle, le jeune Achab n’a qu’un rêve : s’embarquer sur un baleinier. Dernier né d’une famille de marins, il a perdu son père en mer, tué par un monstrueux cachalot albinos connu sous le nom de Moby Dick. Lors de l’hiver 1806, il apprend au retour sur l’île du navire La Sarah que son frère Caleb a lui aussi péri au cours d’une chasse lorsque sa baleinière a été renversée par le même Moby Dick. Persuadé que le cétacé en veut directement à sa famille, Achab n’aura dès lors de cesse de pourchasser le monstre blanc sur toutes les mers du globe...

Patrick Mallet imagine la jeunesse du capitaine Achab créé par Herman Melville dans son roman. Pourquoi cette quête insensée ? Quelles sont les causes de sa haine à l’égard de Moby Dick ? Comment le jeune ado un brin idéaliste va sombrer au fil des ans dans la folie et entraîner dans sa chute la plupart de ses proches ? En quatre albums, l’auteur retrace 45 ans de la vie d’Achab. Le dernier volume se termine juste avant que ne commence le texte de Melville. Un trait d’union parfait en quelque sorte.

Le projet de Mallet consiste à s’interroger sur les véritables motivations de son héros. Celui-ci veut-il vraiment tuer le Léviathan qui donne un sens à son existence ? C’est finalement en détricotant le roman que l’auteur parvient à construire un univers cohérent. Il importe aussi de signaler ses réels talents de conteur. Il faut lire les quatre tomes à la suite pour déceler la force du récit et la précision de sa construction.

Le dessin, parfois maladroit lors des deux premiers volumes (les visages et les attitudes sont souvent un peu trop figés), s’améliore nettement par la suite. Surtout qu’il n’y a rien de plus difficile à reproduire que les scènes de chasse au cachalot dans une mer démontée.

Loin des adaptions de textes littéraires en BD qui pullulent actuellement et, je l’avoue, me gonflent un peu, Patrick Mallet propose une fascinante réappropriation de l’œuvre. L’ambition de son projet n’a d’égal que sa qualité et cette série vraiment tout public (à partir de 10 ans) mérite d’avoir sa place dans les bibliothèques et les CDI dignes de ce nom.

PS : Rien à voir mais le concours du mois de mars sera en ligne ici même demain. Toujours trois petites questions et toujours des BD à gagner. Revenez jeter un oeil si vous êtes intéressé(e), ça ne vous coutera rien du tout !
Achab T1 : Nantucket de Patrick Mallet, Treize étrange, 2007. 56 pages. 12.50 euros.
Achab T2 : Premières campagnes de Patrick Mallet, Treize étrange, 2009. 56 pages. 13 euros.
Achab T3 : Les trois doublons de Patrick Mallet, Treize étrange, 2010. 56 pages. 13 euros.
Achab T4 : La jambe d’ivoire de Patrick Mallet, Treize étrange, 2011. 56 pages. 13.50 euros.


L’info en plus : Ceux qui ont aimé Achab pourront trouver chez le même éditeur une autre série se déroulant dans le monde des chasseurs de cachalots. Avec Esteban, Mathieu Bonhomme propose de découvrir la vie des derniers baleiniers à voile chiliens au début du 20ème siècle à travers l’histoire d’un jeune indien qui embarque pour la première fois sur le pont d’un bateau. Une excellente série jeunesse, trop méconnue, dont le quatrième tome est actuellement en cours de prépublication dans le magazine Spirou.





lundi 7 mars 2011

La gifle

Melbourne, aujourd’hui. Un barbecue comme on en fait tous les week-end. Il y a là quelques collègues, les cousins, les parents, les amis. Des enfants aussi, qui s’amusent et se chamaillent. Parmi eux, Hugo, quatre ans, est du genre capricieux. Lors d’une partie de cricket improvisée, le gamin ne supporte pas de se faire éliminer et il entre dans une colère noire. Il s’apprête à frapper un des joueurs avec sa batte lorsqu’Harry l’empoigne et lui colle une gifle magistrale. Problème, Harry n’est pas le père d’Hugo. Il est intervenu parce qu’il a senti son propre fils en danger face à un mioche incontrôlable. Son geste va provoquer une secousse sismique chez tous les participants du barbecue...

Les chapitres ont pour titre le prénom d’une personne ayant assisté à la scène. Le narrateur s’attarde sur ces caractères très différents les uns des autres et est totalement omniscient. Il révèle l’intimité, les fêlures, les points de vue, les petits secrets...

La gifle est un roman très cru, dérangeant. La personnalité des principaux acteurs de ce barbecue qui a mal tourné est grattée jusqu’à l’os. Et chacun, sous la surface lisse qu’il expose en société, cache en réalité une nature complexe et plus ou moins torturée. Les faux semblants tombent les uns après les autres et ce n’est pas beau à voir. Le lecteur, quelque part, devient voyeur. Il s’immisce avec horreur ou délectation (selon les goûts) dans ses existences régies par l’argent, l’ambition, la religion, l’alcool, le sexe, le racisme ordinaire... Entre malaise et fascination, impossible de décrocher, même si je comprends sans problème que l’on puisse ne pas aller au bout d’un tel texte.

L’écriture est simple et directe. Pas de chichi, pas d’envolées lyriques. C’est âpre, rugueux et sans langue de bois. Là encore, on aime ou pas mais difficile de rester indifférent.

Ceux qui passent ici régulièrement savent que j’apprécie ce genre de littérature qui vous saute à la gorge. Quelque part, je peux comparer La gifle au Démon ou à Last Exit to Brooklyn de Selby. Des textes qui, à leur époque, ont choqués ou emballés les lecteurs.

Trop facile de dire que La gifle est une claque alors je me contenterais de préciser que ce roman est mon premier gros coup de cœur de l’année. Pour autant, je ne le recommanderais à personne. Trouvez-le à la bibliothèque où faites-le vous prêter si vous n’êtes pas sûr que ça vous plaise parce que franchement, vous risquez d’être secoués, et pas forcément dans le bon sens du terme.

La gifle, de Christos Tsiolkas, Belfond, 2011. 468 pages. 22 euros.

L’info en plus : Relayé par un accueil critique très favorable dans de nombreux médias (voir ci-dessous), La gifle connaît un succès public plutôt inespéré (27ème meilleure vente de romans en France dans la semaine 21 au 27 février). Souhaitons lui de suivre le même chemin que Sukkwan Island (un roman de l’américain David Vann sorti en janvier 2010, devenu contre toute attente un best seller et récompensé par le Prix Médicis du roman étranger).

La presse dithyrambique !

jeudi 3 mars 2011

Ne ratez pas l'immanquable !

Le lancement d’un nouveau magazine de prépublications de BD est un événement. Depuis plusieurs années, le paysage de la presse BD est en effet dévasté : il reste Spirou pour les enfants, Lanfeust Mag pour les fans de Fantasy et Fluide Glacial pour l’humour. Problème, non seulement ces magazines sont très ciblés mais en plus ils appartiennent à des éditeurs (Dupuis pour le premier, soleil pour le second et Casterman pour le dernier). Avec L’Immanquable, Frédéric Bosser, le créateur de la revue DBD, tente un pari osé : proposer des prépublications d’albums en avant première et en intégralité sur trois ou quatre numéros. Surtout, L’Immanquable n’étant lié à aucun éditeur, les séries proposées seront puisés dans des catalogues différents, ce qui permettra de varier les genres et les thèmes. A priori ne seront publiés que des premiers tomes ou des séries dont les épisodes peuvent se lire indépendamment.

Question forme, L’immanquable va au plus simple : un dossier thématique, une courte interview d’auteur avant chaque titre publié et pour le reste, rien que des planches de BD. En gros, un tiers de rédactionnel pour deux tiers de prépublications.

L’air de rien, si on fait les comptes, l’amateur de BD un peu curieux a la possibilité de découvrir des nouveautés toutes très différentes à moindre frais. Chaque numéro coute 6,50 € et sept albums auront été prépubliés entièrement dès le 3ème numéro. 19,50 € pour lire autant de BD, difficile de faire mieux !

Personnellement, les deux premiers numéros sont dans ma PAL. Dès le 20 mars, je pourrais me lancer dans la lecture de sept nouveaux titres à paraître ou à peine parus en libraire. Peut-être de nouvelles découvertes à partager dans la BD du mercredi de Mango ?

Allez, pour conclure, un petit tour d’horizon des prépublications présentes dans le premier numéro :



Philip et Francis T2, par Veys et Barral (Dargaud)
Pavillon noir T1, par Corbeyran et Bingono (Soleil)
Les boucliers de Mars T1, par Chillet et Gine (Glénat)
Magasin sexuel T1, par Turf (Delcourt)
Un sac de billes T1, par Kris et Bailly (Futuropolis)
La légende d'Horacio d'Alba T1, par Le Gris et Siner (12Bis)
Les innocents coupables T1, par Galandon et Anlor (Bamboo / Grand Angle)

L’immanquable. Publication mensuelle. 144 pages. 6,50 euros.