Virginie et Martin sont amants. Il est célibataire, elle est mariée et a deux enfants. Virginie et Martin font l’amour passionnément, follement, depuis l’adolescence. Virginie et Martin sont frère et sœur et la situation est devenue intenable, de plus en plus difficile à vivre…
On nous vante dès la couverture un amour fou. Et je me trompe peut-être, surement même, mais je n’ai pas vu d’amour. Du désir, certes. Mais de l’amour… L’attirance physique est soulignée à de nombreuses reprises, clairement montrée même. D’ailleurs cette attirance est le cœur du problème. Alors que les sentiments, l’affection ou la tendresse n’apparaissent à aucun moment. Du moins c’est l’impression que j’ai eu.
Après, j’ai apprécié que cette relation incestueuse soit exposée sans jugement. Leur passion purement charnelle est irrésistible, déraisonnable. Une forme d’addiction quasi maladive. Ou pas. Zidrou expose les faits, et c’est au lecteur de se débrouiller. Avec sa conscience, sa morale, ses limites. Une telle alchimie a-t-elle besoin d’explication ? Je ne crois pas. Il est parfois préférable de ne pas chercher à comprendre pourquoi ni comment deux personnes viennent à se désirer follement. Il est parfois préférable de se laisser porter par ses envies sans se poser de question. En tout cas c’est ce que Virginie et Martin semblaient avoir fait jusqu’au début de l’album.
Ça aurait pu être glauque. Ça aurait pu être vulgaire, racoleur, immoral, scandaleux, dégueulasse. Sauf que Zidrou est aux manettes, donc on joue les choses en finesse. Le personnage du mari cocufié par son beau frère est touchant, les rencontres entre le frère et la sœur sonnent juste, la maison de famille, souvenirs de leurs premiers ébats, que l’un veut garder et l’autre vendre, agit de façon très symbolique sur le déroulement du récit (et donne également son titre à l’album).
Le dessin de Springer, vivant, charnel, illustre à merveille un scénario qui met en scène des individus lambda aux physiques passe partout, ni gravures de mode ni cas sociaux, classes moyennes parfaitement intégrées socialement aux existences banales. En dehors d’un petit détail qui sort quand même grandement de l’ordinaire...
Un album qui dérange, forcément. Mais qui pousse également à la réflexion sans prendre partie, loin de toute apologie ou d’une dénonciation sans nuance. Du Zidrou dans le texte, ne rechignant pas à aller sur des terrains particulièrement glissants avec une sensibilité qui n’appartient qu’à lui. Du Zidrou comme je l’aime, ni plus ni moins.
L’indivision de Springer et Zidrou. Futuropolis, 2015. 64
pages. 15,00 euros.