vendredi 25 novembre 2016

Tag bilan de la rentrée littéraire



Sympa ce tag imaginé par Lily et repéré chez Cuné. Un petit bilan simple et rapide de la rentrée, j’ai eu envie de m’y coller. J’ai rajouté les deux dernières catégories et j’ai mis deux titres dans une seule et même catégorie parce qu’il me semblait impossible de les départager. Si l’envie de vous plier à l’exercice vous tente, n’hésitez pas à reprendre le flambeau !

Allez zou, c’est parti !
(cliquez sur les titres si vous voulez découvrir mon avis complet sur chaque livre - enfin, ceux que j'ai lus)

Un livre auquel tu décernerais un prix : Anatomie d'un soldat d'Harry Parker


Un incroyable premier roman qui aurait mérité de figurer au palmarès d'un prix cet automne tant il est magistralement mené de bout en bout. Mon plus gros coup de cœur de cette rentrée jusqu'alors.


Un livre différent de tes lectures habituelles : Intimidation d'Harlan Coben


Tellement pas mon genre ! Mais j'avais besoin de comprendre pourquoi ce gars parvient à perturber ma vie sexuelle...



Un livre qui correspond parfaitement à tes attentes : Watership Down de Richard Adams


Je savais que ces petits lapins allaient m'embarquer totalement dans leur quête d'une terre promise. Mission accomplie haut la main !


Un livre qui ne correspond pas à l’idée que tu t’en faisais : Continuer de Laurent Mauvignier


Grosse déception, trop de clichés et une fin archi "convenue". Je m'attendais à tellement, tellement mieux... 


Un livre inoubliable : Le garçon de Marcus Malte


Bon, je n'ai pas encore fait de billet alors que je l'ai lu début août mais ce roman est pour moi le chef d'oeuvre de Marcus Malte. Vraiment inoubliable ce garçon !


Un livre qui t’a fait rire : Je vais m'y mettre de Florent Oiseau


Un premier roman hilarant et un vrai livre de branleur. Pile ce que j'aime en fait.


Un livre qui t’a ému : Un paquebot dans les arbres de Valentine Goby et Nos âmes la nuit de Kent Haruf


Deux livres m'ont ému dans cette rentrée. Le premier parce que Valentine Goby m'a, comme d'habitude, touché en plein cœur. Le second parce que Kent Haruf a su traiter un sujet au demeurant éminemment cucul avec une finesse et une intelligence exceptionnelles. Accessoirement, il est le premier à me prouver que les bons sentiments peuvent faire de la bonne littérature. Et pour le coup, ce n'est pas rien !


Un livre dont tu aimes beaucoup le titre : Felix Funicello et le miracle des nichons de Wally Lamb


Ma lecture du moment. Il y a le mot "nichons" dans le titre alors forcément, j'aime beaucoup^^


Un livre qui t’a donné envie de lire les autres œuvres de son auteur : Nos âmes la nuit de Kent Haruf


Kent Haruf restera comme la révélation de cette rentrée pour moi. Et je compte bien lire tous ses romans, à commencer par Le chant des plaines, qui m'a été chaudement recommandé à plusieurs reprises.


Un livre que tu ne pensais pas forcément lire : De terre et de mer de Sophie Van der Linden




Un livre choisi uniquement pour sa couverture. Je suis tombé dessus en flânant dans une librairie, je n'en avais jamais entendu parler. Une belle découverte.


Un livre très étonnant : Mauvais coûts de Jacky Schwartzmann


Celui-là restera pour moi l'OLNI de cette rentrée. Cynique, amoral, vulgaire et férocement drôle. Un bijou d'humour noir.


Un livre pas encore lu dont tu attends monts et merveilles : Parmi les loups et les bandits d'Atticus Lish


Je fonde de très gros espoirs sur ce roman, je l'imagine même comme mon futur plus grand coup de cœur de cette rentrée, c'est dire. Peut-être une désillusion à venir... ou une divine confirmation.


Un livre que tu aurais mieux fait de ne pas lire : Le sérieux bienveillant des platanes de Christian Laborde





Le premier livre que j'ai lu en cette rentrée restera le plus gros flop. C'est toujours comme ça depuis quelques années, mon premier livre de la rentrée est toujours une purge. Si quelqu'un peut m'expliquer le phénomène, je suis preneur. 






jeudi 24 novembre 2016

Mauvais coûts - Jacky Schwartzmann

« Je suis acheteur chez Arema. Je passe mon temps à gratter des pourcentages sur des fournisseurs souvent pris à la gorge qui ne peuvent pas lutter contre un grand groupe et qui s’allongent, toujours, systématiquement. C’en est presque fatigant. Je suis comme un putain de chat qui s’amuse avec une souris avant de la zigouiller. Je passe mon temps à rencontrer des commerciaux qui portent des costumes à six cents euros achetés sur Zalando et qui roulent en C4 de fonction. Ils arrivent avec le sourire mielleux d’un vendeur de parfum tunisien et ils repartent avec six pour cent dans le fion. C’est trop facile. »

Gaby je t’aime. Pas parce que tu es un fieffé salopard, un enfoiré de première même. Encore moins parce qu’on se ressemble, en fait toi et moi on se ressemble autant qu’une chaise et une tasse à café. Je crois que je t’aime parce qu’à travers toi j’ai l’impression de regarder le monde comme il est, les gens comme ils sont. Sans filtre. Forcément c’est pas beau à voir. Mais je t’aime parce que tu n’en rajoutes pas, tu n’en fais pas des caisses et surtout tu ne te mets pas au-dessus de la mêlée. Ok, les syndicalistes et les patrons sont des cons, ta N+1 est une conne, les rugbymen sont des cons, les bobos sont des cons, ton ex est une conne, on est tous des cons, c’est une évidence et tu n’oublies pas de t’inclure dans le lot. Du coup tu es dans l’autodérision, tu frôles le néant niveau estime de soi et tu n’as aucun amour propre. Et là j’avoue que, sur ces points précis, on se ressemble pas mal.

Je t’aime aussi parce que quand tu tombes dans un plan à trois, ça vire minable et la chair devient triste, parce que la pauvre fille que tu compares à une otarie, tu te la tapes sans remords ni regrets, parce que tes problèmes d’aérophagie te mettent dans l’embarras au pire moment, parce que quand ton père meurt, tu ne la joues pas drama queen, parce que la seule fois où tu baisses la garde, où tu fends l’armure et tu mets ton cœur à nu, tu prends le taquet du siècle. Je t’aime parce que t’es athée, célibataire endurci, misanthrope, parce que tu te fous de tout, tu picoles, tu écris comme je parle, tu donnes dans le vulgaire, mais du vulgaire qui s’assume sans forcer le trait, sans artifices inutiles et gratuits, sans sombrer dans l’outrance.

Finalement je crois que je t’aime parce que je te comprends et parce que tu as tout compris. T’es un résigné lucide, tu ne dénonces pas, tu constates, et tu ne te fais pas la moindre illusion. Ta haine, tu la transformes en humour grinçant. Et puis tu es un pur produit de notre époque où l’individualisme est roi. A ce titre, j’ai adoré la façon dont ton histoire se termine. Je n’ai rien vu venir. Je me suis dit, le baiseur va finir par se faire baiser, pas possible autrement. Que va-t-il nous rester si à la fin la bien-pensance ne triomphe pas ? Et bien il nous reste un pur concentré de cynisme d’une noirceur absolue, amorale, qui se révèle paradoxalement d’une totale et incontestable limpidité.

Je conclurais en saluant l’audace (l’inconscience !) de La fosse aux ours. Que l’éditeur de Thomas Vinau et Antoine Choplin (entre autres) sorte de sa « zone de confort » et ose publier un roman aussi politiquement incorrect, aussi « invendable », aussi « détestable », je trouve cela courageux et j’admire sans réserve cette prise de risque.

Voilà. C’était ma petite déclaration d’amour de la rentrée littéraire. Pas certain pour autant de vous avoir donné envie de découvrir Gaby. Pas grave, je le garderais pour moi et rien que pour moi, mon Gaby.

Mauvais coûts de Jacky Schwartzmann. La Fosse aux ours, 2016. 198 pages. 17,00 euros.





mercredi 23 novembre 2016

Spirou : La lumière de Bornéo - Frank Pé et Zidrou

Il aura suffi d’un article trop compromettant pour une firme internationale refusé par son journal pour que Spirou donne sa démission. Au chômage, le rouquin le plus célèbre de la bande dessinée entend pouvoir souffler un peu et se consacrer à des activités « peinardes », loin de toute aventure au bout du monde. Mais c’est sans compter sur son vieil ami Noé (le dresseur de cirque apparu dans « Bravo les brothers », une histoire courte de 20 pages dessinée par Franquin en 1965), qui lui confie sa fille adolescente tout juste débarquée de Montréal. Au même moment, une galerie bruxelloise reçoit d’un peintre anonyme de somptueux tableaux dont la beauté bouleverse le monde de l’art. En plus d’une ado rebelle à gérer, Spirou va, bien malgré lui, être impliqué dans le mystère des chefs d’œuvre inconnus. Il n’en fallait évidemment pas plus pour contrarier ses projets de repos et de farniente…

Un Spirou par Zidrou, je ne pouvais pas passer à côté. Au départ, il n’était d’ailleurs pas associé au projet. Mais le dessinateur Frank Pé, après avoir essayé en vain d’élaborer le scénario tout seul, l’a appelé à l’aide. Et il a bien fait. Résultat, une tuerie graphique et une histoire riche, aux multiples entrées, qui tisse au final un imparable canevas. Les auteurs parviennent à sortir le personnage du pur divertissement pour aborder avec finesse des thèmes aussi variés que le rapport de l’homme à la nature, la filiation, l’ultra-libéralisme ou les liens trop étroits unissant les médias et leurs actionnaires. Spirou reste Spirou, positif, intègre et fonceur, mais il apparaît aussi capable de s’indigner et de défendre ses convictions avec autorité. Un Spirou engagé, quoi !

Ceux qui connaissent la merveilleuse série « Broussaille » savent à quel point il se dégage du trait de Frank Pé une poésie unique en son genre. Il alterne ici avec brio mise en scène spectaculaire et plans rapprochés avec un souci permanent du mouvement que n’aurait pas renié Franquin.

Une revisite respectueuse et moderne, drôle et ambitieuse. L’ensemble est parfaitement équilibré, sans la moindre fausse note. Magistral.

Spirou : La lumière de Bornéo de Frank Pé et Zidrou. Dupuis, 2016. 92 pages. 16,50 euros.















mardi 22 novembre 2016

Les chroniques d’Hurluberland - Olivier Ka

Il s’en passe de drôles de choses à Hurluberland. On peut y croiser des chanteuses qui font pousser des fleurs avec leurs voix, un poulet mécanique, une couturière dont les larmes sont des diamants, des chevaux minuscules, une porte au fond des bois, une échelle sans fin, un brouillard tenace, un cerf-volant géant ou encore un chêne savant. Des bizarreries qui n’étonnent personne ou presque, tant les habitants ont appris au fil du temps que, dans leur contrée, chaque jour pouvait révéler son lot de surprises inattendues.

Quel plaisir de parcourir ces chroniques d’Hurbuberland ! Plaisir d’évoluer dans un univers gentiment loufoque, plaisir de découvrir une écriture fluide et des dialogues savoureux, plaisir de rencontrer des personnages hauts en couleur aux noms improbables (Alphonse Sauçobeurre l’aubergiste, Philémon Truitansel le poissonnier, Auguste Barbefolle le Bourgmestre ou encore le roi Honoruste) que l’on retrouve parfois d’une histoire à l’autre.

Dix contes où l’apparition d’un élément perturbateur permet souvent d’ouvrir de nouveaux horizons, où les péchés d’orgueil ou d’envie aboutiront à de cuisants échecs, où la beauté va de pair avec la rareté et où les esprits encombrés d’arrière-pensées n’ont pas leur place. Des contes légers et drôles au charme désuet dont les chutes poussent à la réflexion sans jamais tomber dans la sentence moralisatrice.

Au final, le ton décalé et l’atmosphère inclassable de ce recueil aux différents niveaux de lecture offrent à chacun, petit ou grand, l’occasion de sortir des sentiers battus. Une totale réussite donc, qui fait partie des 36 ouvrages sélectionnés pour les Pépites 2016 du salon du livre de Montreuil. Une sélection totalement méritée, qu’on se le dise !

Les chroniques d’Hurluberland d’Olivier Ka. Rouergue, 2016. 96 pages. 8,00 euros. A partir de 8 ans.



Une pépite de Montreuil, logique que Noukette et moi
en fassions notre pépite jeunesse de la semaine !






dimanche 20 novembre 2016

Le garçon qui n'existait pas - Sjón

Ainsi sont nos amours
brêves et brûlantes
à nous qui sommes les enfants chéris
 de l’inconvenance

Octobre 1918. Alors que la fin de la guerre s’annonce, l’Islande craint qu’un front scandinave atteigne ses côtes. A Reykjavik, une autre menace étend son ombre. La grippe espagnole gagne chaque jour du terrain et laisse derrière elle un nombre effarant de victimes. Dans cette ambiance crépusculaire, Manni Steinn tente de garder le cap. A seize ans, le garçon, homosexuel, multiplie les aventures et monnaie ses faveurs auprès de ceux qu’ils qualifient de « clients », du marin danois de passage au mutilé de guerre en passant par quelques notables. Amoureux d’art et de cinéma, Manni l’orphelin trace son chemin alors qu’autour de lui le monde s’écroule, jusqu’au jour où, surpris en plein ébat puis accusé de dépravation, d’anormalité et d’abomination, il est contraint de partir pour l’Angleterre.

Le garçon qui n’existait pas, c’est le portrait d’un gamin rêveur, sensible et insoumis dans une ville fantôme dont il arpente les rues brumeuses la fièvre au corps et des rêves de cinéma plein la tête. Touché lui aussi par la grippe, il survivra grâce à sa constitution robuste après avoir traversé cauchemars et hallucinations. Condamné à l’exil à cause de son « vice contre nature », celui que certains voulaient « noyer comme un chien enragé » tant il fait honte à son pays y retournera dix ans plus tard, devenu majordome d’un groupe d’artistes souhaitant tourner un film avant-gardiste dans des décors volcaniques.

Un roman à la beauté étrange et à l’écriture changeante, épurée, poétique, crue (à ce titre, la scène d’ouverture est saisissante). La langue de Sjón, parolier de Björk, est à la fois âpre et délicate. Il nimbe son récit d’un voile cotonneux qu’il déchire à coups de fulgurances aussi lapidaires qu’électriques. Imparable !

Décidément, la littérature islandaise ne cessera de me surprendre, et c’est tant mieux.

Le garçon qui n'existait pas de Sjón (traduit de l'islandais par Éric Boury). Rivages, 2016. 150 pages. 16,50 euros.




samedi 19 novembre 2016

Les lectures de Charlotte (27) : Hou ! Hou ! Prince charmant ?

Rose et Joséphine sont sœurs. Et princesses. Comme toutes princesses qui se respectent, elles attendent le prince charmant. Mais à force de ne rien voir venir, elles décident d’aller le chercher elles-mêmes. Les voilà donc parties à travers la forêt. Seulement, le chemin jusqu’au prince est long et dangereux alors Rose et Joséphine vont avoir besoin de l’aide du petit lecteur pour mener leur mission à bien.

Un album dont on est le héros. A chaque fin de double page, l’enfant doit faire un choix qui influencera la suite de l’aventure. Grâce à un système d’onglets agrémentés d’un idéogramme, on accède à la page correspondant au choix. Première tentative, Charlotte emmène les princesses au bord d’un ruisseau puis jusqu’au château de l’ours. Elle décide de les faire rentrer dans le bâtiment par la fenêtre plutôt que par les souterrains. Rose et Joséphine se retrouvent dans la chambre d’un prince qu’elles réveillent d’un baiser mais le jeune homme se sauve en courant car il doit se marier et il est en retard. Tout est à refaire ! Retour à la case départ donc et nouvelle tentative qui s’avérera elle aussi infructueuse. Pas simple de trouver un prince charmant !



Franchement, c’est bluffant. Intelligent, drôle, décalé. Et surtout ludique. On peut rouvrir le livre des tas fois et ne jamais lire la même histoire. Les onglets s’utilisent de manière intuitive, le texte est rigolo et les dessins, pleins de fraîcheur, fourmillent de détails. Un album aussi original que savoureux.

Hou ! Hou ! Prince charmant ? de Sylvie Misselin et Amandine Piu. Amaterra, 2016. 44 pages. 14,90 euros. A partir de 3 ans.



vendredi 18 novembre 2016

Là où vont les fourmis - Plessix et Le Gall

Est-ce si important de savoir où vont les fourmis ?
Bien sûr, puisqu’elles vont ailleurs !
Ailleurs… et c’est là que tu voudrais être, ailleurs, n’est-ce pas ?
N’importe où sauf ici !
Pourquoi, que crois-tu qu’il y ait de plus ailleurs ?
Mais tout ! Tout ! Il le faut bien puisqu’ici il n’y a rien !

Saïd est en colère. Depuis que son grand-père l’a abandonné en plein désert en lui confiant la garde de son troupeau, le garçon navigue entre peur et ennui. Autour de lui, « il y a des cailloux, des chèvres imbéciles, des serpents cachés et des arbres rabougris, un soleil brûlant et une lune glacée ! ».  Il y a aussi Zakia la chèvre qui parle. Une biquette qui n’a pas sa langue dans sa poche et qui va devenir l’amie et la confidente de Saïd. Mais une chèvre qui parle attire les convoitises. Pour lui éviter de devenir un animal de cirque exposé sur les places publiques par l’affreux Zoubayini, Saïd entraîne Zakia dans une fuite éperdue. Sur les traces des fourmis, ils vont voguer vers de nouveaux horizons, en quête du bonheur.

Ceux qui connaissent mes goûts en matière de BD savent que Michel Plessix est mon auteur chouchou par excellence. Depuis la lecture de son adaptation du Vent dans les saules, je suis tombé amoureux de son trait fin et précis et de la virtuosité de son découpage. C’est un dessinateur qui me touche en plein cœur et me ramène vers mes plus beaux souvenirs de lectures d’enfance. Autant vous dire que j’attendais de pied ferme sa collaboration avec Frank Le Gall, autre auteur mythique s’il en est puisqu’on lui doit notamment la formidable série « Théodore Poussin ».

Un duo de rêve donc, pour un album tout en douceur et en poésie. Aventure et magie sont au programme de ce conte initiatique porté par des dialogues savoureux et un décor digne des milles-et-une nuits. C’est drôle et touchant, tendre et enchanteur. Cerise sur le gâteau, le récit met en lumière l’infinie richesse de la culture orientale, un clin d’œil bienvenue à l’heure où cette culture ne cesse d’être injustement stigmatisée. Une magnifique BD jeunesse que je recommande donc chaudement, en toute objectivité.

Là où vont les fourmis de Plessix et Le Gall. Casterman, 2016. 64 pages. 18,00 euros.

PS : l’album existe aussi dans une version de luxe en noir et blanc. Pour les amateurs de noir et blanc (comme moi) et de Michel Plessix (encore moi), la tentation est grande, bien trop grande…


Une lecture commune que j'ai l'immense plaisir de partager avec Framboise.





jeudi 17 novembre 2016

7 ans et des cadeaux : les gagnantes

C’est rien de dire que les petits mots laissés dans les commentaires du billet anniversaire m’ont fait chaud au cœur. Rester le même, continuer à échanger, partager, découvrir et faire découvrir, mon programme pour les années à venir est simple mais au moins il me ressemble. En tout cas un grand merci aux fidèles et aux visiteurs de passage sans qui cet espace aurait bien peu de raisons d’être.

Allez, ne faisons pas durer le suspense plus longtemps. J’ai mis soixante noms dans le chapeau. J’avais annoncé trois gagnants mais vu le nombre de participants, j’ai décidé de tirer au sort quatre personnes et non trois. Je me suis donc amusé à faire un tirage par jour depuis dimanche. Roulement de tambour…




La gagnante de dimanche : Laure



La gagnante de lundi : Antigone



La gagnante de mardi : Une Comète



La gagnante de mercredi : Nadine




Bravo aux gagnantes, j’attends vos adresses par mail. Pour le reste, je m’occupe de tout, vous n’aurez qu’à surveiller vos boîtes aux lettres.












mercredi 16 novembre 2016

Le dernier assaut - Tardi, Dominique Grange et Accordzéâme

Tardi l’a promis, cet album sera son dernier sur la grande boucherie de 14. Tant mieux. Et j’espère qu’il tiendra parole. Putain de guerre était remarquable, C’était la guerre des tranchées restera comme son chef d’œuvre. Ce dernier assaut sera (pour moi en tout cas) l’album de trop.

Trop bavard, trop didactique, trop lourd. L’engagement antimilitariste relaté de la sorte m’apparaît totalement contreproductif. On suit le brancardier Augustin à travers le no man’s land des tranchées. Il a perdu son binôme, il a dû étouffer son dernier « client » qui gueulait trop fort les tripes à l’air et risquait d’attirer l’attention des boches. Abandonnant son brancard, il erre, les mains dans les poches et la clope au bec. En chemin il rencontre des tirailleurs sénégalais, un bataillon de « bantam », ces soldats anglais qui avaient la particularité de mesurer moins d’un mètre soixante, des ANZAC (australiens et néo-zélandais), des Sammies américains et des canadiens. En remontant seul vers l’arrière au milieu des cadavres, de la boue et de la puanteur, Augustin marche dans des villages en ruines. Il croise des russes, des portugais et une voix off nous explique qui sont ces gens, pourquoi et comment ils ont atterri au milieu de l’enfer, pourquoi ils sont, comme tout le monde, en route vers l’abattoir.

Le témoignage à charge ne souffre d’aucune nuance, il est tellement rabâché qu’il en devient limite insupportable. Oui cette guerre était une boucherie. Oui elle a engraissé les banquiers, les commerçants, les marchands d’armes et les capitaines d’industrie. Les salauds de gradés sont tous des crevures, les cul-terreux vivant dans les patelins servant de cantonnement profitent de la situation pour gonfler le prix du pinard et des produits de base. Et quand on fait un saut chez les allemands, c’est pour tomber sur l’officier Ernst, un homme persuadé de faire partie d’un « peuple supérieur, viril et sain, avide de force et de domination », un gars qui serait forcément devenu un nazi s’il n’avait pas pris une balle dans le buffet pendant un assaut. Et la voix off de nous rassurer : « Il valait donc mieux qu’il crève dans la boue d’une tranchée française ». Lamentablement caricatural…

Un album comme un catalogue d’horreurs et d’indignations, bourré de récitatifs longs comme le bras. Un album comme une leçon d’histoire que le prof vous hurlerait dans les oreilles pour être bien certain que vous n’allez rien perdre de ce qu’il a à vous dire. Zéro plaisir de lecture, un moment pénible à passer dont la forme m’a empêché de retenir ne serait-ce que l’essentiel parmi la foultitude d’informations dont on a voulu me bourrer le crâne. Un ratage total, en ce qui me concerne du moins. Le livre s’accompagne d’un CD de chansons de Dominique Grange, la compagne du dessinateur. On nous prévient au départ que l’un ne va pas sans l’autre. Mais vu l’effet que m’a fait l’un, pas de danger que j’écoute l’autre.

Le dernier assaut de Tardi. Casterman, 2016. 92 pages. 23,00 euros (BD + CD-audio).




La BD de la semaine,
c'est aujourd'hui encore chez Noukette










mardi 15 novembre 2016

Le journal de Gurty : Parée pour l’hiver - Bertrand Santini

Rien ne va plus pour Gurty. Gaspard est amoureux et sa petite amie a bien l’intention de s’installer avec lui. Autant vous dire que l’affrontement va être sévère entre la chienne et sa rivale, surtout que ladite rivale, allergique au poil de chien, va tout mettre en œuvre pour se débarrasser du toutou préféré de son chéri. La guerre est déclarée, tous les coups sont permis !

Un vrai bonheur de retrouver Gurty et ses inénarrables comparses, Fleur, la copine un peu crétine, Tête de fesses l’affreux matou, ses congénères du Club Atroce des Chats Abruti (aussi dit le C.A.CA.), José l’écureuil (ou Sandrine l’écureuil, on ne sait plus à force…) et Pépé Narbier, le maître de Fleur qui perd la boule. Au menu, des vacances d’hiver en Provence et une succession de scénettes plus hilarantes les unes que les autres. La mécanique de ce journal intime fonctionne toujours à merveille, le récit à la première personne et à hauteur de chien oscillant entre rire potache et humour absurde, dialogues improbables et situations rocambolesques.

Gurty, c’est la raison incarnée, une experte ès aphorismes doublée d’une philosophe qui s’ignore. Exemples :

« Certes, le monde est vaste, et le chemin de la vie est parsemé de trous, de pièges et de crevasses. Il faut faire gaffes ! Mais pour les éviter, rien de plus facile : il suffit de ne pas tomber dedans. »

« L’amour, c’est comme le chocolat ou des Knackis. Au moment de les manger, on est content, mais ensuite, on a mal au cœur, le ventre qui gargouille, et conclusion générale : on se retrouve tout seul dans un coin avec la colique ».

Gurty, c’est un bonbon doux et sucré qui donne le sourire et offre un plaisir de lecture rare et précieux à toute personne qui a la chance de mettre le nez dans son journal.

D’ailleurs, je vais la laisser conclure, je n’aurais pas dit mieux de toute façon :
« Conclusion générale : si vous tenez vraiment à vivre à deux, choisissez plutôt quelqu’un de super plutôt que nul, parce qu’avec les gens nuls, ça finit toujours par des ennuis. En revanche, si vous appréciez la sagesse, le rire, la joie ainsi que les soirées grignotage au coin du feu, adoptez donc chien, car là, au moins, vous êtes certain de vivre avec quelqu’un de bien ».

Merci Gurty, si tu n’étais pas là, il faudrait t’inventer.

Le journal de Gurty : Parée pour l’hiver de Bertrand Santini. Sarbacane, 2016. 176 pages. 9,90 euros. A partir de 8 ans.

Une pépite jeunesse savoureuse que je partage non seulement avec Noukette (comme d'habitude), mais aussi avec la merveilleuse Framboise.





dimanche 13 novembre 2016

L’homme qui fouettait les enfants - Ernest J. Gaines

Le procès venait de se terminer au tribunal de Bayonne, Louisiane. Il s’est avancé dans l’allée centrale le pistolet à la main, a crié haut et fort « Fils ! », et a tiré. Le prisonnier s’est écroulé, tué sur le coup. Ensuite le vieux Brady Sims a demandé au shérif de lui laisser deux heures. Après, il pourrait venir l’arrêter. Il est ressorti du tribunal, est monté dans son camion et a démarré sur les chapeaux de roue.

Le narrateur, jeune reporter du journal local revenu depuis peu dans sa ville natale après ses études, a assisté à toute la scène. Arrivé sur place après coup, son chef lui demande de rédiger un « article à résonance humaine » sur ce qui vient de se passer.  Pour mieux comprendre les faits, la serveuse d’un restaurant du coin lui conseille de se rendre au salon de coiffure de Felix. Les vieux qui y discutent toute la journée sauront lui dire pourquoi Brady, l’homme qui fouettait les enfants, a tué son propre fils.

Je retrouve toujours Ernest J. Gaines avec le même bonheur. Depuis « Une longue journée de novembre », depuis la magnifique « Autobiographie de Miss Jane Pittman », depuis son chef d’œuvre « Dites-leur que je suis un homme ». J’ai aussi lu son premier roman « Catherine Carmier », « D’amour et de poussière », « Colère en Louisianne », « Par la petite porte », « Quatre heures du matin », « Mozart est un joueur de blues » et « Au nom du fils ». En fait j’ai lu absolument tous ses livres. Né en 1933 sur une plantation de coton, il est pour moi l’écrivain noir du Sud profond le plus emblématique, celui qui parle le mieux de ce qu’il appelle « son monde », celui des afro-américains bien conscients du fait qu’ils vivent dans une région où l’égalité entre noirs et blancs n’existera jamais.

Qui aime bien châtie bien alors force est de reconnaître que cette novella ne restera pas comme son meilleur texte. La faute sans doute au décor choisi, à savoir ce salon de coiffure où l’histoire de Brady racontée par les habitués des lieux prend des airs de discussion de comptoir. Toute la verve de Gaines, sa maîtrise de l’oralité et la fluidité de ses dialogues s’y exercent mais la réflexion y perd en profondeur. Le parcours du tueur donne l’impression d’être survolé et la conclusion s’avère aussi inéluctable que prévisible. Dommage. Pour autant Gaines est et restera ce grand auteur américain pour lequel je garderai à jamais une admiration sans borne.

L’homme qui fouettait les enfants d’Ernest J. Gaines. Liana Levi, 2016. 110 pages. 12,00 euros.





jeudi 10 novembre 2016

Album - Gudrun Eva Minervudottir

Un enchaînement de vignettes formant l’album d’un début de vie, de la petite enfance à l’entrée dans l’âge adulte. Cent cinq fragments où la narratrice raconte sans romantisme ses premières années, le père inconnu, le beau-père n°1, le demi-frère avec qui elle partageait tout (« il me dit que lorsqu’un homme et une femme voulaient être malpolis, ils se frottaient l’entrejambe. Nous nous sommes cachés derrière le canapé et nous nous sommes frottés, avec le sentiment d’être des malpolis hors pair »), les déménagements, le beau-père n°2, le camping sauvage, les étés à la campagne, les automnes pluvieux et tristes, la tête de mouton bouillie dans l’assiette, les soirées devant Derrick (« J’étais un petit peu amoureuse de lui ; il était si calme, si fiable, jamais pressé »), la passion pour le karaté, le séjour aux États-Unis, le premier job de serveuse et ce corps qui grandit de traviole, « carcasse d’extraterrestre » sans formes difficile à assumer.

J’adore ce genre d’exercice. L’écriture minuscule est ce qui me convient le mieux je crois. Une jeunesse en pointillés, une mémoire qui remonte par flashs, entre sensations et réminiscences purement factuelles. Gudrun Eva Minervudottir, c'est un Delerm islandais au féminin, la poésie en moins mais avec un art de l’ellipse, une drôlerie et un ton parfois désabusé, parfois cruel, qui fait mouche. Et puis les petits riens relatés les uns à la suite des autres forment un tout cohérent et chronologique, ils racontent une seule et même histoire. C’est tendre, lucide, émouvant, ou brutal, toujours humble. Ça ressemble à une vie… en tout petit.

Album de Gudrun Eva Minervudottir. Pocket, 2016. 115 pages. 5,40 euros.

mercredi 9 novembre 2016

Totem - Nicolas Wouters et Mikaël Ross

Parce que son frère malade demande toute leur attention, les parents de Louis décident de l’envoyer dans un camp scout. A douze ans, le garçon se retrouve au milieu de la forêt avec des camarades plus âgés que lui bien décidés à lui faire subir un bizutage en règle. Pour obtenir sa « totémisation » et devenir un scout digne de ce nom, Louis est mis à l’épreuve. Avec deux autres souffre-douleurs, il va devoir se cacher dans les bois et ne pas être retrouvé par le reste de la troupe. S’ils n’y parviennent pas, le chef leur annonce qu’ils vont « le sentir passer ». Pas simple, surtout quand un fauve échappé du zoo rôde dans les alentours.

Un album vraiment étrange, qui ne s’offre pas facilement. La narration est au départ déconcertante, semblant manquer de liant, limite fouillis. L’ambiance est à la fois oppressante et onirique, à la frontière du fantastique et de la poésie. Le récit initiatique est tellement allégorique qu’il est difficile d’en saisir toutes les subtilités. Il y a quelque chose d’angoissant dans le parcours de Louis, son rapport aux autres empreint d’une certaine bestialité, la méchanceté gratuite de ses congénères et le huis clos lugubre offert par le décor sylvestre. Un malaise latent se diffuse au fil de pages et ne cesse de croître, on sent que le danger est là, non identifié mais bien présent, entretenant une inquiétude pas évidente à contrôler.

Graphiquement les ombres dominent. On sent le froid, l’humidité, l’absence de lumière. Le clair-obscur permanent a un petit côté flippant extrêmement bien rendu par le trait nerveux et le choix de couleurs de Mikaël Ross.

Une BD inclassable qui aborde le passage de l’enfance à l’adolescence et souligne la perte de l’innocence à travers une épopée initiatique originale et dérangeante, douloureuse et fascinante.

Totem de Nicolas Wouters et Mikaël Ross. Sarbacane, 2016. 160 pages. 22,50 euros.












mardi 8 novembre 2016

1… 2…3… petites poches !

Longtemps que Noukette et moi n’avions pas présenté quelques titres de la collection Petite Poche, une collection dont on ne soulignera jamais assez la richesse et la diversité, testée et approuvée auprès de publics extrêmement variés, de l’école au lycée professionnel. Alors zou, coup de projecteur sur  trois nouveautés publiées cette année.


Les temps changent pour Cerise. Avant on la bichonnait, on la chouchoutait. Depuis qu’elle a grandi, que ces seins poussent, que le regard des autres changent, qu’on ne la considère plus vraiment comme une enfant, elle n’est plus le centre d’attention de ses parents. Et depuis que son petit frère a commencé le violon, c’est pire, il n’y en a plus que pour lui !

J’adore Gilles Abier, j’ai déjà eu l’occasion de le dire ici, ici, ici et ici. Un vrai plaisir de retrouver sa plume dans cette histoire où affleure l’amertume d’une ado délaissée au profit du petit dernier. C’est percutant et bien ficelé jusqu’au dénouement, comme d'habitude surprenant, même si cette fois tout se termine positivement dans un élan de complicité inattendu. Malin et mené de main de maître.

Tout pour le violon de Gilles Abier. Thierry Magnier, 2016. 48 pages. 3,90 euros. A partir de 8 ans.



La fourmi 68 part chaque matin au travail entre 67 et 69. Son quotidien est réglé comme une horloge, il n’y a pas de question à se poser, rien ne change jamais, la seule tâche à accomplir étant de récolter graines et miellat pour nourrir les larves de la reine. Jusqu’au jour où elle rencontre un puceron boudeur qu’elle prénomme Bouda. A force de discuter avec lui, 68 comprend que la vie peut être autre chose et qu’il suffirait de trois fois rien pour concrétiser ses envies d’ailleurs.

Une bien jolie réflexion, à la manière d’une fable, sur l’amitié, les contraintes et la liberté. Pour comprendre que le bonheur  peut se trouver en faisant un pas de côté, « en détournant seulement les yeux du chemin tout tracé ».

Fourmidable de Jo Hoestlandt. Thierry Magnier, 2016. 48 pages. 3,90 euros. A partir de 8 ans.



Maxime aime faire croire à ses petites sœurs qu’elle est malade, c’est une comédienne hors pair. Sauf que depuis quelques jours, c’est sa mère qui semble mal en point, et elle ne fait pas de cinéma. Comme ses parents ne lui disent rien, elle mène l’enquête elle-même. Mais, c’est bien connu, taper des symptômes dans un moteur de recherche n’est pas la meilleure chose à faire pour poser un diagnostic, à moins de vouloir se persuader du pire…

Portrait d’une ado pétillante qui n’a pas sa langue dans sa poche et qui porte un regard acéré sur ses parents, ce petit texte au ton très moderne offre un moment de lecture rafraîchissant et plein de peps, voilà qui est toujours bon à prendre !

Allô, docteur ? d'Angèle Cambournac. Thierry Magnier, 2016. 48 pages. 3,90 euros. A partir de 8 ans.

Trois lectures communes pour le prix d'une cette semaine, évidemment partagées avec Noukette, comme chaque mardi ou presque.









lundi 7 novembre 2016

7 ans de bonheur et des cadeaux à gagner !

Sept ans, il paraît que c’est une étape critique dans un couple. Le moment de faire le bilan, de se remettre en question, de faire évoluer une relation. On devrait donc être en danger blogounet et moi dans l’année à venir, mais pour le coup, je ne suis pas super inquiet.

Coté bilan, je ne me suis jamais intéressé aux chiffres donc ça va aller vite. Blogger me dit que j’ai publié 1562 articles, reçu 41 152 commentaires et que j’affiche 1 177 752 pages vues. La belle affaire…

Pour ce qui est de se remettre en question, aucun risque. Je vais continuer à m’amuser, à faire ce que je veux quand je veux, à parler de toutes mes lectures, même celles dont je n’ai pas à être fier. Je vais continuer à écrire sans me poser de question, comme je le sens et comme ça vient, toujours dans le respect du travail de l’auteur, sans pour autant cacher les évidentes déceptions et sans jamais me prendre pour ce que je ne suis pas. Je vais aussi continuer à faire des lectures communes et à participer à ces rendez-vous hebdomadaires ou mensuels qui me tiennent à cœur, parce que c’est une jolie façon je trouve de partager notre passion pour les livres et la lecture.

Au niveau de l’évolution de notre relation par contre, j’avoue qu’il y a du boulot. On ne peut pas dire que je le bichonne, le blogounet. Il n’a jamais subi le moindre coup de pinceau depuis sa création, il est tout sauf sexy. Il est comme moi, il n’a que faire de son apparence, mais je reste persuadé qu’il aimerait bien un petit lifting pour ne plus ressembler à vieux truc ringard. Ça me trotte dans la tête depuis un bout de temps, il faut juste que je m’y mette. Autant dire que c’est pas gagné…

Sept ans donc, que je navigue d’une berge à l’autre. Au-delà des chiffres il reste les échanges, les rencontres, les découvertes. Les affinités au départ improbables qui sont devenues des amitiés aux fondations solides. Ces quelques personnes rentrées dans ma vie grâce au blog et qui ne sont pas prêtes d’en sortir quoi qu’il arrive. Elles se comptent sur les doigts d’une main et elles se reconnaîtront, elles m’ont tellement apporté que je ne saurais jamais comment les remercier. Et puis il y en a une qui restera toujours hors catégorie, parce que… c’est comme ça…

Allez, trêve de blabla, passons aux cadeaux. N’étant pas un adepte du changement, vous l’aurez compris, je vais faire comme d’habitude, à savoir offrir un (ou plusieurs) livre(s) choisi(s) par mes soins à trois personnes qui auront manifesté leur envie de participer au tirage au sort dans les commentaires de ce billet. Pas besoin de partager, de liker ou je ne sais quoi, il suffit juste de laisser un petit mot. Une fois les noms connus, vous me donnez votre adresse et je m’occupe du reste.


Les belges, les suisses, les Dom-Tom et les québécois sont évidemment les bienvenus pour le tirage au sort.

Je vous laisse dix jours, je donnerai les noms des gagnants jeudi prochain.








dimanche 6 novembre 2016

Dans le ventre de la Terre - Cécile Roumiguière et Fanny Ducassé

« Dans le ventre de la Terre, un enfant minuscule dort beaucoup. Ses cheveux lui font un oreiller et ses pieds caressent la mousse du rocher. »

Neuf Mois. Neuf mois pour grandir, s’étendre. Neuf mois pour se tisser, fil après fil. Neuf mois à flotter dans cette caverne dont il pourra bientôt effleurer les parois. S’abreuver à la source, veiller, sommeiller, s’agiter, s’habituer à la pénombre. Et entendre la pulsation de la terre, ce grondement qui bientôt l’attirera « hors de la grotte, hors de la nuit, vers le jour qui va se lever pour lui ».

Un album qui décrit la grossesse sans jamais la nommer avec une finesse et une subtilité bouleversante. Le pouvoir d’évocation des mots de Cécile Roumiguière et la force de suggestion des illustrations de Fanny Ducassé se combinent dans une alchimie parfaite pour créer l’émotion. Et si les images donnent à voir un univers où le végétal prédomine, le texte nous ramène vers une dimension organique faisant la part belle aux sens.

L’objet-livre en lui-même est très beau, texte sur fond noir à gauche, illustrations aux milles détails ciselées comme de la dentelle à droite, papier glacé et douceur veloutée de la couverture qui rappelle au toucher le grain de la peau. Une plongée onirique « Dans le ventre de la terre », là où l’enfant grandit, d’une saisissante et sublime poésie. Fascinant.

Dans le ventre de la Terre de Cécile Roumiguière et Fanny Ducassé. Seuil jeunesse, 2016. 32 pages. 14,00 euros.


Une lecture commune que je partage une fois de plus, et toujours avec le même plaisir, avec ma chère Noukette.






samedi 5 novembre 2016

Le loup en slip - Lupano, Cauuet et Itoïz

Regard fou, cri glaçant, crocs comme des pioches, poil hirsute… le loup terrorise les habitants de la forêt. Du moins jusqu’au jour où il se montre attifé d’un slip à rayures. Impossible pour les animaux de voir dans cet accoutrement ridicule le monstre incarnant chez eux une forme de peur collective aussi irraisonnée qu’incontrôlable. Mais le loup s’en fiche car ce slip a changé sa vie. Grâce à lui ce frileux n’a plus froid aux fesses et le confort, il n’y a rien de plus important pour se sentir bien dans sa peau. Et peu importe si à cause de cela le mythe s’effondre…

Des Vieux fourneaux au Loup en slip, de la comédie sociale grinçante à l’album pour enfants, Lupano et Cauuet semblent cultiver l’art du grand écart. En apparence seulement car on retrouve dans le loup en slip cet humour décalé et un peu noir, cette propension à mettre en lumière certains travers de nos sociétés pour mieux démontrer leur absurdité. Brigade anti-loup, clôture anti-loup, cours de karaté anti-loup, pièges à loup, livres et conférences sur le loup, chacun profite à sa manière de la terreur suscité par l’animal pour faire son beurre. Alors quand ledit animal se révèle bien plus inoffensif que la rumeur ne le laisse penser, c’est la catastrophe, car comment vivre sans la peur quand cette dernière est devenue quand cette dernière est devenue notre seule raison d'être ?

Dialogues enlevés, illustrations regorgeant de détails et récit d’une imparable fluidité, c’est une partition sans fausse note, conclue par une dernière vignette totalement inattendue et férocement drôle qui m’a fait hurler de rire. Un pur régal que je classe d’emblée dans mes coups de cœur de l’année, qu’on se le dise !

Le loup en slip de Lupano, Cauuet et Itoïz. Dargaud, 2016. 36 pages. 10,00 euros. A partir de 5-6 ans.






vendredi 4 novembre 2016

Irezumi - Akimitsu Takagi

Orochimaru, Jiraya et Tsunadehimé. Le serpent, la grenouille et la limace. « Le serpent engloutit la grenouille, la grenouille gobe la limace, la limace dissout le serpent ». Impossible de tatouer ces trois motifs sur la peau d’une seule et même personne en raison de la vieille superstition selon laquelle ces créatures se feraient la guerre et finiraient par détruire leur porteur.

Le maître tatoueur Horiyasu connaissait cette règle, il a choisi de tatouer un animal sur chacun de ses enfants, sans savoir qu’il ne pourrait malgré tout vaincre la superstition et le maléfice qui s’y attache. C’est d’abord sa fille Tamaé qui disparaît après les bombardements de Nagazaki. Ensuite sa jumelle Kinué est retrouvée démembrée dans sa salle de bain, la porte fermée de l’intérieur. Le tueur a laissé sur place ses jambes, ses bras et sa tête mais a pris soin d’emporter le tronc sur lequel était représenté le serpent. Quelques mois plus tard c’est au tour de son fils aîné Tsunatarô d’être assassiné dans un terrain vague. Son corps est entier mais on a pris soin de lui prélever l’épiderme où se trouvait l’image de la grenouille. La police penche pour un maniaque collectionneur de tatouages comme le Dr Hayakama. Surtout que ce dernier refuse de donner un alibi pour le soir du premier meurtre. Un coupable idéal donc. Pourtant trop de zones d’ombres subsistent. Incapable de percer le mystère de la pièce verrouillée de l’intérieur, les forces de l’ordre s’en remettent à Kyosuke Kazimu, médecin légiste de génie dont le sens de l’observation, la finesse d’analyse et la capacité de déduction hors normes vont permettre d’orienter l’enquête dans la bonne direction.

L’irezumi, l’art traditionnel du tatouage intégral, est au cœur de ce polar publié en 1951 et vendu à plus de dix millions d’exemplaires depuis. La pratique du tatouage était interdite dans le Japon de l’après-guerre. C’est donc en toute clandestinité que les grands maîtres officiaient. Quant aux tatoués, loin d’être tous des yakuza, ils étaient néanmoins nimbés d’une aura sulfureuse et fascinaient autant qu’ils effrayaient. Ce milieu fermé participe à l’atmosphère mystérieuse entourant l’enquête et ses protagonistes. En dehors de cela l’histoire est d’un grand classicisme mais l’ensemble s’avère particulièrement efficace, surtout si comme moi on est un lecteur occasionnel de polar sans grande expérience du genre (c’est rien de le dire !). Et puis au-delà de l’énigme j’ai aimé découvrir les difficultés quotidiennes d’une population humiliée par la défaite et peinant à s’imaginer un avenir dans un pays en ruines où tout était à reconstruire.

Sans doute pas le roman policier le plus original du monde, mais une découverte dépaysante qui offrira aux amateurs de meurtres en chambres closes une variante au Double assassinat dans la rue Morgue ou au Mystère de la chambre jaune.

Irezumi d’Akimitsu Takagi. Denoël, 2016. 290 pages. 17,00 euros.









jeudi 3 novembre 2016

Continuer - Laurent Mauvignier

Son fils a fait une connerie, elle est allée le récupérer au commissariat de bon matin. Lui s’en fout un peu, il a de mauvaises fréquentations et ne semble pas disposé à faire le moindre effort pour redresser la barre. Appelé à la rescousse, son ex-mari veut envoyer le gamin en pension pour le remettre au pas. Sibylle a une autre idée en tête et n’en démordra pas : elle veut l’embarquer avec elle pour un périple à cheval au fin fond du Kirghizistan. Plusieurs mois en pleine nature, pour resserrer les liens et découvrir un monde totalement inconnu, pour s’offrir un moment d’intimité mère-fils loin du quotidien. Sauf que l’ado revêche et décrocheur n’a pas forcément envie de crapahuter avec maman. L’excursion s’annonce donc tendue, surtout quand, une fois sur place, les événements s’accélèrent et entraînent les protagonistes sur une pente des plus glissantes.

Commençons par le positif (ça va aller vite). La vie au Kirghizistan est bien rendue, les yourtes, les grands espaces, les populations locales aussi chaleureuses que portées sur la boisson, on s’y croirait. Laurent Mauvignier, dont je découvre ici la plume, déploie au fil des pages une indéniable force d’évocation. Pour le reste, je suis bien plus sceptique. Les portraits frôlent la caricature : le fils en pleine crise, buté et branleur, débordant de haine et de ressentiment pour tout et tout le monde. La maman solo dévouée trimbalant avec elle bien plus de regrets que de bagages, ne cessant de remonter le fil d’une vie qui aurait pu, aurait dû même, prendre une toute autre tournure sans un drame dont elle ne se sera jamais vraiment remise. Une maman passant de la résignation à l’action, du « peignoir-cheveux-gras-clop-au-bec-bière-à-la-main-devant-la-télé » à « femme-forte-et-sûre-d’elle-en-terre-inconnue ».

Et puis pour le coup c’est beaucoup trop psychologique pour moi. On est en permanence dans la tête des personnages, en permanence dans l’analyse, en permanence dans le décorticage des comportements et pensées de chacun. Je déteste les récits de ce genre, je préfère de loin le behaviorisme à l’américaine où on décrit sans jugement, où les faits se suffisent à eux-mêmes, où l’individu interagit avec son environnement sans que l'on ait besoin de nous expliquer en long en large et en travers les fêlures profondes de son âme blessée.

Trop caricatural, trop psychologique et surtout trop idyllique. On en bave mais à la fin tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. J’aurais dû me méfier après la scène d’introduction où le fiston et sa mère échappent miraculeusement à une agression et au vol de leurs chevaux. J’aurais dû avoir la puce à l’oreille quand la maman, seule au cœur de la tempête, fait une chute de huit mètres dans un ravin (désolé, je spoile !), « n’en finit pas de heurter des pierres, son sang se mêle aux rochers, à la glace » et s’en sort presque comme si de rien était. Et bien malgré ces deux avertissements je n’ai pas vu venir cette conclusion « à message », cette morale de l’histoire tellement « happy end » dont le propos univoque et sans nuance devient particulièrement agaçant. Un hommage à l’amour maternel qui aurait pu être d’une force et d’une intensité bouleversante. De mon point de vue (tout à fait subjectif, j'en conviens), ce n’est pas du tout le cas.

Continuer de Laurent Mauvignier. Minuit, 2016. 238 pages. 17,00 euros.


Un titre proposé par Sylire dans le cadres des matchs de la rentrée littéraire.