Que retenir de cette confession ? Que Nat Turner, impassible, se livre froidement, sans colère ni haine, sans fierté ni glorification de ses actes. Sans regrets non plus. D’ailleurs, le jour de son procès, il plaidera « non coupable » en indiquant qu’il ne ressentait aucune culpabilité. Ses motivations sont avant tout mystiques. Considéré par les siens depuis sa naissance comme un être à part, il a appris à lire et à écrire seul. A la fois esclave et pasteur, il a longuement étudié la bible et trouvé dans les écritures une légitimité du recours à la violence. Prophète en « mission de mort », persuadé d’être « promis à un destin exceptionnel », présenté par les blancs comme un fanatique illuminé, il est devenu un symbole pour une grande partie de la communauté afro-américaine. Loin de la « simple » révolte, l’insurrection de Southampton a été portée par une volonté manifeste et assumée de rendre à l’oppresseur la souffrance qu’il a fait subir aux esclaves : « Mon objectif était de semer la terreur et la dévastation où que nous allions ».
La préface et le commentaire final de Thomas R. Gray , l’avocat ayant recueilli la confession, montre à quel point la communauté blanche n’a à aucun moment cherché à comprendre les causes de la révolte et a réduit les agissement des esclaves à un simple manque de discernement. Pour Gray, Turner et sa clique meurtrière ne sont que des « sauvages », des « mécréants sanguinaires » et la confession de leur chef « se lit comme une leçon terrible, mais, on l’espère, utile, sur la façon dont fonctionne un esprit comme le sien lorsqu’il tente de saisir des choses qui sont hors de sa portée ». Tout est dit, fermez le ban…
Le massacre de Southampton aura fait 55 victimes blanches, hommes, femmes, enfants et nourrissons. Nat Turner, après sa pendaison, sera écorché et démembré, les différentes parties de son corps dispersées à travers le pays pour que personne ne puisse honorer sa sépulture et faire de lui un martyr.
Confessions de Nat Turner. Allia, 2017. 80 pages. 6,50 euros.
PS : Birth of a Nation, film sorti cette semaine, retrace (et héroïse) le périple sanglant de Turner. Je préfère m’en tenir à ces confessions, matériau brut loin de toute interprétation et à la portée bien plus puissante, il me semble.